Une plante frileuse mais flexible

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COMMENT ÇA MARCHE ?
La tolérance au froid du maïs
Une plante frileuse mais flexible
En 30 ans, les semis de maïs ont gagné trois semaines d’avance dans le calendrier. Mais
des semis précoces s’exposent à des risques de périodes froides pendant les premiers
stades de développement. Pourquoi ces stades sont-ils particulièrement sensibles ?
Quels sont les processus physiologiques qui permettent au maïs de tolérer le froid ?
Tant que le maïs n’a
pas atteint le stade
6 feuille, l’apex
situé dans le sol, est
protégé des gelées
modérées.
Anticiper le semis : un risque accru d’exposition à des
températures basses
re mo
atu
mpér
e de te
Courb
5°C
mars
yenne
e
rd
ée no
mpér
ion te
n rég
25°C
Décalage{
du{cycle
Si pendant la levée où l’apex est
encore dans le sol, le maïs peut
supporter des températures voisines de 5 °C, il peut être perturbé
par des températures inférieures à
15 °C plus tard dans son cycle, pendant la mise en place des feuilles
(tableau 1). En affectant le
fonctionnement des méLe froid, un
ristèmes, le froid diminue
inhibiteur de la
la vitesse d’initiation des
feuilles ; leur croissance
photosynthèse.
est limitée et la surface
foliaire réduite. En perturbant le
système racinaire, le froid diminue
également l’absorption de phosphore et les plantules prennent une
couleur violette caractéristique.
Mais c’est la transition florale qui
constitue la période la plus critique. Elle intervient 1 à 1,5 mois
après le semis, lorsque la moitié
des feuilles sont sorties (8 feuilles
visibles pour un maïs précoce, 10
feuilles pour un tardif). Pendant
cette phase, la plante initie la
Semis{ précoce
En-dessous de 15 °C,
le maïs frissonne
© B. Mir
A
nticiper le semis du
maïs début avril
voire fin mars, voilà une technique de
plus en plus utilisée. Ce décalage permet d’avancer
la floraison à une période où le
risque d’épuisement des réserves
en eau diminue. Il donne également la possibilité de semer des
variétés tardives à plus fort potentiel de rendement, de réduire les
frais de séchage… Mais en contrepartie, il accroît le risque de rencontrer du froid pendant les stades
précoces de développement du
maïs (figure 1).
q q
avril
mai
Semis {
Levée
3-7
{{
feuilles
Risque stress
{ { froid
q
juin
juillet
Transition {
florale
août
Floraison
Risque stress{ hydrique
q
Stade critique
{
de sensibilité au froid
Figure 1 : Calage des stades-clés du maïs par rapport à la température moyenne
enregistrée sur 10 ans.
PERSPECTIVES AGRICOLES - N°376 - MARS 2011
COMMENT ÇA MARCHE ?
Une marge d’adaptation
possible
L’expérimentation montre que
le maïs pourrait « s’acclimater au
froid » : une première exposition de
plusieurs jours à des températures
PERSPECTIVES AGRICOLES - N°376 - MARS 2011
Le froid précoce
peut provoquer un
rougissement.
Les effets du froid plus ou moins graves selon le stade
du maïs
Stade/période
de sensibilité
Levée
3 - 7 feuilles
Transition florale
Température
Effets visuels
dommageable
< 5 °C
Mort possible de certaines plantules
Architecture foliaire (nombre et taille des
feuilles), chlorose et nécrose des feuilles
< 15 °C
Allongement des feuilles en relation avec
intoxication ammoniacale
Défauts de formation de la panicule et du
< 15 °C
futur épi
Tableau 1 : Les stades de sensibilité au froid et les types de froid.
de 4 à 10 °C permettrait à la plante
de mieux supporter un froid ultérieur. Hormones nécessaires pour
initier l’épi et produites par les racines, les cytokinines interviennent
dans ce processus… Encore faut-il
que les racines fonctionnent. Or
dans les tous premiers stades, les
pointes racinaires sont très sensibles
à l’asphyxie, généralement associée
à des sols saturés en eau.
La recherche des mécanismes de
tolérance du maïs au froid passe
donc en grande partie par l’exploration du métabolisme carboné
(efficience de l’activité photosynthétique, vitesse d’initiation et de croissance des feuilles) et du système de
protection contre le stress oxydatif.
Si la précocité reste le critère majeur
de la sélection du maïs, la tolérance
au froid précoce est aujourd’hui
étudiée, non seulement par les sélectionneurs mais aussi par les équipes
de recherche plus fondamentale,
au niveau français et international.
ARVALIS - Institut du végétal, en
partenariat avec l’INRA et l’Université de Liège, vient d’ailleurs de
lancer un projet pour mieux en comprendre les mécanismes. 
Brigitte Escale
ARVALIS-Institut du végétal
[email protected]
Une capacité de
récupération face
au froid
La faible activité photosynthétique
des feuilles de maïs qui se
développent à des températures
basses peut se poursuivre pendant
plusieurs jours. Cette capacité de
récupération après un stress est
un élément à prendre en compte
dans la recherche de la tolérance
au froid de cette plante.
© J.-B. Thibord, ARVALIS-Institut du végétal
panicule et le dernier bourgeon
axillaire qui donnera l’épi. Cette
étape, très courte pour une plante
(quelques heures) et de 8 à 10 jours
pour une parcelle, ne supporte aucun stress (froid, carence en azote
et en eau) sous peine de baisse de
rendement. Lorsqu’il apparaît à
ce stade, le froid peut être responsable de la stérilité de la panicule
ou de l’avortement de l’épi supérieur ; l’épi secondaire prend alors
le relais, induisant une insertion
basse des épis.
À l’échelle cellulaire, le froid a un
fort impact sur le métabolisme de
la plante. L’effet le plus connu est la
réduction de l’activité photosynthétique en relation avec un ralentissement des activités enzymatiques
(dont celle de la Rubisco) intervenant dans la fixation du CO2.
La combinaison
d’un fort rayonneL’efficience de l’activité
ment et de basses
photosynthétique, un
températures acaxe de recherche pour
centue les effets négatifs du froid sur
améliorer la tolérance
la photosynthèse.
au froid du maïs.
L’énergie lumineuse
capturée est alors trop importante
par rapport à l’activité de fixation du
CO2 et peut endommager l’appareil
photosynthétique. C’est le phénomène de photoinhibition.
Autre conséquence importante sur
le métabolisme : l’accumulation de
ROS (Reactive oxygen species), qui
crée un stress oxydatif pour les cellules. Les ROS sont par exemple à
l’origine d’une désorganisation des
chloroplastes et de la destruction
des pigments, deux phénomènes
qui engendrent une décoloration
des feuilles (chlorose). Mais les
plantes possèdent un système enzymatique qui peut permettre de
maintenir le niveau de ROS à des
valeurs non dangereuses. Il existerait d’ailleurs une corrélation entre
la tolérance au froid et la capacité
« antioxydative » du maïs.
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