En France, aucun cas de rage humaine autochtone n'a été rapporté depuis 1924. Par contre, 17 sujets sont décédés de
rage contractée à l'étranger (Afrique Noire, Afrique du Nord, Madagascar, Mexique) de 1970 à novembre 1996. En France
aujourd'hui, la rage humaine apparaît donc comme une maladie d'importation. Concernant la rage animale, le quart Nord-Est
du pays reste touché. Mais grâce à la vaccination des renards, qui a débuté en 1986, le nombre de cas animaux est passé
de plus de 4000 en 1989 à une quinzaine en 1996. Et les foyers actifs subsistants sont aujourd'hui limités aux seuls
départements des Ardennes, du Doubs et de la Moselle. La rage du renard devrait donc prochainement être éliminée de
l'hexagone. Reste la menace d'un animal sauvage très surveillé en Europe, porteur d'un Lyssavirus proche de celui de la
rage (et différent de celui de la rage du renard) : la chauve-souris insectivore. Deux cas ont été diagnostiqués sur de tels
animaux en 1989 en Meurthe-et-Moselle. Une troisième chauve-souris positive pour ce Lyssavirus a été découverte à
Bourges en 1995.
Moyens de lutte
Diagnostic
Chez l'animal, le diagnostic s'effectue uniquement après la mort, à partir du cerveau et par diverses techniques qui
permettent un résultat rapide (en quelques heures), compatible avec l'urgence du traitement antirabique. Il faut cependant
souligner qu'en France, pour 80% des patients, le statut de l'animal reste inconnu durant le temps du traitement (animal
disparu, résultat non communiqué...). Chez l'homme contaminé, il est possible de réaliser un diagnostic intra-vitam à partir
de la salive, du sérum, du liquide céphalo-rachidien, de biopsies cutanées... Mais il est actuellement peu sensible. Les
nouvelles techniques d'amplification génique (PCR) devraient cependant permettre à l'avenir de réaliser un diagnostic
précoce de la rage humaine
.
Le traitement après exposition chez l'homme
Chaque année dans le monde, plus de 6,5 millions de traitements après exposition sont pratiqués, dont plus de 90% en
Asie. En France, plus de 6000 personnes ont été traitées en 1995.
Le traitement après exposition commence par le traitement non spécifique (nettoyage des plaies, antibiothérapie,
prophylaxie antitétanique). Le traitement spécifique comprend la vaccination et la sérothérapie antirabiques, et doit être
effectué avant l'apparition des premiers symptômes, qui signe une évolution inexorablement fatale.
Plusieurs types de vaccins sont utilisés. On emploie encore en majorité des vaccins produits sur encéphales d'animaux
adultes ou nouveaux-nés. Mais les vaccins produits sur culture de cellules ou oeufs embryonnés, à la fois plus
immunogènes et mieux tolérés, tendent à les remplacer. De plus, avec les vaccins produits sur cultures de cellules, le risque
d'accident neuro-immunologique disparait.
Avec les vaccins modernes, apparus dans les années 70, deux protocoles de traitement par voie intra-musculaire sont
validés, l'un en quatre injections, l'autre en cinq, à quelques jours d'intervalle. Les injections sont pratiquées par voie intra-
musculaire profonde, dans le deltoïde. Mais une autre voie d'administration des vaccins se développe, car elle permet de
diminuer le coût du traitement : c'est la voie intra-dermique. Dans le protocole le plus connu, celui de la Croix Rouge
thaïlandaise, les injections - pratiquées dans le bras et à différents sites - sont de 1/5 de la dose utilisée par voie intra-
musculaire! D'autres protocoles multisites par voie intradermique sont aujourd'hui à l'étude et apparaissent, du moins à court
terme, comme la seule alternative possible pour un traitement après exposition à moindre coût.
La sérothérapie est indiquée en supplément à la vaccination lorsque les risques de contamination sont graves (morsures ou
griffures ayant traversé la peau, léchage de muqueuses...). Les immunoglobulines disponibles sont d'origine équine ou
humaine. Elles sont en partie infiltrées localement au niveau de la morsure, en partie injectées par voie intra-musculaire, et
permettent une réponse rapide en anticorps neutralisants.
Vaccination préventive
Il y a dix ans, la vaccination préventive se limitait aux milieux professionnels exposés : vétérinaires, gardes-chasses, agents des services
vétérinaires... Depuis, elle se développe de plus en plus chez les voyageurs, avant tout séjour dans un pays à fort risque rabique.
La vaccination préventive permet de réduire le nombre d'injections chez les sujets devant être vaccinés à titre curatif après leur retour et
limite les risques de traitements tardifs après la contamination. (En France, le nombre de traitements antirabiques suite à une
contamination à l'étranger a été multiplié par 2,5 ces 14 dernières années...). Elle recquiert l'injection de trois doses de vaccin (J0, J7 et
J28) par voie intra-musculaire et un rappel un an après.
La lutte contre les animaux vecteurs
Dans les pays les plus menacés par la rage, la vaccination des chiens et l'élimination des chiens errants sont des priorités. Pour d'autres
pays où la " rage des rues " a disparu grâce à ces actions, la vaccination orale de la faune sauvage est pratiquée. C'est le cas en Europe de
l'Ouest où des campagnes de vaccination lancées dès 1978 ont permis de faire reculer le front de la rage jusqu'à la Pologne, la Slovaquie,
la Hongrie et l'ancienne Yougoslavie. Mais des foyers de rage vulpine persistent en Allemagne, Autriche, Suisse, Italie et dans l'Est de la
France. Dans ce pays, un programme de vaccination nationale des renards a été mis en place en 1986. Les appâts vaccinaux sont
distribués par hélicoptère -ainsi que directement au niveau des terriers - dans le cadre de deux campagnes annuelles, l'une au printemps et
l'autre à l'automne. La vaccination orale de la faune sauvage est également utilisée localement dans la lutte contre la rage des raton-
laveurs aux Etats-Unis, où une récente campagne a aussi visé la vaccination des coyotes (état du Texas).
La rage tue encore quelque 40 000 personnes chaque année à travers le monde. Elle persiste notamment dans les pays
en développement - en Europe de l'Est, Afrique, Asie, Moyen-Orient, Amérique Latine -, et le chien, responsable de 88% des
contaminations humaines, demeure le principal vecteur de la maladie. L'Asie est de loin le continent le plus touché,
globalisant 95% des cas mondiaux de rage humaine.