Dossier Problèmes endocriniens et anomalies des organes génitaux

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Dossier
Problèmes endocriniens
et anomalies
des organes génitaux
Raja Brauner
Université Paris-Descartes, Unité d’endocrinologie et troubles de la croissance,
Hôpital Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre Cedex.
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Les problèmes endocriniens qui s’expriment dans la période néonatale nécessitent en règle un diagnostic et un traitement urgents parce qu’ils mettent en jeu
le pronostic vital, le développement cérébral ou déterminent la vie de l’individu
en cas d’anomalie des organes génitaux.
L’hypoglycémie, à laquelle le pédiatre de maternité est fréquemment confronté,
est habituellement liée à un contexte clinique qui la fait rechercher (hypotrophie, etc.) et dans ce cadre résolue par des moyens simples. Elle doit attirer
l’attention par sa sévérité, sa résistance aux traitements habituels ou sa persistance sur une durée prolongée. Elle peut alors être due à un hyperinsulinisme,
mais aussi à une insuffisance hypophysaire ou à une insuffisance surrénale. Les
dosages des taux plasmatiques à faire et à répéter en hypoglycémie sont :
hormone de croissance, insulin-like growth factor (IGF) I, thyroxine (T4),
adrénocorticotrophine (ACTH), cortisol, 17a-hydroxyprogestérone (17OHP),
rénine et insuline. Le taux d’ACTH est normal ou bas en cas d’insuffisance de la
glande hypophyse et élevé en cas d’insuffisance des glandes surrénales. Dans
l’insuffisance de l’hypophyse, le déficit en ACTH est associé à d’autres déficits
hypophysaires. L’insuffisance des glandes surrénales est le plus souvent due à
une hyperplasie congénitale des surrénales (HCS). Le diagnostic d’HCS, évoqué
sur l’association de l’hypoglycémie à la virilisation d’un fœtus féminin et à un
syndrome de perte de sel, est confirmé par le taux plasmatique élevé de 17OHP.
L’intersexualité est le plus souvent due à la virilisation in utéro d’un fœtus
féminin par une HCS. En dehors de l’HCS, une intersexualité conduit à reporter
la déclaration du sexe.
Une calcémie basse est fréquente en période néonatale. Comme pour l’hypoglycémie, sa sévérité ou sa persistance doivent faire envisager un bilan plus
complet. Les dosages sanguins à faire en hypocalcémie sont : calcium total et
ionisé, phosphore, magnésium, parathormone, 25OHD (réserve de vitamine
D), 1-25(OH)2D (forme active de la vitamine D) et sur une miction calcium et
créatinine pour calculer leur rapport.
Mots clés : hypoglycémie, hypocalcémie, insuffisance hypophysaire, insuffisance surrénale,
organes génitaux
mtp
Tirés à part : R. Brauner
L
es problèmes endocriniens qui se
manifestent dans la période néonatale s’expriment essentiellement
par une hypoglycémie, une absence
de prise de poids due à un syndrome
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
de perte de sel, une hypocalcémie ou
une anomalie des organes génitaux.
L’hypothyroïdie congénitale due à
une anomalie de la glande thyroïde
(1/3 000 à 1/4 000 naissances) est dia-
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Problèmes endocriniens et anomalies des organes génitaux
gnostiquée par le dépistage néonatal systématique qui en
a transformé le pronostic. Une pathologie auto-immune
de la thyroïde chez la mère, en particulier celle responsable d’une hyperthyroïdie, conduit à vérifier les taux de
thyroid stimulating hormone (TSH) et de thyroxine (T4)
chez le nouveau-né juste avant sa sortie [1]. Le diabète
néonatal permanent est très rare (1/400 000 naissances).
Le syndrome de Turner, dû à une absence ou à une
anomalie de structure d’un des chromosomes X (1/2 500
naissances filles), est à évoquer devant une cardiopathie
congénitale à type de coarctation de l’aorte ou un œdème
des extrémités.
Nous analyserons les problèmes endocriniens qui nécessitent un diagnostic et un traitement urgents parce
qu’ils mettent en jeu le pronostic vital, le développement
cérébral ou déterminent la vie de l’individu en cas d’anomalie des organes génitaux. Nous tenterons de répondre
aux deux questions suivantes : 1) comment distinguer le
normal du pathologique sur la clinique ? ; 2) quelles évaluations complémentaires sont nécessaires pour faire le
diagnostic ?
Hypoglycémie
de causes endocriniennes
L’hypoglycémie, à laquelle le pédiatre de maternité est
fréquemment confronté, est habituellement liée à un
contexte clinique qui la fait rechercher (hypotrophie, enfant de mère diabétique, asphyxie périnatale, etc.) et dans
ce cadre résolue par des moyens simples. Elle doit attirer
l’attention par sa sévérité, sa résistance aux traitements
habituels ou sa persistance sur une durée prolongée (plus
d’une semaine).
L’hypoglycémie est définie par une glycémie inférieure à 3 mmol/L après 2 jours de vie. Elle peut être
révélée par des manifestations cliniques frustes (hypotonie, somnolence, hypothermie) ou des convulsions ou être
de découverte systématique. L’hypoglycémie peut induire
des lésions cérébrales définitives. Il est donc urgent de
rechercher son étiologie et de la traiter. L’hypoglycémie
peut être secondaire à une insuffisance hypophysaire ou à
une insuffisance surrénale périphérique (tableau 1). En
effet, un déficit en hormone de croissance (GH) et/ou en
cortisol peuvent induire une hypoglycémie, surtout chez
le nouveau-né.
L’insuffisance hypophysaire peut correspondre soit à
un déficit isolé en GH, soit et le plus souvent à des déficits
multiples, incluant un déficit en adrénocorticotrophine
(ACTH) responsable d’un déficit en cortisol. Les arguments en faveur d’une insuffisance hypophysaire sont
l’association à l’hypoglycémie d’un micropénis (longueur
de la verge inférieure à 3 cm) et/ou d’une ectopie testiculaire, d’un ictère marqué et prolongé ou d’anomalies
faciales ou oculaires. Le diagnostic est fait sur un ou
plusieurs prélèvement(s) sanguin(s) en hypoglycémie qui
montrent des taux bas de GH malgré l’hypoglycémie et
d’insulin-like growth factor (IGF) I, associés à des taux bas
de cortisol et d’ACTH en cas de déficits multiples. Un taux
bas de T4 associé (T4 libre inférieure à 12-15 pmol/L),
secondaire au déficit en TSH est évocateur. L’imagerie par
résonance magnétique (IRM) est un élément majeur du
diagnostic car elle montre souvent un syndrome d’interruption de la tige pituitaire. Ce syndrome associe à des
degrés variés une tige pituitaire interrompue, une posthypophyse ectopique et une antéhypophyse petite
(< 4 mm) [2, 3]. Le traitement est à débuter en urgence par
GH (0,1 U = 0,03 mg/kg/24 h en une injection sc quotidienne) associé dans les déficits hypophysaires multiples à
l’hydrocortisone (3-5 mg/24 h en 3 prises) et à la thyroxine
(6-8 lg/kg/24 h en une prise).
L’insuffisance surrénale périphérique est le plus souvent due à une HCS. Le taux plasmatique d’ACTH est alors
élevé et un syndrome de perte de sel est associé.
Les dosages des taux plasmatiques à faire et, si nécessaire, à répéter en hypoglycémie sont : GH, IGF I, T4,
ACTH, cortisol, 17a-hydroxyprogestérone (17OHP), rénine et insuline. Le taux d’insuline est très bas en cas
d’hypoglycémie par déficit en GH ou en cortisol. Lorsque
l’insuffisance hypophysaire est probable, une IRM est faite
en urgence. Celle-ci permet de confirmer le diagnostic
lorsqu’elle montre un syndrome d’interruption de la tige
pituitaire et de débuter en urgence un traitement. Cependant, l’absence de ce syndrome n’exclut pas ce diagnostic.
Insuffisance surrénale
L’insuffisance surrénale est une urgence diagnostique
et thérapeutique. Elle met en jeu le pronostic vital.
Tableau 1. Hypoglycémie de causes endocriniennes
Étiologie
1. Insuffisance hypophysaire
2. Insuffisance surrénale périphérique
Type
Déficit isolé en GH
Déficits multiples
HCS le plus souvent
Éléments d’orientation
Micropénis
Micropénis, ectopie testiculaire
Virilisation d’un fœtus féminin
Syndrome de perte de sel
GH : hormone de croissance. HCS : hyperplasie congénitale des surrénales.
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Examens complémentaires
GH en hypoglycémie, IGF I, IRM
+ ACTH, cortisol, T4
ACTH, cortisol, 17 OHP, rénine
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Étiologies
Elle peut être d’origine hypothalamo-hypophysaire
(déficit en ACTH) ou surrénalienne (ACTH élevée). Le
déficit en ACTH est caractérisé par : 1) dans la quasitotalité des cas, il est associé à un déficit en d’autres
hormones hypophysaires, en particulier en GH ; 2) il n’y a
pas de syndrome de perte de sel puisque l’ACTH ne
contrôle pas la sécrétion d’aldostérone. L’insuffisance surrénale d’origine périphérique est le plus souvent secondaire à un déficit enzymatique sur la synthèse du cortisol
et de l’aldostérone. La diminution du cortisol induit une
augmentation de la sécrétion d’ACTH. Cette augmentation induit une hyperplasie congénitale des surrénales
(HCS) avec une hyperproduction des hormones surrénaliennes qui ne nécessitent pas l’enzyme déficitaire, en
particulier la testostérone. L’HCS est une affection récessive autosomique due le plus souvent à un déficit en
21-hydroxylase par anomalie de son gène. Il y a une
corrélation entre le génotype et le phénotype [4]. Dans la
forme néonatale ou classique, l’activité enzymatique est
nulle ou très faible. Dans la plupart des cas, il y a un déficit
de la synthèse d’aldostérone responsable d’un syndrome
de perte de sel. La fréquence de l’HCS néonatale se situe
autour de 1/8 000 naissances. Son dépistage néonatal est
fait de manière systématique par le dosage de 17OHP.
Cependant, le résultat de celui-ci n’étant obtenu qu’après
quelques jours, il faut essayer de faire le diagnostic plus
tôt.
Signes cliniques
Dans la forme la plus fréquente qui est l’insuffisance
surrénale du nouveau-né secondaire à un déficit en
21-hydroxylase, les manifestations cliniques et biologiques sont secondaires à : 1) l’insuffisance en cortisol qui
peut donner une hypoglycémie, une hypotension artérielle ; 2) l’insuffisance en aldostérone qui donne un syndrome de perte de sel dans les urines, se manifeste par une
non-prise de poids et participe au collapsus ; 3) la virilisation des organes génitaux externes du fœtus féminin. Le
degré de virilisation est variable allant d’une simple hypertrophie du clitoris (Prader I) à un aspect complètement
virilisé des organes génitaux externes (Prader V). L’élément qui guide vers le diagnostic, chez ce nouveau-né qui
a des organes génitaux d’aspect masculin, est l’absence de
testicule palpable dans les bourses donnant un aspect
« d’ectopie testiculaire ».
Examens complémentaires
Le diagnostic d’HCS par déficit en 21-hydroxylase est
fait par la mesure du taux plasmatique de 17OHP. Ce
métabolite surrénalien est très élevé (> 3 ng/mL) car il est
situé en amont du bloc. Il faut tenir compte dans l’interprétation du résultat du fait que la 17OHP est physiologiquement plus élevée dans les premiers jours de vie, en
particulier chez le prématuré. L’association à des taux
Tableau 2. Traitement en urgence
de l’insuffisance surrénale aiguë par anomalie des surrénales
Ne pas attendre le résultat des dosages hormonaux
1. Glucocorticoides : Hydrocortisone® IM (ampoules de 100 mg),
5 mg × 3/24 h
2. Minéralocorticoides : Syncortil® IM (ampoules de 10 mg),
2 à 3 mg × 1/24 h
3. Apport de NaCl, perfusion IV, 10 à 15 mEq/kg/24 h, moitié
dans les 6 premières heures
4. Corriger une hypoglycémie
Surveiller toutes les 6 heures :
– poids, tension artérielle, fréquence cardiaque
– Na et K dans le sang et les urines (sur miction concomitante)
– Passage à la voie orale après 2 à 3 jours
plasmatiques élevés d’ACTH dans les deux sexes et de
testostérone chez la fille (> 0,3 ng/mL) apporte un argument supplémentaire au diagnostic.
Le syndrome de perte de sel est défini par la persistance de sodium dans les urines alors que la natrémie est
inférieure à 132 mmol/L. La mesure du sodium doit être
faite sur les urines concomitantes au prélèvement sanguin.
La présence de sodium dans les urines sans hyponatrémie
ne suffit pas à faire le diagnostic de syndrome de perte de
sel. L’hyponatrémie est associée à une hyperkaliémie et à
une hypercalcémie. Ceci survient souvent après 4 à
5 jours de vie avec dans l’ordre d’apparition une hypercalcémie, puis une hyperkaliémie puis une hyponatrémie.
La rénine plasmatique est augmentée.
Traitement
L’insuffisance surrénale aiguë est une urgence thérapeutique. Dès le prélèvement sanguin fait (17OHP, ACTH,
cortisol, testostérone et activité rénine), il faut débuter le
traitement (tableau 2). Une fois la phase aiguë passée, le
traitement est donné par voie orale et comporte :
– un glucocorticoïde : hydrocortisone (gélules préparées à 1 mg), 4-6 mg/24 h chez le nouveau-né, en 3 prises ;
– un minéralocorticoide : Florinef® (cp à 10 et 50
gamma ou lg), 30 à 200 lg/24 h en 2 prises ;
– un supplément de 2 g de NaCl/24 h jusqu’à l’âge de
1-2 ans.
Ce traitement ne doit pas être interrompu. Il doit être
régulier. Une carte est donnée aux familles indiquant le
risque d’insuffisance surrénale aiguë et les modifications à
apporter au traitement en cas de problème aigu intercurrent : 1) doubler la dose d’hydrocortisone durant l’épisode
aigu, s’il n’y a pas de trouble digestif ; 2) remplacer la voie
orale par la voie injectable en cas de diarrhée, de vomissement ou d’intervention chirurgicale. Une plastie féminine est ultérieurement nécessaire.
Anomalies des organes génitaux
L’anomalie des organes génitaux est une urgence néonatale pour deux raisons : il y a un risque vital si elle est
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Problèmes endocriniens et anomalies des organes génitaux
secondaire à une HCS et elle peut conduire à reporter la
déclaration du sexe. Les étapes de la prise en charge sont
les suivantes : reconnaître l’anomalie, rechercher son
étiologie, et en particulier rechercher en urgence une
HCS, et choisir le sexe dans lequel l’enfant sera élevé. Une
fois l’anomalie des organes génitaux reconnue et son
étiologie approchée, la prise en charge doit être faite par
une équipe médico-chirurgicale habituée à le faire.
En dehors de l’HCS qui ne nécessite pas de reporter la
déclaration de sexe, un délai d’environ 6 semaines après
la naissance permet de faire les examens nécessaires au
diagnostic étiologique et de tester la capacité du bourgeon
génital à se développer sous testostérone lorsqu’on
s’oriente vers un choix de sexe masculin. Ce délai peut
être obtenu de la part des autorités civiles grâce à un
courrier et à un contact téléphonique demandant que la
place réservée à l’indication du sexe dans la déclaration
de naissance soit laissée en blanc et qu’il ne soit pas écrit
« sexe indéterminé ». Il est plus difficile d’obtenir un délai
pour l’inscription du prénom. Ceci est à régler au cas par
cas.
Nous avons l’habitude de dire aux parents que leur
enfant a un sexe donné dont le développement n’est pas
achevé, que l’équipe médico-chirurgicale a pour rôle de
trouver, en fonction des résultats, le véritable sexe, qu’une
fois le sexe établi il est définitif. Nous essayons de ne pas
donner des résultats fragmentaires mais une information
globale lorsque nous avons tous les résultats et que nous
pouvons leur expliquer le mécanisme de l’anomalie des
organes génitaux et les raisons du choix du sexe. Nous les
informons du fait que dans les premiers jours de vie
intra-utérine, les gonades et ce qui donnera l’appareil
génital sont identiques chez les embryons des deux sexes.
Le traitement local est programmé par le chirurgien avec
les parents.
Reconnaître l’anomalie
Le plus souvent, elle est évidente : il est difficile de dire
si le nouveau-né est de sexe masculin ou féminin. On
parle alors d’intersexualité. Dans certains cas, il est difficile de dire si l’aspect des organes génitaux est normal ou
à la limite de la normale ou s’il est le signe d’une pathologie (tableau 3).
Organes génitaux d’aspect féminin
Il peut être difficile de dire si un clitoris est normal ou
hypertrophié, surtout chez un nouveau-né de petit poids.
L’hypertrophie du clitoris peut être secondaire à une sécrétion anormale d’androgènes. Le dosage en urgence du
taux plasmatique de 17OHP et de testostérone permet de
rechercher d’une part une HCS et d’autre part une sécrétion gonadique de testostérone (taux normal < 0,3 ng/mL
chez un nouveau-né féminin). Lorsqu’un doute persiste,
on peut vérifier que le caryotype est bien 46,XX.
Organes génitaux d’aspect masculin
Le micropénis correspond à une verge de morphologie
normale avec un orifice en place mais de petite taille et
souvent fine (largeur inférieure à 1 cm). Il peut être « simple » ou secondaire à une insuffisance hypophysaire globale [3] ou isolée en gonadotrophines [5], surtout s’il est
associé à une hypoglycémie et/ou à une ectopie testiculaire.
Un aspect d’ectopie testiculaire correspond le plus
souvent à des testicules non descendus dans les bourses.
Cependant, il peut être le signe d’une anorchidie (absence
de testicule) ou d’une virilisation complète d’un fœtus
féminin. Le dosage des taux plasmatiques d’hormone antimüllérienne (AMH) et de testostérone permet de dire s’il y
a du tissu testiculaire ; ils sont proches de zéro dans une
anorchidie [6]. La virilisation complète d’un fœtus féminin
est le plus souvent secondaire à une HCS (stade V de
Prader). Lorsqu’il s’agit d’une ectopie testiculaire « simple », les testicules peuvent descendre spontanément. Si
vers l’âge de 18 mois, ils sont toujours ectopiques et non
abaissables, le traitement est en règle l’abaissement chirurgical.
Un hypospadias est le plus souvent « malformatif ».
Les éléments en faveur d’une anomalie gonadique à son
origine sont le siège postérieur de l’hypospadias (proche
de la racine de la verge) et/ou son association à une
ectopie testiculaire et/ou à un micropénis.
Tableau 3. Anomalies des organes génitaux : situations limites de la normale
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Aspect
1. Féminin
Type
Hypertrophie du clitoris
Définition
Longueur > 1 cm
2. Masculin
Micropénis
Longueur < 3 cm
Ectopie testiculaire
Testicules non palpés
Hypospadias
Orifice urétral sur la face
ventrale de la verge
Pathologie
HCS
Anomalie gonadique
Insuffisance hypophysaire
Anorchidie
HCS
Anomalie gonadique
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
Éléments du diagnostic
17OHP, testostérone
Testostérone, caryotype
Hypoglycémie, ectopie testiculaire,
IGF I, T4L
± tests de stimulation, IRM
AMH et testostérone nuls
17OHP
Siège postérieur
Association à un micropénis
et/ou une ectopie testiculaire
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Décrire l’anomalie
L’interrogatoire précise les antécédents familiaux de
consanguinité, d’anomalie des organes génitaux ou de
stérilité. L’examen général recherche des malformations
associées, en particulier anales. Lorsqu’il s’agit d’une intersexualité, la description de l’examen local utilise des
termes indifférenciés utilisables dans les deux sexes :
– bourgeon génital pour la verge ou le clitoris (préciser
longueur, largeur, coudure, siège de l’orifice) ;
– bourrelets génitaux pour le scrotum ou les grandes
lèvres (préciser symétrie, degré de développement, soudure) ;
– gonades pour les testicules ou les ovaires. Si des
gonades sont palpées, il s’agit le plus souvent de testicules
ou beaucoup plus rarement d’ovotestis. On précise alors
leur siège (inguinal ou dans les bourrelets génitaux), leurs
dimensions et leur consistance. Les ovaires sont en règle
intra-abdominaux et ne sont donc pas palpés.
Rechercher son étiologie
Classification
Les intersexualités sont classées selon le caryotype et la
nature histologique des gonades en trois groupes : les
pseudo-hermaphrodismes féminins, les pseudo-hermaphrodismes masculins et les anomalies gonadiques
(tableau 4).
Les pseudo-hermaphrodismes féminins sont secondaires à la virilisation d’un fœtus féminin, en règle par une
HCS. On ne palpe pas de gonade.
Les pseudo-hermaphrodismes masculins sont secondaires à une insuffisance de virilisation d’un fœtus masculin par insuffisance de synthèse ou d’action de la testostérone. On palpe une ou deux gonades d’allure testiculaire,
il y a souvent un vagin court alors que les structures
müllériennes (trompes, utérus, partie supérieure du vagin)
sont absentes car les cellules de Sertoli des testicules ont
secrété normalement de l’AMH, sauf chez les hommes à
utérus (une situation très rare). Les insuffisances de synthèse de testostérone sont secondaires à une anomalie des
cellules de Leydig ou à un déficit enzymatique sur la
synthèse de testostérone. Celui-ci se transmet sur le mode
autosomique récessif. Selon le type de déficit, l’insuffisance de synthèse de testostérone est isolée ou associée à
une insuffisance en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes. Les structures génitales nécessitent pour leur déve-
loppement la testostérone et son métabolite la dihydrotestostérone obtenue à partir de la testostérone grâce à
l’action de la 5 a-réductase. En cas de déficit en cet
enzyme, les structures testostérone dépendantes se développent, alors que les structures dihydrotestostéronedépendantes ne se développent pas. À la naissance, le
phénotype est plutôt féminin. À la puberté, une virilisation
a lieu. Le diagnostic est confirmé par l’étude du gène de la
5 a-réductase. La résistance aux androgènes est secondaire à une mutation du gène du récepteur aux androgènes. Elle se transmet sur le mode lié à l’X (seuls les
individus XY sont atteints, l’affection est transmise par la
mère et les sœurs peuvent être conductrices). Le tableau
clinique varie d’un aspect féminin dans la résistance complète à différents degrés de virilisation dans les résistances
partielles. À côté de ces étiologies, la majorité des pseudohermaphrodismes masculins sont idiopathiques [7]. Ils
peuvent être isolés ou faire partie d’un syndrome polymalformatif.
Les anomalies gonadiques correspondent aux hermaphrodismes vrais et aux dysgénésies gonadiques, avec
des formes frontières entre les deux situations. L’anomalie
gonadique est responsable d’une insuffisance de sécrétion
d’AMH, d’où la présence d’un utérus, et d’une insuffisance
de sécrétion de testostérone, d’où le caractère partiel de la
virilisation. Le tableau clinique comporte souvent une
asymétrie des bourrelets génitaux et des gonades. Les
hermaphrodismes vrais sont définis par la présence simultanée de tissu ovarien et de tissu testiculaire chez le même
individu [8]. Le degré de virilisation des organes génitaux
externes est variable. L’hermaphrodisme vrai est le plus
souvent associé à un caryotype 46,XX. La dysgénésie
gonadique est associée à un caryotype 45,X/46,XY ou
46,XY.
Évaluations complémentaires
Au terme de cet examen, on se trouve devant une des
deux situations suivantes :
– on ne palpe pas de gonade ; il s’agit le plus souvent
d’un fœtus féminin virilisé par une hypersécrétion d’androgènes secondaire à une HCS ; le taux élevé de 17OHP
confirme le diagnostic ;
– on palpe une ou deux gonades inguinales ou dans les
bourrelets génitaux ; d’autres examens sont nécessaires
pour le diagnostic étiologique et pour le choix du sexe.
Tableau 4. Anomalies des organes génitaux : classification des intersexualités
Type
Définition
1. Pseudohermaphrodismes féminins 46,XX et 2 ovaires
2. Pseudohermaphrodismes masculins 46,XY et 2 testicules
3. Anomalies gonadiques
Hermaphrodisme vrai
Dysgénésie gonadique
Mécanisme
Virilisation d’un fœtus féminin (HCS)
Insuffisance de virilisation
d’un fœtus masculin
Insuffisance d’AMH et de testostérone
Présentation
Pas de gonade palpée
1 ou 2 gonades palpées,
pas d’utérus
Utérus et virilisation partielle
Tissus ovarien et testiculaire
45,X/46XY ou 46,XY
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Problèmes endocriniens et anomalies des organes génitaux
Les évaluations complémentaires sont la détermination du sexe chromosomique et des structures génitales
internes, les dosages hormonaux, la recherche d’anomalies des gènes et l’évaluation de la réponse du bourgeon
génital à l’administration de testostérone (tableau 5).
La détermination du sexe chromosomique est faite par
le caryotype. En attendant le résultat de celui-ci, on peut
avancer avec la recherche du gène SRY, dont le résultat est
obtenu en règle en 3 jours.
L’échographie permet de suspecter l’existence d’une
cavité utérine, mais le diagnostic n’est pas fiable car elle
peut méconnaître un utérus petit (longueur normale
autour de 3 cm) ou un hémi-utérus ou montrer à tort un
utérus. Or la présence ou l’absence d’utérus est un élément essentiel du diagnostic étiologique. La génitographie
est à faire rapidement seulement si elle est nécessaire à ce
diagnostic. Elle doit être faite par une personne habituée et
expose à un risque infectieux en cas de structure interne
qui s’évacue mal.
Le choix des hormones à doser est fonction du tableau
clinique et donc des orientations étiologiques. Le dosage
est à faire dans un laboratoire fiable. En effet, les dosages
permettent :
– de rechercher une HCS ;
– d’évaluer la capacité des gonades à sécréter de la
testostérone par la mesure des taux plasmatiques de testostérone et de Luteinising Hormone (LH) ; durant les
premières semaines de vie, il y a une sécrétion de testostérone qui permet de conclure ;
– d’évaluer l’activité de la 5 a-réductase par la mesure
du rapport testostérone/dihydrotestostérone, à condition
qu’il y ait une sécrétion significative de testostérone ;
– d’évaluer la fonction sertolienne par la mesure des
taux plasmatiques d’AMH et d’inhibine B.
Une fois le diagnostic de l’étiologie fortement suspecté, l’étude des gènes permet de confirmer le diagnostic : gènes des enzymes de la stéroïdogenèse, de la 5 aréductase ou du récepteur aux androgènes.
Dans les cas où on s’oriente vers un choix de sexe
masculin, l’administration de testostérone permet d’évaluer la capacité du bourgeon génital à se développer et
ainsi de prévoir en partie comment il se développera à la
puberté. Si le bourgeon génital se développe sous testostérone, cela est un argument contre une résistance aux
androgènes.
Les difficultés du diagnostic étiologique sont secondaires aux difficultés dans certains cas à conclure sur la
présence d’un utérus, au fait que le caryotype peut être
46,XY en périphérie et 45,X/46,XY au niveau des gonades
et que l’absence de mutation au niveau du gène du
récepteur aux androgènes n’exclut pas une anomalie de
fonction de ce gène. Or ce diagnostic conduit à une
mauvaise réponse du bourgeon génital à l’administration
de testostérone et à un choix de sexe féminin, d’où l’intérêt
de ce test thérapeutique.
Choisir le sexe
C’est une étape essentielle qui détermine la vie de
l’individu. Il doit correspondre à la situation dans laquelle
le développement pubertaire et la vie sexuelle adultes
seront les plus proches possibles de la normale. Le choix
du sexe dépend de l’étiologie, de la capacité des gonades
à sécréter de la testostérone ou de l’estradiol, du risque de
tumeur au niveau des gonades et surtout des conditions
anatomiques : présence d’un vagin, d’un utérus et mensurations du bourgeon génital. Lorsque le choix du sexe est
difficile car les conditions anatomiques permettent de
choisir l’un ou l’autre sexe (hermaphrodisme vrai en particulier), la confirmation opératoire des données anatomiques et l’examen histologique extemporané des gonades
peuvent être nécessaires pour prendre une décision.
Les conditions anatomiques sont en effet l’élément
essentiel du choix du sexe. Ainsi, les éléments en faveur
d’un choix féminin sont la présence d’un utérus ou d’une
cavité vaginale permettant une plastie, une hypoplasie
majeure du bourgeon génital avec une mauvaise réponse
de ce bourgeon à l’administration de testostérone et l’ablation nécessaire de gonades dysgénésiques. Les éléments
en faveur d’un choix masculin sont la longueur du bourgeon génital supérieure à 2 cm avec des corps caverneux
corrects, la réponse nette de ce bourgeon à l’administra-
Tableau 5. Anomalies des organes génitaux :
évaluations complémentaires devant une intersexualité avec gonade(s) palpée(s)
Objectif
Sexe chromosomique
Structures génitales internes
Hormones
Gènes
Réponse du bourgeon génital
372
Type
En urgence SRY ; caryotype
Échographie ± génitographie
17OHP
Testostérone, LH
Dihydrotestostérone
AMH, inhibine B, FSH
Enzymes de la stéroïdogenèse
5 a-réductase
Récepteur des androgènes
Administration de testostérone
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
Pathologie
HCS
Insuffisance de sécrétion de testostérone
Déficit en 5 a-réductase
Anomalie gonadique
Déficit de synthèse de testostérone
Déficit en 5 a-réductase
Résistance aux androgènes
Résistance aux androgènes
tion de testostérone, une cavité vaginale petite et la capacité à secréter de la testostérone.
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Hypocalcémie
Trois éléments sont nécessaires à la minéralisation du
squelette : calcium, phosphore et vitamine D. L’équilibre
phosphocalcique dépend essentiellement de deux hormones : la vitamine D et la parathormone (PTH). À la naissance, l’arrêt des apports maternels de calcium induit une
baisse de la calcémie, baisse qui stimule la synthèse de la
PTH. Dans les tout premiers jours de vie, l’hypocalcémie
chez le nouveau-né à terme est définie par une calcémie
inférieure à 2 mmol/L (multiplier par 40 pour mg/L) mais
cette définition est discutée en raison des variations physiologiques dans la première semaine de vie.
Le diagnostic est habituellement fait soit à l’occasion
d’un dosage systématique chez un enfant à risque
(nouveau-né de mère diabétique, hypotrophe, asphyxie
perpartale), soit devant une symptomatologie évocatrice.
C’est la sévérité ou la persistance de l’hypocalcémie qui
vont conduire à un bilan plus complet. Les symptômes
évocateurs d’hypocalcémie sont une agitation, des trémulations, des convulsions, un laryngospasme, une apnée,
une tachycardie voire une insuffisance cardiaque.
L’hypocalcémie peut être d’origine fœtale ou maternelle. Les causes fœtales sont essentiellement l’hypoparathyroïdie, la résistance à la PTH et l’hypomagnésémie.
L’hypoparathyroïdie peut faire partie d’un syndrome de
DiGeorge [9] ou être isolée par un déficit de la synthèse de
la PTH ou par une mutation du gène du récepteur sensible
au calcium. Les causes maternelles sont essentiellement la
carence en vitamine D, le diabète, le traitement anticonvulsivant et l’hypercalcémie.
Les dosages sanguins à faire en hypocalcémie sont
calcium total et ionisé, phosphore, magnésium, PTH,
25OHD (réserve de vitamine D), 1-25(OH)2D (forme
active de la vitamine D) et sur une miction calcium et
créatinine pour calculer leur rapport. Les dosages à faire
chez la mère sont calcium total et ionisé, PTH et 25OHD.
Le taux de PTH est à interpréter en fonction de la calcémie : un taux de PTH normal-bas malgré une hypocalcémie indique une hypoparathyroïdie [9].
La prise en charge d’une hypocalcémie repose sur la
surveillance par monitoring cardiaque en raison du risque
d’arrêt cardiaque. En cas d’hypocalcémie peu sévère dans
les premiers jours de vie (entre 1,7 et 2 mmol/L), la
correction repose sur une supplémentation, par voie orale
si possible, et l’administration de Unalfa® (1a-OH-D). En
cas d’hypocalcémie sévère (< 1,7 mmol/L), le traitement
d’urgence est l’administration de calcium en perfusion (1 g
de gluconate de calcium = 90 mg de calcium élément)
dilué à raison de 1 mg de calcium pour 1 mL de perfusion
et de Unalfa® à la dose de 1 à 3 lg/24 h en 2 prises
quotidiennes.
Références
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mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
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