Sainte Thérèse de l’enfant-Jésus Collection EGLISES D’AFRIQUE Dirigée par François Manga-Akoa Depuis plus de deux millénaires, le phénomène chrétien s’est inscrit profondément dans la réalité socio-culturelle, économique et politique de l’Occident, au point d’en être le fil d’Ariane pour qui veut comprendre réellement les fondements de la civilisation judéo-chrétienne. Grâce aux mouvements d’explorations scientifiques, suivis d’expansions coloniales et missionnaires, le christianisme, porté par plusieurs générations d’hommes et de femmes, s’est répandu, entre autres contrées et à différentes époques, en Afrique. D’où la naissance de plusieurs communautés ecclésiales qui ont beaucoup contribué, grâce à leurs œuvres socio-éducatives et hospitalières, à l’avènement de plusieurs cadres, hommes et femmes de valeur. Quel est aujourd’hui, dans les domaines économiques, politiques et culturels, le rôle de l’Église en Afrique ? Face aux défis de la mondialisation, en quoi les Églises d’Afrique participeraient-elles d’une dynamique qui leur serait propre ? Autant de questions et de problématiques que la collection « EGLISES D’AFRIQUE » entend étudier. Dernières parutions Arthur LUBWIKA, Méditation sur l'identité chrétienne aujourd'hui, 2012. Blaise BAYILI, Perceptions négro-africaines et vision chrétienne de l’homme, 2011. Jean-Marie MATUTU, Dieu, le bonheur et la sorcellerie en Afrique. Perspectives psychologiques et religieuses de libération, 2011. François-Xavier DAMIBA, Voyez comme Dieu est bon, 2011. Jean KONAN DELAFOSSE, Les chemins de ma conversion, 2011. Olivier NKULU KABAMBA, Les prêtres africains en Europe, 2011. Joséphine M ZIBI, Le conflit entre l’oralité et l’écriture dans l’appropriation de l’Évangile. Éléments pour la théologie fondamentale, 2011. Aimable Rukundo Unwimana Sainte Thérèse de l’enfant-Jésus L’amour rédempteur et la souffrance dans la théologie vécue L’HARMATTAN © L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-96355-9 EAN : 9782296963559 À mes chers parents Annonciata et Raphaël Rukundo À mes supérieurs, formateurs et bienfaiteurs À ma famille, amis et connaissances Mais aussi, à tous ceux qui souffrent, Je dédie ce travail. Remerciements Je remercie d’abord le Seigneur Dieu qui m’a toujours manifesté son amour infini et sa présence de diverses manières. Je remercie tous les saints, particulièrement la Vierge Marie et Thérèse de Lisieux ! Je remercie affectueusement mes parents, mes frères et sœurs, éducateurs et accompagnateurs spirituels, qui m’ont transmis la foi et les vraies valeurs de la vie. Je remercie l’Église du Rwanda, du Kenya et de l’East Africa, spécialement les Évêques de Nyundo (Mgr A. Bigirumwami, Mgr W. Kalibushi et Mgr A. Habiyambere), l’archevêque de Kisumu, Mgr Z. Okoth, le nonce Apostolique G. Tonucci, et tant d’autres qui ont été pour moi l’image du « Bon Pasteur ». Je remercie vivement l’ordre des pères Carmes, spécialement la province de Washington et la communauté de Nairobi, qui m’ont formé pendant sept ans, leur maison général de Rome, ainsi que l’administration et les professeurs de l’université pontificale Teresianum, dont père I. Hakizimana, père. B. Moriconi et mon directeur de thèse, père F.-M. Léthel, qui m’a tant éclairé sur la théologie des saints. Je remercie l’AMECEA et l’université catholique de l’East Africa, qui m’ont envoyé étudier à Rome, et Missio Aachen, qui a financé mes études, l’Église d’Italie qui m’a permis d’exercer mon ministère sacerdotal dans les paroisses, centres spirituels et congrès de pastorale et de spiritualité familiale. Je remercie aussi le diocèse de Liège et le sanctuaire de Banneux : Mgr Aloys Jousten, les recteurs J. Cassart et L. Palm ainsi que la secrétaire pastorale P. Crutzen et tous les collaborateurs ; le sanctuaire de Lisieux : Mgr G. Gaucher, Mgr B. Lagoutte, les sœurs carmélites, les pères carmes et les collaborateurs ; le frère général R. Stockman et les frères de la Charité ; le père W. Schoneke et les missionnaires d’Afrique, père J. Dixneuf et E. Gandy, père I. Dewite, Elza V. et les fidèles de Brugge, l’ermite Rita Maria et les amis, M.s Emma Murai et sa famille, Brenda et P. Hilton, dom Benedict et les moines bénédictins ainsi que le groupe de prière et les amis de Cockfoters, Mgr G. Bernacchioni et les amis de Massarosa-Luca, le doyen H. Schmitz et les amis d’Eupen, P. R. Dickerhof et les amis de Rastatt, don G. Pizano, les amis et groupes de prière de Ciampino, Pr C. Palazzini, D. G.M. Capozzo et les amis du CeSNAF et du pèlerinage en Terre sainte, Rév. M. R. Kuppers, D. Xavier et la famille BleserVanderhiden, D. R. Cacciatori avec Carmelo Da Campo et leurs amis, les sœurs, pères et frères missionnaires de la Charité, les amis du mouvement Corpus Christi, Focolari et Fraternitas, la communauté des Rwandais étudiant en Italie, tous mes amis d’Afrique, Allemagne, Angleterre, Belgique, Espagne, France, Italie, Autriche, Amérique, et tant d’autres qui m’ont soutenu et que je garde dans mon cœur. 7 Je n’oublie surtout pas les pères dominicains qui m’ont logé pendant mes études à Rome, spécialement les pères L. Dempsy, L. Bakkles, P. Murry, Ciprian, ainsi que E. Casanave et Guy P., M. C. Raju et V. Vella, et tous les membres du Collegio San Tommaso et de l’Angelicum. Que Dieu vous bénisse tous ! Préface Thérèse est morte en disant : « Mon Dieu je vous aime » (CJ 30/9). Elle parlait à Jésus, en regardant le crucifix qu’elle serrait dans ses mains. L’amour de Jésus, comme amour de Dieu en Jésus, est la grande réalité dont elle témoigne sans cesse, l’unique réalité qui contient toutes les autres, tout le mystère de Dieu et de l’homme. Elle a défini sa mission, sur la terre comme au ciel, par ces mots : « Aimer Jésus et le faire aimer » (LT 220). Ainsi, dans l’Église, la sainte de Lisieux apparaît comme étant par excellence le docteur de l’amour de Jésus, inséparablement en l’aimant et en le faisant aimer, en rappelant à l’homme de notre temps sa plus haute vocation : la sainteté qui consiste à « Vivre d’amour » dans la vérité, dans la plénitude. Par avance, Thérèse a ainsi illustré le plus important de tous les enseignements du Concile Vatican II : l’appel universel à la sainteté (Lumen Gentium ch 5). Cet homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, blessé par le péché et sauvé par Jésus, c’est tout homme ; car « le Christ s’est uni à tout homme » (Gaudium et Spes, 22). Elle ne cesse d’attirer vers Lui tant d’hommes et de femmes dans le monde entier, au-delà de toutes les frontières. C’est simplement en l’aimant qu’elle le fait aimer, en manifestant à travers sa vie, comme à travers un pur miroir, toute la beauté fascinante et attirante de l’amour de Jésus. Créé par cet amour et pour cet amour, le cœur humain en a toujours soif, il a infiniment soif d’aimer et d’être aimé. Et parce que le message de Thérèse vient de cette profondeur essentielle du cœur humain, il le rejoint à la même profondeur. Le bienheureux Jean-Paul II a proclamé Thérèse docteur de l’Église comme experte en « scientia amoris » (NMI, 42), cette science qu’il indique également comme la « Théologie Vécue des Saints » (NMI, 27). C’est précisément de cette Science que Thérèse parle à la fin de son manuscrit autobiographique lorsqu’elle écrit : « Tous les saints l’ont compris et plus particulièrement peut-être ceux qui remplirent l’univers de l’illumination de la doctrine évangélique. N’est-ce point dans l’oraison que les saints Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d’Aquin, François, Dominique et tant d’autres illustres amis de Dieu ont puisé cette science divine qui ravit les plus grands génies ? Un savant a dit : ‘‘Donnez-moi un levier, un point d’appui, et je soulèverai le monde’’. Ce qu’Archimède n’a pu obtenir, parce que sa demande ne s’adressait point à Dieu et qu’elle n’était faite qu’au point de vue matériel, les saints l’ont obtenu dans toute sa plénitude. Le Tout-Puissant leur a donné pour point d’appui : LUI-MEME et LUI SEUL ; pour levier : l’oraison, qui embrase d’un feu d’amour, et c’est ainsi qu’ils ont soulevé le monde ; c’est ainsi que les saints encore militants le soulèvent et que, jusqu’à la fin du monde, les saints à venir le soulèveront aussi » (Ms C 36 r°- v°). Parce qu’elle est une sainte, Thérèse est capable de saisir de l’intérieur l’unité de la «science» de tous les saints, cette «science divine», plus que 9 géniale, qui est proprement «connaissance de Dieu», théologie. Elle dépend essentiellement de l’amour, puisque «celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu, tandis que celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour» (I Jn 4/7-8). C’est la même et unique «science» que tous ces «connaisseurs de Dieu» ont puisé à la même source de la prière, la seule science qui soit capable de «soulever le monde» parce que seule elle est «science d’amour», parce qu’elle est la lumière de l’amour de Jésus. Rappelons que dans l’Église d’Occident, avec la naissance des universités au Moyen Âge, le risque de réduire la théologie à sa seule forme intellectuelle, universitaire, est apparu, et cela était un grand appauvrissement. Paul VI a fait un pas décisif quand il a déclaré deux femmes docteurs de l’Église, deux saintes qui n’avaient pas étudié à l’université : Thérèse d’Avila et Catherine de Sienne. Elles ont ainsi reçu le même titre que des saints qui étaient de grands intellectuels, comme Anselme, Thomas, Bonaventure. Avec l’encyclique Fides et ratio, qui faisait référence à ces représentants de la « grande raison », Jean-Paul II a indiqué dans Novo millennio ineunte l’exemple de Catherine de Sienne et de Thérèse de Lisieux comme des représentantes de la « théologie vécue des saints ». La théologie des saints, c’est cette grande connaissance du mystère du Christ dont saint Paul parle dans sa lettre aux Éphésiens, quand il demande « à genoux » au père l’abondance du don de l’Esprit Saint pour les fidèles, afin qu’à travers la foi et l’amour ils puissent « avec tous les saints, connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance1 ». La liste des saints donnée par Thérèse est remarquable : après l’apôtre Paul, théologien inspiré, elle réunit un père de l‘Église, Augustin, un docteur médiéval, Thomas d’Aquin, et ces mystiques que sont François d’Assise, Dominique et Jean de la Croix. Après la clôture de la Révélation, en effet, c’est-à-dire après l’époque apostolique, dans l’histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos jours, la lumière la plus complète de cette commune théologie des saints se manifeste à travers les pères, les docteurs et les mystiques comme à travers les trois faces inséparables d’un prisme. Entre les uns et les autres, il y a certes la plus grande diversité, mais ce pluralisme est la plus merveilleuse complémentarité. C’est ainsi que les autres saints éclairent Thérèse, et qu’elle les éclaire en retour. Parmi tous ceux qu’elle cite ici, seuls saint Paul et saint Jean de la Croix sont à proprement parler ses sources. Toutefois, la mention des autres saints n’est pas moins significative, en particulier celle de saint François et de saint Thomas. En effet, Thérèse réunit spontanément François le poverello d’Assise et Thomas, le grand docteur, fils de saint Dominique, comme représentants de 1 Voir aussi, F.-M. LÉTHEL, « La lumière du Christ au cœur de l’Église - Jean-Paul II et la théologie des saints », exercices spirituels de carême au Vatican. (Cfr. www.zenit.org Roma, jeudi 17 mars 2011). 10 cette même science divine. Déjà Dante, dans son « Paradis2 », avait opéré le même paradoxal rapprochement, en faisant prononcer l’éloge de saint François par saint Thomas, et cela afin de montrer non seulement leur accord, mais plus profondément encore l’hommage de la science de saint Thomas s’inclinant devant la science encore plus haute de saint François. La même vérité avait déjà été exprimée par saint Bonaventure, le grand docteur franciscain, contemporain de saint Thomas et avec lui représentant éminent de la théologie universitaire. Bonaventure, en effet, n’hésitait pas à parler de la «science» et de la «théologie» de François comme étant bien au-dessus de la «science» et de la «théologie» des Maîtres de l’université3. Le rapprochement entre François et Thérèse est très éclairant, entre la pauvreté de François et la petitesse de Thérèse qui sont le plus pur miroir de Jésus et de son amour, la pure transparence de l’Évangile. Le «petit pauvre» et la «petite sainte» sont les témoins de la plus haute «réflexion théologique» qui n’est pas d’abord réflexion sur le mystère, mais réflexion du mystère. C’est ainsi que François et Thérèse «réfléchissent» le mystère de Jésus par le pur miroir de leur vie. À travers François comme à travers Thérèse, on ne voit rien d’autre que Jésus, l’Évangile de Jésus, l’amour de Jésus. Telle est la même caractéristique fondamentale de leur sainteté, de leur incomparable rayonnement dans le monde entier, au-delà de toute frontière culturelle et même religieuse. En interprétant ainsi l’Évangile dans son « plein », c’est-à-dire inséparablement dans l’esprit et dans la lettre, François et Thérèse donnent comme une « représentation » vivante de Jésus, non pas de l’extérieur comme pourraient le faire des acteurs, mais de l’intérieur, dans l’esprit même de Jésus. C’est ainsi qu’en lisant l’Évangile, Thérèse « respire les parfums de la vie de Jésus » (Ms C 36v°). Ainsi pour Thérèse comme pour François, c’est toute la vie qui devient théologie. Dans ce livre, l’abbé Aimable nous montre comment sainte Thérèse manifeste un témoignage lumineux de la théologie vécue à travers les expériences d’amour et de souffrance. Il nous rappelle que comme la vie terrestre de Jésus se termine avec sa Passion, ainsi la vie de Thérèse se termine avec une très profonde participation à la Passion de Jésus, toujours en rapport avec le péché du monde dans lequel elle vit. Il reconnaît que sainte Thérèse a connu l’incroyance du monde de son temps. Elle a connu la nuit de la foi, les humiliations et l’agonie de la maladie, mais avec son principe de « souffrir en aimant » elle a accepté de s’asseoir à la table des pécheurs, ses frères, pour les sauver. Elle est prête à adopter cette charité fraternelle aussi longtemps que le Bon Dieu le voudra. 2 3 La Divine Comédie, Paradis, cha XI. Saint Bonaventure : Vie de saint François (Legenda Major), ch. 11, n° 2. 11 Nous pouvons dire que Thérèse a bien assimilé la leçon de Jésus sur la science d’amour (scientia amoris). Elle est prise comme modèle et experte ensemble avec Catherine de Sienne. Elle trouve bien sa place dans la théologie vécue des saints et dans la tradition mystique dont parle Jean Paul II, tout en complétant la science de la foi (scientia fidei) dont les experts sont spécialement saint Thomas et saint Anselme, qui nous aident aussi à l’approfondir dans la recherche théologique et la tradition théologique. La scientia amoris trouve son approfondissement dans le Novo Millenio Ineunte et la scientia fidei dans le Fides et ratio. Ces deux sciences sont complémentaires et inséparables de la théologie de l’Église qu’animent deux dynamismes : Fides et ratio pour la « recherche théologique » ou « la théologie pensée des saints », et fides et amor pour la « théologie vécue des saints ». Ainsi, la théologie des saints possède ces deux versants de la « théologie vécue » et de la « théologie pensée » qui s’expriment à travers quatre formes : mystique et pratique, symbolique et noétique4. Dans sa vie et dans son expérience d’amour et de souffrances, Thérèse, experte de la scientia amoris, manifeste une théologie vécue et mystique de l’amour rédempteur bien appliquée aux valeurs évangéliques et aux vertus théologales : la charité, la foi et l’espérance, qui sont la base et l’âme de toute forme de théologie authentique dans l’Église. François-Marie Léthel, OCD, prélat-secrétaire de l’Académie pontificale de théologie 4 F.-M., LÉTHEL, “La teologia dei santi come scienza divina dei padri, dottori e mistici” in PATH, 2008/2, 283-284. Abréviations et Sigles AA : AA.VV. : AG : CF : CG : CJ : CS : CSG : CSM : DE : DLTH : GS : LC : LD : LG : LT : Ms A : Ms B : Ms C : NPPA : NPPO : OCL : OP : PA : PATH : PO : PN : Pri : RP : VT : VTL : Apostolicam actuositatem. Auteurs variés. Ad gentes. Correspondance familiale. Correspondance générale de Thérèse de Lisieux. Carnet jaune de mère Agnès de Jésus. Cantique spirituel de saint Jean de la Croix. Conseils et souvenirs publiés par sœur Geneviève. Conseils et souvenirs relatés par sœur Marie de la Trinité. Derniers entretiens de Thérèse de Lisieux. Album de sainte Thérèse par P. Descouvemont et H.N. Loose. Gaudium et spes. Lettres des correspondants de sainte Thérèse. Lettres diverses des correspondants de Thérèse Lumen gentium. Lettres de sainte Thérèse. Manuscrit A (1895), dédié à mère Agnès de Jésus. Manuscrit B (1896), lettre à sœur Marie du Sacré-Cœur. Manuscrit C (1897), dédié à mère Marie de Gonzague. Notes préparatoires au Procès apostolique. Notes préparatoires au Procès de l’ordinaire. Office central de Lisieux. Œuvres complètes de sainte Thérèse. Procès apostolique. Pontificia Academia Theologica. Procès Informatif Ordinaire. 54 Poésies de sainte Thérèse. 21 Prières de sainte Thérèse. 8 Récréations pieuses de sainte Thérèse. Vie thérésienne, revue trimestrielle, Lisieux. Visage de Thérèse de Lisieux, photographies et notes, Lisieux 1961. 13 Introduction générale 1. Motivation Mon cheminement avec sainte Thérèse de Lisieux a commencé en octobre 1991. C’était durant la retraite annuelle, avant le début des cours de ma première année de théologie au Grand Séminaire. J’ai demandé à un séminariste aîné de me prêter un livre spirituel, et il m’a donné un vieux livre de sainte Thérèse de Lisieux intitulé Histoire d’une âme ! Nouvel étudiant, dans un lieu nouveau, j’ai lu ce premier livre de ma première année académique en théologie avec concentration et intérêt ! Jusqu’alors je ne connaissais ni les pères carmes ni les sœurs carmélitaines, mais j’étais tellement touché par l’histoire de cette jeune sainte et surtout par son attitude envers l’amour de Jésus et face à la souffrance. D’un côté j’admirais son cheminement spirituel et de l’autre je me posais des questions : Où trouve-telle le courage de souffrir avec un si grand amour ? Elle m’était encore inconnue jusqu’alors ! Je ne savais pas qu’elle a été reconnue comme la plus grande sainte des Temps modernes par le pape Pie X, béatifiée dès 1923 et vite canonisée après deux ans en 1925 par le pape Pie XI qui la déclara « patronne des missions universelles » en 1927 et la qualifia également comme « l’étoile de son pontificat5 ». Or cette jeune sainte sera même proclamée plus tard, « docteur de l’Église6 », à la surprise de beaucoup, par le pape Jean Paul II, qui la présente aussi comme « experte en scientia amoris7 ». Le même pape Jean-Paul II l’a aussi citée comme 5 Voir G. GAUCHER, « sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la sainte-Face Docteur de l’Église » in Centre Notre Dame de Vie, Thérèse au milieu des Docteurs. colloque avec Thérèse de l’Enfant-Jésus, 19-22 septembre 1997, éd. du Carmel, Venasque 1998, 12. 6 Ibid. Selon les explications historiques du Mgr Guy Gaucher, le Doctorat de Thérèse a été proposé dès 1932 par le père jésuite Gustave Desbuquois (1869-1959) de l’Action populaire, lors du Congrès théologique de Lisieux pour l’inauguration de la crypte de la future basilique. Mais comme le doctorat de Thérèse d’Avila avait été refusé en février 1923 parce qu’elle était femme « sexus obstat » celui de Thérèse de Lisieux ne fut pas accepté. En 1970, le Pape Paul VI posa un geste prophétique en déclarant deux femmes docteurs de l’Église : sainte Thérèse d’Avila (XVIe siècle), la carmélite espagnole, et sainte Catherine de Sienne (XVe siècle), la laïque consacrée italienne. Cette décision bouscula évidemment l’idée qu’on pouvait se faire d’un docteur de l’Église et remit en cause les critères traditionnels définis en 1783 par le pape Benoît XIV. C’est ainsi que Jean-Paul II, à son tour, déclara sainte Thérèse de Lisieux docteur de l’Église, dans la même direction que Paul VI. Cf. p. 11-12. 7 Jean-Paul II, Novo Millennio Ineunte, n° 42. 15 référence avec sainte Catherine de Sienne, en parlant de la « théologie vécue des saints » et de leur expérience de joie et de souffrance : « Bien souvent, les saints ont vécu quelque chose de semblable à l’expérience de Jésus sur la Croix, dans un mélange paradoxal de béatitude et de douleur. Dans le Dialogue de la divine Providence, Dieu le père montre à Catherine de Sienne que dans les âmes saintes peuvent être présentes à la fois la joie et la souffrance… De la même façon, Thérèse de Lisieux vit son agonie en communion avec celle de Jésus, éprouvant précisément en elle le paradoxe de Jésus bienheureux et angoissé8 ». Je ne pouvais pas m’imaginer que la jeune sainte Thérèse morte à vingt quatre ans pourrait un jour parvenir à être classée parmi les docteurs de l’Église9, spécialement connue comme « docteur de l’amour10» qui a pu pénétrer les profondeurs de la théologie de l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance11 et a pu traverser la vallée de la passion12 et la « kénose de la foi13 » sans renoncer à sa vocation d’être amour dans le Cœur de l’Église14. À certains moments j’ai eu l’impression qu’une telle expérience spirituelle n’était pas possible pour une si jeune fille ! Pourtant ses expériences retenaient tellement mon attention que j’ai commencé à en noter quelques extraits dans mon petit carnet, et plus tard j’ai cherché d’autres livres qui parlent d’elle. J’étais surtout touché par sa courte vie mais si riche d’événements, sa bonne expérience de l’amour et ses expériences de la souffrance, son courage et sa détermination, ses idées et son cheminement spirituel en général. Oui, en 1991 j’avais vingt quatre ans, presque son âge, mais ses idées me dépassaient de loin : 8 Ibid., n° 27. Le pape Jean Paul II se réfère au chapitre 78 du Dialogue de sainte Catherine de Sienne, dans lequel est confirmé que « l’âme est bienheureuse et souffrante : souffrante pour les péchés du prochain, bienheureuse par l’union et l’affection de la charité qu’elle a reçue en elle. Ceux-là imitent l’Agneau immaculé, mon Fils unique, lequel sur la Croix était bienheureux et souffrant ». Voir Jean-Paul II, Ibid. Les paroles de Thérèse de Lisieux citées par le saint Père sont tirées des Derniers Entretiens. Carnet Jaune, 6 juillet 1897. Voir aussi F.-M. LÉTHEL, Théologie de l’amour de Jésus. Écrits sur la théologie des Saints, éd. du Carmel, Venasque 1996. 9 Voir Centre Notre Dame de Vie, Thérèse au milieu des docteurs colloque avec Thérèse de l’Enfant- Jésus, éd. du Carmel, Venasque 1998. Rappelons que sainte Thérèse est l’une des trois femmes docteurs de l’Église (elle, sainte Thérèse d’Avila et sainte Catherine de Sienne). 10 Voir L. MENVIELLE, Thérèse Docteur racontée par Marie-Eugène. Les clés pour la Petite Voie, éd. du Carmel, Venasque 1998. Voir aussi Centre Notre Dame de Vie, Thérèse de l’Enfant-Jésus Docteur de l’Amour, éd. du Carmel, Venasque 1990. 11 Voir F.-M. LÉTHEL, Connaître l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance. La théologie des saints. éd. du Carmel, Venasque 1989. 12 G. GAUCHER, La Passion de Thérèse de Lisieux, éd. Cerf/ DDB, Paris 2002. 13 Voir J. NGUEN THUONG, a “kénose de la foi” de sainte Thérèse de Lisieux. Lumière pour présenter l’Évangile aux incroyants d’aujourd’hui, Teresianum, Roma 2001. 14 Voir C. O’DONNELL, Love in the Heart of the Church. The Mission of Therese of Lisieux, Veritas Publications, Dublin 2001. Voir aussi J. LAFRANCE, Ma Vocation c’est l’amour. Thérèse de Lisieux, septième édition, Médiaspaul, Paris 1998. 16 « Maintenant, je n’ai plus aucun désir, si ce n’est celui d’aimer Jésus à la folie Mes désirs enfantins sont envolés, sans doute j’aime encore à parer de fleurs l’autel du petit Jésus. Je ne désire pas non plus la souffrance, ni la mort, et cependant je les aime toutes les deux, mais c’est l’amour seul qui m’attire. Longtemps je les ai désirées ; j’ai possédé la souffrance et j’ai cru toucher au rivage du ciel, j’ai cru que la petite fleur serait cueillie en son printemps maintenant c’est l’abandon seul qui me guide, je n’ai point d’autre boussole ! Je ne puis plus rien demander avec ardeur, excepté l’accomplissement parfait de la volonté du Bon Dieu sur mon âme sans que les créatures puissent y mettre obstacle » (Ms A, 82v°- 83r°). Cette façon précise de présenter l’état de son cheminement et sa disposition spirituelle manifeste une maturité spirituelle remarquable et spéciale : aimer la souffrance et la mort en se laissant attirer par « l’amour seul », guider par « l’abandon seul » avec le zèle de « l’accomplissement parfait de la volonté du Bon Dieu ». Je me souviens spécialement que, avant la guerre commencée dans mon pays en octobre 1990, je voyais ma vie et ma vocation progresser automatiquement avec de nobles plans pour mon avenir ! Je me croyais très fort en ce qui concerne le contrôle de ma vie et de ma vocation ! En toute honnêteté, j’oserais dire que j’étais fier de moi-même ! Depuis que la guerre a commencé, j’ai vu ses conséquences de bien des manières : l’insécurité, la peur, la faim, la perte, les frustrations, l’injustice, le rejet, le désespoir, l’humiliation et autres formes de souffrance. Je me suis senti tellement en deçà de ce que je croyais être ! Je me suis senti perdu, vivant sans vivre, entre ma réelle dignité humaine et une vie sans assurance, imposée par les circonstances. Les droits et les valeurs de l’être humain disparaissaient tout simplement ! J’ai vu tant de personnes souffrir, même plus que moi ! Tant d’autres se demander pourquoi Dieu semble les oublier et les abandonner. D’autres souffrent encore aujourd’hui et d’autres ont perdu la foi et l’espérance. Je fus moi aussi tenté de perdre l’espoir… Je me demandais souvent si la vie au fond avait une signification. Au cours de cette expérience de souffrance, l’un des poèmes de sainte Thérèse de Lisieux m’a accompagné d’une façon spéciale : « Mon chant d’aujourd’hui »15 (PN 5). Je 15 « Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre Je n’ai rien qu’aujourd’hui !... Oh ! je t’aime, Jésus ! Vers toi mon âme aspire Pour un jour seulement reste mon doux appui. Viens régner dans mon cœur, donne-moi ton sourire Rien que pour aujourd’hui ! Que m’importe, Seigneur, si l’avenir est sombre Te prier pour demain, oh non, je ne le puis !... Conserve mon cœur pur, couvre-moi de ton ombre Rien que pour aujourd’hui. Si je songe à demain, je crains mon inconstance Je sens naître en mon cœur la tristesse et l’ennui… » (PN 5, 1-4). 17 l’ai lu souvent, juste pour avoir le courage du jour (j’avais détaché la page de la revue, Thérèse de Lisieux, où je l’avais trouvé et le gardais dans ma poche…). Cependant, je ne suis pas arrivé au niveau de dire comme Thérèse : « Oui, la souffrance m’a tendu les bras et je m’y suis jetée avec amour » (Ms A, 69v°). De ma part, les épreuves de la vie m’ont mené dans des lieux différents sans comprendre pourquoi ! Mais quand je pense à mon passé, je constate que l’amour de Dieu a été plus grand que les souffrances endurées. Ma survie n’est que preuve et témoignage concret de l’amour de Dieu et de la Providence divine. À travers la souffrance, je vois l’expérience de l’amour de Dieu plus forte que celle des épreuves parcourues… Personne, dans la vie, ne devrait choisir la souffrance. Mais quand la souffrance s’impose inévitablement, plutôt que de souffrir en pleurant, en se lamentant et en se laissant dominer par le mal et écraser par la souffrance, il serait profitable de se rappeler que, comme le dit Thérèse, « souffrir en aimant, c’est le plus pur bonheur… » (PN 54/16). Cependant, la question commune que nous pouvons nous poser devant les réalités de la vie de Thérèse à travers l’amour et la souffrance est de savoir d’où elle tire la force, le courage et la lumière de trouver et de déclarer son zèle missionnaire et sa vocation définitive d’être amour « dans le cœur de l’Église » (Ms B, 3v°), acceptant « le pain de l’épreuve » (Ms C, 6r°) pour sauver ses frères pécheurs. Thérèse découvre le secret de l’amour rédempteur de Jésus et décide de vivre cette vérité16 en s’offrant à Lui et en se laissant guider par son Esprit pour accomplir son désir de l’imiter et de lui ressembler, tout en reconnaissant ses limites et ses faiblesses avec abandon, humilité, confiance et amour17. Mais nous pouvons nous demander comment elle a pu accomplir cette décision. Ne pouvons-nous pas dire qu’à ce niveau, l’amour devient plus fort que la souffrance ? Ne pouvons-nous pas dire que la souffrance est transformée par l’intensité de l’amour rédempteur ? Enfin, considérant son expérience vécue de l’amour et de la souffrance, sa connaissance amoureuse de l’amour de Jésus et sa détermination d’accomplir sa vocation d’amour jusqu’au bout, nous trouvons en sainte Thérèse une personne ressource pour expliquer la grandeur infinie de l’amour de Dieu pour nous, l’aspect formateur de la souffrance et l’importance de l’amour dans la souffrance. Ainsi nous allons cadrer notre recherche sur le thème : l’amour rédempteur et la souffrance au cœur de la théologie de sainte Thérèse de Lisieux. Notre recherche n’est pas une 16 Cf. PAUL VI, Evangelii nuntiandi, n° 78. Le pape Paul VI insiste sur l’importance de connaître la vérité du Christ et d’être serviteur de cette vérité « même au prix du renoncement personnel et de la souffrance ». 17 Cf. C. DE MEESTER, Dynamique de confiance. Genèse et structure de la « voie d’enfance spirituelle » de sainte Thérèse de Lisieux, éd. du Cerf, Paris 1995. 18 curiosité intellectuelle ; c’est plutôt un cheminement spirituel avec sainte Thérèse dans sa « théologie vécue18. » 2. Questions directrices de cette recherche Thérèse nous présente sa vie comme un cheminement à travers l’amour et la souffrance. Mais dans la vie humaine ordinaire, c’est surtout la sirène de la souffrance qui suscite en nous la peur et les inquiétudes angoissantes, car tout homme a peur de souffrir. Souvent la question qui se pose concerne la façon dont les personnes souffrantes appréhendent leur souffrance. L’idée générale est que la souffrance est conçue comme négative et fait mal dans la vie ; il faut nécessairement l’éviter ! Mais quand on ne peut pas l’éviter, il faudrait savoir et pouvoir la gérer, l’affronter. En essayant toujours de l’éviter et de s’en échapper à tout prix, l’on finit par ne plus remarquer ce qu’elle aurait de positif. L’homme, devant la souffrance, a tendance à se considérer directement comme misérable ou malheureux. L’un ou l’autre en arrive même à perdre la foi, l’espoir et le courage. Devons-nous considérer la souffrance seulement dans son sens négatif, destructeur et déformateur ? Ne pourrait-elle pas quelquefois contribuer au bien ? Quel est le rapport entre l’amour et la souffrance ? Quelle devrait être la place de l’amour dans une situation de souffrance ? Est-il vrai que l’amour peut transformer la souffrance ? « Oui, souffrir en aimant, c’est le plus pur bonheur… » (PN 54/ 16). Thérèse écrit ces paroles en mai 1897 dans sa poésie Pourquoi je t’aime, ô Marie, quelques mois avant sa mort. Sa déclaration est le fruit d’un long cheminement à travers diverses expériences d’amour et de souffrance. Au début de son Manuscrit autobiographique A, elle nous fait quelques révélations : « Je me trouve à une époque de mon existence où je puis jeter un regard sur le passé ; mon âme s’est mûrie dans le creuset des épreuves extérieures et intérieures ; maintenant comme la fleur fortifiée par l’orage je relève la tête et je vois qu’en moi se réalisent les paroles du Psaume XXII. (Le Seigneur est mon Pasteur, je ne manquerai de rien…) » (Ms A, 3r°). Avec le temps, son attitude envers la souffrance a changé : « J’ai beaucoup souffert depuis que je suis sur la terre, mais si dans mon enfance j’ai souffert avec tristesse, ce n’est plus ainsi que je souffre maintenant, c’est dans la joie et dans la paix, je suis véritablement heureuse de souffrir » (Ms C, 4v°). Elle continue en précisant qu’elle devait « passer par le creuset de l’épreuve et souffrir » dès son enfance « afin de pouvoir être plus tôt offerte à Jésus » (Ms A, 12 r°). Elle affirme aussi : « Lorsqu’on veut atteindre un but, il faut en prendre les moyens ; Jésus me fit comprendre que c’était par la croix qu’Il voulait me donner des âmes, et mon attrait pour la souffrance grandit à mesure que la souffrance augmentait » (Ms A, 69v°). Chez Thérèse cependant, à mesure que grandit l’attrait pour la souffrance, l’amour croît aussi en elle de plus en plus d’une façon plus forte jusqu’à devenir sa propre vocation : « MA VOCATION, C’EST L’AMOUR. Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est Vous qui me l’avez 18 Cf. JEAN-PAUL II, Novo millenio ineunte, n° 42. 19 donnée dans le Cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour » (Ms B, 3v°). Thérèse exprime cet amour jusqu’au point où, déterminée à imiter Jésus et à lui ressembler, elle accepte de s’identifier aux pécheurs pour les sauver : «…s’il faut que la table souillée par eux soit purifiée par une âme qui vous aime, je veux bien y manger seule le pain de l’épreuve » (Ms C, 6v°). Ainsi, « Thérèse communie de la façon la plus intime à l’amour rédempteur du cœur de Jésus, dans la foi, et comme Marie, dans la kénose de la foi, c’est-àdire dans la foi la plus éprouvée et la plus héroïquement fidèle»19. Que pouvons-nous apprendre de son parcours ? En somme notre préoccupation est de savoir s’il est possible que l’homme intériorise positivement la souffrance qui quelquefois l’afflige, au point que cette souffrance puisse porter des fruits positifs dans sa vie, jusqu’à en développer une valeur à travers la croissance de l’amour rédempteur. Une réponse adéquate à ces questions peut être formulée à partir de l’expérience vécue de Thérèse et de son message à propos de l’aspect formateur de la souffrance et la croissance de l’amour. Ainsi se profile l’objectif de notre recherche. 3. But principal Le but principal de ce travail est d’étudier le cheminement spirituel de sainte Thérèse à travers ses expériences de l’amour et de la souffrance, comment elle appréhende la souffrance, et comment cette dernière peut avoir un aspect formateur dans le cadre de la croissance de l’amour à travers la souffrance. Comment ce même amour peut se développer et se transformer en « amour rédempteur » tout en transformant aussi la souffrance en une souffrance rédemptrice ? Nous allons étudier cet argument dans le cadre de l’apport théologique de l’amour rédempteur et de la souffrance dans la théologie vécue de sainte Thérèse de Lisieux, fondée sur la « science d’amour » (Ms B, 1r°)20 et la théologie des saints21, en vue de la participation à la continuation de la mission rédemptrice de Jésus dans le cœur de l’Église pour le salut des âmes. Ce qui va attirer notre attention dans la « théologie vécue » de sainte Thérèse n’est pas seulement son expérience de l’amour et de la souffrance, ni seulement sa vocation d’être amour dans le « cœur de l’Église », une Église - mère qui a le « cœur brûlant d’amour » (Ms B, 3v°), mais aussi, c’est sa connaissance amoureuse de l’amour infini de Jésus, le désir de Lui 19 F.-M. LÉTHEL, Connaître l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance. La théologie des saints, éd. du Carmel, Venasque 1989, 520. 20 ibid. 21 Cf. F.-M. LÉTHEL, Connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance. La théologie des saints. éd. du Carmel, Venasque 1989. 20