Quelques aspects du développement économique

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Gestion des Transformations Sociales
MOST
Document de travail - no 49
Quelques aspectsdu
développement économique,
social et politique
aux Iles du Cap-Vert (19751999)
Par
Elisa Andrade
ORGANISATION
DES NATIONS
UNIES POUR L’EDUCATION,
LA SCIENCE ET LA CULTURE
SHS-2000/WS/19
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Les idées et opinions exprimées dans cette publication
n’engagent pas la responsabilité de I’UNESCO.
sont celles des auteurs et
Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données
qui y figurent n’impliquent de la part du Secrétariat de I’UNESCO aucune
prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones,
ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.
Organisation
Publié par le Programme MOST
des Nations Unies pour YEducation, la Science et la Culture
1 rue Miollis, 75732 Paris CEDEX 15, France
htpp://www.unesco.org/most
0 UNESCO 2000
Le Programme
MOST
Le Programme (( Gestion des transformations sociales » - MOST - a été conçu par
1’UNESCO pour favoriser la recherche comparative internationale en sciences sociales.
Son objet premier est d’appuyer les recherches autonomes de grande envergure et de
longue durée et d’en communiquer les conclusions et les données aux décideurs. MOST
organise et soutient des recherches dans trois domaines hautement prioritaires :
La gestion du changement dans les sociétés multiculturelles et multi-ethniques.
Les villes, lieux de transformation sociale accélérée.
La gestion locale et régionale des transformations économiques, technologiques et
environnementales.
l
l
l
L’auteur
Elisa Andrade, de nationalité cap-verdienne, est économiste et historienne. Vivant
actuellement dans son pays, elle y enseigne L’Histoire du Cap-Vert (XIX-XX siècles) et
L’Histoire d’Afrique (même époque) à l’Institut Supérieur de 1’Education.
Dans le
domaine de l’éducation, elle a élaboré des curricula pour l’enseignement de la Culture capverdienne au niveau du secondaire. En tant que consultante, elle mène des études,
notamment pour des organismes des Nations unies, sur divers domaines de la vie
économique et sociale de l’archipel. Elle a publié chez L’Harmattan (1996) Les îles du
Cap- Vert de la « découverte ” à l’Indépendance nationale (1460-1975) et a contribué à
plusieurs ouvrages collectifs (email: [email protected]).
Les Documents de travail MOST
La collection des Documents de travail du Programme MOST présente des contributions
émanant de chercheurs spécialisés dans les domaines de recherche de MOST. Ces écrits
sont préparés afin de contribuer au débat scientifique international dans ces domaines.
Titres disponibles (octobre 2000)
1.
Les sociétés pluriculturelles
et pluriethniques.
Henri Giordan. 1994. F/A/E
2.
Ville et gestion des transformations
3.
Différenciation des régimes de croissance et des gestions de la reproduction
sociale. Pascal Byé. 1994. F/A/E
4.
La recherche urbaine en Amérique latine. Vers un programme de recherche.
Licia Valladares, Magda Prates Coelho. 1995. F/A/E
5.
La gestion du multi-culturalisme
Diego A. Iturralde. 1995. F/A/E
6.
La global, 10 local, 10 hibrido.
(en espagnol seulement)
sociales. Céline Sachs-Jeantet. 1994. F/A/E
et du multi-ethnisme
en Amérique latine.
Heinz R. Sonntag, Nelly Arenas. 1995.
7.
Reflections on the challenges confronting post-apartheid
B.M. Magubane. 1995. (en anglais seulement)
South Africa.
8.
La gestion locale et régionale des transformations économiques, technolo-giques
et environnementales. S. Jentoft, N. Aarsaether, A. Hallenstvedt. 1995. F/AiE/R
9.
Des partenariats
1995. F/A
10.
Diversité: bonne et mauvaise gestion. Le cas des conflits ethniques et de
1‘édification de 1‘Etat dans le monde arabe. Saad Eddin Ibrahim. 1996. FIA
11.
Urbanisation
1996. F/A
12.
Public policy and ethnie conflict.
13.
Some thematic and strategic priorities for developing research on multi-ethnie
and multi-cultural societies. Juan Diez Medrano. 1996. (en anglais seulement)
14.
La technologie de 1‘information au service de 1‘Organisation: Une véritable
mutation sociale aux Etats-Unis. Thomas R. Gulledge, Ruth A. Haszko. 1997.
FIAIE
15.
Global transformations and coping strategies: a research agenda for the MOST
Programme. Carlos R.S. Milani, Ali M.K. Dehlavi. 1996. (en anglais seulement)
16.
The new social morphology of cities. Guido Martinotti.
seulement)
17.
Societies at risk? The Caribbean and global change. Noman Gir-van. 1997.
(en anglais seulement)
18.
La reproduction des programmes sociaux : approches, stratégies et problèmes
conceptuels. Nice van Oudenhoven, Rekha Wazie. 1997. FIA
19.
VIIZBIDA et entreprise en Afrique: une réponse socio-médicale à l’impact
économique? L ‘exemple de la Côte d’ivoire. Laurent Aventin, Pierre Huard. 1997.
F/A
20.
Le développement humain: problématiques et fondements d’une politique
économique. Siméon Fongang. 1997. F/A/E
21.
Condition salariale et intervention de 1’Etat à l’heure de la globalisation:
l’Argentine dans le Mercosur. Susana Pefialva. 1998. FIAIE
22.
Les mouvements d’argent et le trafic de drogue dans le Bassin Amazonien.
Osorio Machado. 1998. F/A/E
dans nos villes pour 1‘innovation urbaine. Francis Godard.
et recherche urbaine dans le monde arabe. Mostafa Kharoufi.
Ralph R. Premdas. 1997. (en anglais seulement)
1996. (en anglais
Lia
l
23.
Cities unbound : the intercity network in the Asia-Pacific Region. John
Friedmann. 1998. (en anglais seulement)
24.
Género y nation en el Mercosur. Elizabeth Jelin, Teresa Valdés, Line Bareiro.
1998. E/A
25.
Chile y Mercosur : Hasta donde queremos integrarnos ? Carolina Stefoni E.,
Claudio Fuentes S. 1998. E/A
26.
La production mediatica de nacionalidad en la frontera. Un estudio de caso en
Posadas (Argentina) - Encarnacion (Paraguay). Alej andro Grimson. 1998. EIA
27.
Globalizacion, regiones y fronteras. Robert Abinzano. 1998. EIA
28.
Una navegacion incierta : Mercosur en Internet. Anibal Ford. 1998. EIA
29.
Los historiados y la production de fronteras : el caso de la provincia de Misiones
(Argentina). Héctor Eduardo Jaquet. 1998. E/A
30.
Democratic governance in multicultural
31.
Aspectos culturales de las migraciones en el Mercosur. Fernand0 Calderon, Alicia
Szmukler. 1999. (en espagnol seulement)
32.
Theparticipatory City : innovations in the European Union. Voula Mega. 1998.
(en anglais seulement)
33.
Gestion urbaine et participation des habitants : quels enjeux, quels résultats ? Le
cas de Yeumbeul, Sénégal. Sylvaine Bulle. 1999.
34.
Cannabis in Lesotho: a preliminary
seulement)
35.
Violence related to illegal drugs, easy money and justice in Brazil : 1980-1995.
Alba Zaluar. 1999. (en anglais seulement)
36.
Drug trafficking
seulement)
37.
Les discours techniques et savants de la ville dans la politique urbaine. H. Rivière
d’Arc, J. Bitoun, M. S. Martins Bresciani, H. Caride, D. Hiemaux, A. Novick,
S. Jatahy Pesavento. 1999.
38.
Socio-economic transformations and the drug scene in India. Gabriel Britto,
Molly Charles. 1999. (à paraître)
39.
Geography of illicit drugs in the City of Sao Paulo. G. Mingardi, 1999. (en anglais
seulement)
societies. Matthias Koenig. 1999. F/A/E
survey. Laurent Lanier. 1999. (en anglais
in Mexico : afirst general assessment. Luis Astorga. (en anglais
40.
La démarche comparative en sciences sociales. Esquisse pour un débat sur la
méthode et les objectifs à partir de trois projets MOST menés au sein d’un réseau
international de chercheurs. Cynthia Ghorra-Gobin. 1999.
41.
ScientiJic diasporas: a new approach to the brain drain. Jean-Baptiste Meyer,
Mercy Brown. 1999. (en anglais seulement)
42.
Science, Economies and Democracy: Selected Issues. Dominique Foray, Ali
Kazancigil. 1999. (en anglais seulement)
43.
Impact économique et social de la culture du pavot sur la Communauté des
Yanaconas au sein du Massif Colombien. Thierry Colombié, 1999.
44.
The Relationship between research and drugpolicy
Laniel. 1999. (en anglais seulement)
45.
Coping with global economic, technological and environmental transformations
towards a research agenda. Yoginder K. Alagh. 2000. (en anglais seulement)
46.
ONG, gouvernante
2000.
47.
El Crepusculo del estado-nacion : una interpretacion historica en el contexte de
la globalizacion. Ariel Français. 2000. (en espagnol seulement)
48.
Urban development, infrastructure Jinancing and emerging system of governance
in India : aperspective. Amitabh Kundu. 2000. (en anglais seulement)
in the United States. Laurent
et développement dans le monde arabe. Sarah Ben Néfissa.
F = Français; A = Anglais; E = Espagnol; R = Russe
Les publications MOST sont également disponibles en format électronique
Site Web du « Clearing House » de MOST: www.unesco.org/most
au
:
Quelques aspects du développement
économique, social et politique
aux îles du Cap-Vert (1975-1999)
.
par Elisa Andrade
Table des matières
Introduction
1.
L’Héritage
............ ..................................... .......................................... ... ............ .......... 11
colonial ........................................ .......................................................... 13
h
II. Les politiques et les stratégies de développement
de la proclamation
de l’indépendance
économique et social,
à l’heure actuelle ...................................... 15
II. 1 Le cadre des politiques économiques ........................................................................
15
II.2
Les stratégies globales de développement ...............................................................
16
III.
Le développement social au Cap-Vert
.................................................................
17
III. 1 La Première République et le développement social.. ............................................. 17
III.2 Le développement social sous la deuxième République ......................................... 22
Conclusion ....................................................................................................................... 25
Ce Document de travail vise à confronter les concepts de développement
humain, développement durable ou soutenable, tels qu’ils furent définis par
des organismes du système des Nations unies, intériorisés par les deux
régimes qui se sont succédés au Cap- Vert (1975-1999) et traduits par la
mise en application de leurs politiques et stratégies de développement,
compte tenu des différentes étapes de développement et de la nature de
1‘insertion du pays dans 1‘économie mondiale.
.
Introduction
Les concepts de développement humain et de développement durable étant
fortement présents dans la plupart des documents relatifs aux aspects multiples du
développement économique et social du Cap-Vert’, nous essayerons tout d’abord de les
définir avant d’aborder la problématique qui nous occupe, à la lumière de quelques
documents produits dans le cadre du système des Nations unies. Notre but est de vérifier,
autant que possible, s’ils ont servi, et dans quelle mesure, de fondement de base aux
politiques et stratégies de développement mises en œuvre dans ce pays depuis son
indépendance en 1975.
Certains spécialistes en sciences humaines et sociales affirment que le terme
développement social est souvent utilisé pour désigner les améliorations du bien-être
humain, le développement économique étant considéré comme un moyen de parvenir au
développement social. Ou alors il désigne un développement qui ne relèverait pas
strictement du développement économique ou du marché, notamment l’amélioration et le
développement des services publics ou sociaux comme l’éducation, la santé, l’hygiène
publique, l’accès à l’eau potable et à d’autres biens et services pouvant être fournis par les
organismes publics.
Selon l’UNESC0, « au-delà de la croissance économique, qui est un moteur et non
une jîn en soi, le développement est d’abord et avant tout social; il est par ailleurs
étroitement lié à la paix, aux droits de l’homme, à l’exercice démocrati ue du pouvoir et
s
enfin, dans une large mesure, à la culture et au style de vie des peuples » .
’ Le Cap-Vert (voir carte page suivante) est composé de dix îles (dont neuf habitées) et de cinq îlots d’origine
volcanique. Il se situe dans la zone tropicale de l’Atlantique Nord, à environ 450 km à l’ouest de Dakar. Les
îles, qui s’étendent sur une superficie de 4.033 Km*, sont distribuées en deux groupements: 1) Sotavento
(Santiago: 991 Km2; Fogo: 476 Km2; Maio: 292 Km2; Brava: 64 Km2) ; 2) Barlavento (Santo Antao:
779 Km’; Boavista: 620 Km2; S. Vicente: 227 Km2; S. Nicolau: 343 Km2; Sal: 216 Km2; Santa Luzia,
inhabitée: 35 Km2).
’ UNESCO - En vue de la préparation du sommet mondial pour le développement social, Note d’orientation
présentée par le Directeur général de I’UNESCO, juillet 1994.
11
Cape Verde
Il est admis aujourd’hui que la croissance économique, bien que jouant un rôle
essentiel, ne suffit pas à assurer le développement social. Les stratégies devraient donc être
concentrées sur les sociétés et non pas seulement sur les économies. La lutte contre la
pauvreté généralisée, l’accroissement du nombre d’emplois productifs et la réduction du
chômage, de même que le renforcement de l’intégration sociale, exigent que les
considérations sociales soient prises en compte dans la croissance économique et que
l’environnement
économique international offre suffisamment de possibilités de
promouvoir le progrès social à l’échelle mondiale. Progrès social qui implique, entre autres,
l’élimination de la misère et la réduction de la pauvreté, la possibilité pour chaque être
humain d’exercer un travail rémunérateur, ainsi que la capacité pour chaque société de
promouvoir l’intégration nationale.
D’après le Rapport mondial sur le développement humain (PNUD, 1997), la pauvreté
signifie une privation de possibilité de choix et d’opportunités qui permettrait aux
individus de mener une vie décente, les trois choix essentiels étant : avoir une vie longue et
salutaire, acquérir des connaissances et avoir accès aux ressources qui peuvent assurer un
Le concept de développement humain rejoint et est
niveau de vie convenable.
indissociable de celui de développement durable qui intègre trois dimensions 3 :
.
Une dimension écologique parce qu’il tient compte, non seulement des besoins
que le système économique est chargé de satisfaire mais aussi, de la manière dont
on utilisera, à cette fin, le capital naturel sans le dilapider.
3 Mondialisation
et développement durable, Quelles instances de régulation? MOST, UNESCO, 1998.
12
I ^.._
n
n
Une dimension économique qui désigne les incidences actuelles et futures de
1‘économie sur l’environnement.
Une dimension sociale et politique qui est la dimension proprement humaine [du
développement durable] car elle fait du développement un instrument de cohésion
sociale et un processus de choix politique. Choix qui doit être avant tout celui de
1‘équité tant entre générations qu’entre États.
Appréhendée du point de vue du développement humain, viable ou durable,
l’intégration sociale - pierre angulaire de toute société qui aspire à plus de justice sociale,
d’égalité, de bien-être matériel et de liberté démocratique - implique l’égalité des chances et
des droits pour tous.
Au sein de la société, l’intégration sociale doit se manifester par la solidarité,
l’interdépendance, le respect de la diversité culturelle, la tolérance envers les styles de vie
différents de ce qui est communément admis, mais elle doit se manifester aussi par le
courage de remplacer les systèmes en dysfonctionnement par d’autres systèmes plus
équitables.
Pour les Nations unies4, de même que la pauvreté, Z’exclusion, quelles qu’en soient
les victimes, représente une menace, surtout si le nombre des minorités marginalisées
atteint un seuil critique.
Compte tenu de ce que nous venons d’exposer ci-dessus, nous pouvons alors
conclure que le but du développement social est d’assurer le bien-être social, à savoir,
capacité de toute personne de satisfaire ses besoins essentiels et d’atteindre une qualité
vie satisfaisante, dans un cadre d’équité, de justice sociale et de dignité humaine et dans
climat de sécurité.
en
la
de
un
Dans quelle mesure les politiques économiques et sociales mises en œuvre au
Cap-Vert nous permettent-elles d’avancer dans la réalisation de ces idéaux ?
L
L ‘Héritage colonial
Après environ quatre siècles de domination coloniale portugaise et plus d’une
décennie de lutte politique clandestine (au Cap-Vert et au sein de la diaspora capverdierme), ainsi que la lutte armée de libération nationale menée conjointement avec la
Guinée Bissau, le pays accède à l’indépendance le 5 juillet 1975. Le premier gouvernement
héritera d’un secteur agricole caractérisé soit par la concentration de la propriété
(Santiago), soit par sa parcellisation (Fogo) ou alors par la coexistence de ces deux formes
dans quelques îles. Le pays traversait une des plus longues périodes de sécheresse dont le
début remontait à l’année 1968. De surcroît, il subissait un long processus de désertification
et d’érosion qui mettait en cause l’équilibre écologique.
La pêche, essentiellement artisanale, couvrait presque intégralement les besoins de
consommation interne. La pêche industrielle, domaine réservé surtout aux capitaux
étrangers, était presque entièrement tournée vers I’exportation.
L’industrie, outre son caractère désuet, ne comprenait que quelques installations de
transformation agroalimentaire pour l’exportation (conserverie et congélation de poisson),
4 Résultats du sommet mondial pour le développement social: projet de déclaration et projet de plan d’action,
Assemblée générale, document A/CONF.l66/PC/ L.13, New York, 22 août-2 septembre 1994.
13
d’extraction (pouzzolane, sel et chaux) et de quelques unités liées à la vocation du CapVert comme point d’escale de la navigation aérienne et maritime (l’aéroport international
de Sal, le chantier naval à S. Vicente et les unités de dessalement de l’eau de mer à S.
Vicente et à Sal).
Due à la faiblesse de la production agricole et du secteur industriel (d’extraction et de
transformation), en 1974 la contribution de ces deux secteurs au PIB n’était que de 159%
et 6,4% respectivement. D’où un commerce intérieur strictement dépendant de l’extérieur
et réservant une place importante aux produits alimentaires (20 à 25% des importations
totales durant la décennie qui précéda l’indépendance nationale)5.
Le déclin continu de l’économie de 1’Archipel allié à la période de sécheresse
prolongée créèrent une telle situation que durant les dernières années qui précédèrent
l’Indépendance, la moitié des dépenses du pays était soutenue par une subvention non
remboursable du Portugal. Celle-ci représentait en 1974, environ 54% des dépenses
publiques cap-verdiermes.
Comme résultat de cette situation économique fragile, le chômage et le sous-emploi
étaient estimés, au début des années 70, à environ 60% de la population active 6.
La situation nutritionnelle était préoccupante, la ration alimentaire ne dépassant pas
en moyenne les 1900 calories et 58 grammes de protéines (alors que les besoins sont, en
moyenne, de 2 200 et 67 grammes).
La couverture en eau et l’assainissement étaient très limités. On estime qu’au
moment de l’indépendance seulement 20% de la population bénéficiait d’eau potable,
essentiellement dans les zones urbaines. A cette situation venaient s’ajouter les carences
criantes des conditions sanitaires de base et des équipements sociaux. La situation de
l’habitat n’était pas moins précaire, surtout dans les zones rurales et suburbaines.
En ce qui concerne la santé, le taux de mortalité générale était de 9,3%0 et celui de la
mortalité infantile de 103,9%0.
La situation de l’enseignement se caractérisait, pendant la période 1973-1975, par
l’existence d’environ 91,5% des effectifs qui se concentraient dans l’enseignement
élémentaire de base (quatre années d’enseignement primaire), 5% dans les deux dernières
années de l’enseignement secondaire et 0,5% dans l’enseignement technique. La
qualification des professeurs était d’assez bas niveau et le nombre d’écoles nettement
insuffisant. Ceci a amené, dans les premières années qui ont suivi l’indépendance, à
l’utilisation de la même salle par trois classes à tour de rôle dans une journée, ce qui
ramenait les cours à trois heures par jour.
Ainsi, l’État du Cap-Vert se consacrera, dans les premiers temps de l’indépendance, à
la rationalisation de l’héritage colonial et au développement des infrastructures du pays.
Cela, avec le concours de l’aide internationale notamment avec la commercialisation de
l’aide alimentaire pour financer la création de postes d’emploi.
De l’indépendance à nos jours, les principaux instruments de gestion du pays comme
les Programmes du gouvernement et les Plans nationaux de développement ont
5 Les taux de couverture des importationspar les exportationssontpassésde 17,9% en 1970 à 7,9% en 1971,
7,3% en 1972, 4,3% en 1973 et 3,3% en 1974. Conf. ANDRADE, Elisa, Les îles du Cap Vert de la
«découverte» à l’indépendance nationale (1460-1973, Ed. L’Harnmtan, Paris 1996.
6 In Cap-Vert, août 1978, Ministère de la coopération (français), Services des études et questions
d’infomation économique, Paris, 1978.
14
successivement mis en relief le rôle de l’éducation/forrnation
développement ainsi que le besoin de créer de nouveaux emplois,
s’intègrent dans la perspective du développement durable. Dans
développement du pays apparaissent donc des propositions de
politique d’éducation, de formation et emploi, de santé et d’action
dans le processus de
deux préoccupations qui
les différentes étapes de
priorité à accorder à la
sociale.
IL
Les politiques et les stratégies de développement économique et
social, de la proclamation de l’indépendance à 1‘heure actuelle
11.1
Le cadre des politiques
économiques
A son accession à l’indépendance, le pays s’est doté d’une Loi d’organisation
politique de I’Etat (LOPE) qui se limitait à l’organisation des organes du pouvoir d’Etat et à
l’énumération de leurs compétences.
La première Constitution de la République ne fut adoptée qu’en septembre 1980. Elle
consacrera le monopartisme, dit de démocratie nationale révolutionnaire, qui prétendait se
fonder sur l’unité nationale et la participation populaire effective et s’orienter vers la
construction d’une société sans exploitation de l’homme par l’homme.
Jusqu’à l’année 1990, les îles du Cap-Vert vivront sous un régime politique de parti
unique, le Parti africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), devenu
après la rupture en 1980 avec la Guinée Bissau, le Parti africain pour l’Indépendance du
Cap-Vert (PAICV).
En 1991, une série délections pluralistes met fin au monopartisme et instaure le
multipartisme actuellement en vigueur: les élections législatives remportées le 13 janvier
1991 par le parti intitulé, Mouvement pour la Démocratie (MPD); l’élection présidentielle,
en mars de la même année, aboutissait à la victoire de Monsieur Antonio Mascarenhas
Monteiro sur le Président sortant Monsieur Aristides Pereira; les élections municipales du
15 décembre furent également remportées par le MPD.
Ainsi s’instaure la démocratie pluraliste qui ouvre une phase d’apprentissage par la
pratique du respect des droits humains fondamentaux et des peuples, dans la diversité des
cultures, des options politiques, des confessions religieuses et dans la tolérance. Pour
certains, cette phase est de transition démocratique.
Au milieu de l’année 1991, le MPD, parti de la majorité au pouvoir, adopta son
programme de gouvernement dont les options seront précisées dans le IIIe Plan national de
développement (PND, 1992-1995). Son exécution ne commença en fait qu’en 1993, après
la tenue de la Table ronde des partenaires de développement du Cap-Vert (16-18 novembre
1992).
La nouvelle Constitution adoptée en 1992 proclame (art. 88) que toutes les
ressources et richesses économiques du pays, quelles qu’en soient leurs origines et formes,
« sont subordonnées à Z’intérêt général ». Elle stipule par ailleurs que « les activités
économiques ne doivent pas mettre en cause l’écosystème ni contribuer au déséquilibre
des rapports entre 1‘homme et 1énvironnement ».
Des options du Programme du gouvernement qui sont précisées dans le IIIe PND
nous soulignerons:
15
9 La poursuite et le renforcement de la politique de libéralisation de l’économie
introduite par la réforme de 1989 qui accorde la priorité à la lutte contre le
chômage et le sous-emploi.
Le renforcement des pouvoirs locaux en vue d’une décentralisation effective du
processus de développement;
n
. La privatisation des entreprises publiques;
. La stabilisation puis réduction du déficit budgétaire par rapport au PIB;
n
La stabilisation de l’inflation et la préservation de l’équilibre extérieur sans pour
autant mettre en cause les investissements productifs.
Les Grandes Options du Plan 1997-2000 reflètent les politiques du gouvernement,
assurent la continuité du processus entamé en 1991 et complètent ainsi une décennie de
changements structurels profonds aux îles du Cap-Vert. L’une de ces options sera « la
promotion du développement humain et social ».
Les stratégies
11.2
globales
de développement
La stratégie du gouvernement de la première République s’appuyait sur la qualité des
ressources humaines et sur la situation géo-économique de 1’Archipel.
Au secteur rural fut attribué le rôle d’inverser le cours de la désertification et de
l’érosion.
Dans le Ier PND (1982-1985), les principaux objectifs de développement sont ainsi
fixés: créer des infrastructures de base et satisfaire les besoins élémentaires de la
population en biens alimentaires, santé, logement et éducation. Les ressources seront axées
sur le développement rural, l’industrie, les transports et communications du fait de la
discontinuité territoriale du pays.
Le IIe PND (1986-1990) maintient les objectifs fixés par le premier et met l’accent
sur:
. Le contrôle des équilibres économiques principaux;
n
n
L’insertion de l’économie dans le marché mondial en développant particulièrement
l’industrie, la pêche, le tourisme et les services;
La réduction des inégalités sociales et régionales notamment à travers la réforme
agraire.
Avec la IIe République, le programme du gouvernement prétendait s’orienter vers la
décentralisation et une plus grande libéralisation tout en luttant contre la misère et le
gaspillage.
Par le biais du IIIe PND (1992-1995), le gouvernement prévoit des mesures
permettant un développement participatif qui place l’être humain au centre du processus de
prise des décisions. C’est-à-dire, un processus de développement humain qui permet
l’amélioration de l’instruction, de la nutrition et de l’environnement avec moins de pauvreté
et plus de justice sociale.
La politique ci-dessus énoncée présuppose, bien sûr, la jouissance du principe de
l’égalité des chances, de la liberté, de l’interaction et de la solidarité sociale.
16
Le IVe PND (1997-2000)
propose de grandes réformes de l’administration, du
système financier, du système judiciaire et du parlement. La modernisation de l’État (qui
comprend le renforcement du processus de décentralisation), le développement de
et l’accélération des
l’administration
et des services publics, l’approfondissement
privatisations, la lutte contre la pauvreté caractériseront ce plan.
III.
Le développementsocial au Cap-Vert
III.1
La Première
République
et le développement
social
Education/Formation
III...1
Dans son premier Programme (1975-1980), le gouvernement inscrit un ensemble de
mesures visant à l’amélioration des ressources humaines du pays, notamment :
n
La préparation de la réforme de l’enseignement et l’adoption de nouveaux
programmes d’études en accord avec le contexte et les besoins du moment;
. L’élargissement du réseau d’écoles primaires;
9 L’appui aux élèves provenant des couches sociales les moins favorisées;
. L’élévation du niveau de formation des enseignants;
= Le recrutement de professeurs qualifiés pour les lycées et pour l’école technique.
Durant le gouvernement de 1981-1985, tant le Programme du gouvernement que le
Ier PND continuent à accorder une place importante à ce secteur. Le gouvernement
entreprend, notamment de:
n
Améliorer le fonctionnement de l’enseignement de base;
n
Réduire de manière significative le nombre des analphabètes;
. Promouvoir l’élaboration des études nécessaires à la mise en œuvre de la réforme
de l’enseignement, notamment en ce qui concerne les systèmes de formation
professionnelle, la formation des enseignants et l’organisation et l’administration
du système d’éducation;
. Fixer l’âge de l’entrée scolaire à sept ans;
n
Construire et équiper des salles de classe de manière à mettre terme à leur surutilisation et aussi à réduire le nombre des salles louées.
Entre 1979 et 1980, il n’y a pas eu de croissance significative du nombre des effectifs
inscrits qui étaient d’environ 61 000.
De 1974 à 1980 le nombre de salles de classes est passé de 717 à 901.
Outre la formation technique et professionnelle à caractère plus ou moins permanent,
d’autres activités ont été promues en ce qui concerne la formation extra-scolaire. A
souligner, les actions d’alphabétisation adressées aux plus de 15 ans. D’après le
recensement général de la population et de l’habitat réalisé en 1980, la tendance allait dans
le sens (1975-1980) de réduction du taux d’analphabétisme : moins de 45%.
17
Durant la période 1986-1990, le gouvernement considéra que la réforme du système
d’éducation devait permettre une meilleure adéquation de l’éducation au développement
économique et social préconisé, en donnant la priorité à la valorisation des ressources
humaines. Il préconisera ainsi :
. L’amélioration de l’insertion de l’école dans la communauté et au processus de
développement socio-économique et culturel;
n
L’amélioration
de la qualité, rentabilité et fonctionnalité du système éducatif;
m La réduction des inégalités d’accès à l’école;
m L’élargissement du taux de couverture scolaire et l’octroi d’appui aux populations
les plus démunies;
m Une meilleure articulation entre l’enseignement technique et professionnel, et la
formation extra-scolaire;
n
La construction d’une école technique à Praia.
De 1988/89 à 1991/92, le taux de croissance (moyenne annuelle) de l’enseignement
de base élémentaire (EBE) sera de 2,1%, avec des variations d’une municipalité à l’autre.
Le nombre d’élèves de ce cycle passera de 52 947 en 1988/89 à 56 349 en 1991/92.
En ce qui concerne l’Enseignement de base complémentaire (EBC) comprenant les
5è et 6è classes (après l’école primaire), où le statut social des parents devient un élément
de sélection dans l’accès à l’éducation, la situation était moins favorable. Cela, en dépit du
fait que le nombre des effectifs ait doublé entre 1980- 1990 passant de 6 760 à 13 5 15.
La croissance des effectifs sera de 8,4% par an, de 1988/89 à 1991/92. Le nombre
d’élèves de ce cycle passera de 12 407 en 1988/89 à 15 833 en 1991/92.
La distribution inégale des salles de classe révèle des disparités régionales au
détriment des zones rurales, situation qui empire en ce qui concerne le secondaire. Par
ailleurs, les élèves doivent souvent parcourir de longues distances pour atteindre les écoles.
Ce facteur, allié à ceux de nature socio-économique qui frappent le milieu rural, diminue
les chances, surtout des couches les plus pauvres, d’accéder aux niveaux après 1’EBE.
La même inégalité au détriment des zones rurales se produit avec la distribution des
enseignants. Les villes de Praia (la capitale) et S. Vicente (la deuxième ville en
importance) absorbent environ 70,0% des professeurs. De même pour ce qui est de la
distribution des enseignants qualifiés.
Les taux bruts de scolarisation par niveau d’enseignement en 1990/91 furent: pour
1’EBE 149,0%; l’EBC, 89,0%; le CG 58,0% (les trois premières années du secondaire); le
CC 12,0% (le cycle suivant de deux années).
Afin d’éviter le retour à l’analphabétisme, la Direction générale de l’enseignement
extra-scolaire (DGEX) adoptera comme stratégie l’alphabétisation suivie de la postalphabétisation.
III...2
L ‘emploi
Face aux carences des structures productives et à la présence significative d’une
main d’œuvre non employée, le premier gouvernement de la première République
préconisera un certain nombre de mesures dont notamment :
18
. La reconversion des travaux à titre d’aide sociale (FAIMO) à travers des projets
de développement;
. L’utilisation
n
des chômeurs dans des travaux publics;
L’établissement d’un inventaire du potentiel de main d’oeuvre existant, visant à
l’utiliser dans le cadre de l’expansion économique et ainsi réduire les taux de
chômage et du sous-emploi;
. La concentration des ressources disponibles dans la mise en œuvre de politiques
de développement industriel visant à l’absorption du chômage et sous-emploi.
Durant la période 1981-1985, le gouvernement essaye, par le biais du Plan, de
maintenir les progrès atteints après l’indépendance, surtout en ce qui concerne la création
d’emplois temporaires. Il essaye par ailleurs d’améliorer la situation de l’emploi permanent
à travers la réalisation d’importants projets générateurs d’emplois. Pour ce faire, certaines
mesures sont prises parmi lesquelles nous soulignons :
. L’augmentation substantielle du volume des investissements et l’adoption
technologies appropriées;
de
. Donner continuité aux travaux à haute intensité de main-d’oeuvre;
. Développement de la production populaire.
Face aux tendances constatées en ce qui concerne le taux élevé de croissance
démographique’, le gouvernement décide de débuter une politique démographique qui
devrait tenir compte des possibilités de satisfaction minimale des besoins de la population
cap-verdierme. Elle comprenait entre autres:
n
Le développement des activités productives;
= Le contrôle de la croissance démographique;
. La redéfinition de la politique de l’emploi dans le secteur de la construction et des
travaux publics;
9 Le renforcement des services d’emploi particulièrement
l’analyse des caractéristiques du marché et de l’utilisation
placement;
n
en ce qui concerne
de méthodologies de
Le renforcement de la formation professionnelle et de main-d’oeuvre spécialisée.
En 1990, le chômage frappe environ 30 900 personnes : 63,0% d’hommes (19 500)
et 37,0% de femmes (11 300). En cette même année, le taux de chômage de la population
active était de 25,9%* dont 25,7 de femmes et 26,l d’hommes. Le taux de chômage était
très élevé parmi les jeunes : 70,0% d’entre eux étaient à la recherche de leur premier
emploi.
La situation de l’emploi reste préoccupante (plus du quart de la population
active) malgré les flux migratoires d’effectifs importants de la population active et la
prudence suivie par le gouvernement à l’égard de l’objecttf de démantèlement des
Fronts de travail à haute intensité de main-d’œuvre (FAIMO) qui O_ff^rentdu travail et
des revenus au tiers environ de la population employée; les femmes et la jeunesse
constituent les catégories les plus touchées par le chômage. Ce qui donne lieu au
7 23% pour la décennie 1970, avec tendance à la baisse dans les années 80. Conf. Relatorio de
Desenvolvimento Humano Cabo Verde 1998.
* Taux qui cache, bien sûr, des disparités régionales et un sous-emploi structure1
19
développement de phénomènes d’exode rural et de « bidonvillisation
des deux principaux centres urbains de Praia et de Mindelo9.
IIL1.3
» à la périphérie
San té et protection sociale
Dans son Programme, le premier gouvernement du Cap-Vert (1975-1980) définit les
bases de sa politique sociale qui accordait une certaine protection aux pauvres et aux
groupes de population considérés vulnérables: les enfants, les jeunes, les femmes, les
malades chroniques et les handicapés. Il s’est proposé ainsi de:
. Etendre et assurer le renforcement de la couverture médicale dans toutes les îles;
assurer également la gratuité des soins médicaux pour les couches les moins
favorisées;
. Garantir une meilleure assistance aux malades mentaux.
La gratuité des soins sera instaurée, le coût étant supporté par l’Etat et par l’aide
extérieure sous forme d’investissements, de coopération technique et d’aide alimentaire.
Les services de SMI/PF, progressivement implantés depuis 1977, seront étendus à
toutes les municipalités à partir de 1983”.
Malgré les diversités régionales et locales”, l’accès aux structures de santé répondait
en 1987 aux standards recommandés par I’OMS: environ 61,0% de la population totale du
pays est à moins d’une demi-heure de marche du service de base le plus proche et 20,0%
entre une demi-heure et une heure; 40,0% de la population totale du pays est à moins d’une
demi-heure de marche d’une formation sanitaire pouvant lui offrir les services d’un
médecin et 10% entre une demi-heure et une heure.
Au Cap-Vert, le taux de mortalité des enfants de 1 à 4 ans est passé de 8,4
1978/82 à 4,0 %O en 1983/88 et 1,4 %O en 1991.
%O
en
Selon les critères de l’OMS, en 1988, le Cap-Vert était placé au rang des pays
africains subsahariens présentant les plus bas taux de mortalité infantile (Afrique du Sud:
89 %o; Kenya: 84,0 %o; Congo et Zimbabwe: 83,0 %o; Burkina Faso: 79,0 %o; Cap-Vert:
44,0 %o; l’île Maurice: 33,0 %o).
Les maladies infectieuses et parasitaires viennent en tête (32,0% des décès en 1991)
des cinq causes principales de la mortalité infantile.
Le taux général de mortalité est de 6,5
carences nutritionnelles’2.
%o.
Cette mortalité a pour cause principale les
9 PNUD, Coopération et Développement, Rapport 1991, Praia, déc. 1992.
” SMI/PF veut dire, en portugais, « Serviço de Sacde Matemo-infantil/Planeamento familial » (protection
maternelle et infantile/Planification
familiale). Au niveau de la fécondité, il se dessinait une tendance à sa
réduction, exception faite de la classe d’âge des 15-19 ans dont le taux de fécondité avait augmenté. Le
nombre moyen d’enfants par femme est passé de 6,4 en 1980 à 5,9 en 1990.
” Les services médicaux étaient moins accessibles dans les îles plus peuplées et de relief plus accidenté
(Santo Antao, la partie rurale de Santiago et Fogo).
I2 Gouvernement du Cap-Vert iUNICEF, - Analyse de situation au regard de la condition de la femme et de
l’enfant sous le rapport des indices de pauvreté, Rapport du Consultant Eklou, K.O.P., août 1975 ; Analyse de
la situation de l’enfant et de la femme en République du Cap-Vert, octobre 1989; Criança e Mulher em Cabo
Verde - Anhlise de Situaçao, Praia, octobre 1993.
20
Dans le domaine de la protection sociale, l’intervention de 1’Etat était pratiquement
orientée vers la distribution de produits alimentaires de base, l’octroi de subventions, la
protection médicale et l’assistance aux handicapés. En fait, ce secteur disposait de peu de
ressources et ne comptait pratiquement pas avec l’assistance technique.
111.1.4
L’approvisionnement
en eau et l’assainissement
La carence en eau au Cap-Vert freine encore l’approvisionnement des populations,
l’amélioration de leur condition sanitaire et le développement socio-économique en
général.
Etant donné le nombre très réduit de personnes ayant accès à l’eau potable,
l’augmentation de la disponibilité en eau fut considérée comme prioritaire.
Avec l’appui de 1’UNICEF et de 1’UNSO un projet d’approvisionnement en eau et
assainissement en milieu rural (1977- 198 1) fut réalisé, touchant particulièrement les îles
de Maio, Boavista, Sao Nicolau et SZo Vicente.
Bien que l’approvisionnement en eau ait connu des améliorations considérables
pendant les années 80, seulement 52,0% de la population avaient l’eau potable en 1991. La
situation était plus grave en milieu rural où ce pourcentage descendait à 33,7%. Elle était
particulièrement grave dans les zones rurales de Santiago, Fogo et Santo Antao qui
comprenaient 85,0% de la population rurale du pays13.
En ce qui concerne l’assainissement, seulement 9,7% de la population rurale avait
accès aux systèmes d’évacuation des déchets, situation qui s’aggravait à Santiago et à
santo Antao14.
En dépit de la faiblesse de ses ressources naturelles et d’énormes problèmes
structurels, l’économie cap-verdierme connaîtra un rythme de croissance positive réelle
entre 1975 et 1990: 11% entre 1976 et 1980,6% entre 1982 et 1985 et 5% à partir de 1985,
descendant à 2,3% en 1990.
D’une manière générale, la croissance économique, créée aux deux tiers par les
activités du secteur tertiaire, n’a pas engendré la création d’une base économique solide et
n’a pas été suffisante pour réduire le chômage qui atteignait environ 26,0% de la population
active. Le recours à l’endettement extérieur entraînera un alourdissement du service de la
dette provoquant un déficit budgétaire croissant.
En 1990, le secteur primaire ne participera à la formation du PIB que pour environ
15,0%. Le secteur secondaire (construction et essentiellement industries légères de
manufactures, transformation des produits de la pêche et production artisanale), participera
au long de la décennie 80/90 avec 15-17,0%. La contribution du secteur tertiaire, dont le
poids est depuis fort longtemps prépondérant, baissera de 70,0% en 1984 à 66,0% en
1990.
Dans son Rapport Coopération au Développement (1991), le PNUD nous offie un
aperçu de la situation de quelques agrégats participant aux équilibres macro-économiques:
Durant l’année 1991, 1’Escudo cap-verdien a maintenu sa parité au regard des
principales devises (neujj qui lui servent de référence. Comparé à la valeur du dollar des
l3 ovemo de Cabo VerdelUNICEF, Criança e Mulher em Cabo Verde, An&e
1993.
l4 Idem.
21
de Situaçüo, Praia, Cap-Vert,
Etats Unis d’Amérique, la valeur moyenne de 1’Escudo est restée aux alentours de 70
escudos pour US $1 dollar.
Selon les premières indications disponibles, l’inflation, bien que connaissant une
tendance à la croissance ces dernières années, avec un taux maximum avoisinant les
10, 0% en 1990, aurait régressé en deçà des 10, 0% en 1991.
La politique de l’endettement au Cap-Vert reste, semble-t-il, des plus prudentes. La
dette extérieure à la fin de l’année 1990 était estimée à quelques US $ 150 millions de
dollars (environ 40% du PNB), constitué pour l’essentiel (95%) de prêts à long terme à des
conditions concessionnelles. Le service de la dette aurait quant à lui été ramené, en 1991,
à quelques US $5 millions de dollars.
Le Commerce extérieur demeure caractérisé par de faibles recettes d’exportation,
l’importance des services dans le total des exportations et l’importation considérable de
marchandises. Les recettes proviennent essentiellement de l’exportation du poisson et de la
banane. Les services sont principalement fournis par le port de Mindelo et l’aéroport
international de Sal.
Le développement
III.2
social sous la deuxième
République
Le gouvernement préconisait des mesures permettant un développement participatif
qui placerait l’être humain au centre du processus de prise de décisions. Ce qui impliquait
la mise en œuvre d’un processus de développement humain favorisant l’amélioration de
l’instruction, de la nutrition et de l’environnement avec moins de pauvreté et plus de justice
sociale.
111.2.1
Education/Formation
Tendant à créer un environnement propice au développement des initiatives
individuelles et communautaires tout en réduisant parallèlement le champ d’intewention de
l’État, le premier gouvernement de la deuxième République prévoyait d’assurer:
. Un enseignement de base qui doterait l’individu des connaissances-et habilités,
attitudes et valeurs lui permettant de résoudre des problèmes fondamentaux de
subsistance et de s’affirmer comme citoyen;
n
Une formation professionnelle devant accorder aux jeunes et adultes des capacités
qui leur permettraient de s’adapter aux nouveaux impératifs du marché intérieur
du travail;
. L’élargissement et l’approfondissement de l’enseignement supérieur visant à
élever le niveau général de formation en conformité avec le développement de la
société cap-verdienne;
. La garantie d’une articulation entre les différents sous-systèmes de formation ainsi
qu’une concertation multisectorielle parmi tous ceux qui interviennent dans le
domaine de la formation.
En ce qui concerne la formation professionnelle, bien que d’énormes progrès aient
été effectués - surtout depuis la création, en 1982, de l’Institut de formation et
perfectionnement professionnel extra-scolaires (1FA.P) - le système de formation
22
professionnelle se caractérisait encore par une grande faiblesse institutionnelle,
la
désarticulation entre les différentes institutions de formation et les entités qui réalisaient ou
assuraient la promotion d’actions de formation adressées à leur personnel.
Considérant la formation professionnelle comme une des principales contraintes du
développement de l’économie cap-verdienne (manque de cadres de formation moyenne et
supérieure et carence d’employés et ouvriers qualifiés et hautement qualifiés) le
gouvernement, dans son programme et à travers le Plan (1992-1995), s’est proposé
notamment d’appliquer les mesures suivantes:
. Elargir le réseau de formation existant;
. Assurer la formation initiale des jeunes pour mieux garantir leur insertion dans la
vie active;
. Lier la formation professionnelle à la politique de l’emploi;
. Augmenter la formation des travailleurs des FAIMO;
9 Créer des organismes permettant la mise en œuvre des mesures préconisées pour
ce secteur.
De multiples transformations sont introduites dans le système d’éducation. Elles
concernent essentiellement l’élaboration de nouveaux plans d’études, programmes et
matériels didactiques; l’élargissement et l’amélioration du réseau scolaire; la mise en
œuvre d’une nouvelle stratégie dans le domaine de l’éducation des adultes et dans la
consolidation du système d’appuis socio-éducatifs.
Dans les groupes d’âge des 7-18 ans, le nombre des effectifs scolarisés est passé de
103700en1991à119000en1995.
Le système de formation professionnelle comprend actuellement: l’Institut de
l’emploi et formation professionnelle (IEFP), le Conseil de l’emploi et formation
professionnelle (CNEFP) et le Fonds de promotion de l’emploi et formation (EPEF).
Bien qu’il y ait un cadre institutionnel plus large et bien défini, des contraintes
fonctionnelles subsistent, notamment en ce qui concerne la coordination avec les
entreprises et l’articulation avec le système de l’enseignement dont la réforme est toujours
en cours.
111.2.2
L ‘emploi
Le chômage étant l’un des plus grands défis à relever (le quart de la population
active), le gouvernement entend que le processus de modernisation de l’économie qui vise
le renforcement et la réorientation de l’insertion du pays dans l’économie mondiale doit
être mené de façon à garantir un juste équilibre entre l’impératif de la compétitivité, la
politique de lutte contre le chômage et la stabilité de l’emploi. Pour ce faire, le
gouvernement décide de prendre, entre autres, les mesures suivantes :
9 Encourager les investissements productifs capables d’engendrer plus de bénéfices
et d’emplois;
. Poursuivre la reconversion des FAIM0 de façon à concilier l’exécution de projets
à haute intensité de main-d’oeuvre avec le développement économique.
Durant le deuxième cycle de gouvernement (1996-2000), les Grandes options du
Plan (1997-2000) décident d’assurer:
23
.
La promotion de micro-entreprises visant l’insertion des chômeurs;
= La promotion et la dynamisation du développement local.
111.2.3
San té et protection sociale
En dépit des progrès accomplis, depuis l’indépendance, dans l’amélioration de l’état
de santé de la population - particulièrement celui des enfants et des femmes - les
statistiques de mortalité et de morbidité continuent à refléter les conditions de vie
précaires d’une tranche importante de la population.
En ce qui concerne le personnel relevant de ce secteur (cadres moyens ou supérieurs,
techniciens ou spécialistes), un très grand effort de formation a été fait, l’assistance
technique étant au fur et à mesure remplacée par les nationaux. Mais au niveau des
structures physiques d’accueil, s’il y a eu des interventions ponctuelles, elles n’ont pas
résolu les problèmes des hôpitaux centraux.
En vue d’assurer la participation des populations aux dépenses en soins de santé, de
nouveaux tarifs ont été publiés en décembre 1993”. Ils tiennent compte des éléments les
plus pauvres de la population en prévoyant la gratuité des soins de santé notamment pour
les malades vulnérables, les chômeurs, les travailleurs des FAIMO, les femmes enceintes
et les enfants de moins de deux ans.
Un Secrétariat d’État à la promotion sociale est créé visant à assurer simultanément
une plus large couverture des groupes moins favorisés et la coordination des interventions
des différents ministères à ce niveau.
Les Grandes Options du Plan 1997-2000 admettent qu’au niveau du secteur santé, il
y d’une manière générale un déficit d’offre de services, en particulier pour les groupes
sociaux les plus vulnérables pour lesquels il y a également une plus grande vulnérabilité
aux maladies endémiques et épidémiques. Les maladies infectieuses, spécialement le
SIDA, constituent un problème à être pris en considération pour tous. De ce document on
peut déduire aussi que l’état de santé des populations est lié aux niveaux de développement
économique, social et culturel.
Parmi les priorités définies pour le secteur de protection sociale on peut souligner:
n
La réduction des disparités régionales en ce qui concerne la facilité d’accès aux
biens sociaux;
. La diminution du nombre des pauvres jusqu’en l’an 2000;
. L’augmentation des biens réels des familles en favorisant les couches sociales à
plus faibles revenus;
n
n
L’amélioration
de l’état nutritionnel de la population;
L’amélioration des mécanismes de coordination inter-sectoriels et multi-sectoriels
des divers intervenants dans le secteur social.
Le combat contre le chômage, le manque d’habitations
convenables,
insuffisances de 1‘assistance médicale et en médicaments, la dégradation
les
de
l5 Avec l’indépendance nationale, la gratuité des soins de santé avait été instaurée, le coût étant pris en charge
par l’État et par l’aide extérieure sous forme d’investissements, de coopération technique et d’aide
alimentaire.
24
l’environnement et de la qualité de vie, et, d autre part, 1‘intégration des divers secteurs de
la société dans le processus de développement sont les principales stratégies qui visent à
atteindre l’objectif global du gouvernement dans le domaine de la promotion sociale qui
est: contribuer à 1‘amélioration des conditions de vie des populations16.
111.2.4
L ‘approvisionnement
en eau et l’assainissement
En dépit des efforts déployés et bien que certains objectifs du IIe Plan aient été
atteints, le IIIe Plan (1991-l 995) considère que les carences sont encore importantes tant
en ce qui concerne l’approvisionnement en eau que son assainissement. De grandes
disparités régionales subsistent. C’est le cas de la municipalité de Santa Cruz et de la partie
rurale de Praia qui ont les niveaux de consommation d’eau les plus bas du pays. Le
système d’égouts se réduit toujours aux villes de Mindelo (Sao Vicente) et de Praia
(Santiago). Dans cette dernière, ils ne couvrent que 7,0% de la population. De même, les
systèmes de ramassage et d’évacuation des ordures ménagères ne fonctionnent
pratiquement qu’à Praia et Mindelo.
Pour l’approvisionnement en eau, le IIIe Plan fixera des objectifs très ambitieux qui
ne sont effectivement atteints qu’à Sao Vicente où le taux de couverture des besoins en eau
de la population était de 65,0%.
Face à cette situation, Les Grandes Options du Plan (1997-2000) décident de donner
priorité au développement d’un large programme d’assainissement touchant tout le
territoire national, particulièrement Praia et les centres secondaires. L’installation d’un
laboratoire de contrôle de la qualité de l’eau est aussi prévue dans chaque municipalité.
Conclusion
Plutôt qu’une prise de position, nous essayerons ici de faire le point de la situation
telle qu’elle se présente à l’heure actuelle - à la lumière de quelques indicateurs tant
économiques que sociaux - et de formuler des questionnements qu’elle suscite.
Selon le PND 1997-2000, en 1992 l’économie cap-verdienne reprend le cycle de
croissance au même niveau qu’aux meilleures années de 801’.
Suivant des estimations du FMI, le taux de croissance, en termes du PIB, au CapVert est passé de 3,04% en 1992 à 5,60% en 1998l*. Cette croissance est essentiellement
due au niveau élevé des dépenses publiques surtout dans les secteurs de transport et
communications, infrastructures, énergie et construction19.
Quant à sa structure, le PIB se maintient sans changements appréciables depuis 1991:
le secteur tertiaire continue à donner une plus grande contribution à sa formation, environ
66,0%, suivi du secondaire avec 20,3% et finalement le secteur primaire avec seulement
13,7%.
l6 Gouvernement du Cap-VertUNICEF, Amilise de Situaçao : Criança e Mulher em Cabo Verde, Praia,
Janeiro de 1998.
” Inquérito Demogr@co e de SaUde Reprodutiva, ISDR 1998, FNUAPNERDEFAM.
” Chetïa do Govemo, Gabinete do Primeiro Ministro, Relatorio de Actividades do Govemo Referente ao
Ano de 1998.
” Les dépenses publiques sont passées de 17,5% du PIB en 1991 à 59,4% en 1995. Conf. Banque africaine
de développement, Note de situation, Document de stratégie par pays, sur les défis du développement pour
la période 1999-2001, Praia, 16-17 nov. 1998.
25
Le secteur primaire, où se trouve encore la plupart de la population active, a connu
une croissance négative durant la période 199 1- 1997 d’environ 2,9%.
Bien que lon considère acceptable le taux de croissance du PIB par rapport à
l’espace dans lequel le Cap-Vert est inséré, le chômage demeure le principal problème
social du pays: il atteint 25,7% de la population active (troisième trimestre de 1999). En
1996, le taux de chômage était de 38,0% de la population active avec 29,8% pour les
hommes et 47,8% pour les femmes. Considérant les disparités régionales ce taux était de
plus de 40,0% à Fogo et Sao Vicente2’.
Du point de vue macro-économique, la situation est caractérisée par une hausse
significative du déficit du secteur public accompagnée d’une forte augmentation de la dette
publique. Selon des données officielles, la dette intérieure a sauté de 4,0% du PIB en 1991
à 45,0% en 1997, date à laquelle elle a atteint le montant de 186 millions de dollars*‘. Pour
éponger cette dette dans un délai de dix ans, le gouvernement a créé un trust fund qui sera
alimenté avec les recettes des privatisations et l’aide de la communauté internationale.
En ce qui concerne les indicateurs sociaux, dans la perspective du développement
humain durable de l’Archipe1, nous mettrons en évidence ce qui suit:
l
l
l
l
l
l
En 1995, l’espérance de vie à la naissance était de 71,3 ans pour les femmes et de
65,7 pour les hommes. Le taux de mortalité général qui connaît une baisse
significative depuis les années 70 se situe en 1997 à 6,9%o. Pour cette même
année, la mortalité infantile était de 38%0 [contre 103,9%0 en 19751 et la juvénile
de 3,3%022 .
Le taux net de scolarisation est d’environ 95,0%; les filles représentent environ
48,9% des élèves de l’enseignement de base intégré (six ans, obligatoires) et les
garçons, 5 1, 1% .
Il y a une couverture complète des services de santé de base mais le prix des
médicaments est élevé. On constate, par ailleurs, une haute incidence des maladies
transmissibles avec tendance à l’accroissement de l’infection par HIV.
Du point de vue nutritionnel, le régime du cap-verdien est hypocalorique et
enregistre des insuffisances en vitamine A, acide ascorbique, calcium et autres
éléments nutritifs; en 1994, le taux de malnutrition aiguë était de 5,8% et celui de
la malnutrition chronique, de 15,3%23.
Environ 49% de la population n’a pas d’eau potable et 76% n’a pas accès au
système d’évacuation et d’assainissement du milieu24.
Sur le plan de l’équité et de l’égalité sociale entre les sexes, les femmes
continuent à être les plus affectées par le chômage (56,5% des chômeurs) et par
l’analphabétisme (environ 64% du total des analphabètes)25. Selon des estimations
du Rapport de développement humain, Cap-Vert 1998, les hommes jouissent de
67,7% des revenus tandis que les femmes n’en perçoivent que 32,3%.
” Iinstituto do Emprego e formaçao profissional, Inquérito às Forças de Trabalho 1996 - Cabo Verde,
Gabinete do Adjunto do Prirneiro Minh-o, Ed. Ministério para a QualifïcaçZo e Emprego, Departamento
de Estatistica (MQE), Portugal, 1997.
” Banque africaine de développement, op. cit.
22PNUD, Cabo Verde, Relutbrio National de Desenvolvimento Humano 1998, Praia.
23Idem. Conf. Résultat d’une étude menée par le Ministère de la Santé et 1’UNICEF en 1995.
24Ibedem.
25Gouvernement du Cap-VertAJNICEF, Praia, 1998, op. cit.
26
En ce qui concerne la famille, il existe des cas de violence physique par le
partenaire pouvant entraîner la mort. Outre la violence physique, on constate aussi
la violence psychique. Cette situation s’aggrave par le fait que les femmes, surtout
celles du milieu rural, pour des raisons d’ordre culturel, refusent encore de porter
plainte26.
l
Bien qu’on ne dispose pas de chiffres officiels concernant des violences et abus
sexuels exercés sur les enfants, il y a des indices sur ces pratiques contre les
enfants et adolescents en âge scolaire27; 1’UNICEF considère que le phénomène
des enfants dans la me est caractéristique dans trois centres urbains (Mindelo,
Praia et Sal) où on enregistre un nombre significatif 28.
l
Le travail infantile, la délinquance infantile et juvénile, et la prostitution font leur
entrée dans l’agenda public. Des services publics et des ONG commencent à
prêter une attention spéciale à ce phénomène .
l
L’étude sur la situation de la pauvreté au Cap-Vert réalisée en 1994 montrait
qu’au niveau national 14,0% de la population sont classés parmi les très pauvres
et 30,0°h3’ parmi les pauvres. 60% des ménages extrêmement pauvres ont pour
chef une femme analphabète3’.
l
Nous
pensons que la situation de pauvreté au Cap-Vert a empiré et cela pour diverses
raisons.
3 La restriction des dépenses publiques y compris dans le domaine de la santé; la
participation des populations aux coûts de la santé; la complémentarité établie
entre la médecine publique et la médecine privée qui marque la politique du
gouvernement pour ce secteur. Ce sont des types d’intervention qui, s’ils ne sont
pas bien gérés, peuvent approfondir les inégalités d’accès et de la qualité d’offre
de soins de santé. La capacité de triage aussi bien de ceux qui peuvent participer
aux coûts de la santé que des pauvres et vulnérables qui sont en dehors de tout
système de sécurité ou prévoyance sociale est limitée. Ce qui peut entraîner des
situations d’inégalité manifeste 32.
j
L’introduction du principe de participation des parents aux coûts de financement
de l’éducation - surtout en ce qui concerne le fonctionnement des cantines
scolaires - peut aggraver la situation des enfants provenant des milieux moins
favorisés si les critères de choix ne sont pas très bien définis. Bien qu’il n’y ait pas
encore d’études sur les conditions de vie de ceux qui vivent au seuil de la
pauvreté, on considère que beaucoup de Cap-verdiens, . . .particuZièrement ceux en
âge scolaire, ne disposent quotidiennement que d’un seul repas chaud, obtenu
dans les écoZes33.Cette situation risque de s’aggraver avec la diminution de l’aide
26Idem.
27Ibedem.
” Ibedem.
29Ibedem.
3oBANQUE MONDIALE, La pauvreté au Cap-Vert - Evaluation sommaire du problème et stratégie en vue
de son allègement, Rapport no 13126 - CV, Région Atrique, Département Sahel, Division des Opérationspays, juin 1994.
31BANQUE MONDIALE, La pauvreté au Cap-Vert - Evaluation sommaire du problème et stratégie en vue
de son allègement, Rapport no 13 126 - CV, Région Afrique, Département Sahel, Division des Opérationspays, juin 1994.
32PNUD, Cabo Verde, Relathio National de Desenvolvimento Humano 1998, Praia
33Idem.
27
du plus grand partenaire du Cap-Vert dans le financement des cantines scolaires :
le Programme alimentaire mondial (PAM).
3 Le processus de réorganisation des entreprises d’Etat visant leur privatisation
entraîne des licenciements d’un nombre signzficatzf34 de fonctionnaires, fait qui
n’est pas compensé par la création d’emplois dans le secteur privé.
D’après le Rapport national de développement humain (PNUD, 1998), la perspective
du développement humain intègre l’ensemble des droits de la personne humaine: elle ne
se limite pas à uns vision étroite, exclusivement centrée sur les droits civils et politiques. Il
s ‘agit de mettre en place un cadre dans lequel les progrès du développement humain iront
de pair avec ceux des droits de 1‘homme.
Ce rapport nous renvoie à La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
selon laquelle « toute personne a droit à un niveau de vie sufzsant pour assurer sa santé,
son bien-être et ceux de sa famille notamment pour l’alimentation, l’habillement, le
logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires _ » (Article
25). On y affirme encore que toute personne a droit au travail, à 1‘éducation et à la
sécurité sociale. Par la suite, différents instruments internationaux de protection des droits
de l’homme ont réaffirmé 1‘importance du développement axé sur les personnes en tant
que droit universel, et identifié, parmi les dimensions supplémentaires de cette forme de
développement, la sécurité, la participation à la vie de la société, la liberté d’association,
ainsi que l’absence de discrimination et d’exclusion par rapport au processus de
développement.
Ce tableau brièvement esquissé de quelques aspects du développement politique,
économique et social du Cap-Vert de l’indépendance à nos jours nous amène à poser
quelques questions: la libéralisation économique accélérée, telle qu’elle se produit au CapVert où il n’existe pas de classe solide d’entrepreneurs nationaux, peut-elle assurer
simultanément la croissance économique et le développement humain durable ? Le
processus de privatisation, sans la constitution préalable de conditions permettant au
secteur privé national d’en tirer parti, peut-elle assurer la paix et la stabilité nécessaire si,
par ailleurs, les choix de politique de développement entraînent ou accroissent le nombre
des exclus ?
Le Rapport national de développement humain (PNUD, 1998) s’interroge sur la
politique économique mise en œuvre au Cap-Vert : a-t-elle eu comme élément central de
structuration la fin ultime qui est le développement humain ou a-t-elle simplement cherché
à mettre en place des politiques macro-économiques stables qui garantissent une structure
économique rendant le pays plus compétitif dans le cadre d’une économie mondialisée ?
Même si cette politique économique permet, suivant les dernières données et informations,
une reprise significative de la croissance économique, si elle est déterminée par un besoin
non pas seulement intérieur mais découlant aussi de l’intégration du pays dans le marché
mondial en transition, est-elle compatible avec la réduction de la pauvreté ? Cette question
est d’autant plus importante que le pays est en processus d’ajustement structurel. Enfin, la
richesse produite est-elle distribuée équitablement ?
Dans une communication faite à Tarrafal (Santiago, 26-28 avril 1999) à l’occasion
d’une Conférence internationale sur le thème Culture, Liberté Démocratie versus
Développement, le chercheur guinéen, Carlos Cardoso, disait que la mondialisation n’était
pas une fin en soi mais, tout au plus, un moyen pour atteindre une fin déterminée. Cette fin
recherchée est un développement durable qui permettrait à chaque citoyen et à chaque
34J.bedem.
28
nation de décider de sa destinée et de se réaliser comme individu ou comme nation en
accord avec ses propres desseins. Si certains cultivent le pessimisme ou une sorte de
fatalité quant au processus de mondialisation, Carlos Cardoso nous exhorte à lutter contre
le piège de la mondialisation en inventant de nouvelles utopies et en opposant à la
mondialisation bourgeoise, dominée par la technologie et par le libéralisme, une
mondialisation solidaire, fondée sur des rapports entre des hommes libres.
Pour Cristovam Buarque3’, « le dernier effet nocif [de la modernité technique] c’est
la croissante perte de crédibilité dans le futur, particulièrement entre les jeunes. L’absence
de projets et d’utopies, qui dépolitisent l’espace public et enferment les individus dans des
espaces privés et isolés, crée le risque de l’impuissance, et ainsi, de l’impossibilité de
changement » . Selon encore ce gouvernant local, G dans les pays où subsiste encore avec
force la solidarité indigène, les effets de l’exclusion sociale se font sentir de manière moins
agressive sur les individus; et cette solidarité, dans le vide créé par la crise d’identité
nationale causée par la globalisation nocive, peut être une plate-forme pour la
reconstruction d’une nouvelle solidarité ».
En réalité, comme le dit Aldo Ferrer36, (( les idées gravitent de manière décisive dans
la conception des stratégies d’insertion des pays dans l’ordre mondial. Or l’histoire du
développement et du sous-développement des pays pourrait être écrite en fonction de la
manière dont chaque pays a résolu le dilemme de son insertion mondiale )) (idem). Dans
cette perspective, le Cap-Vert, de par les différentes étapes de son évolution historique, est
un paradigme.
35 In Gérer la mondialisation, La politique de l’inclusion: le changement de la responsabilité partagée,
Rapport sur les principes démocratiques et la gouvemabilité, Sommet régional pour la politique et le
respect des principes démocratiques, Brasilia, juillet 1997, Ed. Demos, UNESCO.
36In Gérer la mondialisation, op. cit.
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