LE DOSSIER
La Libye révolutionnaire
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Kadhafi, sa production avoisine celle de l’Arabie Saoudite avec 3,5 millions
de barils par jour. Avec un coût d’extraction faible (0,30 cent par baril), la Libye
représente un pays extrêmement attractif. La Loi n° 24 du 5 mars 1970 remplace
la Lipetco par la NOC, un « organe indépendant opérant sous la surveillance
et le contrôle du ministre du Pétrole afin d’atteindre les objectifs du plan de
développement dans le secteur du pétrole 8 ». La Loi n° 69 du 4 juillet 1970
octroie à la NOC le monopole des importations et des exportations. Durant
les années 1972-1973, le gouvernement libyen nationalise le secteur des hydro-
carbures et met un terme à l’hégémonie de plus de 42 compagnies étrangères
dans l’exploitation du pétrole depuis sa découverte en 1959 9. Les revenus
passent de 663 millions de dinars libyens en 1973 à 3,8 milliards en 1979, soit
six fois plus en à peine six ans. Mais, si au milieu des années 1970 la Libye est
« sur le point d’occuper la quatrième place dans la production pétrolière mon-
diale », elle demeure « dépourvue de toute base industrielle » 10. Cinq secteurs
sont alors considérés comme stratégiques : l’industrie du pétrole et la
pétrochimie, l’agriculture et l’eau, l’industrie du fer et de l’acier, les infra-
structures, l’éducation et la santé 11. Le plan de 1972-1975 est le premier plan
triennal qui souligne l’importance à accorder à l’industrie. Les autorités
libyennes envisagent le développement d’une industrie lourde, autour des
dérivés du pétrole. Deux réalisations majeures le démontrent : le complexe
pétrochimique de Ras Lanouf (qui raffine 11 des 18 millions de tonnes de
pétrole brut traitées par la Libye) et l’aciérie de Misrata. Cependant, au cours
de cette période, le secteur industriel ne représente toujours que 10 % du PIB.
La légitimité du nouveau régime repose dorénavant sur la redistribution
des richesses et donc l’amélioration des conditions de vie. L’égalitarisme de
Kadhafi n’est compréhensible que si l’on rappelle la situation de la Libye sous
la monarchie d’Idriss. Durant cette période, 94 % de la population était
analphabète, le pays ne comptait aucun docteur en médecine et la mortalité
infantile y atteignait les 40 ‰. Avec un PIB de 35 dollars par an et par habitant
entre 1951 et 1959, la Libye était considérée comme un pays très pauvre 12.
En mettant un terme à la monarchie par un coup d’État et en instaurant
un « État distributeu r13 », Kadhafi s’érige en bienfaiteur du peuple. Le plan
8. Voir le site de la National Oil Corporation : <noclibya.com.ly>.
9. S. M. Ghanem, The Pricing of Libyan Crude Oil, La Vallette, Adams Publishing, 1975.
10. J.-J. Régnier et L. Talha, « Les problèmes de développement économique », in Coll., La Libye
nouvelle. Rupture et continuité, Paris/Aix-en-Provence, CNRS/Centre d’études et de recherche sur
les sociétés méditerranéennes, 1975, p. 225.
11. J. Gurney, Libya : The Political Economy of Energy, Oxford, Oxford University Press, 1996 ; J. A. Allan
(dir.), Libya since Independence. Economic and Political Development, Londres, Croom Helm, 1982.
12. F. Burgat et A. Laronde, La Libye, Paris, PUF, 1996.
13. D. Vandewalle, Libya since Independence. Oil and State-Building, Ithaca, Cornell University Press, 1998.