1.1 Quelles sont les sources de la croissance économique ?

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Chap. 1 Economie – Croissance, fluctuations et crises
1.1 Quelles sont les sources de la croissance économique ?
A. Comment définir et mesurer la croissance économique ?
La croissance est l’augmentation durable de la production d’une économie, mesurée par le taux de variation du PIB,
ou sur le long terme par un TCAM.
Le PIB a été créé pendant la grande dépression (Kuznets) pour améliorer les politiques économiques. Pour le
calculer, trois approches équivalentes sont possibles : par la production (∑ des VA marchandes et non marchandes +
impôts sur les produits – subventions) ; par les revenus distribués, ou par la demande globale adressée aux unités
résidentes. Le PIB est « intérieur » car il comptabilise les richesses créées par les unités résidentes, et « brut » parce
qu’il comptabilise les dépenses de renouvellement du capital fixe comme une richesse supplémentaire. Cependant la
croissance peut résulter d’une hausse des quantités produites ou d’une hausse des prix. Pour calculer l’augmentation
réelle de la production, on calcule le PIB en volume, c’est-à-dire en éliminant la variation des prix.
B. La croissance, un phénomène récent et inégalitaire
L’accélération de la croissance est un phénomène récent, qui ne démarre qu’à la fin du 18e siècle, avec la 1ere
Révolution industrielle en Angleterre (~1780) puis en France (~1840). Les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon
démarrent avec la 2nde révolution industrielle (~1870). Pendant les trente glorieuses, les « nouveaux pays
industrialisés » (Taiwan, Corée du sud,…), vont rattraper les pays développés. D’autres pays émergents (BRICS,…),
vont à leur tour connaitre une croissance rapide à la fin du siècle. Cependant tous les pays ne participent pas
également à la croissance économique, en particulier de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique du sud et certains
pays asiatiques. Cette augmentation de la richesse créée peut permettre le développement, en augmentant le niveau
de vie, de santé et d’éducation, mais ne le garantit pas : la production peut être insoutenable sur le plan écologique, la
richesse être inégalement répartie, ou encore l’Etat être défaillant et ne pas investir dans le capital humain et public.
C. Le PIB, un indicateur imparfait
Certains pays peuvent avoir des flux de revenus importants avec l’étranger, si bien que le PIB ne reflète pas la
richesse réellement à disposition des habitants (intérêt du RNB). Le PIB prend mal en compte l’activité souterraine et
n’inclut pas l’économie domestique. La valeur des activités non marchandes, évaluée aux coûts de production, est
sous-estimée. Le PIB est aveugle aux externalités négatives de la production (destructions du patrimoine
écologique,…), dont les conséquences peuvent même être comptabilisées positivement (dépollution,…). La
répartition du PIB peut être très inégalitaire. Pour les comparaisons internationales, il est nécessaire de recourir à la
parité de pouvoir d’achat, car les taux de change officiels ne reflètent pas toujours le pouvoir d’achat des résidents.
Le PIB peut être complété par l’IDH, indicateur de développement humain du PNUD (Sen). Il prend en compte trois
dimensions : longévité et santé (mesurée par l’espérance de vie), niveau d’instruction (durée de scolarisation), niveau
de vie (RNB/habitant). Cependant d’autres indicateurs permettent de compléter l’IDH : l’IDHI qui permet de
mesurer les inégalités de richesse, l’IIG (indice d’inégalité de genre) qui tient compte des désavantages des femmes,
ou encore l’IPH qui tient compte des carences dans la santé et l’éducation.
D. Comment expliquer la croissance économique ?
La création de richesses repose sur l’utilisation combinée par le producteur de facteurs de production (travail et
capital), que l’on peut représenter sous la forme d’une fonction de production (Cobb-Douglas). En effet
l’accumulation de capital productif mesurée par la FBCF permet d’augmenter la croissance, en soutenant l’offre et la
demande. Le facteur travail contribue également à la croissance, par la quantité de travail fourni (augmentation de la
population active ou de la durée du travail), ou la qualité du travail (l’amélioration de la qualification ou de
l’expérience permet d’augmenter la productivité du travail). Cependant l’accroissement de la quantité des facteurs de
production (croissance extensive) se heurte à la loi des rendements décroissants (Ricardo).
Solow montre l’existence d’un « résidu », qui correspond à l’amélioration de l’efficacité de la combinaison des
facteurs de production (PGF). On parle alors de croissance intensive. Solow considérait que le résidu pouvait être
attribué au progrès technique qui « tombait du ciel » c’est-à-dire qu’il résultait de découvertes aléatoires, et dont
l’origine ne pouvait être expliquée par son modèle (exogène). Pour Schumpeter, le progrès technique (innovations de
produits et de procédés) serait à l’origine de vagues longues de croissance (cycles Kondratiev), marquées par un
phénomène de destruction créatrice.
Les théories récentes de la croissance endogène cherchent à expliquer l’apparition du progrès technique. Il trouverait
son origine dans les dépenses de capital physique et technologique (Romer), mais résulte aussi des dépenses de
formation qui augmentent le capital humain (Lucas), des dépenses de l’Etat pour améliorer les infrastructures (capital
public), ou encore de la présence d’un Etat de droit qui garantit efficacement la propriété privée (capital
institutionnel). Ces différents investissements permettent d’obtenir des gains de productivité, mais produisent aussi
des externalités positives, et suscitent en permanence un progrès technique qui repousse la contrainte technologique
et permet de dépasser la loi des rendements décroissants. Le progrès technique peut donc être considéré comme une
variable endogène c’est-à-dire à la fois comme une source et une conséquence de la croissance, qui est alors un
phénomène continu et auto-entretenu.
Chap. 1 Economie – Croissance, fluctuations et crises
1.2 Comment expliquer l’instabilité de la croissance ?
A. L’activité économique est soumise à d’importantes fluctuations
Sur le long terme, le « trend » mesure la tendance de la croissance. Elle dépend de facteurs quantitatifs
(augmentation de la population,…) et structurels (urbanisation, changement de spécialisations,…). A plus court
terme, le rythme de la production varie de façon plus ou moins cyclique avec des phases d’expansion, de
ralentissement, de crise menant à une récession ou une dépression.
Lorsque les variations de cette croissance effective s’éloignent trop du potentiel de croissance (écart de production),
cela débouche sur des déséquilibres macroéconomiques : inflation ou chômage (courbe de Phillips), déséquilibre de
la balance commerciale.
B. Comment explique-t-on les fluctuations économiques ?
L’explication par les chocs d’offre et de demande. Certaines crises peuvent s’expliquer par des chocs exogènes ou
endogènes, affectant l’offre ou la demande, qui peuvent être positifs ou négatifs, symétriques ou asymétriques.
Les chocs de demande sont des variations brutales et imprévues d’une ou plusieurs composantes de la demande
globale adressée aux producteurs (consommation finale des ménages, investissements des ménages, des entreprises
et des APU, variations de stocks, exportations). Or le niveau de la demande est un élément central : pour Keynes, si
la demande anticipée par les entrepreneurs est insuffisante, le niveau de production ne permettra pas le plein-emploi.
Les chocs peuvent être positifs (réunification Allemande, baisse d’impôts,…) et se traduisent par une hausse des
échanges et des prix. Les chocs peuvent également être négatifs (taux d’imposition trop élevé, augmentation des taux
d’intérêt,…), et conduisent à la baisse des quantités échangées et des prix. Ils entrainent un risque de déflation (ex.
Japon). Anticipant des baisses de prix, les agents économiques reportent leurs dépenses de consommation et
d’investissement, provoquant un cercle vicieux de baisse de la production, des revenus et des prix, qui entraine un
chômage de masse.
Les chocs d’offre sont des variations imprévues des conditions de production qui affectent les producteurs. Ils
peuvent être positifs lorsqu’ils augmentent la croissance par l’amélioration des capacités de production (arrivée de
travailleurs immigrés, innovation de procédé ex. fracturation hydraulique,…), ou en diminuant les coûts de
production (fordisme, toyotisme…). Un choc d'offre peut également être négatif. Par exemple, un tremblement de
terre est destructeur de capacités de production ; une hausse du prix du pétrole entraine la hausse des coûts de
production. La production diminue cependant les prix augmentent (stagflation).
L’explication par les cycles de Schumpeter. Selon Schumpeter, trois cycles se superposent. Les cycles courts de
Kitchin (1923) reposent sur les comportements de gestion des stocks des entreprises qui amplifient les variations de
l’activité, en accumulant des stocks dans les phases de croissance et en destockant dans les phases de ralentissement.
Les cycles moyens de Juglar (1862) décrivent des cycles de 8-9 ans reposant sur les variations de l’investissement :
l’euphorie de la croissance provoque un surinvestissement, qui débouche sur une surproduction et la baisse des prix.
Les cycles longs (40-60 ans) de Kondratiev (1926) s’expliquent par des grappes d’innovation puis leur épuisement.
L’innovation stimule l’offre et la demande, jusqu’à l’excès d’offre et la diminution de la demande. Ces cycles se
superposent : un cycle long peut-être entrecoupé de cycles courts et moyens.
La fréquence des crises financières s’explique par le cycle du crédit (Irving Fisher). En période d’expansion, les
banques prêtent facilement et à des taux faibles en anticipant la hausse des revenus et des patrimoines. Elles
soutiennent ainsi la demande globale et l'optimisme de tous les acteurs économiques, mais facilitent la spéculation et
la prise de risques excessifs. La crise se prépare donc dans les périodes de prospérité (paradoxe de la tranquillité,
Minsky). En cas de retournement de la conjoncture, les crédits sont plus difficiles à obtenir, ce qui accentue la crise
économique (resserrement du crédit). Les agents économiques mettent en vente leurs actifs pour se désendetter. Cet
excès d’offre face à une demande faible conduit à la baisse des prix (déflation par la dette, ex. crise des subprimes).
C. Comment gère-t-on les fluctuations économiques ?
Depuis la crise de 1929, l’Etat mène des politiques conjoncturelles, en combinant une action de politique budgétaire
et de politique monétaire. En cas de récession, l’Etat peut mener une politique de relance budgétaire (qui s’appuie sur
l’effet multiplicateur de Keynes), ainsi qu’une politique monétaire expansionniste (baisse des taux directeurs), qui
vise à faciliter le crédit aux agents économiques. Inversement, l’Etat peut mener une politique de rigueur budgétaire
et monétaire en cas de tensions inflationnistes (dans les années 1980, les pays développés ont mis en œuvre des
politiques de désinflation compétitive d’inspiration monétariste). L’efficacité de la relance keynésienne a été
contestée : une part importante des revenus supplémentaires peut être épargnée ou financer l’achat de produits
importés (contrainte extérieure). La relance est financée par le déficit public, ce qui augmente l’endettement public.
La relance keynésienne a cependant été utilisée pour lutter contre les effets de la crise des subprimes.
Les politiques budgétaires et monétaires des pays de la zone euro ont aujourd’hui de faibles marges de manœuvre.
Les pays fortement endettés consacrent déjà des sommes importantes au service de la dette. La politique budgétaire
est encadrée par le Pacte de Stabilité et de Croissance qui limite les déficits publics à 3 % du PIB et la dette publique
à 60 % du PIB. Le budget européen reste quant à lui trop faible pour envisager une politique budgétaire
supranationale. La politique monétaire durablement expansionniste de la BCE montre ses limites, faute de demande.
Regard Croisés 1 - Justice sociale et inégalités
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
A. Qu’est-ce qu’une inégalité ?
Il faut distinguer différence et inégalité, qui est un accès différencié dans l’accès à une ressource socialement
valorisée. Lorsque le traitement inégal concerne tout un groupe social (ex. les femmes), on parle d’inégalité sociale.
Les sociétés démocratiques se caractérisent par la recherche de l’égalité, selon Tocqueville : l’égalité des droits qui
correspond à l’égalité des citoyens devant la loi (chacun dispose des mêmes droits politiques et sociaux), l’égalité
des chances qui doit permettre à chacun d’accéder à toutes les positions sociales existantes selon ses capacités
(bourses, moyens supplémentaires en ZEP,…) ; l’égalité des situations qui correspond à une égalisation des
conditions matérielles d’existence (politiques de redistribution).
L’idéal de justice sociale qui résulte de cette « passion pour l’égalité » dépend du système de valeurs qui organise la
société. En effet il est difficile de définir un idéal d’égalité qui convienne à tout le monde. A la suite d’Aristote, on
peut distinguer la justice commutative: chacun reçoit la même chose ; la justice distributive: il est juste que chacun
reçoive en proportion de ce qu’il apporte (idéal méritocratique). Enfin la justice corrective cherche à redistribuer les
revenus, les patrimoines, en fonction de critères moraux, politiques ou sociaux sur ce que l’on estime être juste.
B. Faut-il lutter contre les inégalités ?
Pour les libéraux, les inégalités sont justes à condition que la liberté et l'égalité des droits des individus soient
respectées. Elles résultent de différences de talent et d’effort des individus. Ils ne sont pas favorables à l’intervention
de l’Etat pour réduire les inégalités. D’une part, le marché conduit spontanément à l’allocation optimale des
ressources. D’autre part la lutte contre les inégalités est inefficace (car elle désincite au travail ou à l’investissement,
courbe de Laffer), et attente aux libertés (risque de despotisme selon Tocqueville, de totalitarisme pour Hayek).
Les keynésiens et leurs héritiers au contraire font remarquer que les inégalités ne sont ni justes ni efficaces. Les plus
riches ayant une forte propension à épargner, les inégalités diminuent la demande globale et conduisent au sousemploi. Il faut donc « euthanasier les rentiers ». De plus, les inégalités ont des coûts économiques et sociaux
importants (délinquance, conflits sociaux,…) qui nuisent à la cohésion sociale, et à la croissance potentielle car
lorsque l’égalité des chances n’est pas réalisée, le capital humain n’est pas utilisé de manière optimale (Stiglitz).
Pour John Rawls, la société doit offrir à tous les mêmes moyens de réussite afin que chacun puisse exprimer ses
potentialités. Les inégalités sont alors acceptables si elles favorisent la croissance et profitent à tous, y compris aux
plus défavorisés (principe de différence). Pour Amartya Sen, donner à tous les mêmes chances de départ ne suffit
pas. Il faut encore que les individus soient capables de les utiliser. Il est difficile de déterminer un idéal de justice
sociale, en revanche on peut lutter contre des inégalités concrètes, en associant l’Etat, le secteur privé et associatif.
Pour être libre, l’homme doit avoir à sa disposition les ressources qui lui importent, pour pouvoir exprimer ses
potentialités. Pour les marxistes, la démocratie libérale étant un outil de domination au service de la bourgeoisie, la
réduction des inégalités est un leurre qui retarde la révolution qui seule mettra fin aux rapports de classe.
C. Quels sont les moyens de l’Etat pour contribuer à la justice sociale ?
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, un Etat-Providence a été progressivement instauré afin de protéger les
individus des risques sociaux et réduire les inégalités. Selon Esping-Andersen, différents modèles existent, donnant
une protection minimale (modèle libéral), ou très étendue (modèle social-démocrate). D’autres sont essentiellement
fondés sur le statut professionnel (modèle corporatiste-conservateur allemand). L’intervention de l’Etat permet de
réduire les inégalités par la redistribution (les cotisations sociales et les impôts financent des prestations sociales).
Après avoir longtemps favorisé l’assurance (chômage, santé,..), le système de protection sociale français recourt
davantage à l’assistance (RSA, CMU,..). Il existe aussi des mécanismes d’assurance universelle, l’Etat couvrant des
besoins fondamentaux indépendamment des revenus des bénéficiaires. La fiscalité constitue également un outil
redistributif. De tous les prélèvements obligatoires, l’impôt sur le revenu est celui qui corrige le mieux les inégalités
économiques car il est progressif. La fourniture de services collectifs gratuits en matière de santé, d’éducation ou de
logement permet également de redistribuer la richesse et de lutter contre l’inégalité des chances. L’Etat met
également en œuvre des politiques réglementaires (SMIC), ou de lutte contre les discriminations, qui sont un
traitement inégal sur la base de 20 critères stigmatisés. Les discriminations sont pénalisées, et peuvent faire
également l’objet de mesures compensatrices (discrimination positive).
D. L'intervention de l'Etat en débat
L’intervention de l’Etat a permis de réduire les inégalités. Cependant l’intervention de l’Etat subit une triple crise de
financement, d’efficacité et de légitimité. En effet, la protection sociale a un coût élevé pour la collectivité, pèse
lourdement sur les comptes publics et dégrade la rentabilité et la compétitivité-prix des entreprises, ce qui
contribuerait à la détérioration du solde de la balance commerciale. Selon les libéraux, des prélèvements obligatoires
élevés désincitent à la fois au travail (trappes à inactivité) et à l’investissement. Cependant l’effet désincitatif du
RSA semble faible chez les jeunes, car la norme d’emploi est forte. L’effet redistributif de la fiscalité aurait diminué
du fait de nombreuses niches fiscales qui viennent diminuer la progressivité de l’impôt. En outre les recettes de l’Etat
sont principalement issues d’impôts proportionnels (TVA), peu redistributifs. Enfin, La protection sociale est perçue
par certains comme un carcan administratif coûteux et peu efficace, destiné à créer des clientèles électorales.
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