Intérêt clinique de l`étude d`antigènes de prolifération et

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Progrès en Urologie (1996), 6, 907-912
Intérêt clinique de l’étude d’antigènes de prolifération et d’activation
cellulaire par cytométrie en flux dans le cancer de la vessie
Louis LACOMBE, Johanne GAUTHIER, Louis LAFLEUR, Yves FRADET
Centre de recherche en cancérologie de l’Université Laval, Québec, Canada
RESUME
Le but de la présente étude était de déterminer la
corrélation entre l’expression de trois antigènes
associés au taux prolifératif et le stade et la ploïdie
des tumeurs vésicales. La réactivité d’anticorps
monoclonaux contre l’antigène nucléaire Ki-67 et
les antigènes membranaires T43 et le récepteur du
facteur de croissance épidermique (EGFR) a été testée en cytométrie en flux sur 35 échantillons cliniques de tumeurs vésicales superficielles et infiltrantes et 5 échantillons de cellules urothéliales normales. Nous avons observé une expression préférentielle de T43 sur les tumeurs infiltrantes.
EGFR était beaucoup moins fréquemment exprimé
mais 7 des 9 tumeurs positives étaient infiltrantes.
En comparant l’expression de Ki-67 et T43 pour
chaque tumeur analysée on note une corrélation
négative en ce sens qu’aucune tumeur n’exprime
fortement les deux marqueurs simultanément. Les
résultats de cette étude suggèrent que les marqueurs
de prolifération et d’activation ne mesurent pas tous
les mêmes propriétés des tumeurs. Ensemble, ils
pourraient apporter une information pronostique
utile pour le suivi clinique des cancers de la vessie.
Mots clés : Cytométrie en flux, cancer de la vessie, prolifération,
Ki-67, T43, EGFR.
Progrès en Urologie (1996), 6, 907-912.
Le cancer de la vessie est cinquième en fréquence chez
l’homme et un peu moins fréquent chez la femme. Au
diagnostic initial, 75% des tumeurs sont de type papillaire superficiel, limitées à la muqueuse ou infiltrant
seulement le chorion de la muqueuse vésicale (Ta et
T1) [21] Le quart des patients se présenteront d’emblée
avec une tumeur plus agressive, infiltrant plus profondément la paroi vésicale (T2). La détermination du pronostic de récidive et de progression des tumeurs vésicales est un problème clinique d’importance. Le taux
de récidive, d’environ 50% après résection transurétrale de tumeurs superficielles, oblige à un suivi régulier
de ces patients. De plus, le comportement biologique
de ces tumeurs demeure incertain. En effet, chez 10 à
15% des patients ayant une tumeur initiale superficiel-
le, la maladie progressera avec les récidives vers une
tumeur infiltrante. Quant aux tumeurs infiltrantes, leur
potentiel métastatique est variable. Malgré la chirurgie
radicale, un échec thérapeutique sera observé chez près
de 50% des malades, suggérant l’existence de micrométastases au diagnostic. Les données cliniques et
pathologiques actuelles ne permettent pas de prédire de
façon précise le potentiel biologique des tumeurs vésicales.
L’explosion des connaissances sur la biologie des cellules normales et cancéreuses ainsi que le développement de technologies sophistiquées rendent maintenant
possible la quantification des propriétés biologiques de
tumeurs au niveau moléculaire. Une des caractéristiques fondamentales des cellules néoplasiques est la
perte du contrôle de la prolifération cellulaire résultant
de l’inactivation de gènes suppresseurs dont l’identification fait l’objet de recherches intenses [12]. P53 est
un exemple de ce phénomène et il est reconnu qu’une
expression augmentée de la protéine anormale dans les
tumeurs de stade T1 est en corrélation avec un risque
accru de progression dans la cancer de la vessie [23].
Un taux prolifératif accru peut être en partie responsable du comportement plus agressif d’une tumeur et
peut être observé sur l’ensemble des cellules ou plus
fréquemment sur une sous-population cellulaire de
taille variable à l’intérieur d’une tumeur donnée.
L’étude des oncogènes, bien qu’elle n’ait pas encore
permis d’identifier de gènes spécifiques au cancer,
nous a fait découvrir un grande diversité de régulateurs
de la prolifération et de l’activation cellulaire. La technique des hybridomes a permis la production d’anticorps monoclonaux spécifiques pour des molécules
nucléaires associées à l’état prolifératif. Ki-67 [1, 7, 9]
est un des systèmes antigéniques nucléaires connus à
ce jour. Une autre série d’antigènes membranaires a
également été identifiée, représentant un ensemble de
récepteurs pour des facteurs de croissance connus ou
non encore caractérisés, qui sont en partie responsables
d’un état d’activation cellulaire plus ou moins important. Parmi ceux-ci on peut reconnaître le récepteur
pour le facteur de croissance épidermique (EGFR) [10,
Manuscrit reçu : mars 1995, accepté : juillet 1996.
Adresse pour correspondance : Dr. Yves Fradet, Centre de recherche en cancérologie de l’Université Laval, L’Hôtel-Dieu de Québec, 11 côte du Palais, Québec,
Québec G1R 2J6, Canada.
907
11, 16], et une autre glycoprotéine de membrane de
85,000 de masse moléculaire dont la fonction est
inconnue, le T43 (gp85,000) [3, 5], mais dont l’expression a été associée au degré d’activation et de prolifération cellulaire (6).
Tableau 1. Caractéristiques des anticorps monoclonaux.
Antigènes
Ki-67
EGFR
Les cellules ont été obtenues par barbotage vigoureux
de la vessie vide avec 150 à 200 ml d’une solution isotonique de chlorure de sodium acheminée à travers un
cystoscope 21 French. Les échantillons d’irrigation ont
été centrifugés et le culot cellulaire lavé 2 fois dans du
PBS (1,200 tours par minute pour 10 minutes). Après
un décompte cellulaire, les échantillons ont été congelés à 80°C dans un milieu de congélation (MEM, 10%
DMSO et 20% sérum de veau fétal).
Les biopsies de tumeur ont été dissociées mécaniquement à l’aide d’un bistouri pour obtenir une suspension
monocellulaire. Les cellules sont lavées deux fois avec
du PBS, remises en suspension et filtrées avec un filtre
nylon de 50 µm, puis préparées pour le double marquage.
[7]
IgG1
Antigène nucléaire
présent sur les cellules
au repos
[16]
IgG2A
Récepteur du facteur
de croissance
épidermique
[4]
T43
Population étudiée
Les 5 échantillons de cellules urothéliales normales ont
été obtenus en grattant, à l’aide d’un bistouri, l’urothélium de vessies provenant de donneur d’organes cadavériques. Les cellules ainsi détachées ont été lavées,
comptées puis congelées ou utilisées fraîches pour
l’analyse au cytomètre en flux.
Référence
membranaires
MATERIEL ET METHODES
Prélèvements et préparation des échantillons
Caractéristiques
nucléaire
Dans la présente étude, nous avons mesuré par cytométrie en flux l’expression de l’antigène nucléaire Ki67 et des récepteurs membranaires T43 et EGFR sur
une série d’échantillons de tumeurs vésicales, superficielles et infiltrantes, et de cellules normales afin de
déterminer le potentiel clinique de ces marqueurs.
L’étude porte sur 40 échantillons différents de cellules
urothéliales; 5 spécimens proviennent de vessies normales et 35 de tumeurs vésicales de type carcinome
transitionnel. Les cellules tumorales de 9 des 35 échantillons ont été obtenues par irrigation vésicale alors que
les 26 autres proviennent de la dissociation de biopsies
de tumeurs. Les stades pour les échantillons tumoraux
se distribuent comme suit; 10 stade Ta, 11 stade T1 et
14 stade T2 et plus. La stratification en grade donne 5
grade 1, 16 grade 2 et 14 grade 3.
Classe
d’anticorps
IgG1
Glycoprotéine de 85 Kd
exprimée par de rares
cellules normales et sur
plusieurs types de cancers,
mais non sur les tumeurs
bénignes correspondantes
tion T43 a été décrit précédemment [4, 6]. L’AcM
EGFR528 contre le récepteur de l’EGF [16] nous a été
donné par le Dr. MENDELSOHN du Memorial Sloan
Kettering Cancer Center, N.Y. L’AcM Ki-67 [7] de
Dakopatts a été acheté chez Dimension Lab.
Double coloration antigène - ADN
L’analyse de l’expression antigénique et du contenu en
ADN des cellules a été possible grâce à une technique
de double marquage et l’utilisation du cytomètre en
flux. La technique de double marquage a été décrite
pour les marqueurs de surface [6]. En bref, les suspensions monocellulaires sont incubées 1 heure à 4°C avec
un premier anticorps spécifique. Les cellules sont
ensuite lavées 2 fois avec du tampon phosphate et incubées 30 minutes à 4°C avec 200 µl d’une solution 1/40
d’anticorps de chèvre anti-souris couplés à la fluorescéine (GAM-FITC). Après perméabilisation par deux
lavages dans une solution PBS - 0.5% Tween 20
(Anachemia Inc, Canada), les cellules sont incubées
avec 200 µl d’une solution de RNAse A (Sigma
Chemical Co.) 100 U/ml pendant 20 minutes à 37 °C.
Un volume égal d’une solution 50 mg/ml d’iodure de
propidium (PI) (Sigma Chemical Co.) est ensuite ajouté et incubé un minimum de 30 minutes avant toute
mesure. Tous les échantillons cellulaires sont filtrés
avec un filtre de nylon de 50 µm avant leur analyse au
cytomètre en flux.
Anticorps monoclonaux
Pour l’antigène nucléaire Ki-67, la technique de double
marquage utilisée est celle du groupe du Prof. J.C.
BENSA du Centre de transfusions sanguines de
Grenoble (communication personnelle).
Les anticorps monoclonaux utilisés dans cette étude
sont décrits dans le Tableau 1. Le marqueur d’activa-
Les étapes diffèrent sensiblement de la précédente;
ainsi, la suspension cellulaire est incubée simultané908
Figure 1a et 1b. Expression des antigènes Ki-67 et T43 sur des cellules urothéliales normales et tumorales. Les échantillons tumo raux sont subdivisés selon le stade pathologique de la tumeur d’origine. Le stade T2+ réfère aux tumeurs de stade T2, T3 et T4.
L’expression de l’antigène Ki-67 est donnée en pourcentage de cellules d’une population exprimant l’antigène. Quant à l’expres sion de T43, elle est fournie selon l’intensité d’expression.
Analyse de l’ADN et de l’expression antigénique
par cytométrie en flux
Les échantillons ont été analysés sur un cytomètre en
flux EPICS V (Coulter Electronics), équipé d’un laser
à l’argon. A une longueur d’onde d’excitation de 488
nm, l’émission de la fluorescence verte du FITC (515
nm) et de la fluorescence rouge du PI (610 nm) de
chaque cellule est mesurée simultanément. Les données sont accumulées pour un minimum de 2,000 cellules sélectionnées selon leur taille et leur fluorescence
pour exclure les doublets et les débris. Les données
sont sauvegardées pour analyse subséquente.
Figure 2. Corrélation entre l’expression de Ki-67 (% de cel lules positives) et T43 (intensité) sur 40 échantillons de cel lules urothéliale s. Le s données e xactes sotn fournies au
Tableau 2. Noter la répartition des échantillons selon quatre
phénotypes. Le phénotype «a» représente les échantillons qui
sont négatifs ou faiblement positifs pour les deux antigènes; le
phénotype «b» une faible expression de T43 et une bonne
expression de Ki-67; le phénotype «c» contient les échantillons
qui ont une forte expression de T43 mais une faible expression
de Ki-67 et enfin le phénotype «d» referme les échantillons qui
expriment fortement les deux antigènes.
ment dans des volumes égaux (200 µl) d’une solution
1% saponine - 2% sérum de veau nouveau-né (SVNN)
dans du PBS et d’anticorps spécifique. Cette préparation permet de perméabiliser et colorer les cellules en
une seule étape. Par la suite, les cellules sont lavées
dans une solution 2% SVNN- 0.1% saponine dans du
PBS. Le reste de la technique est similaire à la méthode décrite ci-haut.
Pour une meilleure comparaison des profils de coloration
obtenus lors de jours différents, l’instrument a été calibré
chaque jour avec des microbilles «full bright» (EPICS
Division of Coulter Corporation, Hialeah, Florida). Pour
l’analyse de l’ADN, des lymphocytes humains normaux
isolés du sang périphérique sur un gradient de Ficoll
(Pharmacia) et marqués à l’iodure de propidium dans les
mêmes conditions que les échantillons cliniques sont utilisés comme standard diploïde. La ploïdie est déterminée
en divisant la valeur du canal au pic moyen de l’échantillon par la valeur des lymphocytes normaux selon la
convention internationale [8].
L’analyse de l'intensité de la fluorescence membranaire a déjà été décrite en détail et est illustrée dans les
Figures l et 3 de la référence [6]. En résumé, l’intensité de fluorescence est exprimée sous forme de rapport
entre la valeur du canal au pic pour les cellules colorées
avec l’AcM test et la valeur du canal au pic de cellules
colorées avec un surnageant de l’hybridome non sécréteur Sp2/0. Le nombre de cellules positives est obtenu
en soustrayant avec un utilitaire du système EPICS la
distribution obtenue avec un anticorps test de celle
909
Le pourcentage de cellules exprimant Ki-67 est très
faible (< 5%) sur les cellules urothéliales normales
alors que ce pourcentage s’élève fréquemment au-dessus de 10% dans les tumeurs de divers stades (Figure 1
a). La différence entre les normaux et les tumeurs est
significative (p < 0.05) sauf pour le groupe de tumeurs
TA (p = 0.074). Il ne semble toutefois pas y avoir de
différence dans le pourcentage de positivité selon le
stade des tumeurs analysées. Dans le cas de l’antigène
T43, la mesure de l’intensité de fluorescence semble
plus informative que l’étude du nombre de cellules
positives puisqu’en général dans les échantillons positifs, la réactivité est observée avec l’ensemble des cellules. Pour ce marqueur, l’intensité moyenne de fluorescence s’accroît avec l’augmentation du stade tumoral alors que les cellules normales sont négatives
(Figure 1b). La différence d’intensité n’est cependant
significative qu’entre les tumeurs de stade T2+ et les
normaux (p<0.03).
Tableau 2. Comparaison de la réactivité unique ou combinée
des anticorps monoclonaux T43 et Ki-67 selon le stade et la
ploïdie.
Réactivité
des
anticorps
Urothélium
normal
Ki-67 T43
A--
Tumeurs
Ploïdie
Superf.
Infilt.
Dipl.
Aneupl.
(Ta, T1)
(≥ T2)
5*
7
3
10
5
B +
-
0
5
2
2
5
C +
-
0
2
2
3
1
D +
+
0
7
7
5
9
5
21
14
20
20
Total
* Nombre d’échantillons.
L’analyse multiparamétrique des marquages avec les
anticorps T43, EGFR et KI-67 a été faite pour les combinaisons T43-KI-67 et T43-EGFR. Les résultats de la
réactivité de chaque échantillon d’urothélium normal
ou de tumeur sont illustrés dans la Figure 2 et font ressortir une dichotomie d’expression de T43 et de KI-67.
En effet aucune tumeur n’exprime fortement les deux
antigènes simultanément et le coefficient de corrélation
est nul (C.R.= -0.06). Ceci permet de diviser les échantillons selon 4 phénotypes: phénotype «a», complètement négatifs, «b et c», fortement positifs avec un ou
l’autre des 2 marqueurs, et «d», faiblement positifs
avec les deux marqueurs. Le résumé de cette distribution, en fonction du stade des tumeurs et de la ploïdie
est présenté dans le Tableau 2. On note que la majorité
des échantillons diploïdes, de tumeurs ou de tissus normaux est négative avec les deux anticorps alors que la
majorité des échantillons aneuploïdes est positive avec
Ki-67 et T43. On note également qu’un pourcentage
plus élevé des tumeurs de stade avancé réagit avec les
deux anticorps.
Tableau 3. Comparaison de la réactivité unique ou combinée
des anticorps monoclonaux T43 et EGFR selon le stade et la
ploïdie.
Réactivité
des
anticorps
Urothélium
normal
EGFR T43
Tumeurs
Ploïdie
Superf.
Infilt.
(Ta, T1)
(≥ T2)
Dipl.
Aneupl.
A--
5*
12
4
11
10
B +-
0
0
1
1
0
C- +
0
7
3
5
5
D+ +
0
2
6
3
5
Total
5
21
14
20
20
* Nombre d’échantillons.
obtenue en utilisant un surnageant de Sp2/0 comme
premier anticorps. La probabilité de différence entre
les échantillons de vessie normale et de tumeurs est
calculée en comparant la différence des moyennes
avec le test t de Student.
Le Tableau 3 présente les résultats d’une analyse similaire comparant T43 et EGFR. On observe qu’une
seule tumeur n’était positive qu’avec le récepteur de
l’EGF. Inversement, 10 tumeurs négatives pour EGFR
étaient positives avec l’anticorps T43. Ces tumeurs se
retrouvent surtout dans le groupe des tumeurs superficielles représentant 30% de celles-ci. Une telle analyse
en fonction du grade ne révèle aucune tendance d’association ou d’exclusion de l’immunomarquage.
RESULTATS
L’analyse des marqueurs prolifératifs et d’activation a
été faite sur 5 échantillons d’urothélium normal et 35
échantillons provenant de tumeurs vésicales superficielles ou infiltrantes. Dans ces études, l’attention s’est
portée à la mesure de l’expression de Ki-67 et T43.
L’expression de ces deux antigènes ainsi que du récepteur de l’EGF varie beaucoup selon les échantillons
cliniques particulièrement lorsque ceux-ci sont stratifiés en normaux ou selon le stade tumoral.
DISCUSSION
Peu d’études se sont intéressées aux marqueurs prolifératifs dans le cancer de la vessie. Des études immunopathologiques ont montré une corrélation entre un
910
pourcentage élevé de cellules positives avec l’antigène
Ki-67 et un stade plus avancé des cancers de la vessie
(15,20). L’existence d’anticorps réactifs contre Ki-67
sur coupe en paraffine rend l’évaluation de ce marqueur
plus pratique en clinique [14]. Le récepteur de l’EGF a
également été étudié et des résultats un peu controversés ont été obtenus [2, 11, 17, 18]. Cependant, quelques
études faites avec des méthodes semi-quantitatives
immunopathologiques suggèrent qu’une forte expression du récepteur de l’EGF peut prédire la récidive et la
progression des tumeurs superficielles [2, 18, 19, 22].
Dans la présente étude, une comparaison de l’expression d’un groupe de marqueurs nucléaires et membranaires sur les cellules urothéliales normales fraîches et
sur des tumeurs urothéliales a été faite en utilisant une
méthode quantitative précise, la cytométrie en flux.
Cette méthode permet non seulement d’évaluer le pourcentage de cellules positives mais également l’intensité
moyenne d’expression qui peut être un reflet plus précis de l’état d’activation cellulaire. Cette étude quantitative permet aussi de combiner l’analyse de plusieurs
paramètres dont notamment le contenu en ADN des
cellules. La mesure de l’expression des marqueurs T43
et KI-67 sur une série d’échantillons cliniques de
tumeurs vésicales superficielles et infiltrantes suggère
qu’il est possible d’obtenir de ces marqueurs une information pronostique indépendante du stade, du grade et
de la ploïdie. Tous les échantillons de tissus normaux
ont été négatifs pour les deux marqueurs. Par contre
une fraction importante des tumeurs a réagi à des
degrés divers avec un ou l’autre des anticorps. La stratification selon le stade démontre une réactivité préférentielle de T43 avec les tumeurs de stade élevé,
comme observé précédemment [5, 22]. Le patron de
réactivité de Ki-67 n’est pas si simple; dans l’ensemble
des tumeurs analysées, on n’a observé aucune corrélation entre le stade et le nombre de cellules de la tumeur
exprimant Ki-67.
ficielles expriment T43 et sont négatives avec l’EGFR.
Il sera intéressant de vérifier s’il existe une corrélation
entre le comportement clinique des tumeurs et le phénotype prolifératif mesuré par T43 et EGFR. Les résultats sont également particulièrement intéressants
lorsque l’expression de Ki-67 est étudiée en fonction
du taux d’expression de T43 pour chaque échantillon
clinique analysé (Figure 2). On observe une division
presque parfaite des échantillons en quatre groupes:
totalement négatifs, faiblement positifs pour les deux
marqueurs, nettement positifs seulement pour Ki-67 ou
pour T43, mais jamais fortement positifs pour les deux
marqueurs. Il semble peu probable que l’anti-corrélation mesurée soit l’effet du hasard, mais il sera cependant essentiel de répéter cette analyse sur un plus grand
nombre de tumeurs.
Il sera aussi vital de suivre l’évolution des patients
selon le type d’expression de leur tumeur. On peut imaginer par exemple que les tumeurs exprimant T43 ont
un potentiel métastatique plus élevé et que les tumeurs
portant ce marqueur ont déjà des micrométastases.
Toutefois, deux études indépendantes suggèrent qu’un
autre antigène membranaire, le T138, est un marqueur
pronostic plus puissant dans les cancers vésicaux [5,
22]. De même, comme Ki-67 semble associé au degré
d’activation des cellules et qu’il est aussi déjà exprimé
sur certaines tumeurs superficielles, on peut supposer
que ces tumeurs ont un potentiel de récidive plus élevé
et une tendance à évoluer vers un phénotype plus
malin. Ces marqueurs semblent ainsi différer du TPA
qui semble aussi avoir une valeur pronostique mais qui
est en premier associé à la taille des tumeurs [13]. Il
serait maintenant important de déterminer si ces marqueurs se complètent et permettent ensemble de détecter un plus fort pourcentage de tumeurs à potentiel
malin.
Remerciements
L’addition de la ploïdie à l’analyse des deux marqueurs
confirme le résultat précédent. On note qu’une majorité des tumeurs est diploïde dans le groupe négatif pour
les deux marqueurs (Tableau 2). La proportion de
tumeurs aneuploïdes augmente proportionnellement
selon que la tumeur est positive pour Ki-67 seul ou
pour les deux marqueurs. Ce résultat suggère que l’expression de Ki-67 ne reflète pas seulement le fait que
les cellules tumorales sont en phase proliférative, mais
possiblement un paramètre associé au potentiel malin
plus élevé de certaines tumeurs. Elle peut également
être un reflet de l’instabilité génétique des cancers plus
agressifs.
Les auteurs remercient Madame Elisabeth Lemay pour son
excellent travail de secrétariat.
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L’étude corrélée des différents marqueurs semble
apporter un éclairage particulièrement intéressant. On
constate d’abord que l’anticorps T43 est beaucoup plus
fréquemment positif sur les tumeurs infiltrantes. Mais,
on note également que près de 30% des tumeurs super-
4. FRADET Y., CORDON-CARDO C., WHITM ORE W.F.,JR.,
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SUMMARY
Clinical interest of the study of proliferation and cell
activation antigens by multiparametric flow cytometry
in bladder cancer.
The proliferative rate of tumor cells is frequently proportio nal to their degree of aggressiveness. The objective of the
present study was to determine the corrélation between the
expression of three antigens associated with proliferation
and the stage and ploidy of bladder cancers. The reactivity
of antibodies against the nuclear antigen Ki-67 and mem brane antigens T43 and the epidermal growth factor recep tor (EGFR) was studied by flow cytometry on a series of 35
clinical samples of superficial and infiltrating bladder can cer and as well as on 5 specimens of normal urothelial cells.
A preferential expression of the T43 antigen was observed
on invasive cancer. EGFR was less frequently expressed;
however, seven of the nine positive samples were from inva sive cancers. Ki67 on the other hand did not show any selec tive expression according to tumor stage. When comparing
Ki-67 and T43 expression on individual tumor samples, a
negative corrélation was found in that no tumor strongly
expressed both markers simultaneously. These results sug gest that markers of proliferation and activation do not all
measure the same tumor parameters. Together, they may
provide prognostic information that may be useful in the fol low-up of patients with bladder cancer.
Key words : Multiparametric flow cytometry, bladder neo plasms, proliferation, Ki-67, T43, EGFR.
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