• LES RELATIONS ENTRE L’AFFICHE ET LA PEINTURE
« Il est malaisé de situer l'affiche parmi les arts plastiques, et d'en définir le rôle. Les uns l'assimilent à la
peinture et se trompent, les autres la classent parmi les arts décoratifs et se trompent également. Elle ne peut
être ni un tableau de chevalet ni un décor de théâtre, mais autre chose, quoique se servant parfois des moyens
de l'un et de l'autre. L'affiche exige du peintre un complet renoncement. Il ne peut s'exprimer en elle ; le
pourrait-il, il n'en a pas le droit.
La peinture est un but en soi. L'affiche n'est qu'un moyen, un moyen de communication entre le commerçant et
le public, quelque chose comme le télégraphe. L'affichiste joue le rôle du télégraphiste : il n'émet pas de
messages, il les transmet. On ne lui demande pas son avis, on lui demande d'établir une communication claire,
puissante, précise.
Sans doute s'agit-il d'un message plastique. Mais si l'affichiste emploie les moyens du peintre, ils cessent d'être
pour lui moyens d'expression individuelle, pour devenir langage anonyme, une sorte de code international,
l'alphabet Morse du télégraphiste.
Un jour peut-être ce télégraphiste aura-t-il à transmettre S.O.S. Ce jour-là, sans doute, malgré lui, son
message emportera dans son angoisse un peu de lui-même. Mais à l'autre bout du monde, dans le tumulte de la
ville, à travers la voix tonitruante, informe, inhumaine du haut-parleur, qui donc pourra percevoir les
battements de son cœur ? »
Ensuite, elle a inspiré des peintres tels que Bonnard et Lautrec qui
partagent leur activité entre création graphique de caractère
publicitaire et création picturale « pure ».
Elle trouve, au tournant du siècle, son aboutissement dans l’Art
Nouveau avec Eugène Grasset et Alphonse Mucha qui, en suivant les
préceptes de William Morris, y décèlent un nouveau moyen « d’élever le
goût du public ». Elle commence à pénétrer dans les ateliers des
peintres et y exerce une influence sur leurs oeuvres. Collectionneur
d’affiches et grand admirateur de Chéret, Georges Seurat transpose
dans ses peintures les thèmes et les motifs iconographiques véhiculés
par l’imagerie du spectacle.
Bien que les unes soient nées d’un besoin désintéressé et les autres de
la nécessité « d’établir » avec le consommateur « une communication
claire, puissante, précise » comme l’envisage Cassandre, de nombreuses
relations peuvent être tissées entre l’affiche, art du multiple, et
l’oeuvre unique.
Généralement minimisée car située parmi les arts « mineurs » ou
rejetée car accusée d’avoir été conçue sous le signe du mercanti-
lisme, l’affiche entretient cependant d’étroites relations avec les
oeuvres artistiques.
Dès l’origine, elle a été crée par des illustrateurs et des peintres
reconnus pour leur habileté à produire des images et leur familiarité
avec les techniques d’impression (Daumier, Gavarni, Cham, Doré,
Manet, Grandville...).
Elevée au rang d’un nouvel art populaire dans la seconde moitié du
XIXèsiècle, elle doit à Jules Chéret, considéré comme le père de
l’affiche moderne et surnommé par Manet, le “Watteau des rues”, ses
lettres de noblesse. Saisissant instinctivement le rapport entre
l’objet à faire désirer et la femme, objet de désir, il élabore un type
féminin et fait de l’affiche un objet de séduction en lui appliquant les
principes de la « grande peinture ». Il s’inspire des peintres dont il a
admiré les oeuvres au musée du Louvre et dont les reproductions
ornent les les murs de son atelier: Watteau et Fragonard pour la
légèreté du trait, Turner pour les fondus de couleurs, Tiepolo pour
l’art de la composition.