Introduction.
Le rapport entre la littérature et la philosophie est souvent conçu comme un
rapport de confrontation et d’exclusion réciproques. Il s’agit en premier lieu d’une
démarcation générique que matérialise la classification en genres du récit et de
l’essai. Ce rapport est donc un antagonisme qui sépare littérature et philosophie.
Cependant, la notion de genre est mise à mal par des œuvres qui sont
indéterminées, on peut penser à cet égard à Chagrin d’école de Daniel Pennac dont
on ne sait s’il faut classer cette œuvre dans le genre du roman ou de l’essai. On ne
peut qu’être convaincu du fait que les genres sont poreux entre eux, qu’il existe une
véritable interpénétration. Toutefois, ces formes d’écriture entretiennent un lien très
resserré entre le logos et le muthos, le raisonnement et le mythe, le conceptuel et le
poétique
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. C’est à partir de ce constat que ma question a trouvé son origine. Mon
intention est de chercher comment la littérature de jeunesse à travers la fiction,
aborde des questions existentielles susceptibles d’aider l’enfant à se construire
comme sujet. C’est pourquoi j’ai privilégié l’étude de l’album de Thierry Dedieu,
Yakouba
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qui pose la question du choix de vie, donc les questions de liberté, de
règle (tensions entre l’individu et le groupe), de responsabilité. On peut se demander
en quoi la littérature permet à l’élève de devenir humain.
Il faut s’interroger sur les usages philosophiques de la littérature. A l’heure
actuelle, la relation entre ces deux disciplines est vue de manière asymétrique dans
le sens où la littérature serait soumise à la philosophie. Doit-on réduire la littérature à
un simple « emballage » pour faire passer des idées philosophiques ? On peut
observer aujourd’hui deux dérives : d’une part, l’édition cherche à produire des textes
d’idées prêts à réfléchir, nombreux sont les exemples éditoriaux qui développent des
collections qui permettent de penser clés en main ; d’autre part le questionnement
qui est fait sur l’œuvre littéraire en classe est trop rapide et se cantonne très souvent
à une seule activité mentale. On considère que l’une permettrait d’expliciter le sens
de l’autre. On prête à la littérature une valeur d’illustration ou d’exemple aux concepts
philosophiques. Lire les textes littéraires en cherchant à les interpréter selon les
critères de la philosophie est de toute évidence réducteur, et amène ainsi à pré-
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Ces réflexions sont inspirées de la communication de B. Chevaillier, Journée mondiale de la philosophie. 14
novembre 2007 à l'UNESCO.
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Seuil, 1994, cf. annexes pp77 - 83.