Bernard Lahire

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Les Sciences humaines et sociales et la philosophie : que peuvent-elles ? : Éduquer
28/11/2012, Université Lumière - Lyon 2 (Lyon)
L’auteur
Zoom
Bernard Lahire est né à Lyon en 1963. Actuellement Professeur
de sociologie à l’École Normale Supérieure de Lyon et directeur du
Groupe de Recherche sur la Socialisation, il a été successivement
maître de conférences puis professeur de sociologie à l’Université
Lumière Lyon 2 et membre de l’Institut Universitaire de France.
Il dirige la collection « Laboratoire des sciences sociales » aux Éditions La Découverte depuis 2002, est membre des comités de rédaction des Cahiers internationaux de sociologie et de la revue Éducation et Sociétés, des comités scientifiques des revues Sciences
sociales et sports, Éducation et didactique et Tracés, ainsi que des
Conseils éditoriaux internationaux des revues Educação & Sociedade (Brésil), Propuesta Educativa (Argentine) et Journal of Cultural Economy (Royaume-Uni). Il a été membre de différents conseils
scientifiques (au Département d’Économie et Sociologie Rurales de
l’INRA, au Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme/Ministère de l’emploi et de la solidarité, à l’ACI « Cognitique »/Ministère
de la Recherche et à l’Observatoire Nationale de la Vie Étudiante)
et membre nommé de la 19ème section (Sociologie, démographie)
du Conseil national des universités. Il est actuellement membre
de deux conseils scientifiques : ceux de l’ENSSIB (École Nationale
Supérieure des Sciences de l’Information et des Bibliothèques) et
de l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique).
Monde pluriel. Penser l’unité des sciences sociales (Seuil, 2012)
Comment dessiner une vue d’ensemble du monde
social lorsque les cloisonnements disciplinaires et
l’hyperspécialisation du savoir poussent les chercheurs à étudier des parcelles de plus en plus restreintes de ce monde ? Si cette fragmentation est
une conséquence du processus de différenciation
sociale qu’ils s’attachent à penser, elle est aussi ce
qui les empêche d’en faire une lecture globale.
Une question centrale donne pourtant aux sciences
humaines et sociales un socle commun : pourquoi
les individus font-ils ce qu’ils font ? Et elles y répondent d’autant
mieux qu’elles parviennent à saisir les pratiques des acteurs au croisement de leurs expériences passées incorporées et des contextes de
leurs actions présentes. Si la plupart des chercheurs en conviennent,
peu s’accordent toutefois sur les cadres pertinents dans lesquels les
acteurs doivent être situés pour analyser telle ou telle dimension de
leurs pratiques. Soumettre les notions de « champ », de « monde »,
de « système » ou de « cadre de l’interaction » à l’examen critique,
c’est dès lors oeuvrer à leur jonction théorique.
Bernard Lahire s’efforce ici de marquer une distance par rapport à
l’état actuel des sciences humaines et sociales et aux clivages qui les
traversent en nous donnant la possibilité d’entrevoir l’unité cachée
d’un espace en apparence très morcelé.
La presse
© Emmanuelle Marchadour
Bernard Lahire
France
« Inciter les sciences sociales à retrouver une vision globale, tel est le
vœu du sociologue Bernard Lahire.
L’important pour Lahire, si l’on veut comprendre les pratiques sociales,
consiste à toujours replacer des habitus, entendus comme des ensembles de dispositions, dans des contextes qu’il convient de circonscrire à la bonne échelle. Les sciences sociales se doivent donc d’articuler échelle, niveau et objet d’étude. Et la seule manière d’y parvenir
consiste à multiplier les focales, et à croiser les approches, non seulement entre micro et macro mais aussi entre différentes disciplines. Les
sciences sociales doivent ainsi résister à l’un des rares phénomènes sociaux sur lesquels toutes les théories, quelles que soient les obédiences,
s’accordent depuis toujours : la différenciation toujours plus poussée
des sociétés. Il est crucial pour les chercheurs non pas de faire l’effort,
mais de prendre plaisir à lire leurs collègues des disciplines voisines. »
Sylvain Bourmeau, Libération
Du 20 novembre au 2 décembre 2012 / Un événement conçu et réalisé par la Villa Gillet / www.villagillet.net
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L’œuvre
Ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent. Mises en scène
littéraires du social et expériences socialisatrices
des écrivains (Archives Contemporaines, 2011)
Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la
création littéraire (La Découverte, 2010)
La Cognition au prisme des sciences sociales,
co-dirigé avec Claude Rosental (Archives
Contemporaines, 2008)
Monde pluriel. Penser l’unité des sciences sociales
(Seuil, 2012)
Ce qu’ils vivent, ce qu’ils écrivent. Mises en scène
littéraires du social et expériences socialisatrices
des écrivains (Archives Contemporaines, 2011)
Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la
création littéraire (La Découverte, 2010)
La Cognition au prisme des sciences sociales,
co-dirigé avec Claude Rosental (Archives
Contemporaines, 2008)
La Raison scolaire. École et pratiques d’écriture,
entre savoir et pouvoir (Presses Universitaires de
Rennes, 2008)
La Condition littéraire. La double vie des écrivains
(La Découverte, 2006)
L’Esprit sociologique (La Découverte, 2005 ; 2e éd.
2007)
La Culture des individus. Dissonances culturelles
et distinction de soi (La Découverte, 2004 ; 2e éd.
2006)
À quoi sert la sociologie ? (dir.) (La Découverte,
2002 ; 2e éd. 2004)
Portraits sociologiques. Dispositions et variations
individuelles (Nathan, 2002 ; 2e éd. Armand Colin,
2005)
Le Travail sociologique de Pierre Bourdieu. Dettes
et critiques (dir.) (La Découverte, 1999 ; 2e éd. 2001)
L’Invention de l’« illettrisme ». Rhétorique
publique, éthique et stigmates (La Découverte,
1999 ; 2e éd. 2005)
L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action (Nathan,
1998 ; 3e éd. Hachette, 2006)
Les Manières d’étudier (La Documentation
française, 1997)
Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires
en milieux populaires (Gallimard/Seuil, 1995 ; 3e
éd. Points, 2012)
La Raison des plus faibles. Rapport au travail,
écritures domestiques et lectures en milieux
populaires (PUL, 1993)
Culture écrite et inégalités scolaires. Sociologie de
l’« échec scolaire » à l’école primaire (PUL, 1993 ;
3e éd. 2007)
Comment établir des liens,
systématiques plutôt qu’anecdotiques, profonds plutôt que
superficiels, entre la vie des romanciers et leurs créations dans
la perspective d’une sociologie
de la création des oeuvres culturelles ? Si presque tous les sociologues de l’art et de la culture
s’accorderaient sans doute à dire que les oeuvres
portent en elles la trace des expériences ou des propriétés sociales de leurs auteurs, ils ont cependant
davantage concentré jusque-là leur attention soit sur
la carrière des créateurs, soit sur les formes différenciées de réception des oeuvres par des publics variés.
Le lecteur trouvera dans ce livre, fruit d’un travail
collectif mené durant quatre ans, une série d’études
portant sur des auteurs aussi différents que Albert
Cohen, Assia Djebar, Marguerite Duras, Jack London, John Fante, Paula Fox, David Lodge, Howard
Phillips Lovecraft, Paul Nizan, Amélie Nothomb,
Stendhal, Jules Vallès ou Émile Zola. Il s’agissait
d’analyser les éléments les plus structurants de la
vie de ces auteurs, de reconstruire les conditions de
leurs existences et de leurs socialisations, en vue de
comprendre la nature des intrigues élaborées dans
des oeuvres singulières.
En adoptant une telle démarche, le collectif de chercheurs animé par Bernard Lahire, entendait dépasser le clivage entre les lectures dites « internes » et
les lectures dites « externes », en considérant les
oeuvres comme des condensations littéraires d’expériences sociales mises en forme, modélisées ou
typifiées par l’écrivain, et donc comme des points de
vue, socialement situés, sur le monde, justiciables
d’une analyse sociologique.
Repartir de l’horizon des auteurs, de ce qui se présente à eux comme des problèmes à résoudre, des
obstacles à franchir, des difficultés qui sont spécifiquement les leurs, pour comprendre la transposition
plus ou moins complexe de cet horizon et de ces problèmes dans des oeuvres : voilà l’objectif de ce livre
qui peut s’entendre comme une contribution à une
science de la création littéraire.
Est-il possible de percer les mystères de la création littéraire ? La
sociologie peut-elle entrer dans
la chair même des oeuvres ? Estelle en mesure de se confronter
à des oeuvres particulièrement
difficiles, voire étranges ? Bernard Lahire s’est confronté à l’un
des plus grands représentants
de la littérature d’avant-garde,
Franz Kafka, qui a laissé une oeuvre jugée le plus
souvent énigmatique et formellement inventive. Il
y avait donc un véritable défi scientifique à montrer
ce dont la sociologie est capable sur un terrain qui
ne lui est, a priori, pas favorable. Pourquoi Franz
Kafka écrit-il ce qu’il écrit comme il l’écrit ? Pour
répondre à la question, Bernard Lahire examine,
grâce aux outils de la biographie sociologique, la
fabrication sociale de l’auteur du Procès, depuis les
primes expériences familiales jusqu’aux épreuves
les plus tardives. Ce faisant, non seulement il saisit les raisons qui le conduisent à être attiré par la
littérature, mais il se donne les moyens de comprendre les propriétés formelles et thématiques
d’une oeuvre travaillée par les éléments constitutifs de sa problématique existentielle. Dans ce livre
magistral qui, au-delà du cas de Kafka, pose les
fondements d’une théorie de la création littéraire,
les oeuvres apparaissent comme autre chose que
des solutions esthétiques à des problèmes formels ou que des manières de jouer des coups dans
un « champ littéraire ». Elles sont aussi des points
de vue sur le monde, des manières formellement
spécifiques de parler du monde mises en oeuvre
par des créateurs aux expériences sociales singulières. « La naissance du lecteur doit se payer de la
mort de l’auteur », écrivait Roland Barthes. Pour
sa part, la lecture sociologique doit au contraire
faire renaître l’auteur - un auteur socialisé et non
sacralisé - pour rendre raison de ses textes.
Comment les sciences sociales
peuvent-elles contribuer à
l’étude de la cognition ? Quels
objets spécifiques sont-elles à
même de construire dans ce
domaine à partir des enjeux
théoriques et des méthodes
qui leur sont propres? Cet ouvrage aborde ces questions en
examinant les projets de collaboration des sciences sociales avec d’autres disciplines, telles que la psychologie et la neurobiologie,
et en présentant leurs programmes d’investigations indépendants ou concurrents, ainsi que certains de leurs résultats. Il souligne notamment en
quoi les phénomènes de perception, de représentation, de formation et de transmission de connaissances peuvent être utilement étudiés en dehors
des laboratoires et des situations expérimentales.
Après avoir analysé les tenants et les aboutissants
de différents programmes de recherche sur la
cognition, ce livre illustre plus particulièrement
les apports d’investigations menées en sciences
sociales sur deux grands dossiers : l’un consacré
à la visualisation en société, l’autre aux propriétés
cognitives des collectifs. Il étudie des mécanismes
aussi différents que ceux liés à l’établissement
de la confiance, à la visualisation des dangers du
nucléaire, à l’acquisition de compétences logiques,
aux apparitions de la Vierge lors d’un pèlerinage,
ou encore à l’intelligence collective mobilisée pour
la construction de grands équipements, théories scientifiques et infrastructures de données.
Réunissant les contributions de chercheurs en
sociologie, en anthropologie, en histoire, en philosophie et en sciences de la communication, cet
ouvrage s’adresse tout autant aux étudiants et aux
chercheurs en sciences humaines et sociales, en
sciences cognitives et en sciences de la vie, qu’à
tous ceux qui souhaitent mieux saisir les travaux
et les perspectives actuelles des recherches sur la
cognition.
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La Raison scolaire. École et pratiques d’écriture,
entre savoir et pouvoir (Presses Universitaires de
Rennes, 2008)
La Condition littéraire. La double vie des écrivains
(La Découverte, 2006)
L’Esprit sociologique (La Découverte, 2005 ; 2e éd.
2007)
La Culture des individus. Dissonances culturelles
et distinction de soi (La Découverte, 2004 ; 2e éd.
2006)
Penser l’école à la croisée
d’une sociologie de l’éducation,
d’une sociologie de la connaissance et d’une sociologie des
formes d’exercices du pouvoir:
voilà l’horizon de pensée dans
lequel s’inscrivent les textes
composant ce recueil. Faisant
retour sur l’histoire des différents états de la forme scolaire
de socialisation en éclairant les liens entre raison
graphique, rapport au langage et rapport au pouvoir, Bernard Lahire souligne le fait que l’école
ne s’est jamais contentée de veiller à l’utilisation
correcte du langage par les élèves ou de vérifier leur compréhension en acte (et en contexte),
mais qu’elle a eu pour ambition d’inculquer un
rapport réflexif et raisonné au langage. L’institution scolaire, qui enseigne une langue autonomisée, décontextualisée et dé-fonctionnalisée, se
révèle ainsi, en pratique, très « saussurienne » et
la linguistique saussurienne apparaît clairement
comme une théorie scolaire des faits langagiers.
La meilleure façon de dénaturaliser la raison scolaire et d’en saisir les spécificités est d’étudier de
près les modalités de la socialisation scolaire ainsi
que les résistances que lui opposent les élèves en
difficultés scolaires, majoritairement issus des
classes populaires. Privilégiant un rapport pratique au langage, ces derniers ne parviennent pas
systématiquement à le mettre à distance et à le
prendre comme un objet étudiable en lui-même
et pour lui-même. Par ailleurs, l’étude de l’inégale
transmission intergénérationnelle de l’écrit au
sein des familles (selon le milieu social d’appartenance ou le sexe de l’enfant) permet de compléter
la compréhension de ce qui se trame sur la scène
scolaire pour des enfants plus ou moins culturellement disposés à jouer le genre de jeux de langage
que l’institution leur impose.
Bien que les écrivains soient l’objet
d’une grande attention publique,
force est de constater qu’on les
connaît en réalité très mal. Faute
d’enquêtes sérieuses, on se
contente bien souvent de la vision
désincarnée d’un écrivain entièrement dédié à son art. Et l’on peut
passer alors tranquillement à
l’étude des textes littéraires en faisant abstraction de ceux qui les ont écrits. Ce livre fait
apparaître la singularité de la situation des écrivains.
Acteurs centraux de l’univers littéraire, ils sont pourtant les maillons économiquement les plus faibles de
la chaîne que forment les différents « professionnels
du livre ». À la différence des ouvriers, des médecins,
des chercheurs ou des patrons, qui passent tout leur
temps de travail dans un seul univers professionnel et
tirent l’essentiel de leurs revenus de ce travail, la grande
majorité des écrivains vivent une situation de double
vie contraints de cumuler activité littéraire et « second
métier », ils alternent en permanence temps de l’écriture et temps des activités extra-littéraires rémunératrices. Pour cette raison, Bernard Lahire préfère parler
de « jeu » plutôt que de « champ » (Pierre Bourdieu) ou
de « monde » littéraire (Howard S. Becker) pour qualifier un univers aussi faiblement institutionnalisé et
professionnalisé. Loin d’être nouvelle, cette situation de
double vie - dont témoignaient Franz Kafka et le poète
allemand Gottfried Benn - est pluriséculaire et structurelle. Et c’est à en préciser les formes, à en comprendre
les raisons et à en révéler les effets sur les écrivains et
leurs œuvres que cet ouvrage est consacré. Il permet
de construire une sociologie des conditions pratiques
d’exercice de la littérature. En « matérialisant » les écrivains, c’est-à-dire en mettant au jour leurs conditions
d’existence sociales et économiques, et notamment
leur rapport au temps, il apparaît que ni les représentations que se font les écrivains de leur activité ni leurs
œuvres ne sont détachables de ces différents aspects
de la condition littéraire.
Si toutes les théories du social
peuvent a priori prétendre à
l’égale dignité scientifique, c’est
uniquement dans la mesure où
celles et ceux qui les mobilisent
acceptent de s’imposer un haut
degré de rigueur argumentative,
de contrainte méthodologique et
de sévérité empirique. Or, à bien
considérer l’état réel des productions sociologiques,
cela est rarement le cas. Mais qu’est-ce que penser
et connaître en sociologue ? Et pourquoi un regard
scientifique sur le monde social est-il si important à
construire, à défendre et à transmettre ? Issu d’une
réflexion sur le travail d’interprétation sociologique
mis en œuvre sur des données de nature différente
(données d’observation, entretiens, documents
écrits, données quantitatives), ce livre aborde des
questions centrales dans l’apprentissage de l’esprit
sociologique : la description, l’interprétation et la
surinterprétation, l’usage sociologique des analogies, les rapports entre objectivation sociologique et
critique sociale, entre l’ordre de la pratique et l’ordre
du discours, entre sociologie et littérature, etc. Et s’il
fallait absolument l’affilier à un genre particulier, un
tel ouvrage entrerait sans doute, par sa tonalité critique et sa volonté d’expliciter sans détour ce qu’est
la connaissance sociologique mais aussi ce qu’elle
n’est pas, dans la catégorie des antimanuels.
De caricatures en vulgarisations
schématiques des travaux sociologiques, on a fini par penser
que nos sociétés, marquées par
le maintien de grandes inégalités sociales d’accès à la culture,
étaient réductibles à un tableau
assez simple : des classes dominantes cultivées, des classes
moyennes caractérisées par une « bonne volonté
culturelle » et des classes dominées tenues à distance de la culture. Dans ce livre qui combine solidité argumentative et ampleur du matériau empirique, Bernard Lahire propose de transformer cette
vision simpliste. Il met ainsi en lumière un fait fondamental : la frontière entre la « haute culture » et
la « sous-culture » ou le « simple divertissement »
ne sépare pas seulement les classes sociales, mais
partage les différentes pratiques et préférences
culturelles des mêmes individus, dans toutes les
classes de la société. Il montre qu’une majorité d’individus présentent des profils dissonants qui associent des pratiques culturelles allant des plus légitimes aux moins légitimes. Si le monde social est
un champ de luttes, les individus sont souvent euxmêmes les arènes d’une lutte des classements,
d’une lutte de soi contre soi. Une nouvelle image du
monde social apparaît alors, qui ne néglige pas les
singularités individuelles et évite la caricature culturelle des groupes.
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À quoi sert la sociologie ? (dir.) (La Découverte,
2002 ; 2e éd. 2004)
Portraits sociologiques. Dispositions et variations
individuelles (Nathan, 2002 ; 2e éd. Armand Colin,
2005)
Le Travail sociologique de Pierre Bourdieu. Dettes
et critiques (dir.) (La Découverte, 1999 ; 2e éd. 2001)
L’Invention de l’« illettrisme ». Rhétorique
publique, éthique et stigmates (La Découverte,
1999 ; 2e éd. 2005)
« À quoi sert la sociologie ? »
La question est tout à la fois naïve
et provocatrice. La sociologie
doit-elle nécessairement servir à
quelque chose ? Ou, pour le dire
autrement, à quoi ne doit-elle
surtout pas servir ? Et si la sociologie doit avoir une quelconque
utilité, quelle doit en être la nature : politique (sociologue-expert, sociologue-conseiller du prince, sociologue au
service des luttes des dominés), thérapeutique (la
sociologie comme socio-analyse et moyen de diminuer ses souffrances grâce à la compréhension du
monde social), cognitive (la sociologie comme savoir n’ayant d’autre objectif que d’être le plus scientifique possible) ? C’est à cet ensemble de questionnements que les auteurs de cet ouvrage ont
accepté de se confronter. À l’heure où les politiques
sont parfois tentés de dénoncer le « sociologisme »,
notamment en matière de sécurité, l’actualité nous
rappelle que la sociologie est une discipline académiquement moins « légitime » que d’autres, une
science particulièrement exposée aux demandes
de justification ou aux remises en question de ses
résultats. Mais si la situation (sociale, académique
et cognitive) singulière de la sociologie la met dans
une situation inconfortable, dans le même temps,
cette demande de réflexivité peut se révéler très
productive.
Chaque individu est le « dépositaire » de manières de penser,
de sentir et d’agir qui sont les
produits de ses multiples expériences socialisatrices. Modelés par un monde social que
nous façonnons en retour, nous
ne lui échappons d’aucune
façon. C’est ce que cet ouvrage
met en évidence à travers huit
portraits sociologiques de personnes longuement
interviewées, à plusieurs reprises, sur des thèmes
très différents : l’école, la famille, le travail, les
amis, les loisirs et activités culturelles, le sport,
l’alimentation, la santé, l’habillement... Le lecteur
découvre ainsi des femmes et des hommes dans
leurs constances et leurs variations et comprend
mieux les raisons de leurs actions. Renoncer à
l’idée d’une « subjectivité » absolue, au mythe de
« l’intériorité », du libre-arbitre ou de l’existence
« personnelle » hors de toute influence sociale,
pour faire apparaître les forces et contre-forces,
internes (dispositionnelles) comme externes
(contextuelles), auxquelles nous sommes soumis
depuis notre naissance et qui déterminent nos
comportements et nos attitudes, voilà à quoi nous
invite la sociologie de Bernard Lahire. Elle peut
nous aider à progresser dans la connaissance de
soi et des autres.
L’œuvre de Pierre Bourdieu
propose l’une des orientations
théoriques
contemporaines
les plus stimulantes et les
plus complexes en sciences
sociales. Pourtant, de procès
en polémiques sur l’engagement intellectuel et politique
de Pierre Bourdieu, on a fini par
oublier de prendre en considération le travail sociologique du professeur au Collège de France. Celui-ci fait l’objet de réfutations
« radicales » qui sont malheureusement souvent
l’expression d’une triste mauvaise foi, ou suscite,
à l’inverse, des manifestations naïves d’adhésion,
de soutien ou d’éloge manquant pour le moins de
recul critique. Prenant acte de la situation, une
dizaine de chercheurs ont décidé, sous la direction
de Bernard Lahire, de redonner toute sa place au
débat scientifique et d’entreprendre un dialogue
critique avec l’œuvre de Pierre Bourdieu. Tous ces
auteurs - issus de la sociologie, de l’histoire, de
l’économie, de la philosophie et de la psychologie n’ont ni la même sensibilité théorique, ni le même
rapport à l’œuvre ou à l’auteur. Mais tous ont le désir de discuter rationnellement des concepts d’habitus, de champ, de marché, de capital, de pouvoir
symbolique, de légitimité culturelle. L’ambition de
ce livre est - entre dettes et critiques de contribuer
à un véritable débat autour du travail sociologique
de Pierre Bourdieu. Cette nouvelle édition est augmentée d’un texte d’Olivier Favereau, « L’économie
du sociologue ».
L’ « illettrisme » fait désormais
partie des grands problèmes sociaux publiquement reconnus en
France, considéré comme une
priorité nationale par les plus
hautes instances de l’État. Depuis l’invention du néologisme,
à la fin des années 1970, on a
assisté à la fantastique « promotion » de ce problème. Mais
entre la réalité des inégalités d’accès à l’écrit, qu’il
ne s’agit pas de nier, et les discours qui sont censés en parler, le rapport n’a rien d’évident. C’est ce
qu’entend démontrer Bernard Lahire, en analysant
les grandes phases de la construction publique du
problème, mais aussi et surtout, la rhétorique des
discours sur l’illettrisme. S’appuyant sur un corpus
très étendu, il retrace l’histoire de l’ « invention »
collective de l’illettrisme, cette extraordinaire machinerie qui a créé, par la magie d’un intense travail
symbolique, un « problème social ». Pour Bernard
Lahire, la sociologie historique de l’ « illettrisme »,
est un moyen de prendre distance par rapport aux
présupposés et aux pièges des discours ordinaires.
Son travail est une manière d’interroger toute une
période de notre histoire politico-idéologique, et
notamment le « tournant culturel », pris en France
à partir des années 1960. Il permet ainsi de saisir
le poids et la nature des représentations de l’écrit
dans notre pays, ainsi que des processus de stigmatisation qu’induit la valorisation sociale de la culture
lettrée.
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L’Homme pluriel. Les ressorts de l’action (Nathan,
1998 ; 3e éd. Hachette, 2006)
Tableaux de familles. Heurs et malheurs scolaires
en milieux populaires (Gallimard/Seuil, 1995 ; 3e
éd. Points, 2012)
La Raison des plus faibles. Rapport au travail,
écritures domestiques et lectures en milieux
populaires (PUL, 1993)
Culture écrite et inégalités scolaires. Sociologie de
l’« échec scolaire » à l’école primaire (PUL, 1993 ;
3e éd. 2007)
L’homme que les sciences humaines et sociales prennent pour
objet est le plus souvent étudié
dans un seul contexte ou à partir
d’une seule dimension. On l’analyse en tant qu’élève, travailleur,
consommateur, conjoint, lecteur, pratiquant d’un sport, électeur, etc. Or, dans des sociétés
où les individus vivent simultanément et successivement des expériences sociales
hétérogènes et parfois contradictoires, chacun
est inévitablement porteur d’une multiplicité de
dispositions, de façons de voir, de sentir et d’agir.
Interrogeant la manière dont l’individu s’inscrit
dans une pluralité de mondes où il agit différemment selon les contextes qu’il rencontre, l’auteur
esquisse une théorie de l’acteur pluriel qui met en
évidence les plis les plus singuliers du social.
Quelles sont les différences
internes aux milieux populaires
susceptibles de rendre raison
des variations, parfois considérables, dans la scolarité d’enfants
d’environ huit ans ? Qu’est-ce qui
peut éclairer le fait qu’une partie
de ceux qui ont la plus grande
probabilité de redoublement à
l’école élémentaire échappent à
ce risque et même, dans certains cas singuliers
particulièrement intéressants, occupent les meilleures places dans les classements scolaires ? Les
phénomènes de dissonances et de consonances
entre des configurations familiales populaires et
l’univers scolaire constituent donc l’objet central
de ce livre.
Les « tableaux de famille » qui forment le corps
principal de l’ouvrage permettent notamment de
comprendre comment un capital culturel familial
peut se transmettre ou, au contraire, ne parvient
pas à trouver les conditions de sa transmission ;
ou bien encore comment en l’absence de capital culturel ou en l’absence d’action expresse de
transmission d’un capital culturel existant, les savoirs scolaires peuvent tout de même être appropriés par les enfants.
Mais, en fin de compte, ce sont les notions mêmes
de capital culturel, de transmission ou d’héritage
qui, métaphores utiles lorsqu’on commente des
tableaux croisant des variables, perdent de leur
pertinence dès lors que, changeant d’échelle d’observation, on s’attache à la description et à l’analyse des modalités de la socialisation familiale ou
scolaire, dans le cadre d’une anthropologie des
relations d’interdépendance.
Le lecteur trouvera ici des analyses concernant la vie au travail, la vie en famille, les pratiques de la lecture et, ce qui
paraîtra sans doute le plus singulier et insolite, les pratiques
d’écriture quotidiennes professionnelles et domestiques des
classes populaires. L’auteur,
qui entend saisir la spécificité des pratiques populaires sans jamais oublier
qu’elles sont, pour une part, le produit d’un rapport
de domination, construit les liens entre l’espace de
socialisation professionnelle et l’espace de socialisation domestique, entre le rapport au travail (par
l’éclairage des modes d’appropriation des postes
ainsi que des types de savoirs et savoir-faire qui en
sont indissociables) et les modes d’appropriation
des imprimés (livres, journaux, revues...), entre
le rapport au travail et à l’école et le rapport à la
formation. L’ouvrage s’attache particulièrement
à décrire des pratiques quotidiennes de l’écrit
pour saisir des rapports au monde (dont l’une des
dimensions les plus fondamentales, le rapport au
temps), des modes d’organisation des activités
domestiques et, plus précisément encore, des
phénomènes de division sexuelle du travail domestique au sein des classes populaires. Les pratiques d’écriture les plus ordinaires (listes de commissions, pense-bêtes, livres de comptes, lettres
aux administrations ou aux proches, agenda...)
apparaissent comme des opérateurs pratiques
de mode d’organisation des activités familiales et
sont constitutives de mises en forme du monde.
Que signifie « échouer » ou « réussir » à l’école primaire ? Comment
comprendre les difficultés éprouvées par des élèves d’origine populaire en lecture-écriture, grammaire, conjugaison, orthographe,
vocabulaire, expression orale et
expression écrite ? Comment se
construisent, jour après jour, les
processus d’ « échec scolaire »
dans les salles de classe ? Ce livre tente de répondre
à ces questions, en procédant à l’étude détaillée des
pratiques et des productions scolaires d’élèves du
cours préparatoire au cours moyen 2e année en français. Soulignant le rôle central du rapport au langage
dans la production des différences scolaires, l’auteur
fonde son analyse sur une sociologie de l’éducation
informée des travaux anthropologiques et historiques concernant la spécificité des cultures écrites.
Il entend ainsi rendre raison de l’ « échec scolaire »
du double point de vue d’une anthropologie de la
connaissance et d’une anthropologie du pouvoir.
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