38 COMMENT ÇA MARCHE ? La tolérance au froid du maïs Une plante frileuse mais flexible En 30 ans, les semis de maïs ont gagné trois semaines d’avance dans le calendrier. Mais des semis précoces s’exposent à des risques de périodes froides pendant les premiers stades de développement. Pourquoi ces stades sont-ils particulièrement sensibles ? Quels sont les processus physiologiques qui permettent au maïs de tolérer le froid ? Tant que le maïs n’a pas atteint le stade 6 feuille, l’apex situé dans le sol, est protégé des gelées modérées. Anticiper le semis : un risque accru d’exposition à des températures basses re mo atu mpér e de te Courb 5°C mars yenne e rd ée no mpér ion te n rég 25°C Décalage{ du{cycle Si pendant la levée où l’apex est encore dans le sol, le maïs peut supporter des températures voisines de 5 °C, il peut être perturbé par des températures inférieures à 15 °C plus tard dans son cycle, pendant la mise en place des feuilles (tableau 1). En affectant le fonctionnement des méLe froid, un ristèmes, le froid diminue inhibiteur de la la vitesse d’initiation des feuilles ; leur croissance photosynthèse. est limitée et la surface foliaire réduite. En perturbant le système racinaire, le froid diminue également l’absorption de phosphore et les plantules prennent une couleur violette caractéristique. Mais c’est la transition florale qui constitue la période la plus critique. Elle intervient 1 à 1,5 mois après le semis, lorsque la moitié des feuilles sont sorties (8 feuilles visibles pour un maïs précoce, 10 feuilles pour un tardif). Pendant cette phase, la plante initie la Semis{ précoce En-dessous de 15 °C, le maïs frissonne © B. Mir A nticiper le semis du maïs début avril voire fin mars, voilà une technique de plus en plus utilisée. Ce décalage permet d’avancer la floraison à une période où le risque d’épuisement des réserves en eau diminue. Il donne également la possibilité de semer des variétés tardives à plus fort potentiel de rendement, de réduire les frais de séchage… Mais en contrepartie, il accroît le risque de rencontrer du froid pendant les stades précoces de développement du maïs (figure 1). q q avril mai Semis { Levée 3-7 {{ feuilles Risque stress { { froid q juin juillet Transition { florale août Floraison Risque stress{ hydrique q Stade critique { de sensibilité au froid Figure 1 : Calage des stades-clés du maïs par rapport à la température moyenne enregistrée sur 10 ans. PERSPECTIVES AGRICOLES - N°376 - MARS 2011 COMMENT ÇA MARCHE ? Une marge d’adaptation possible L’expérimentation montre que le maïs pourrait « s’acclimater au froid » : une première exposition de plusieurs jours à des températures PERSPECTIVES AGRICOLES - N°376 - MARS 2011 Le froid précoce peut provoquer un rougissement. Les effets du froid plus ou moins graves selon le stade du maïs Stade/période de sensibilité Levée 3 - 7 feuilles Transition florale Température Effets visuels dommageable < 5 °C Mort possible de certaines plantules Architecture foliaire (nombre et taille des feuilles), chlorose et nécrose des feuilles < 15 °C Allongement des feuilles en relation avec intoxication ammoniacale Défauts de formation de la panicule et du < 15 °C futur épi Tableau 1 : Les stades de sensibilité au froid et les types de froid. de 4 à 10 °C permettrait à la plante de mieux supporter un froid ultérieur. Hormones nécessaires pour initier l’épi et produites par les racines, les cytokinines interviennent dans ce processus… Encore faut-il que les racines fonctionnent. Or dans les tous premiers stades, les pointes racinaires sont très sensibles à l’asphyxie, généralement associée à des sols saturés en eau. La recherche des mécanismes de tolérance du maïs au froid passe donc en grande partie par l’exploration du métabolisme carboné (efficience de l’activité photosynthétique, vitesse d’initiation et de croissance des feuilles) et du système de protection contre le stress oxydatif. Si la précocité reste le critère majeur de la sélection du maïs, la tolérance au froid précoce est aujourd’hui étudiée, non seulement par les sélectionneurs mais aussi par les équipes de recherche plus fondamentale, au niveau français et international. ARVALIS - Institut du végétal, en partenariat avec l’INRA et l’Université de Liège, vient d’ailleurs de lancer un projet pour mieux en comprendre les mécanismes. Brigitte Escale ARVALIS-Institut du végétal [email protected] Une capacité de récupération face au froid La faible activité photosynthétique des feuilles de maïs qui se développent à des températures basses peut se poursuivre pendant plusieurs jours. Cette capacité de récupération après un stress est un élément à prendre en compte dans la recherche de la tolérance au froid de cette plante. © J.-B. Thibord, ARVALIS-Institut du végétal panicule et le dernier bourgeon axillaire qui donnera l’épi. Cette étape, très courte pour une plante (quelques heures) et de 8 à 10 jours pour une parcelle, ne supporte aucun stress (froid, carence en azote et en eau) sous peine de baisse de rendement. Lorsqu’il apparaît à ce stade, le froid peut être responsable de la stérilité de la panicule ou de l’avortement de l’épi supérieur ; l’épi secondaire prend alors le relais, induisant une insertion basse des épis. À l’échelle cellulaire, le froid a un fort impact sur le métabolisme de la plante. L’effet le plus connu est la réduction de l’activité photosynthétique en relation avec un ralentissement des activités enzymatiques (dont celle de la Rubisco) intervenant dans la fixation du CO2. La combinaison d’un fort rayonneL’efficience de l’activité ment et de basses photosynthétique, un températures acaxe de recherche pour centue les effets négatifs du froid sur améliorer la tolérance la photosynthèse. au froid du maïs. L’énergie lumineuse capturée est alors trop importante par rapport à l’activité de fixation du CO2 et peut endommager l’appareil photosynthétique. C’est le phénomène de photoinhibition. Autre conséquence importante sur le métabolisme : l’accumulation de ROS (Reactive oxygen species), qui crée un stress oxydatif pour les cellules. Les ROS sont par exemple à l’origine d’une désorganisation des chloroplastes et de la destruction des pigments, deux phénomènes qui engendrent une décoloration des feuilles (chlorose). Mais les plantes possèdent un système enzymatique qui peut permettre de maintenir le niveau de ROS à des valeurs non dangereuses. Il existerait d’ailleurs une corrélation entre la tolérance au froid et la capacité « antioxydative » du maïs. 39