Bureau de l’ombudsman des services français Montréal, le 2 février 2005 Monsieur José Breton Objet : Demande de révision au sujet des émissions suivantes : - simondurivage.com diffusée le 26 novembre 2004 à la Chaîne principale de la télévision française - et Les Années-lumière diffusée le 19 décembre 2005 à la Première Chaîne de la radio française Monsieur, Le 26 novembre, vous avez porté plainte à propos d’un épisode de l’émission simondurivage.com, intitulée Les enfants : cibles du marketing alimentaire? Vous avez reproché à cette émission « son traitement moraliste et extrémiste qui diabolisait la nourriture et l’industrie alimentaire » et « de ne pas avoir choisi de lire un courriel pour dire votre opinion ». Le 6 décembre, la direction vous a répondu que le sujet de l’émission était « le marketing qui vise les enfants » et non la nourriture elle-même. Elle affirme que la présence de Mme Pascale Leblanc témoigne du fait que plus d’un courant d’opinion était représenté dans l’émission. Enfin, elle souligne que compte tenu du temps disponible, il a fallu faire un choix et que seulement 7 courriels sur les 55 reçus ont pu être diffusés. Le 24 décembre, vous avez porté plainte à nouveau à propos d’un épisode de l’émission Les Années-lumière au sujet de la malbouffe. Vous avez estimé que l’émission était « dirigée dans un seul sens, la dramatisation et l’exagération du discours concernant la malbouffe » et vous demandez « pourquoi on ne m’a pas invité ». Le 10 janvier, la direction vous a répondu qu’elle estimait que « l’émission portait simplement sur l’alimentation et la santé », sans exagération dans le ton. Elle a aussi indiqué que « le simple fait de tenir un site Internet, ou de manifester son intérêt pour un sujet, ne donne pas non plus un accès automatique aux médias ». Ces réponses ne vous ont pas satisfait : « Dans toutes les émissions de Radio-Canada sans exception, l’exagération entourant la situation de l’obésité malbouffe a force de loi ». Vous avez demandé l’intervention de l’ombudsman le 20 janvier 2005. 1400, boul. René-Lévesque Est, bureau 2315, Montréal (Québec) H2L 2M2 Adresse électronique : [email protected] Site internet : http://www.radio-canada.ca/ombudsman Téléphone : (514) 597-4757 - Télécopieur : (514) 597-5253 Demande de révision re : simondurivage.com & Les Années-lumière /2 La révision de l’ombudsman J’ai écouté les deux émissions mises en cause. Je suis aussi allé visiter votre site et j’y ai lu un certain nombre d’articles présents. Le mandat de l’ombudsman (www.radio-canada.ca/ombudsman), c’est de vérifier si la politique journalistique de la Société, intitulée Normes et pratiques journalistiques (NPJ), est respectée ou non. Cette politique est fondée sur trois grands principes : l’exactitude, l’intégrité et l’équité. Elle souligne aussi l’importance de la diversité des opinions : Afin de présenter une information équilibrée et équitable, un organisme d’information devrait s’assurer que le plus vaste éventail possible de points de vue est diffusé. La plupart des opinions contiennent une parcelle de vérité qui contribue à faire ressortir toute la vérité. Mais il faut aussi tenir compte de l’importance réelle ou virtuelle d’une opinion et du poids de ses défenseurs. (NPJ, II,4.2, p.51-52) La Charte canadienne des droits et libertés reconnaît un certain nombre de libertés : liberté de pensée, liberté d’opinion, ainsi que la liberté de la presse. Ce qui signifie que la presse est libre du choix des sujets qu’elle porte à l’attention du public. Cette liberté de la rédaction implique que dans une émission comme simondurivage.com, il n’y a aucune obligation à diffuser un courriel reçu d’un téléspectateur, ni aucune obligation à diffuser un courriel plutôt qu’un autre : la liberté de choix est totale et elle dépend des critères que l’émission se donne. Il est évident par exemple que plus le nombre de courriels reçus est grand, moins grande est la proportion de ceux qui sont diffusés, compte tenu du temps disponible. Il ne faut donc pas vous étonner si votre courriel n’a pas été diffusé. Si la presse est libre du choix de ses sujets, il en va de même du choix de ses invités. Encore une fois, il y a plus de dix millions de personnes parlant français au Canada seulement : on ne peut s’attendre à ce que chacune soit invitée à s’exprimer dans une émission ou l’autre de Radio-Canada. Prenons comme exemple la minceur ou l’obésité : on ne peut s’attendre à ce que toutes les personnes dont le poids est inférieur ou supérieur à leur poids-santé soient invitées tôt ou tard à s’exprimer sur les ondes de Radio-Canada, ni même ceux qui ont fait du poids leur spécialité ou leur cause. Il ne faut donc pas vous étonner si vous n’avez pas été invité à participer à un titre ou l’autre à simondurivage.com ou aux Années-lumière. Par ailleurs, il n’est pas inutile de signaler que le Bar des sciences de Québec sur la problématique de la malbouffe était un événement organisé par Québec Science en collaboration avec le consulat de France. C’est donc Québec Science qui a fait le choix des invités. Le choix de la radio de Radio-Canada, c’était de diffuser ou non en partie ou en totalité ce débat dans Les Années-lumière. D’autre part, la diversité des points de vue était présente autant dans simondurivage.com que dans Les Années-lumière. Demande de révision re : simondurivage.com & Les Années-lumière /3 Le sujet de l’émission simondurivage.com, c’était « Les enfants : cibles du marketing publicitaire ». Les deux invitées représentaient nettement deux milieux distincts et deux idéologies distinctes : la première qui vient de l’université et qui dénonce l’industrie alimentaire qui cherche à attirer de nouveaux clients, l’autre qui vient de la publicité et qui aide l’industrie à attirer ces nouveaux clients. À plusieurs reprises, l’animateur a joué le rôle d’avocat du diable. L’émission ne portait pas sur l’obésité : elle n’en traitait que de façon incidente. Le sujet des Années-lumière, « La malbouffe », avec quatre panélistes, un public qui avait l’occasion de poser des questions, a aussi permis l’expression de points de vues divergents qui se sont d’ailleurs conclus sur les propos suivants de la gastronome Anne Desjardins : Il faut remettre la nourriture au centre de nos vies… Propos qui vont dans le sens de votre intervention. Dans une de ses questions, l’animateur a rappelé qu’« à la limite le surpoids, l’obésité, ce n’est pas si grave que ça, c’est sa conséquence, le diabète ou l’épidémie de diabète » ou les divers problèmes de santé dus à une mauvaise alimentation qui sont graves. Et une des panélistes d’indiquer que beaucoup d’études documentent ces problèmes. Il serait injustifié que la radio publique, qui a un mandat de service public, ignore les problèmes de santé, qu’ils soient dus à l’obésité ou à une autre cause. Je n’ai pas entendu d’éloge de la minceur ou de l’obésité, ni de charge contre la minceur ou de l’obésité dans l’une ou l’autre de ces émissions. Il a été surtout question du rôle de la publicité dans l’une et de la qualité de la nourriture dans l’autre. Par conséquent, j’estime votre plainte non fondée et je la rejette. Veuillez accepter, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués. Renaud Gilbert Ombudsman des Services français de Radio-Canada RG/mm cc : M. Guy Filion, adjoint au directeur général de l’information télévisée Mme Geneviève Guay, directrice, Développement professionnel, formation et affaires générales, Radio française p.v.i. : M. Louis Lalande, directeur général de l’Information – Télévision M. Alain Saulnier, directeur général, Information – Radio