
Paediatr Child Health Vol 20 No 3 April 2015126
Les questions à envisager quand on prend soin
d’enfants présentant un risque élevé de mourir
avant l’âge adulte
France Gauvin MD MSc1, Claude Cyr MD2
1Département de pédiatrie, CHU Sainte-Justine, Université de Montréal, Montréal; 2Département de pédiatrie, Faculté de médecine et des sciences
de la santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke
Correspondance : Docteure France Gauvin, département de pédiatrie, CHU Sainte-Justine, 3175, ch. Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec)
H3T 1C5. Téléphone 514-345-4931, poste 6812, télécopieur 514-345-7739, courriel
[email protected]Nous présentons ici un scénario fictif, qui met en exemple un
patient nécessitant des soins palliatifs pédiatriques. Martin,
qui a maintenant trois ans, est atteint d’une maladie neurodégéné-
rative progressive à issue fatale. Martin vit avec ses deux parents et
une sœur de cinq ans. La maladie a été diagnostiquée à l’âge de
deux ans lors d’une investigation pour régression du développe-
ment psychomoteur et trouble d’équilibre. Depuis, l’état de Martin
se détériore, et il présente une hypotonie progressive, de la spasti-
cité aux membres inférieurs et une perte importante de ses acquis.
De plus, il a de plus en plus de problèmes d’étouffement alimen-
taire. Il a été hospitalisé récemment pour une pneumonie
d’aspiration avec détresse respiratoire sévère. Il a reçu des antibio-
tiques intraveineux et une gastrostomie a été mise en place. La
convalescence a été longue, mais Martin est enfin revenu à la
maison. Avant son congé, une équipe de soins palliatifs pédiatriques
l’a rencontré. L’équipe communique avec le pédiatre commu-
nautaire afin que Martin soit suivi dans sa région et que des res-
sources soient offertes à domicile.
Une rencontre avec un patient présentant une maladie progres-
sive non curable peut amener beaucoup de discussions et
d’émotions. Au fil des rencontres, un lien de confiance se crée et
un contact privilégié avec le patient et sa famille s’établit. Les
premières entrevues sont souvent difficiles, car les contacts sont
encore fragiles et on ne veut pas briser des liens fraîchement tissés.
Un groupe d’experts en soins palliatifs pédiatriques a élaboré par
consensus une liste de questions à envisager afin de permettre au
clinicien de mieux se préparer à ces rencontres (tableau 1). L’ordre
ou la priorité des questions peut changer selon le moment où la
rencontre a lieu dans l’évolution de la maladie (moment du
diagnostic, état stable, complication, fin de vie). Il sera important
d’en connaître tous les aspects pour bien soigner et accompagner le
patient et sa famille. Lors des rencontres avec le patient et sa
famille, il y a plusieurs sujets à évaluer. Il n’est pas toujours possible
de tous les aborder lors de la même entrevue. De plus, le clinicien
jugera, avec les parents, si l’enfant peut ou doit participer à toutes
les discussions, selon sa maturité. Il est important de savoir que
plusieurs enfants, même mineurs, veulent faire partie des discus-
sions concernant leurs soins et ont la capacité d’y prendre part (1).
En début de rencontre, il est intéressant de poser des questions
ouvertes aux parents sur leur enfant en général et sa condition médi-
cale. Ceci permet de mieux connaître leur enfant avant de les
entendre parler plus spécifiquement de leur vision de sa maladie et
du pronostic. Ces questions ouvertes permettent aussi d’établir une
relation avec la famille, de colliger de l’information à propos du
patient et, surtout, de laisser la possibilité et le temps aux parents de
parler de façon ininterrompue de ce qu’ils vivent. Pendant que les
parents (ou le patient) parlent, le clinicien en profite pour écouter
ce qui est dit, entendre les mots qui sont choisis et réfléchir à ce qui
n’est pas dit afin de poser les bonnes questions par la suite et de
s’adapter au style de communication de la famille.
Ensuite, il est important d’explorer la meilleure façon de com-
muniquer avec la famille (p. ex., de façon directe ou indirecte). En
explorant cette question, le clinicien envoie aussi le message
(même s’il ne le formule pas) qu’il veut prendre soin du patient et
de sa famille de la façon la plus appropriée possible.
La question sur les espoirs et les objectifs ouvre sur un sujet qui
peut être difficile pour les parents, qui peuvent ressentir « qu’il n’y
a plus aucun espoir ». C’est un bon moment pour revoir les espoirs
et objectifs à court terme, qui sont plus facilement réalisables
(p. ex., être à la maison le plus souvent possible). Bien que le
patient et sa famille connaissent l’issue de la maladie et que le
pronostic soit très clair pour eux, l’espoir demeure souvent jusqu’au
bout. Mais l’espoir se transforme au cours de la maladie : l’espoir
d’une guérison devient l’espoir d’une période sans complication,
puis d’une fin de vie paisible. Plus la fin de vie approche et plus les
objectifs à court terme deviennent importants : passer une journée
sans douleur, passer une bonne nuit de sommeil, avoir un moment
de répit dans la journée.
La revue des symptômes physiques ramène la conversation à un
niveau plus émotionnellement neutre. À chaque rencontre, il est
essentiel de revoir tous les symptômes ressentis par le patient, selon
la liste énumérée dans le tableau. Il est parfois difficile d’évaluer les
symptômes chez le jeune enfant. En fait, la douleur est le seul
symptôme pour lequel des échelles d’évaluation validées existent
dans ce groupe d’âge. Il est encore plus difficile d’évaluer des
symptômes telle la dyspnée.
La question sur la peur et les craintes permet d’approfondir la
discussion. Cette question est posée à mi-chemin de la rencontre,
afin d’avoir le temps de bâtir un lien, mais pas trop tard, pour que
les parents aient le temps de parler de leurs inquiétudes. Il n’est
pas rare que les parents pleurent ou cessent de parler à cette étape
de l’entrevue. Les pleurs ne doivent pas être perçus comme un
mauvais dénouement, mais comme une occasion de démontrer
de la tristesse.
Ce qui se passe avec la fratrie doit aussi être abordé. Il faut dis-
cuter de la réalité des frères et sœurs non rencontrés, de leurs
besoins et de leurs réactions, et vérifier s’ils sont pris en charge
lorsque la situation l’exige.
Il faut également parler des problèmes financiers ainsi que des
ressources à domicile à la disposition de la famille. Au besoin, un
commentAire
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