
Thierry AMOUGOU 5
A) L’importance de l’histoire
De la colonisation à l’époque contemporaine, le développement de l’Afrique
subsaharienne fait toujours l’objet d’un “ management international2 ”. En
effet, pendant la période coloniale ce management international de son
développement était assuré non seulement par les grandes puissances
coloniales [France, Angleterre, Allemagne, Portugal, Italie] et leurs
associations et multinationales de même nature3, mais aussi par des
conférences internationales où les acteurs dominants d’outre-mer décidaient
de la gouvernance des colonies. Aujourd’hui, ce management international
est assuré par les institutions économiques et politiques internationales [FMI,
BM, OMC, ONU…] sans oublier les interférences chroniques des anciennes
métropoles dans les nouveaux États indépendants. Aussi, si on se situe dans
une perspective néo-braudelienne, on peut se demander à quelle niveau de
son développement se trouve actuellement l’Afrique subsaharienne, dans la
mesure où pendant la période coloniale qui aurait dû correspondre à sa phase
de construction de la civilisation matérielle et spirituelle, elle se retrouvait
déjà au quatrième niveau de Braudel [intégration politique et économique
internationale], sans avoir achevé, ni la construction de ses bases matérielles
et spirituelles, ni entamé le troisième niveau qui correspond à la construction
des États-nations et de l’accumulation capitaliste. En effet, est-ce que des
espaces tels que Tombouctou, Zanzibar, la Rhodésie, l’île de Gorée et des
fleuves tels que le Nil, le Congo, et le Sénégal pour ne citer que quelques
noms, n’étaient pas déjà des plaques tournantes et intégrées du commerce
international pendant la période coloniale, alors que les Etats-nations
n’existaient pas encore en Afrique subsaharienne ? Si la réponse est
affirmative, comme je le présume, alors l’histoire coloniale de l’Afrique
subsaharienne montre qu’elle était jadis fort connectée politiquement et
économiquement avec l’extérieur, au travers respectivement des grandes
conférences internationales sur le devenir des colonies et les diverses
transactions commerciales [commerce triangulaire des esclaves et
l’exploitation des matières premières et des cultures de rentes par les
2 D’une part nous entendons par management international du développement de l’Afrique
subsaharienne, la définition des priorités et des orientations idéologico-politiques et économiques
de la gouvernance des colonies par les puissances coloniales pendant la période coloniale, et
d’autre part, les prescriptions autoritaires de politiques de développement assurées aujourd’hui
par les anciennes puissances coloniales et les institutions économiques et politiques
internationales (FMI, BM, OMC, ONU…) dont l’application s’impose aux pays de l’Afrique
subsaharienne.
3 Parmi les multinationales et associations coloniales on peut citer entre autres la National
African Company anglaise, la Compagnies française d’Afrique équatoriale, l’Association
internationales du Congo appartenant à la Belgique puis l’Association coloniale allemande et la
société pour la colonisation allemande fondées respectivement en 1881 et 1884 qui fusionnent en
1887 pour donner la Deutsche Kolonial Gesellschaft.