IMAGE COMMENTÉE coordonné par le Dr A. Azarine Embols d’origine cardiaque : un rôle pour le scanner ? A. Azarine Service de radiologie cardiovasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. L es thrombi dans les cavités cardiaques et sur l’aorte thoracique sont une des causes importantes d’accident embolique périphérique, notamment cérébral. L’échographie transœsophagienne (ETO) est considérée comme la méthode de référence dans leur détection. Récemment, les scanners multidétecteurs synchronisés au rythme cardiaque permettent, après injection d’iode, d’avoir une imagerie précise et optimale des cavités cardiaques, en particulier de l’auricule gauche. Cette technique non invasive permet aussi de détecter les plaques aortiques, notamment de l’arche aortique, en précisant leur caractère régulier, irrégulier, calcifié, voire potentiellement emboligène. La figure 1 montre avec précision l’auricule gauche, bien remplie par le produit de contraste (flèche blanche). Les muscles pectinés (figure 1A) apparaissent clairement (éperon hypodense, physiologique). En revanche, sur la figure suivante, on note un comblement hypodense de l’extrémité de l’auricule gauche (figure 1B) faisant suspecter la présence d’un thrombus à ce niveau. Dans la littérature, il a été montré qu’une acquisition au seul I M A G E S Figure 1 Figure 2 28 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 433 - mars 2010 Figure 3 temps artériel ne permettait pas de poser le diagnostic de thrombus de l’auricule gauche de façon formelle. En effet, dans ces oreillettes et auricules gauches ectasiques, il existe souvent une stagnation du produit de contraste générant des artefacts de flux dans l’auricule gauche (figure 2A). Ces artefacts de flux disparaissent sur une acquisition réalisée 3 mn après l’injection de produit de contraste (acquisition tardive) [figure 2B] et on retrouve alors un remplissage complet de l’auricule gauche (flèche blanche). Ces artefacts de flux imitent parfois un vrai thrombus de l’auricule gauche sur une acquisition faite au temps artériel (figure 2C) et seule une acquisition un peu plus tardive permet de trancher quant à la présence ou à l’absence d’un thrombus : ainsi, sur la figure 2D, on voit qu’il s’agissait bien d’un artefact de flux. En revanche, sur les figures 3A et 3B, on voit que le comblement hypodense de l’auricule gauche persiste au temps tardif (figure 3B), ce qui permet de poser le diagnostic de thrombus de l’auricule gauche. Dans la littérature, relativement faible du fait de la nouveauté de cette technique, la performance du scanner IMAGE COMMENTÉE cardiaque pour faire le diagnostic d’un thrombus de l’auricule gauche, comparée à l’ETO comme “gold standard”, a été évaluée à 100 % pour la sensibilité, à 98 % pour la spécificité et à 100 % pour la valeur prédictive négative (Hur J et al. Radiology 2009;251:683-90). Cette technique permet également de détecter les thrombi intraventriculaires gauches, notamment dans le suivi postinfarctus. La figure 4 montre un thrombus apical en regard d’une plaque fibreuse apicale akinétique nécrosée et calcifiée. En cas de doute, là encore, une acquisition tardive permet de poser formellement le diagnostic. Dans les figures 5A et 5B, l’imagerie tardive a permis de confirmer la présence d’un thrombus apical (flèche) dans le cadre d’une cardiomyopathie dilatée avec dysfonction majeure, le thrombus reste en effet hypodense par rapport au myocarde et aux muscles papillaires qui prennent le contraste au temps tardif. Les plaques aortiques sont une autre cause de pathologie emboligène, et elles sont également facilement détectables par les scanners multidétecteurs après injection d’iode, sans nécessairement une synchronisation au rythme cardiaque. La figure 6 montre une multitude de plaques aortiques protrusives et irrégulières qui flottent dans la lumière aortique et qui sont potentiellement emboligènes (les plaques aortiques sont jugées emboligènes si leur épaisseur excède 4 mm sur l’arche aortique). L’avènement de nouvelles techniques d’acquisitions prospectives synchronisées au rythme cardiaque permet de diminuer considérablement l’irradiation liée à ce type d’examen, notamment dans ce genre d’indication et particulièrement pour l’imagerie tardive. On peut donc discuter la place de cette technique non invasive dans le diagnostic ou dans le suivi des thrombi intracardiaques ou de l’arche aortique par rapport à la méthode de référence, l’ETO, qui demeure modérément “invasive”. L’IRM permet également la détection de ce type de thrombus mais sa couverture non volumique, donc moins étendue, ainsi que sa résolution spatiale moindre la rendent moins performante que le scanner, notamment en ce qui concerne les thrombi de l’auricule gauche. ■ I M A G E S Figure 5 Figure 4 Figure 6 La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 433 - mars 2010 | 29