Ma chère mère,
Par quel miracle suis-je sorti de cet enfer, je me demande encore bien des fois s’il est vrai que je suis
encore vivant ; pense donc, nous sommes montés 1200 et nous sommes redescendus 300 […]. Nous
étions tous montés là haut après avoir fait le sacrifice de notre vie, car nous ne pensions pas qu’il était
possible de se tirer d’une pareille fournaise. […] A la souffrance morale de croire à chaque instant la mort
nous surprendre viennent s’ajouter les souffrances physiques de longues nuits sans dormir, huit jours sans
boire et presque sans manger, huit jours à vivre au milieu d’un charnier humain, couchant au milieu des
cadavres, marchant sur nos camarades tombés la veille […].
Gaston Brion, soldat français, samedi 25 mars 1916.
Vous ne pouvez pas avoir idée de ce qu’on a vu là-bas. […] Nous avons passé trois jours couchés dans les
trous d’obus, à voir la mort de près, à l’attendre à chaque instant. Et cela, sans la moindre goutte d’eau à
boire et dans une horrible puanteur de cadavres. Un obus recouvre les cadavres de terre, un autre les
exhume à nouveau. Quand on veut se creuser un abri, on tombe tout de suite sur des morts. […] Puis nous
avons traversé le fort de Douaumont, je n’avais encore rien vu de semblable. Là il y avait que des blessés
graves, et ça respirait la mort de tous côtés.
Karl Fritz, caporal allemand, 16 août 1916.
Mardi 29 février : le carnage est immense. La débauche des projectiles est incroyable : 80 000 obus en
quelques heures sur un espace de 1000 m de long sur 3 à 400 mètres de profondeur... On se demande
comment des êtres vivants arrivent à se maintenir et à combattre dans un pareil enfer. […]
Mercredi 29 mars : La bataille de Verdun, la plus longue et la plus effroyable de l’histoire universelle,
continue. Les Allemands, avec une ténacité inouïe, avec une violence sans égale, attaquent nos lignes
qu’ils martèlent et rongent. […] Nos poilus héroïques tiennent bon, malgré les déluges d’aciers, de liquides
enflammés, de gaz asphyxiants….
Lundi 21 août : des centaines de milliers de tonnes d’acier et d’explosifs ont été déversées sur ce sol. Le
résultat est nul […]. Cela dépasse l’imagination ….
Marcel Poisot, Mon journal de guerre : 1914-1918.