passages interocéaniques (Suez, Panama, trop brièvement évoqués) ou les détroits
majeurs, trop rarement mentionnés (Ormuz, Malacca, Pas-de-Calais, Gibraltar…). Pour
l’industrie de la croisière, on ne nous dit rien du redéploiement saisonnier des navires du
monde caraïbe vers l’Alaska et la Méditerranée. Nous avons relevé plusieurs erreurs, par
exemple une inversion des titres entre les deux cartes du haut de la page 123, mais aussi
certaines inexactitudes de détail, comme en page 99 où Manille se retrouve sur la côte
orientale de Luçon, ou bien, p. 123, où l’atoll de Scarborough occupé par la Chine devrait
être localisé bien plus près de la côte philippine pour bien percevoir le caractère extrême
des revendications chinoises. Page 93, le figuré des croisiéristes minimise
considérablement le marché des États-Unis.
4 Mais surtout, comment peut-on intituler un tel ouvrage : « Atlas des enjeux maritimes »
quand la dimension géopolitique semble se résumer aux flottes de guerre et qu’il n’y a pas
d’explication des Zones Économiques Exclusives et des conflits potentiels que leur
délimitation ou extension peut générer ? C’est important pour la pêche, pour les
hydrocarbures. Comment peut-on ignorer les enjeux environnementaux des espaces
littoraux et en particulier des petites îles ou des archipels coralliens des mers tropicales ?
L’élévation du niveau de la mer, l’érosion côtière, l’intensité croissante des cyclones,
ouragans et typhons, la dégradation des récifs coralliens et la destruction des mangroves
par l’aquaculture et les aménagements touristiques, les fluctuations ENSO (El Niño / La
Niña) dans le Pacifique : ne s’agit-il pas aussi d’enjeux fondamentaux, de portée mondiale,
pour les espaces océaniques ? La pollution des eaux marines par des « marées noires »
(Exxon Valdez, Prestige et autres accidents de navires, explosion ou renversement de
plates-formes gazières et pétrolières en mer du Nord ou dans le Golfe du Mexique) ou par
les effluents de l'agriculture intensive rétro-littorale (Bretagne, Japon) n’est-elle pas aussi
un enjeu ? La dépendance excessive au tourisme de certaines nations insulaires
(Seychelles, Maldives….) n’est-elle pas aussi à évoquer ? Les deux catastrophes asiatiques
récentes, Indonésie/Thaïlande, puis Japon (Fukushima) ont mis en avant les risques
littoraux en cas de tsunami : la littoralisation croissante des activités humaines et des
populations n’est-elle pas aussi un enjeu maritime mondial ? New York, Miami, Rio de
Janeiro, Los Angeles, San Francisco, Tokyo, Shanghai, Hong Kong, Manille, Jakarta,
Singapour, Bombay, Dubaï, Istamboul, Londres, et bien d’autres : que de grandes villes du
monde en position littorale ! Mais on n’en souffle mot.
5 Bref, l’ouvrage n’accomplit que partiellement sa mission. Il aurait fallu soit l’étoffer pour
inclure les dimensions essentielles qui manquent par rapport au titre proposé, soit
modifier le titre pour limiter la portée théorique de l’ouvrage (pas de réflexion
d'ensemble sur la notion d'enjeu), qui sera cependant une bonne source de
documentation pour les aspects qu’il traite, même si les statistiques sont appelées à une
rapide obsolescence. Une prochaine édition permettra peut-être de corriger les faiblesses
de la version de cette année.
Le Marin, L’Atlas 2014 des enjeux maritimes
Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement, 27-28 | 2015
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