IMAGINE – textes de présentation – 23-24/11/2006 3 – L'atténuation du changement climatique : un atout économique pour les territoires ? 21 IMAGINE – textes de présentation – 23-24/11/2006 22 IMAGINE – textes de présentation – 23-24/11/2006 L’homme occidental peut apparaître aujourd’hui comme le vaincu de sa propre modernité. Ce qu’il a produit, lui a permis une accumulation effrénée de biens matériels, mais surtout une augmentation considérable de l’espérance de vie par la maîtrise de son approvisionnement en nourriture, par les progrès de sa médecine. Mais les modes d’organisation économique, sociale et politique qui ont créé cette qualité de vie, contribuent aujourd’hui à déstructurer ce mouvement perçu encore comme positif, jusqu’au point d’entraîner l’humanité à sa perte s’il n’est pas stoppé à temps. L’occident n’a pas conscience qu’il sera obligatoirement touché par la déstructuration globale dont il est à l’origine, parce que pour l’instant, elle affecte d’abord et particulièrement les plus défavorisés d’ici et d’ailleurs. LA FIN D’UN MODELE ECONOMIQUE ET L’EMERGENCE D’UN AUTRE ? L’augmentation considérable de la consommation de biens matériels qui a marqué le siècle dernier, a paru pouvoir occuper le sens de la vie de ceux qui y avaient accès et de ceux qui avaient le désir de les posséder. Mais cette phase du développement a sans doute atteint son paroxysme. En effet, l’économie consumériste - qui s’est accentuée au point de devenir une fin et non un moyen d’épanouissement de l’individu - s’est construite sur une énergie abondante et peu chère, sera profondément marquée dans les décennies à venir, par les mesures d’atténuation au changement climatique qu’il est déjà urgent de mettre en œuvre. Certains initiateurs du concept de Développement Durable pensent que la croissance sera le moteur de la transformation de l’économie de marché, du moins si elle est orientée dans une nouvelle direction. D’autres remettent en cause l’idée même de croissance et s’appuient sur des discours catastrophistes, à mesure que les risques naturels se précisent. Cependant, la « croissance durable » n’est pas, selon ses promoteurs, une décroissance. Elle doit s’appuyer sur une économie de basse intensité énergétique, qui limite au maximum l’utilisation des énergies non renouvelables, ainsi que sur une utilisation modérée des matières premières. Elle valorise la traçabilité des produits et services et recherche à limiter les effets sanitaires des process agraires, chimiques, industriels. 1. JOUER SUR LES MECANISMES DE MARCHE POUR PROMOUVOIR LE DEVELOPPEMENT DURABLE Réduire la vulnérabilité des territoires face aux enjeux énergétiques et créer de nouveaux emplois et marchés Il apparaît essentiel de réduire la vulnérabilité des territoires face aux évolutions énergétiques et climatiques à venir grâce à l’élaboration de scénarii qui anticipent les mutations économiques sectorielles locales nées de la mise en œuvre des politiques de réduction des Gaz à Effet de Serre (GES). A titre d’exemple, certaines régions françaises seront touchées négativement, notamment celles qui dépendent fortement de combustibles fossiles et qui ont des industries fortement consommatrice d’énergies émettrices de CO2. D’autres territoires, au contraire, seront favorisés notamment grâce aux politiques anticipatrices qu’ils auront mis en place. Politiques qui s’articuleront sur l’efficacité énergétique, la gestion de la demande d’énergie, le soutien aux énergies renouvelables, ou encore sur l’utilisation de matériaux locaux de construction Des études menées par l’OCDE sur l’impact sur l’emploi des politiques visant à atténuer les retombées des changements climatiques, concluent que le coût oscillerait aux alentours de 1% ou moins du PIB et la relocalisation de la main-d’œuvre, à environ 0,2% de la force de travail totale à l’horizon 2010. En ce qui concerne l’Europe, la majeure partie des études arrive à la conclusion que les mesures de lutte contre les changements climatiques auront des retombées positives sur l’emploi. Le Livre blanc de la Commission européenne estime à 500.000 les emplois nets pour 2010 dans l’UE, créés directement par le secteur des énergies renouvelables, et à 400.000 les emplois créés indirectement. Pour la France, les travaux de l’IFEN portant sur les emplois potentiels à partir des énergies renouvelables, le bilan serait de 115 400 emplois en 2010, contre 38 900 actuellement. Les gains pour le BTP de la MDE (maîtrise de la demande énergétique) n’ont pas été mesurés à ce jour. 23 IMAGINE – textes de présentation – 23-24/11/2006 Promouvoir le marketing territorial Pour être efficient, un territoire doit à la fois rechercher à être efficace pour lui-même (ce qui fait référence à la compétitivité), pour l’être envers les autres territoires (ce qui relève de l’attractivité). Pour être attractif, un territoire a besoin de séduire ses forces vives à la fois pour qu’elles restent sur le territoire, mais aussi pour séduire les forces vives de l’extérieur. A l’heure de la globalisation - au-delà de considérations portant sur les facteurs de compétitivité des firmes - l’attractivité d’une entreprise située forcément sur un territoire, passe aujourd’hui aussi par la qualité des paysages naturels et urbains, par la maîtrise des nuisances (bruit, pollutions de l’eau, de l’air, du sol…), par la préservation du patrimoine culturel, par l’offre de services de qualité (hôpitaux, crèches, halte garderie, haut débit,…). Autant d’aménités qui peuvent attirer notamment les cadres des entreprises et donner une image positive de ses firmes. Cela passera demain également par d’autres aspects qui ont trait à la compétitivité du territoire par luimême. C’est le cas de l’énergie. Pour faire comprendre cet enjeu, il est à noter qu’1 point de PIB aux USA équivaut à deux fois plus d’énergie qu’un point de PIB européen ; que 20% du budget des Américains est consacré aux coûts du transport contre 10% en Europe. Là encore, les territoires qui seront les plus économes en énergie, seront demain les plus performants, dans un contexte d’énergie chère. 2. PRENDRE CONSCIENCE DES LIMITES D’UNE L’ECONOMIE GLOBALISEE NON REGULEE La globalisation rapide du monde, menée par des élites converties au libéralisme de marché, produit avant tout une forme de « déterritorialisation » de l’économie dans laquelle le temps prime sur l’espace. Ce qui compte ce n’est plus la proximité physique avec les consommateurs mais la distance/temps, l’accessibilité, la connectivité avec des réseaux de communication et d’échanges. Cette déterritorialisation n’est qu’un des aspects de la dématérialisation plus générale qui touche la société occidentale. Elle s’accompagne d’une financiarisation du monde et d’un échange sans précédent de biens et services sur l’ensemble de la planète au profit notamment des pays les plus développés. Re-territorialiser partiellement les politiques économiques, créatrices d’emplois non délocalisables L’inconvénient majeur de l’économie globalisée réside dans la recherche de l’avantage comparatif entre firmes et entre états, qui conduit bien souvent à refuser d’assumer les coûts environnementaux, sociaux et culturels (parfois différés dans l’espace et dans le temps) perçus comme une charge et non pas comme un bénéfice pour la société dans son ensemble. Cette stratégie économique pousse donc les décideurs à externaliser les coûts par la recherche du moins disant social et environnemental, à rechercher la rentabilité à court terme au détriment de la recherche de l’équité spatiale et temporelle défendue dans le concept de développement durable. Cela se traduit localement par l’élaboration de politiques axées sur la compétitivité et l’attractivité des territoires, grâce en particulier à une mobilité et une fluidité renforcées Il s’agit pour les décideurs de rendre, sur leurs territoires, toujours plus fluide et plus rapide les flux de capitaux, de marchandises et d’hommes (soutien aux infrastructures de transports), dans l’espoir de capter les revenus issus de ces multiples échanges. S’il faut indiscutablement se féliciter du succès que rencontrent ces politiques économiques, (pour les pays développés en tout cas) ; il apparaît indispensable d’accorder, à côté des politiques de compétitivité internationale, une attention plus soutenue au développement économique de proximité. En effet, l’économie locale - qui tire une grande partie de ses ressources de la création et de la consommation sur place de richesses - permet d’abord de lutter contre l’apartheid social que génère une économie de marché non régulée grâce à la création d’emplois peu délocalisables, tout en réduisant ensuite les risques climatiques actuels grâce à la diminution des flux. La nouvelle 24 IMAGINE – textes de présentation – 23-24/11/2006 croissance du territoire devrait donc reposer, tout au moins partiellement, sur la promotion d’une économie « circulaire » qui valorise les boucles économiques locales. Développer l’avantage coopératif entre territoires Face aux enjeux du Développement Durable, il est impératif d’engager le plus rapidement possible un processus qui conduise progressivement à une inflexion, voire à une rupture dans une économie de flux fondée sur les énergies émettrices de gaz à effet de serre. Cette inflexion appelle nécessairement à l’élaboration d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire, créatrice d’emplois et compétitive. Ce processus doit s’inscrire dans les politiques publiques, qui viendraient en appui et en complément des stratégies déjà menées par de nombreuses grandes firmes françaises. L’Europe, qui a inventé le modèle occidental de développement, a été au cœur de l’aventure précédente. Ce modèle, qui est fait de conquête de la planète par la technique, a permis une interconnexion de toutes les parties du monde. Durant cette période, la France a eu la prétention à l’universalité de ses valeurs à travers la révolution, la nation et la colonisation. Aujourd’hui, il appartient à l’Europe en général, et à la France dans sa visée universaliste, de proposer une nouveau paradigme économique basé sur le partage du bien commun que représentent la terre et la diversité culturelle, nourri du respect des droits humains et des droits et devoirs écologiques et sociaux. Notre société, longtemps séduite par le matérialisme, le positivisme et le scientisme se doit à présent de porter les principes de l’avantage coopératif entre territoires et entre hommes, conformément aux objectifs assignés au développement durable. Gilles Pennequin Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires - DIACT 25