Humidité essentielle pour maximiser la tolérance de la ventilation

Revue du tRaitement 1
L’utilisation de l’humidification chauante est un facteur clé pour une stratégie de
ventilation non invasive.
Les pressions et les débits élevés utilisés avec la ventilation non invasive (VNI)
peuvent dépasser les capacités naturelles du patient à conditionner ses gaz
inspirés. Le fait de ventiler les voies aériennes du patient avec de gros volumes de
gaz frais et sec peut détériorer encore plus le système respiratoire déjà fragilisé
du patient.
Délivrer une humidité essentielle (31 °C, 32 mg/L d’humidité absolue (HA)) avec
la VNI accroît le confort et la tolérance du traitement par le patient et allège les
eets secondaires comme le dessèchement des voies aériennes et l’accumulation
des sécrétions. Dans le cas d’un patient qui tolère bien le traitement, le nombre
d’interruptions de la ventilation sera réduit, et les risques d’échec de la VNI
pouvant mener à l’intubation, se réduisent considérablement.
Humidité essentielle pour
maximiser la tolérance de
la ventilation non invasive
La VNI est une forme d’assistance respiratoire sans sonde
endotrachéale, comme la ventilation spontanée en pression positive
continue (CPAP) avec ou sans pression positive inspiratoire.1
La VNI favorise l’échange gazeux dans les poumons en délivrant
un volume de gaz frais aux alvéoles à chaque inspiration.
L’utilisation d’une pression positive inspiratoire et expiratoire
aide à réduire le travail respiratoire du patient.
La VNI rencontre un maximum de succès pour le traitement
des patients hypercapniques atteints de bronchopneumopathie
chronique obstructive (BPCO), chez les patients atteints d’œdème
aigu provoquant une insuffisance respiratoire, chez les patients
immunodéficients, et pour faciliter l’extubation des patients
BPCO. Elle s’utilise aussi fréquemment chez d’autres groupes de
patients, comme les patients asthmatiques, les patients atteints
d’insuffisance respiratoire post-opératoire, et chez les patients qui
ne peuvent pas être intubés.2
REVUE DU TRAITEMENT
Revue du tRaitement2
Humidité essentielle pour maximiser la tolérance de la ventilation non invasive
Pendant la respiration naturelle, l’air est
réchauffé et humidifié dans les voies
respiratoires supérieures avant de passer dans
les voies aériennes inférieures des poumons.
Un sujet normal respirant de l’air ambiant
(22 °C, 28 % humidité relative (HR)) réchauffe et
humidifie l’air qu’il inspire à 31 °C, 96 % HR en
moyenne en respiration nasale, et à 27 °C, 75 %
HR lorsqu’il respire avec la bouche, mesuré au
moment où l’air atteint le pharynx.3
Il est souvent considéré que les patients
sous VNI ne requièrent pas d’humidification
parce qu’ils ne sont pas intubés et que leurs
voies aériennes supérieures ne sont pas court
circuitées. Toutefois les patients sous VNI
respirent des gaz à des pressions et des débits
beaucoup plus élevés que dans le cadre de la
respiration normale. De plus, les voies aériennes
des patients recevant ce traitement sont
souvent détériorées et sont donc moins à même
de réchauffer et d’humidifier les gaz de par la
nature même de leur insuffisance respiratoire.
L’équilibre naturel des voies aériennes
peut être encore plus compromis par les
interventions respiratoires subies en milieu
hospitalier qu’il s’agisse de :
gaz médicaux secs et froids qui absorbent
la chaleur et l’humidité de la surface des
voies aériennes au cours de leur passage ;
gaz qui ont étés réchauffés par le ventilateur
mais n’ont reçu aucune humidification
additionnelle. Ce réchauffement diminue
encore l’humidité relative des gaz, ce qui
entraîne une déplétion supplémentaire de
l’humidité des voies aériennes.
Déshydratation des voies aériennes
La paroi des voies aériennes est recouverte de
cellules épithéliales ciliées disposées à la surface
des voies respiratoires, les cils vibrent de façon
synchronisée pour transporter le mucus et les
particules d’origine externe hors des poumons.
Lorsque les voies orales et nasales perdent leur
chaleur et leur humidité cela peut avoir pour effet
de rendre sec et collant le mucus qui recouvre les
voies aériennes, ce qui inhibe le mouvement des
cils.4 Salah et al. (1988) ont mis en évidence le
fait que respirer de l’air sec pendant 30 minutes
avait pour effet une perte excessive d’humidité
au niveau de la muqueuse nasale ce qui à son
tour provoque le ralentissement du transport
muco-ciliaire.5 Il a été démontré qu’il suffit
d’une heure d’exposition à un gaz sec pour
endommager l’épithélium.6
Débit respiratoire élevé
Les patients sous VNI sont souvent dyspnéiques, ils sont généralement essoufflés et respirent
vite. En effet, ils essaient d’inspirer de plus grandes quantités d’air dans leurs poumons pour
améliorer l’échange gazeux. Cette respiration rapide, combinée avec les pressions et les débits
anormalement élevés de gaz fournis par la VNI augmente la perte d’humidité au niveau des voies
aériennes supérieures.7
La respiration buccale réduit le travail respiratoire
Les patients recevant une VNI sont en état d’insuffisance respiratoire et tendent à respirer par la
bouche car cela leur est plus facile. Mais le fait de respirer par la bouche plutôt que par le nez,
fait que les gaz atteignant les voies aériennes sont 4 °C plus froids et, plus important encore,
contiennent 11 mg/L d’humidité en moins que si l’air avait été inhalé par le nez.3
37 °C, 44 mg/L
22 °C, 7 mg/L
Oral 27 °C, 20 mg/L, 75 % HR
Nasal 31 °C, 31 mg/L, 96 % HR
Conditions associées au type du patient sous VNI
POURQUOI L’HUMIDIFICATION EST-ELLE ESSENTIELLE?
Revue du tRaitement 3
LES CONSÉQUENCES D’UNE HUMIDIFICATION INADÉQUATE POUR LE PATIENT
Les conséquences entraînées par la non-utilisation de l’humidification au cours de la VNI sont bien connues. Les directives de l’American Thoracic
Society (ATS) pour la VNI indiquent que « une humidification inadéquate peut entraîner une détresse respiratoire du patient, en particulier lors
de l’utilisation de gaz, qu’ils proviennent du réseau ou d’une bouteille ».1 Pour le patient sous VNI, cette carence de chaleur et d’humidité peut
entraîner l’apparition de plusieurs symptômes, tel qu’expliqué ci-dessous. Ces effets secondaires peuvent se combiner pour causer des difficultés
croissantes pour la ventilation. Cela peut inclure une réduction de la pression dans les voies aériennes inférieures causée par la restriction des
voies aériennes supérieures et ayant pour effet une augmentation du travail respiratoire.8 9
COMPLICATIONS POUVANT AFFECTER LES PATIENTS SUITE À UNE HUMIDIFICATION INSUFFISANTE
La déshydratation des voies orales et nasales peut entraîner sécheresse et inflammation de la gorge et des voies nasales.7 10
Augmentation des rhinites/rhinorrhées et de la congestion nasale.11 12 Le cadre est encore plus compliqué chez les patients âgés.13
L’épaississement des sécrétions réduit la clairance muco-ciliaire des voies aériennes et dans des cas extrêmes peut conduire à la
formation d’une masse épaisse de sécrétions qui peuvent bloquer les voies respiratoires et doivent être retirées par voie chirurgicale
car elles mettent en danger la vie du patient.14
Bronchoconstriction accrue, restriction accrue du débit de gaz entrant dans les poumons.9
Sécheresse de la bouche, saignements du nez et gonflement de la langue.
ÉTUDE DE CAS
Un patient de sexe masculin de 66 ans a subi une intervention de
chirurgie abdominale pour l’ablation d’un carcinome rectal. Pendant
la récupération le patient est placé sous CPAP pendant 48 heures
puis passé sous VNI avec masque facial pendant six jours. Après six
jours de VNI, le patient présente une muqueuse orale déshydratée
et des sécrétions sèches sur la partie postérieure du pharynx. La VNI
est remplacée par un masque aérosol à 80 %. Après une heure le
patient développe un stridor respiratoire qui empire progressivement
accompagné d’une tachypnée et d’une augmentation du travail
respiratoire. Une fois le tube nasogastrique retiré, une insuffisance
respiratoire se développe immédiatement. Une tentative d’intubation
révèle un objet de grande taille qui bloquait les cordes vocales, il est
retiré aux forceps (figure 1). L’objet retiré s’avère être une masse de
5x7 cm constitué de sécrétions épaissies et de sang. Le patient est
remis sous masque aérosol à 90 % et se récupère complètement sans
qu’il soit nécessaire de recourir de nouveau à la VNI.
Wood et al., 200014 Figure
1
Les atteintes des voies respiratoires mettant en danger la vie des patients risquent de devenir de
plus en plus fréquentes au fur et à mesure que l’utilisation de la VNI augmente. De tels incidents
pourraient être limités par l’utilisation d’une humidification adéquate, d’une plus grande prise de
conscience des risques et d’une limitation de la durée des VNI.
Revue du tRaitement4
Humidité essentielle pour maximiser la tolérance de la ventilation non invasive
Les avantages que présente l’utilisation
de l’humidification chauffante pour la
VNI sont bien connus. Dans leur récente
étude portant sur la VNI, Nava et Hill
2009 déclarent que « L’humidification
des voies aériennes supérieures est
importante pour améliorer le confort
et la tolérance ».15
Délivrer l’humidité essentielle (31 °C, 32 mg/L)
aux patients sous VNI améliore leur évolution
clinique. Ce niveau de conditionnement
correspond à la température et à l’humidité
moyenne obtenue dans le pharynx d’un sujet
normal respirant l’air ambiant par le nez.3
La délivrance de l’humidité essentielle assure
que les gaz sont conditionnés de sorte que la
surface des voies aériennes ne perde pas sa
chaleur et son humidité.
Les patients sous VNI portent un masque pour
recevoir le traitement. Pour que les patients
acceptent bien le traitement il est important
qu’ils puissent tolérer la température et
l’humidité des gaz délivrés sur leurs visages.
Avec l’humidité essentielle le gaz est
délivré à 31 °C (totalement saturé) ; cette
température correspond à la plage inférieure
de températures normales du visage (31,1 °C
à 35,4 °C).16 Le fait de délivrer les gaz à des
températures inférieures à celle de la peau
permet d’éviter la formation de condensation,
un phénomène qui peut être inconfortable, sur
le visage du patient.
LES AVANTAGES DE L’HUMIDIFICATION CHAUFFANTE
Il est estimée que jusqu’à 70 % des patients sous VNI
subissent des effets indésirables sous ce traitement
au point que de 25 à 33 % ont beaucoup de mal à
tolérer la VNI, tant dans les cadres aigus que dans les
cadres chroniques.7 Windisch et al. (2008) ont rapporté
que 31 sur 85 (37 %) patients hospitalisés sous VNI
souffraient d’une sécheresse de la gorge.17 Beaucoup
de ces effets secondaires négatifs peuvent être éliminés
par l’introduction d’humidification chauffante. Cela
améliore le confort et la tolérance à la VNI du patient,
ce qui permet d’utiliser le traitement sur de plus longues
périodes avec moins d’interruptions de ventilation.
Plusieurs chercheurs ont rapporté un confort accru du
patient lors de l’utilisation d’humidification chauffante.
Tuggey et al. (2007) ont montré que des volontaires sains
utilisant la VNI nasale spontanée, avec humidification
chauffante rapportaient des résultats de confort beaucoup
plus élevés que ceux n’utilisant pas l’humidification.11
Ces résultats sont confirmés par Massie et al. (1999) qui
trouvent des résultats similaires en utilisant une CPAP avec
un masque nasal et qui ont également démontré que ces
avantages s’obtiennent uniquement avec l’humidification
chauffante et non pas avec l’humidification à froid.18
Dans un autre essai, Wiest et al. (1999) ont conclu
que l’accroissement du confort des patients sous CPAP
obtenu grâce à l’humidification chauffante leur a permis
de prolonger le traitement.19 Des études de long terme
portant sur des patients traités à domicile reflètent la
même tendance.20 Après 12 mois d’utilisation, 10 patients
sur 14 choisissent de continuer à utiliser l’humidification
chauffante avec leur traitement VNI.
Maximiser la tolérance du traitement par le patient
Revue du tRaitement 5
ouverte pendant la CPAP au masque nasal,
la fuite buccale cause une augmentation du
débit sanguin dans la muqueuse. Il s’agit
probablement là du mécanisme qui accroît la
résistance nasale et son déclenchement peut
être évité en humidifiant l’air.21
Le fait de délivrer de l’humidification
chauffante pendant la VNI permet aussi
de prévenir la déshydratation des voies
respiratoires dans les cas où le patient garde
la bouche close et qu’il ne se présente pas de
fuite buccale. Cela permet de réduire de 38 %
la perte d’humidité des voies aériennes par
rapport à l’humidification froide.22 Fontanari
et al. (1996) ont trouvé que l’inspiration par
voie nasale d’air sec et froid (-4 °C, 0,3 % HR)
ou d’air sec seul (23 °C, 0,3 % HR) causaient
dans les deux cas une résistance nasale
accrue comparée à l’inspiration d’air humide à
température ambiante (23 °C, 97 % HR).23
L’humidité essentielle peut aussi minimiser
la constriction des voies aériennes, réduisant
ainsi le travail respiratoire. Dans le cadre d’une
étude sur les asthmatiques, Moloney et al.
(2002) ont soumis les patients à une épreuve
d’air sec, celle-ci a causé une déshydratation
des voies aériennes qui a déclenché une
bronchoconstriction et une baisse du volume
expiratoire forcé sur une seconde (VEMS1). La
délivrance d’air humidifié chauffé aux patients
asthmatiques a permis d’éviter l’apparition de
ces symptômes.9
Améliorer la clairance
dessécrétions
La déshydratation des voies aériennes rend
les sécrétions des muqueuses visqueuses et
collantes, ce qui entraîne leur accumulation
dans les voies aériennes et cause une
obstruction du débit de gaz.14 L’humidification
chauffante réduit l’accumulation des sécrétions
en prévenant la déshydratation des voies
aériennes.24 Ce résultat est obtenu grâce à
deux mécanismes : chaleur et humidification,
qui préviennent les dommages du système
de transport muco-ciliaire et inhibent la
déshydratation du mucus des voies aériennes
pour qu’il puisse se mouvoir plus facilement.
Chalon et al. (1972) ont démontré que le gaz
anesthésique sec endommage les cellules
épithéliales y compris les cellules ciliées du
patient dès la première heure.6 Toutefois
le dommage ne se produit pas lorsque les
patients reçoivent 100 % HR à 37 °C. Il
existe encore d’autres preuves des avantages
apportés par l’humidification chauffante. Il a
été démontré que la fréquence du mouvement
ciliaire et la vitesse de transport du mucus
dans la trachée d’un ovin se réduisent
lorsque la température atteint 34 °C, 100 %
HR ou 30 °C, 100 % HR mais pas à 37 °C,
100 % HR.4
Minimiser l’assèchement des
voies aériennes
Le fait de délivrer l’humidité essentielle permet
d’éviter la déshydratation des voies oro-nasales
et de prévenir l’inconfort du patient. C’est un
fait abondamment démontré dans la littérature.
Tuggey et al. (2007) ont démontré que si
une personne a la bouche ouverte pendant
l’utilisation de la ventilation spontanée, la
fuite buccale résultante est un débit nasal
unidirectionnel.11 Cette fuite buccale déshydrate
les voies aériennes et cause une résistance
nasale accrue. L’humidification chauffante
a permis de prévenir les effets secondaires
négatifs de la fuite buccale, réduisant ainsi la
résistance nasale tout en augmentant le volume
courant réel. Les mêmes résultats apparaissent
pour la CPAP avec un masque nasal.8
L’avantage de l’humidification chauffante en
termes de réduction de la résistance des
voies nasales équivaut à une perte de charge
de 5 à 7,5 cm H2O/L sur l’ensemble du nez.
Pour les patients sous VNI, une baisse de
pression aussi importante peut causer une
baisse critique de la pression positive délivrée
aux voies aériennes inférieures et affecter
leur ventilation.8
D’autres chercheurs ont démontré que
quand les patients gardent la bouche
Effet de l’humidification sur la résistance
des voies aériennes pendant une VNI
après une épreuve de fuite de 5 minutes
Résistance (cmH2L/s)
Avec humidification
chauffante
Sans humidification
chauffante
résistance
de base
1
2
3
4
5
6
7
8
Adapté de Tuggey et al. (2007)11
Normale Bronchoconstriction
Normale Voie aérienne obstruée
1 / 8 100%

Humidité essentielle pour maximiser la tolérance de la ventilation

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