Chapitre 5 : la vie fixée chez les plantes, résultat de l’évolution Les plantes, fixées au sol par leurs racines, ne peuvent se déplacer pour rechercher des substances nutritives, pour se mettre à l’abri, ou pour se reproduire. Au cours de leur évolution, des caractères sont apparus et ont été sélectionn é s p er m et t a n t u n e ad a p t at io n à c et t e v i e fi x é e. Pro bl é m at i qu e : Q u e ce so it su r l e pla n de la n utr i ti o n o u de la r e pro duc t io n, q u el s so n t le s sy s t è m e s m i s e n pl ac e c h ez l e s pl a nt e s a u co ur s d e l ’é vol u ti o n e n r é po n s e au x co n tr a i nt e s d e l a v i e f ix é e ? I. Comment s’organise une plante par rapport à sa vie fixée ? (TP n°8) 1. De vastes surfaces d’échanges. Malgré leur différence de taille, les plantes possèdent la même organisation, avec un système racinaire souterrain et une tige feuillée aérienne. Le système racinaire offre une grande surface d'échange avec le sol, permettant l'alimentation en eau et en sels minéraux, ainsi que l'ancrage de la plante. Les feuilles captent l'énergie lumineuse, assurent les échanges gazeux avec l'atmosphère et sont le lieu principal de la photosynthèse. Une plante est un organisme autotrophe ; à partir des substances minérales prélevées dans son milieu et, grâce à l'énergie lumineuse, elle réalise la photosynthèse (au niveau des chloroplastes), c'est à dire la synthèse de ses propres molécules organiques. Les plantes étant fixées, elles possèdent donc des structures leur permettant de subvenir à leurs besoins nutritifs. a) Le développement de surfaces foliaires : capture de lumière, échanges de gaz Les nombreuses feuilles, organes aplatis (pour un volume donné une surface maximum de contact avec le milieu extérieur), forment une très grande surface de capture de la lumière. Dans la feuille, le parenchyme chlorophyllien, tissu situé entre les épidermes inférieur et supérieur, héberge les chloroplastes. Ce parenchyme chlorophyllien, étendu dans tout le limbe de la feuille, représente donc le tissu qui capte la lumière indispensable à l’acte photosynthétique. Parenchyme chlorophyllien et capture de la lumière Cuticule imperméable Lors de la photosynthèse, du C02 est prélevé dans l'atmosphère (0,038 % faible quantité). Les feuilles présentent ainsi de très nombreux petits orifices à la surface de leur épiderme (cellules transparentes), majoritairement sur leur face inférieure : ce sont les stomates, délimités par deux cellules stomatiques encadrant un orifice, l'ostiole. Les échanges gazeux avec l'atmosphère se réalisent par ces ostioles. Le jour, une absorption nette de C0 2 se produit, tandis que de l'eau (phénomène de transpiration) et de l'02 sont rejetés (échanges gazeux photosynthétique). Inverse pour échanges gazeux respiratoires. Sous l'ostiole, une chambre ou cavité communique avec l'atmosphère. La feuille comporte donc une atmosphère interne contenue dans tous les espaces entre cellules et cavités sous-stomatiques. La surface d'échanges gazeux correspond donc en fait à toutes les surfaces exposées à cette atmosphère interne, ce qui correspond à une très grande surface. Les stomates ne s'ouvrent qu'à la lumière et si la température n'est pas excessive, limitant ainsi les pertes d'eau. Ainsi, on peut voir qu'une caractéristique structurale (la présence de vastes surfaces d'échanges et de capture de lumière) mais aussi la croissance permanente de la plante lui permettent de vivre fixée dans un milieu pauvre en substances nutritives. Schéma d’un épiderme stomatifère de feuille observé au microscope b) Un système souterrain adapté au prélèvement de l’eau et des ions. L'eau et les ions minéraux (dont les feuilles ont besoin pour alimenter la photosynthèse) sont prélevés dans le sol, ces derniers étant présents en de très faibles quantités. Le milieu est donc pauvre en substances nutritives qui sont diluées. Les racines des jeunes plantes présentent une zone pilifère portant de très nombreux poils absorbants (200 à 500 par cm2) par lesquels se réalise l'absorption de l'eau et des ions minéraux du sol. L'ensemble de ces poils absorbants constitue donc une énorme surface d'échanges entre la plante et le sol par rapport à la taille de la plante. Schéma d’un poil absorbant (proportions non respectées) La densité et la longueur des poils absorbants, ainsi que la ramification des racines (réseau de racines à partir d’une racine primaire et donc une multitude de zones pilifères) peuvent augmenter en cas de carence minérale dans le sol. Démultiplication de la surface d’absorption racinaire à différentes échelles Donc chez la plante, les surfaces impliquées dans les échanges sont importantes par rapport à la masse et au volume, comme pour les surfaces d’échanges mobilisées par des organes d’animaux (poumons, intestins). 2. la circulation de matières dans une plante La plante est un végétal vasculaire : deux systèmes de vaisseaux xylème et phloème permettant circulations de matières dans la plante, notamment entre systèmes aérien et souterrain. a) La circulation de la sève brute L'eau et les ions puisés dans le sol constituent la sève brute de la plante. La comparaison de la solution du sol et de cette sève montre que la plante concentre dans la sève brute des ions présents en très faibles quantités dans le sol. La sève brute circule de manière ascendante (transpiration soit perte d’eau au niveau des feuilles et ainsi effet d’aspiration), des racines jusqu'aux feuilles, canalisée dans des conduits appelés vaisseaux du xylème : Ils sont constitués de cellules de files de cellules mortes de gros diamètre, allongées dont il ne reste plus que la paroi latérale. Cellules colorées en vert bleu par carmin vert d’iode. Ces cellules sont alignées verticalement et ont une paroi riche en lignine. Ces files de cellules ne comportent pas de cloisons transversales et sont vides de leur contenu cellulaire, ce qui favorise une circulation rapide de sève brute. b) La circulation de la sève élaborée La sève élaborée est riche en molécules organiques, surtout en glucides (saccharose), fabriqués dans les feuilles grâce à la photosynthèse. Elle ne contient plus de nitrates. Certaines de ces molécules organiques, des glucides surtout, sont ensuite chargées dans un second type de conduits, les tubes criblés du phloème et constituent, avec de l'eau et des ions, la sève élaborée. La sève élaborée est distribuée depuis les feuilles jusqu'aux organes non photosynthétiques comme les racines ou les bourgeons ; elle circule dans les tubes criblés du phloème. Ils sont constitués d'une file de cellules vivantes alignées verticalement (cellules petite taille et colorées en rose par carmin vert d’iode), à paroi riche en cellulose : les cloisons transversales sont toujours présentes mais percées de nombreux orifices formant des cribles et laissant circuler la sève. Schémas vaisseaux conducteurs Coupe transversale de tige 3. La lutte contre les agressions chez les plantes. a) Protection contre les variations du milieu Les plantes fixées dans le sol ne peuvent pas se mettre à l'abri du vent (oyat des dunes), ou du froid lors de l'hiver par exemple (saisons). Tandis que certaines plantes, comme le pois, meurent en hiver et ne subsistent que sous forme de graines (plantes annuelles), les plantes ligneuses, comme le marronnier, conservent en grande partie leur appareil végétatif en hiver et possèdent des mécanismes de protection particuliers contre le froid. Les feuilles du marronnier, organes sensibles au gel et sièges d'une perte d'eau importante, tombent avant l'hiver. Seuls des bourgeons constitués d'ébauches de feuilles et d'un massif de cellules embryonnaires persistent sur les branches dénudées. Ils sont protégés par des écailles brunes, coriaces et recouvertes d'une cire imperméable. Ils contiennent également de la bourre emprisonnant de l'air, réalisant une protection mécanique et thermique. Enfin, les cellules vivantes sont en vie ralentie et sont acclimatées au froid ce qui signifie qu'elles deviennent plus résistantes. b) Protection contre les divers prédateurs Face aux herbivores qui les dévorent, de nombreuses plantes présentent des structures protectrices comme les épines longues et pointues de l'acacia qui dissuadent en partie les antilopes de les brouter. D'autres plantes produisent des substances chimiques qui tendent à repousser les herbivores : la menthe par exemple sécrète une huile essentielle répulsive, le menthol ; d'autres synthétisent des substances au goût amer, d'autres encore, des composés toxiques. Des relations d’entraide entre plantes voisines de la même espèce existent ainsi que des relations mutualistes entre des végétaux et des animaux (ex : acacia/fourmis doc 2 p 117). Mécanisme de défense Exemple Type de défense Protection des feuilles Présence de poils, d’épines, d’une cuticule épaisse Présence de tanins Morpho-anatomique constitutif Feuilles riches en molécules toxiques ou répulsives Emission de signaux d’alerte Chez l’acacia, émission d’éthylène par une feuille broutée induit une augmentation de la teneur en tanins des feuilles des arbres voisins. Chez l’herbe coupée acide jasmonique pour attirer des guêpes parasites à la rescousse Exemples défenses de plantes contre prédateurs Chimique constitutif Chimique induit Donc structures et mécanismes de défense (contre les agressions du milieu, les prédateurs les variations saisonnières). II. Sur le plan de la reproduction quels systèmes sont mis en place chez les plantes au cours de l’évolution aux contraintes de la vie fixée ? TP n°9 1. Plan d’organisation de la fleur. Les fleurs ont une organisation commune en verticilles. De l'extérieur vers l'intérieur, on trouve: le verticille V1, ou calice, constitué par les sépales; le verticille V2, ou corolle, constitué par les pétales; le (ou les) verticille(s) V3 constitué(s) par les étamines;(androcée) le verticille V4 constitué par le pistil. (gynécée) Certaines pièces florales sont impliquées directement dans la reproduction: le pistil, organe femelle contenant les ovules, et les étamines, organes mâles, dont les anthères contiennent les grains de pollen. Organisation fleur de colza diagramme floral du colza 2. Le contrôle de l’organisation florale par des gènes de développement p 120/121 La mise en place des pièces florales , à partir du bourgeon floral, s'effectue sous le contrôle de gènes du développement. La mutation de l'un de ces gènes entraîne la formation d'une fleur anormale : Chez le mutant apetala2 de l'arabette des dames (Arabidopsis thaliana), il y a remplacement des sépales par des carpelles. Chez le mutant pistillata, les sépales remplacent les pétales et les carpelles remplacent les étamines. Chez le mutant agamous, les étamines sont remplacées par des pétales et le pistil est remplacé par une seconde fleur. L’arrangement sépale-pétale-pétale est réitéré plusieurs fois. Diagrammes floraux chez l’arabette des dames Les gènes mutés sont qualifiés de gènes du développement. Ces gènes peuvent être classés en trois groupes, correspondant aux trois phénotypes des fleurs mutantes observés: groupe A (sépales et pétales transformés en carpelles et étamines); groupe B (pétales transformés en sépales et étamines en carpelles) ; groupe C (étamines transformées en pétales et carpelles en sépales). L’étude de ces mutants a permis de proposer un modèle de contrôle génétique de l'organisation florale. Ce modèle, dit ABC, propose que l'identité acquise par chaque verticille au sein d'une fleur en développement est contrôlée par l'expression d'une combinaison de gènes de développement des trois groupes A, B ou C. 3. De la fleur au fruit a. De l’ovule à la graine Chez la plupart des fleurs, la pollinisation est croisée: les grains de pollen produits par une fleur sont déposés sur le stigmate du pistil de fleurs d'autres individus de la même espèce (allogamie). Le transport du pollen est réalisé par les insectes (plantes entomogames) ou par le vent (plantes anémogames). La pollinisation croisée favorise le brassage génétique au sein de l'espèce. • Une fois les grains de pollen sur le stigmate, un afflux d'eau leur permet de germer: chaque grain développe un tube pollinique qui croît dans le style jusqu'aux ovules. Le gamète mâle contenu dans le grain de pollen féconde alors le gamète femelle contenu dans chaque ovule. b. La transformation en fruit Après fécondation, les ovules se transforment en graines et les fleurs en fruits : les pétales flétrissent, le pistil grossit et le plus souvent, c'est lui qui engendre le fruit contenant les graines. La paroi de l'ovaire forme généralement la paroi du fruit chaque ovule fécondé forme une graine. L’organisation florale, contrôlée par les gènes de développement, et le fonctionnement de la fleur permettent le rapprochement des gamètes entre plantes fixées. 4. Pollinisation et dispersion des graines a. La pollinisation croisée Les plantes à fleurs, ayant une vie fixée, ont développé certaines adaptations favorisant la pollinisation croisée, que ce soit grâce aux insectes ou au vent. Les fleurs pollinisées par les insectes (plantes entomogames) émettent différents signaux qui attirent les insectes pollinisateurs. leurs grains de pollen sont de plus grande taille et sont richement ornementés (pointes, crêtes), ce qui facilite leur adhésion au corps des insectes pollinisateurs qui visitent les fleurs. Ces derniers y trouvent des ressources nutritives: pollen et nectar. Les nectaires, glandes produisant un liquide sucré que recherchent les insectes lors du butinage, sont situés profondément dans la fleur. En obligeant l’insecte butineur à pénétrer à l’intérieur de la fleur, la disposition des nectaires favorise la récolte du pollen. Le pollen s'accroche aux insectes lorsqu'ils visitent une fleur et prélèvent ces ressources. Il est ensuite déposé sur le stigmate d'une autre fleur qu'ils visitent. Nectaires d’une fleur giroflée Les fleurs pollinisées par le vent (plantes anémogames) Les grains de pollen sont, le plus souvent, de petite taille, lisses et en grande quantité. Leurs étamines et leur pistil sont souvent bien exposés au vent, à l'extérieur des autres pièces florales. b. Coévolution entre plantes pollinisées et insectes pollinisateurs. Activité coévolution des espèces Cela signifie que l'organisation des plantes à fleurs a évolué conjointement avec les organes des insectes permettant de repérer les fleurs et d'y récupérer des ressources nutritives. L'avantage sélectif est, pour la plante, une reproduction plus efficace et, pour l'insecte, l'accès à des ressources supplémentaires. Cette coévolution est particulièrement flagrante dans le cas des fleurs pollinisées par un insecte d'une espèce bien précise. On observe par exemple une corrélation entre la longueur de la trompe de certains papillons (qui leur permet de prélever le nectar) et la longueur de l'éperon au fond duquel se trouve le nectar dans l'orchidée qu'ils pollinisent. Type de signal attractif Exemple Signaux visuels • • Corolle de grande taille et colorée Présence de marques attirant les insectes vers le cœur de la fleur Signaux chimiques • Émission de substances volatiles odorantes Signaux trophiques • • Pollen Nectar La pollinisation de nombreuses plantes repose sur une collaboration animal pollinisateur/plante produit d’une coévolution. c. La dispersion des graines La dispersion des graines est indispensable à la pérennité de l'espèce et permet la colonisation de nouveaux territoires. La dissémination des graines fait intervenir principalement le vent et les animaux : • Les graines dispersées par le vent sont petites, légères et peuvent posséder des dispositifs qui favorisent leur portance (dispersion passive). • Les graines dispersées par les animaux sont généralement dans des fruits charnus, colorés et riches en sucres, attractifs pour les animaux. Ces derniers les consomment et rejettent les graines dans leurs excréments ou leurs crachats (dispersion active). D'autres graines dispersées par les animaux sont au sein de fruits qui adhèrent au pelage (dispersion passive). On note souvent une collaboration entre les animaux disséminateurs des graines et la plante qui les produit. Avec les fruits, l'animal accède à une ressource nutritive. Quant à la plante, elle est mieux disséminée dans son milieu. En effet, d'une part le transport par les animaux permet la colonisation de nouveaux territoires et, d'autre part, le taux de germination des graines est souvent meilleur lorsque ces dernières sont passées par l'appareil digestif d'un animal et/ou lorsqu'elles germent loin de la plante mère. La collaboration entre un animal disséminateur et une plante est le produit d'une coévolution. BILAN : • L’organisation fonctionnelle des plantes (angiospermes) est mise en relation avec les exigences d’une vie fixée en relation avec deux milieux, l’air et le sol. Au cours de l’évolution, des processus trophiques, des systèmes de protection et de communication, ainsi que des modalités particulières de reproduction se sont mis en place. Ainsi relation entre particularités d’organisation fonctionnelle et le mode de vie fixée. • Caractéristiques de la plante en rapport avec la vie fixée à l’interface sol/air dans un milieu variable au cours du temps. • Développement surfaces d’échanges de grande dimension avec l’atmosphère (échanges de gaz, capture de lumière) et avec le sol (échange d’eau et d’ions). • Des systèmes conducteurs permettent les circulations de matières dans la plante, notamment entre systèmes aérien et souterrain. • Structures et mécanismes de défense (contre les agressions du milieu, les prédateurs, les variations saisonnières). • L'organisation florale, contrôlée par des gènes de développement, et le fonctionnement de la fleur permettent le rapprochement des gamètes entre plantes fixées. • La pollinisation de nombreuses plantes repose sur une collaboration animal pollinisateur/plante produit d'une coévolution. • À l'issue de la fécondation, la fleur se transforme en fruits contenant des graines. • La dispersion des graines est nécessaire à la survie et à la dispersion de la descendance. Elle repose souvent sur une collaboration animale disséminateur/plante produit d'une coévolution.