Même si les juifs pouvaient gagner la guerre, … les juifs victorieux
seraient entourés par une population arabe entièrement hostile, isolés
derrières des frontières menacées, absorbés par le besoin d’autodéfense
physique… Et tout cela serait le destin d’une nation qui – peu importe le
nombre d’immigrants qu’elle pourrait intégrer et peu importe jusqu’où
seraient étendues les frontières – restera un peuple très petit devant
des voisins hostiles bien plus nombreux.
Un vétéran de la milice sioniste Hagana et un des héros de la création
d’Israël n’est pas arrivé à fêter le 60e anniversaire de l’État sioniste.
Yossi Harel, capitaine du légendaire bateau Exodus qui, en 1947,
transportaient 4500 juifs européens, dont la majorité rescapés de la
Shoah, est mort à la fin d’avril. Le bateau a été repoussé par les
autorités britanniques qui craignaient que l’arrivée de milliers de colons
sionistes allait menacer la société palestinienne alors multiethnique. En
commentant cet épisode, rendu célèbre par Holywood dans un film qui
met en vedette Paul Newman, Harel a dit que « l’Histoire a prouvé que
l’on ne peut pas vaincre les réfugiés ». Ironiquement, sa conclusion se
révèle vraie de nos jours par rapport aux millions de réfugiés
palestiniens et de leurs descendants.
Les juifs israéliens, tout comme les diasporas juives, sont
profondément divisés. L’axe, le long duquel cette division s’est formée
ne correspond a aucune des divisions habituelles
ashkénaze/sépharade, pratiquant/non pratiquant, orthodoxe/non-
orthodoxe. Dans chacune de ces catégories se trouvent des juifs pour
qui la fierté nationale, et même l’arrogance, est une valeur positive, et
qui donnent leur appui enthousiaste a l’état qui incarne pour eux une
garantie de la survie des juifs.
Mais chacune de ces catégories inclut également des juifs qui croient
que le prix humain et moral que l’État ethnique juif exige, sape tout ce
que le judaïsme enseigne, en particulier les valeurs clés de l’humilité,
et de la compassion. Tout comme les partisans les plus inconditionnels
du recours continu à la force, ils pointent du doigt le paradoxe qui veut
qu’Israël, souvent présenté comme un asile ultime, devienne l’un des
endroits les plus dangereux pour les juifs. L’esprit de pionnier qui
anime certains colons en Cisjordanie les irrite et paraît désuet, voire
dangereux.
Les clivages parmi les juifs sont si aigus qu’ils peuvent les diviser de