Abidjan05-500

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ABIDJAN, N° 500 du 06/05/2005
A.U. DROIT COMMERCIAL GENERAL : art. 95 et 101 – NON PAIEMENT DES LOYERS PENDANT
10 MOIS – RESILIATION DU BAIL
COUR D’APPEL D’ABIDJAN - COTE D’IVOIRE
CHAMBRE CIVILE ET COMERCIALE
ARRET N° 500 du 06/05/2005
ARRET CIVIL CONTRADICTOIRE
2ème Chambre
AFFAIRE
SOCIETE D’ASSURANCES ATLAS
(Me SOUMAHORO ABOU)
C/
NEIL RUBIN
(CABINET « DFB » ASSOCIES)
AUDIENCE DU VENDREDI 06 MAI 2005
La Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale séant au Palais de Justice de ladite ville, en son
audience publique ordinaire du vendredi six mai deux mil cinq à laquelle siégeaient :
- Monsieur TOURE ALI, Président de Chambre, PRESIDENT ;
- M. BASTARAT FRANCOIS et M. KEBE SEKA WILLIAMS NELSON, Conseillers à la Cour,
MEMBRES ;
Avec l’assistance de Maître FAN JEAN PIERRE, Greffier.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause ;
ENTRE :
La Société d’Assurances ATLAS, SA au capital de FCFA 500 millions, régie par le code des assurances CIMA,
sise 31 Bd de la République, Avenue du Dr. CROZET 04 BP 314 ABIDJAN 04, représentée par son Directeur
général M. KOFFI KOFFI MARTIN, de nationalité ivoirienne, ayant élu domicile en l’étude de Maître
SOUMAHORO ABOU, Avocat à la Cour, son conseil ;
APPELANTE
Représentée et concluant par Maître SOUMAHORO ABOU, Avocat à la Cour, son conseil ;
D’UNE PART ;
Et :
NEIL RUBIN, né le 12 octobre 1948 à Moncton Canada, de nationalité canadienne, Directeur de Société
demeurant 2021 Atwater Montréal ; ayant pour conseils « DFB » Cabinets d’Avocats ;
INTIME
Représenté et concluant par la SCPA « D.F.B. », Avocats à la Cour, ses conseils ;
D’AUTRE PART
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs
des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de faits et de droit ;
FAITS : Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, statuant en la cause, en matière civile, a rendu le 24 mars
2005, un jugement civil N°753/CIV 4ème B aux qualités duquel il convient de se reporter ;
Par exploit en date du 31 mars 2005, de Maître DIODAN KOUTOUAN, Huissier de Justice à Abidjan, la
Société d’Assurances ATLAS déclare interjeter appel du jugement sus-énoncé et a, par le même exploit, assigné
NEIL RUBIN à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 08 avril 2005 pour entendre
annuler ou infirmer ledit jugement ;
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du greffe de la Cour sous le N°300 de l’an 2005 ;
Appelée à l’audience sus-indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 29 avril 2005 sur les
pièces, conclusions écrites et orales des parties ;
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DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et
orales des parties ;
La Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 06 mai 2005 ;
Advenue l’audience de ce jour, 06 mai 2005, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt
suivant :
LA COUR,
Vu les pièces du dossier,
Oui les parties en leurs conclusions ;
LES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d’huissier en date du 31 mars 2005, la Société d’Assurances ATLAS a relevé appel
du jugement civil contradictoire N°763/CIV/4ème A rendu le 24 mars 2005 par le Tribunal de Première Instance
d’Abidjan dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant en audience publique, par décision contradictoire en matière civile et commerciale et en premier
ressort,
- Reçoit tant la demande principale de la Société ATLAS Assurances que reconventionnelle de NEIL
RUBIN ;
- Dit la société ATLAS ASSURANCES mal fondée en sa demande ;
- L’en déboute ;
- Juge que celle de NEIL RUBIN est partiellement fondée ;
- Ordonne à la Société ATLAS de cesser tout trouble à la jouissance du local loué sous astreinte de
200.000 F par acte de trouble posé et lui fait injonction d’ouvrir ledit local sous astreinte de 100.000 F
par jour de retard à compter du prononcé de la présente décisions ;
- La condamne en outre à lui payer la somme de 5.000.000 F à titre de dommages-intérêts ;
- Donne acte à NEIL RUBIN de ce qu’il entend payer les loyers litigieux ;
Condamne la Société ATLAS ASSURANCES aux entiers dépens ; »
Considérant qu’à l’appui de son acte d’appel, la Société d’Assurances ATLAS, par l’organe de son conseil
Maître SOUMAHORO ABOU expose :
Que courant mai 2004, elle, Société ATLAS ASSURANCES a acquis un immeuble sis au Plateau-Centre
dénommé immeuble du Sénateur LAGAROSSE, ex-propriété de la Société THANRY ; ATLAS a fait cette
acquisition dans le but d’y installer ses bureaux et cela a été clairement notifié aux locataires dont le bail était en
cours de validité ;
Qu’après cette notification elle a donné congé aux locataires aux fins de reprise des lieux ;
Qu’elle précise que certains locataires dont la Société CICAR AMYOT ont libéré les lieux avant même
l’expiration du congé et après paiement des loyers arriérés ;
Mais que concernant le sieur NEIL RUBIN il s’est illustré de mauvaise manière, en faisant de la résistance et en
affichant une mauvaise foi caractérisée ;
Qu’elle déclare qu’en effet alors que le congé à lui donné tirait à sa fin, NEIL RUBIN a entrepris des travaux de
modification dans le local qu’il occupe sans avoir préalablement avisé le propriétaire et sans autorisation
aucune ;
Qu’elle signale que le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme dont la Brigade de contrôle et de suivi des
constructions a découvert ces travaux anarchiques a pris la décision d’y mettre fin ;
Que suite à cette décision, le sieur NEIL RUBIN a saisi la juridiction des référés du Tribunal de Première
Instance d’Abidjan aux fins de voir ordonner la continuation des travaux ;
Mais que or, une ordonnance de référé n°4188 rendue le 27 octobre 2004 par la juridiction des référés du
Tribunal de Première Instance d’Abidjan, signifiée le 28 décembre 2004, le sieur NEIL RUBIN a été débouté de
sa demande ;
Qu’elle souligne qu’il n’est pas vain de rappeler que depuis novembre 2004 elle poursuit l’expulsion du sieur
NEIL RUBIN des lieux qu’il occupe pour deux raison ;
•
D’une part le congé aux fins de reprise des lieux qui lui a été donné est arrivé à expiration ;
•
D’autre part NEIL RUBIN ne paye plus de loyers depuis 10 mois, de sorte qu’il doit à ATLAS la
somme de 10 millions de FCFA au titre des loyers échus et impayés pour la période de juillet 2004 à avril 2005 ;
Qu’elle fait connaître que le Tribunal de Première Instance, statuant sur la demande de la Société ATLAS l’a
déclarée mal fondée et l’en a déboutée ;
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Qu’elle fait remarquer que le Premier Juge a estimé qu’elle n’avait aucun motif pour demander l’expulsion du
locataire ;
Qu’en le disant le premier juge se fonde sur la décision prise par le Ministère de la Construction d’arrêter les
travaux anarchiques entrepris par NEIL RUBIN d’une part et la fermeture du local qu’il occupe par ATLAS
ASSURANCES d’autre part ;
Qu’elle affirme qu’aucun de ces deux arguments ne résiste à l’analyse ;
Qu’en effet, en quoi la décision prise par le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme d’arrêter les travaux
anarchiques entrepris par NEIL RUBIN constituent-elle un trouble de jouissance imputable à elle ATLAS
ASSURANCES ?
Qu’elle soutient qu’en réalité, la décision administrative prise par l’autorité de tutelle, non seulement ne lui est
pas imputable, mais en outre, elle ne saurait nullement constituer un trouble de jouissance au sens défini par le
code des loyers ;
D’ailleurs, la juridiction des référés du Tribunal l’a si bien compris qu’elle a débouté NEIL RUBIN de son action
visant à ordonner la continuation des travaux anarchiques qu’il avait entrepris ;
Qu’elle fait valoir qu’au surplus le sieur NEIL RUBIN ne démontre pas le préjudice que le propriétaire lui aurait
causé, surtout que depuis six (06) mois avant que ATLAS ASSURANCES ne rachète l’immeuble, le local
occupé par NEIL RUBIN est désespérément vide. NEIL RUBIN n’y entreprend aucune activité quelconque ;
Or, en application des dispositions du code des loyers le locataire a non seulement pour obligation de payer ses
loyers mais en outre, celle de garnir les locaux qu’il occupe ;
Qu’en l’espèce et au vu de ce qui précède, elle déclare qu’elle n’a causé aucun préjudice au locataire ;
Qu’elle allègue qu’au surplus NEIL RUBIN ne saurait se dispenser des loyers qu’il doit sous prétexte de troubles
de jouissance qui n’existent pas ; en tout cas non imputables au propriétaire ;
Qu’enfin et relativement aux troubles de jouissance, NEIL RUBIN reproche à ATLAS ASSURANCES de
l’empêcher d’accéder au local qu’il loue pour avoir mis un cadenas ;
Qu’elle soutient qu’un tel argument ne saurait suffire à exonérer NEIL RUBIN du paiement de ses loyers,
surtout qu’il détient les clefs dudit cadenas, depuis 24 heures après leur pose ;
Qu’elle déclare au total, en considérant qu’elle, ATLAS ASSURANCE n’avait aucun motif légitime pour
solliciter l’expulsion de NEIL RUBIN qui lui doit à ce jour 10 millions de loyers, le premier juge s’est fourvoyé
dans l’appréciation des faits soumis à sa sagesse ;
Qu’elle estime que l’obligation principale du locataire étant de payer ses loyers, la Cour après avoir constaté que
NEIL RUBIN est défaillant ordonnera purement et simplement son expulsion outre sa condamnation au
paiement des loyers arriérés ;
Qu’elle souligne que concernant les condamnations prononcées contre elle, ATLAS ASSURANCES, elle
sollicite leur annulation pure et simple dans la mesure où elle ne repose sur aucun fondement légal ;
Qu’en effet, le premier juge l’a condamnée à des astreintes et à des dommages-intérêts ;
Que premièrement, elle a été condamnée sous astreinte comminatoire de 200.000 francs CFA par acte de trouble
causé à compter du prononcé de la décision ;
Qu’elle soutient que cette sanction équivaut à une condamnation à réparer un préjudice éventuel, or cela n’existe
pas en droit ;
Qu’elle indique qu’en effet, il n’est pas admis de prononcer une condamnation à réparer un préjudice incertain
surtout que le fait générateur de ce préjudice ne s’est même pas réalisé ;
Qu’elle estime qu’en conséquence de ce qui précède, la Cour n’aura aucune peine à infirmer le jugement
querellé sur ce point ;
Qu’il en est de même de la condamnation sous astreinte comminatoire de 100.000 francs par jour de retard sauf
ouverture du local par ATLAS ;
Qu’elle déclare que cette autre condamnation ne se justifie pas, surtout que les clefs du local litigieux sont
détenues par le sieur NEIL RUBIN ;
Qu’en ce qui concerne sa condamnation à des dommages-intérêts, elle souligne qu’elle ne saurait répondre à des
actes posés par l’administration ivoirienne ;
Qu’en effet, c’est bien le ministère de la construction qui a mis fin aux travaux anarchiques entrepris par NEIL
RUBIN et non elle, société ATLAS ;
Qu’elle déclare que si cette décision prise par l’administration devait constituer une faute, elle ne saurait être
imputable à elle Société ATLAS ;
Qu’elle estime qu’il échet en conséquence d’infirmer le jugement querellé sur ce point ;
Que par contre elle sollicite que le sieur NEIL RUBIN soit condamné non seulement à lui payer la somme de 10
millions de francs CFA représentant les loyers qu’il doit et qu’il retient abusivement, mais en outre à lui payer la
somme de 20.000.000 FCFA de dommages-intérêts ;
Qu’elle précise, en effet, le maintient forcé de NEIL RUBIN dans les locaux qu’il ne paye même pas, oblige la
Compagnie ATLAS à payer des loyers de 4.000.000 de francs CFA par mois pour se loger ;
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Que par ailleurs, cette résistance abusive du locataire a mis un coup d’arrêt aux travaux de réaménagement
qu’elle avait entrepris dans l’immeuble ;
Qu’elle précise que ces deux situations lui causent d’énormes préjudices qui appellent réparation ;
Considérant que pour sa part, le sieur NEIL RUBIN par le truchement de ses conseils Cabinet D.F.B. Associés
expose que par acte sous seing privé passé dans le courant du mois de mars 2002, Monsieur NEIL RUBIN a reçu
de Monsieur FOUAD BOUZIANE, en cession, le local dont ce dernier était titulaire du chef de la société
THANRY ;
Que ce bail à usage commercial a porté sur un local situé au sous sol de l’immeuble sis 11, Avenue du Sénateur
Lagarosse à Abidjan, pour un loyer mensuel de un million (1.000.000) de francs CFA ;
Qu’à cette occasion, il a payé, en raison de l’extrême commercialité des lieux, un pas de porte de Cent soixante
millions (160.000.000) de francs CFA en vue de l’exploitation dudit local ; en conséquence, le concluant a initié
des travaux d’agencement commerciaux pour les besoins de son commerce, objet du bail ;
Qu’entre temps, le bailleur initial a vendu son immeuble à la Société d’Assurance ATLAS, dans le premier
trimestre de l’année 2004 ;
Qu’il précise que contrairement au principe selon lequel la vente d’un immeuble ne met pas un terme au bail
commercial, conformément à la loi sur les baux commerciaux, la Société ATLAS a tenté de mettre fin au contrat
de bail du requérant ;
Qu’à ce propos, en effet, l’article 78 de l’Acte Uniforme portant droit commercial général, dispose que :
« Le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail. En cas de mutation du droit de propriété sur
l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux donnés à bail, l’acquéreur est de plein droit substitué dans les
obligations du bailleur et doit poursuivre l’exécution du bail » ;
Qu’il déclare qu’en dépit de la pertinence de ce texte, la Société ATLAS a donné congé à la requérante, en
flagrante violation des dispositions de l’article 178 susvisé ;
Que ledit congé a, aussitôt, été contesté par voie d’huissier ;
Que revenant à la charge, la Société ATLAS, de connivence avec Monsieur GOLLI FRANCOIS, par ailleurs
officier de police, a adressé deux correspondances, en dates respectives des 22 et 24 septembre 2004, contenant
mise en demeure d’arrêt des travaux d’agencements commerciaux ;
Qu’il souligne que lesdites injonctions faites à l’intimé d’avoir à cesser les travaux d’aménagements ne reposent
sur aucun fondement sérieux ;
Qu’il précise que lesdits travaux n’emportaient modification de la destination du bâtiment, mais avaient
simplement pour effet d’apporter des agencements commerciaux utiles à l’exercice de l’activité commerciale du
requérant, conformément au contrat de bail initialement conclu et au titre duquel des loyers assez prohibitifs sont
payés tous les mois ;
Qu’il affirme qu’en réalité, ces actes qui ne visent qu’à perturber l’activité commerciale du concluant, n’étaient,
au demeurant, que la manifestation et le prolongement de la volonté de la société ATLAS de mettre un terme au
contrat de bail en violation de l’article 78 de l’Acte Uniforme, ci-dessus rappelé ;
Qu’il allègue que la Société ATLAS et Monsieur GOLLI, n’ont pas manqué de traduire, au sein de la
correspondance en date du 24 septembre 2004, leur volonté de nuisance, en ces termes :
« … vous êtes tenus, une nouvelle fois, d’arrêter et de vous conformer aux injonctions de l’administration » ;
Qu’il note que ces menaces proférées à l’encontre du concluant, sur l’injonction visible de ATLAS
l’empêchaient de poursuivre, sereinement, les aménagements nécessaires à l’exploitation du local loué pour les
besoins de son activité commerciale ;
Qu’il déclare que ces divers entraves, qui sont, au demeurant, des troubles de jouissance, causaient au requérant
un préjudice énorme, qui mensuellement s’acquitte d’un loyer d’un million (1.000.000) FCFA, après avoir versé
un montant de cent soixante millions (160.000.000) FCFA, en guise de pas de porte, en vue d’acquérir ledit bail ;
Qu’il était, dès lors, important pour le requérant de finaliser les agencements entrepris, à l’effet de rentabiliser
son investissement ;
Qu’il soutient que c’est en faisant totalement obstruction à l’application de l’article 78 de l’acte uniforme cidessus rappelé dans le contexte que la Société ATLAS ASSURANCES croyait pouvoir obtenir l’expulsion du
requérant sur les loyers en cause, en application du principe de l’exception de l’exécution contractuelle, car :
le locataire paie mensuellement l’importante somme de 1.000.000 FCFA ;
sans pouvoir exploiter son commerce suivant les normes requises.
Qu’il précise que telle a toujours été la réalité constante des rapports entre le locataire et le bailleur ;
Que c’est un tel bailleur, qui non satisfait de l’ensemble des troubles de jouissance dont il s’était déjà rendu
coupable, a cru devoir assigner en expulsion le locataire ;
Qu’il signale que pendant que la procédure en expulsion était pendante, qu’il était de bonne logique que les
parties attendent la décision que le juge devait rendre sous peu, la Société ATLAS ASSURANCE faisait
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irruption dans le local de Monsieur NEIL RUBIN, pour apposer des cadenas à l’entrée du magasin, empêchant
ainsi l’accès du magasin du locataire ;
Que c’est dans ce contexte de trouble gigantesque à la paisible jouissance du bail que le jugement querellé est
intervenu ;
Qu’il soutient qu’aucune des critiques à l’encontre du jugement entrepris ne peut prospérer en ce que :
Le Tribunal n’a méconnu aucune disposition du code des loyers ni du code civil ;
La condamnation au paiement des dommages et intérêts est fondée et justifiée
L’astreinte est justifiée ;
Qu’il fait remarquer qu’à suivre l’appelante, la décision du tribunal mérite d’être censurée parce que cette
décision « a été prise en violation des dispositions du code des loyers et celles du code civil » ;
Qu’en effet, il déclare que ne premier lieu, l’appelante, tout en se référant au code des loyers et au code civil,
s’est gardée de préciser les dispositions de l’un et l’autre de ces codes qui auraient été méconnues ;
Qu’en second lieu, la décision du tribunal, à supposer même qu’elle ait méconnu les dispositions de l’un ou de
l’autre des codes précité, ne saurait pour autant encourir la moindre censure ;
Qu’il souligne qu’il n’a pas en effet, signé un bail à usage d’habitation ou à usage professionnel pour être ensuite
soumis aux dispositions du code des loyers ou du code civil ;
Mais qu’il a signé un bail à usage commercial ;
Qu’il précise qu’un bail de cette nature est régi par l’Acte Uniforme sur le droit commercial général, notamment
dans ces articles 69 à 102 ;
Qu’il estime que l’appelante est donc mal venue à critiquer la décision du Tribunal sur la base des dispositions
qui n’étaient pas applicables à la cause dont la juridiction de premier degré était saisie et qui en toute rigueur
juridique ne pouvait servir de fondement légal à la décision rendue ;
Qu’il déclare que c’est pourquoi la Cour d’Appel ne manquera pas de rejeter cet argument, en ce qu’il est
inopérant ;
Qu’il rappelle que la Société ATLAS ASSURANCES pour espérer obtenir l’infirmation de la décision entreprise
relativement à ce chef prétend que « la condamnation ne se justifie pas surtout que NEIL RUBEN ne démontre
pas le préjudice qu’il a souffert » et que le local dans tous les cas serait vide ;
Que sur ce point il signale que l’article 77 de l’acte uniforme ainsi libellé :
« Le bailleur est responsable envers le preneur du trouble de jouissance survenu de son fait, ou du fait de ses
ayants-droit ou de ses préposés » ;
Que l’article 77 ne conditionne pas la responsabilité du bailleur à la preuve faite par le locataire du préjudice
qu’il aurait souffert ;
Qu’il soutient qu’il résulte plutôt du texte de l’article 77 que le bailleur expose sa responsabilité dès lors qu’il se
rend coupable envers le preneur de trouble de jouissance ;
Qu’il estime qu’il faut et il suffit que le locataire ait souffert de trouble de jouissance, du fait du bailleur ou
même de ses ayants droit ou préposé, pour que la responsabilité du bailleur soit engagée ;
Qu’il souligne qu’au demeurant et dans la mesure où il s’agit d’un bail commercial, il ne saurait exister de
trouble de jouissance sans un préjudice pour le preneur-commerçant ;
Que, or, selon lui, la Société ATLAS ASSURANCES s’est constamment rendue coupable, envers lui, de graves
et constants troubles de jouissance. Ces troubles ont atteint leur point culminant, en date du 20 décembre 2004,
avec l’interdiction d’accès au magasin. Ce jour-là, en effet, la Société ATLAS ASSURANCES, dans sa logique
de nuire au maximum au commerce de Monsieur NEIL RUBIN, a fait mettre des cadenas sur la grille d’accès du
magasin pris à bail par le concluant ;
Qu’il allègue que l’argument tendant à dire que les dommages et intérêts ne se justifieraient pas, parce que le
local serait vide depuis trois (03) ans ne peut davantage prospérer ;
Qu’il affirme en effet que, si tant est que le local pris en bail est vide depuis trois (3) ans, la société ATLAS
ASSURANCES devrait pouvoir instruire tant le concluant que la Cour d’Appel sur la raison d’être de ses
exploits en date du 14 mai 2004 et du 19 novembre 2004 ;
Qu’il estime que les conditions pour que la responsabilité du bailleur envers le preneur soit engagée étaient, en
réalité, largement satisfaites et la décision des premiers juges ne peut souffrir la moindre critique sur ce point ;
Qu’il rappelle que la troisième critique de l’appelante envers la décision entreprise consiste à dire que Monsieur
NEIL RUBIN détiendrait les clés du magasin, l’astreinte, ce faisant, ne justifierait pas ;
Qu’il affirme que l’argument est partiellement spécieux ;
Qu’il soutient que l’astreinte prononcée par la décision entreprise ne vise pas à vaincre la résistance du bailleur
dans une quelconque remise de clé ;
Qu’il précise que le 20 décembre 2004, le bailleur a fait mettre des cadenas sur la grille d’accès du magasin,
interdisant ainsi toute entrée dans le magasin, objet du bail ;
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Qu’il fait remarquer que le preneur a souhaité que ces cadenas soient enlevés pour lui permettre de continuer
l’exploitation de son commerce. Le bailleur s’est, malheureusement, jusque là refusé à permettre au locataire
d’accéder librement au local pris en bail et pour lequel Monsieur NEIL RUBIN, mensuellement, s’acquitte d’un
loyer d’un million (1.000.000) FCFA, après avoir versé un montant de cent soixante millions (160.000.000)
FCFA, en guise de pas de porte, en vue d’acquérir ledit bail ;
Qu’il fait valoir que, c’est cette résistance, injustifiée, abusive et inéquitable, que l’astreinte prononcée par le
Tribunal vise à vaincre. Elle se justifie donc largement ;
Qu’aussi sollicite-il de la Cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise ;
DES MOTIFS
SUR LA FORME
Considérant qu’il résulte des éléments du dossier que l’appel de la Société d’Assurances ATLAS a été fait selon
les forme et délai légaux ; qu’il y a donc lieu de déclarer ledit appel recevable ;
SUR LE FOND
Considérant que le traité OHADA relatif au bail commercial dispose en son article 95 que le bailleur peut
s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité
d’éviction s’il justifie d’un motif grave ou légitime à l’encontre du preneur, ce motif consistant soit dans
l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail soit encore dans la cessation de l’exploitation
du fonds de commerce ;
Considérant encore que l’article 101 du même traité relatif au bail commercial stipule que le preneur est tenu de
payer le loyer et à défaut de paiement de loyer le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la
résiliation du bail et l’expulsion du preneur ;
Considérant qu’en l’espèce la société d’Assurances ATLAS sollicite l’expulsion de son locataire NEIL RUBIN
de l’immeuble dénommé SENATEUR LAGAROSSA sis au Plateau-Centre qu’elle a acheté avec la société
THANRY courant mai 2004 pour deux raisons à savoir d’une part pour expiration du congé donné au sieur
NEIL RUBIN aux fins de reprise des lieux par elle-même la bailleresse et d’autre part pour non paiement par le
locataire NEIL RUBIN de 10 mois de loyers échus ;
Que contrairement donc aux énonciations du jugement querellé l’appelante a bel et bien fait valoir des motifs
légitimes résultant de l’inexécution par l’intimé d’une obligation substantielle du bail, notamment le non
paiement de 10 mois de loyers, inexécution qu’il reconnaît d’ailleurs même s’il tente vainement de justifier ledit
non paiement des loyers échus par des soit disant troubles de jouissance d’autant plus que non seulement la loi
ne permet pas à un locataire d’effectuer des travaux d’hébergement fussent-ils pour des besoins de commerce
sans l’autorisation préalable du propriétaire des lieux, autorisation qu’en l’espèce fait défaut, mais en plus c’est
le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme qui se basant sur la loi N° 65-248 du 04 octobre 1965 modifiée
et complétée par la loi n° 97/343 du 04 septembre 1997 relative au permis de construire a pris la décision de faire
arrêter les travaux qualifiés d’anarchiques entrepris par le sieur NEIL RUBIN et que de surcroît la juridiction des
référés saisie par le sieur NEIL RUBIN lui-même, par ordonnance n°4188 rendue le 27 octobre 2004 l’a débouté
de sa demande aux fins de voir ordonner la continuation de ses travaux ;
Qu’il appert donc des éléments de la cause que la demande d’expulsion du sieur NEIL RUBIN présentée par la
Société d’Assurances ATLAS est bien conforme aux dispositions combinées des articles 95 et 101 susvisés du
traité OHADA relatif au bail commercial ;
Qu’aussi, convient-il d’infirmer le jugement querellé et statuant à nouveau d’ordonner l’expulsion du sieur NEIL
RUBIN et de tous occupants de son chef des lieux litigieux ;
Considérant que du fait que le sieur NEIL RUBIN ne conteste pas le non paiement par lui des 10 mois de loyers
échus, il s’impose de le condamner à payer à la Société d’Assurances ATLAS la somme de dix millions de
francs CFA (10.000.000) représentant 10 mois de loyers échus et impayés ;
Considérant qu’il est manifeste et qu’en ne payant pas les loyers d’une part et en demeurant injustement et
abusivement dans le local litigieux obligeant ainsi l’appelante à exposer des frais car ne pouvant pas s’installer
dans sa propriété, le sieur NEIL RUBIN a commis une faute qui cause un préjudice certain à l’appelante de sorte
que celle-ci est bien fondée en sa demande de dommages-intérêts ; qu’en effet conformément à l’article 1382 du
code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ;
Qu’aussi échet-il de condamner le sieur NEIL RUBIN à payer à la Société d’Assurances ATLAS la somme
raisonnable et équitable de cinq millions (5.000.000) de francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que dans la mesure où il n’est pas établi que la Société d’Assurances ATLAS a commis un abus ou
une faute dans l’exercice de son droit de résiliation du contrat de bail fondé sur les articles 95 et 101 susvisés, il
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échet de débouter le sieur NEIL RUBIN de sa demande relative aux troubles de jouissance et dommages-intérêts
mal fondée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
EN LA FORME
Déclare la Société d’Assurances ATLAS recevable en son appel relevé du jugement n°703 rendu le 24 mars
2005 rendu par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan ;
AU FOND
L’y disant bien fondée, infirme le jugement querellé ;
Statuant à nouveau
Ordonne l’expulsion du sieur NEIL RUBIN des lieux litigieux qu’il occupe tant de sa personne que de tous
occupants de son chef ;
Condamne NEIL RUBIN à payer à la Société ATLAS ASSURANCES la somme de 10 millions de francs CFA
au titre des loyers échus et impayés et celle de 5 millions de francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
Le déboute de toutes ses demandes mal fondées ;
Le condamne aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel d’Abidjan (Côte-d’Ivoire) les jour, mois et an
que dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.
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