La génétique

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la génétique
La génétique
un sujet complexe
Par M. Gérard Tremblay, inh – Enseignant au département d’inhalothérapie
du Cégep de Chicoutimi, avec une collaboration spéciale de CORAMH.
Comme vous tous, j’ai acquis quelques
notions de génétique lors de mes cours
de biologie du secondaire et du cégep.
On m’a parlé des gènes dominants et
récessifs, des yeux bruns ou bleus et de 23
paires de chromosomes. À cette époque,
j’étais loin de me douter de l’importance
qu’aurait l’hérédité sur ma profession
d’inhalothérapeute.
J’ai rapidement constaté au cours de
ma pratique que plusieurs pathologies
possèdent une composante génétique.
C’est le cas de l’asthme, de nombre
de maladies neuromusculaires, de
l’hyperthermie maligne et de la fibrose
kystique, par exemple. La génétique étant
un sujet très étendu et très complexe,
je souhaite dans le présent article vous
transmettre quelques notions d’hérédité
qui, je l’espère, vous permettront de
mieux comprendre la composante
génétique de certaines pathologies
rencontrées par l’inhalothérapeute.
J’illustrerai mes explications à l’aide de la
fibrose kystique, une maladie héréditaire
récessive fréquente au Québec et au
Saguenay Lac St-Jean (SLSJ) et dont le
traitement nécessite l’intervention de
l’inhalothérapeute.
L’hérédité
L’hérédité se définit comme étant toutes les
caractéristiques qui sont transmises des
parents aux enfants lors de la conception.
Le bagage génétique de chaque individu
est composé de 23 paires de chromosomes;
23 chromosomes hérités de sa mère et
23 chromosomes hérités de son père. On
retrouve les 23 paires de chromosomes
dans le noyau de chacune de nos cellules.
Les chromosomes contiennent des milliers
de gènes qui donnent des instructions
pour une multitude de fonctions et de
caractéristiques comme la production de
protéines, d’enzymes, d’hormones, etc.
Le Projet génome humain1 auquel des
chercheurs de six pays ont participé, a
permis de décoder, localiser et caractériser
plus de 21 000 des 30 000 gènes que
comporte le bagage génétique humain
(génome humain).
Les gènes, comme les chromosomes,
fonctionnent en paires, un exemplaire
provenant du père et l’autre provenant de
la mère. Il existe deux types de gènes, les
gènes dominant et les gènes récessifs. Le
gène dominant exprime sa caractéristique
dès qu’il est présent en un seul exemplaire.
Le gène pour la couleur des cheveux bruns
est un exemple de gène dominant. Par
conséquent, il suffit d’avoir hérité d’un
seul exemplaire pour que nos cheveux
soient bruns.
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la génétique
Le graphique suivant illustre la
transmission d’un caractère dominant 2.
un gène dominant peut imposer ses instructions seul.
Le gène récessif, pour exprimer sa
caractéristique, doit absolument se
retrouver en deux exemplaires. Le gène
pour la couleur des cheveux blonds est
un gène récessif. Pour avoir les cheveux
blonds, une personne doit absolument
avoir reçu un exemplaire de sa mère et
un exemplaire de son père. Le graphique
suivant illustre la transmission d’un
caractère récéssif 2.
un gène récessif ne peut imposer ses instructions seul.
Maladies récessives ou dominantes
S’il existe deux types de gènes, il existe
également deux types de maladies
héréditaires, les maladies dominantes
et les maladies récessives. Les maladies
dominantes, comme la dystrophie
myotonique et la chorée de Huntington,
sont causées par la présence d’un gène
défectueux dominant. Par conséquent,
la personne développera les symptômes
de la maladie au cours de sa vie si un
exemplaire défectueux est présent dans
son bagage génétique. Il existe également
un type de maladies liées au chromosome
X et donc liées au sexe de l’individu.
L’hémophilie est un exemple de maladie
liée au chromosome X. Dans le cas de
ces maladies, la mère est porteuse du
gène défectueux situé sur l’un de ses
chromosomes X, mais ne présente pas les
symptômes de la maladie puisque le gène
sain situé sur le deuxième chromosome X
remplit la fonction à lui seul. Les hommes,
par contre, manifesteront les symptômes
de la maladie s’ils reçoivent un exemplaire
défectueux, puisqu’ils ne possèdent qu’un
seul chromosome X (XY).
La fibrose kystique est une maladie
héréditaire récessive causée par un gène
défectueux récessif. Pour que la maladie
s’exprime, l’enfant doit avoir reçu
deux exemplaires du gène défectueux
responsable de la maladie; un exemplaire
provenant de sa mère et un exemplaire
provenant de son père. Les deux parents
qui possèdent chacun un exemplaire
sain et un exemplaire défectueux sont
dits porteurs. Un porteur est un individu
qui possède un seul exemplaire d’un
gène défectueux récessif. Le porteur n’est
pas atteint et il ne développera jamais
les symptômes de la maladie puisque
l’exemplaire sain remplit sa fonction. La
personne porteuse a toutefois un risque
de transmettre le gène défectueux à sa
descendance. Lorsque deux parents
sont porteurs, il existe un risque de
25 % (1/4) de donner naissance à un
enfant atteint qui aura reçu l’exemplaire
défectueux de sa mère et celui de son
père. Au Canada, une personne sur 25
(1/25) est porteuse du gène défectueux
responsable de la maladie. Le graphique
suivant illustre les possibilités pour deux
porteurs de transmettre la maladie à leurs
descendants2.
parent porteur
parent porteur
enfant atteint
(1/4)
enfant porteur
nonatteints
(2/4)
gène normal
enfant non
porteur
nonatteints
(1/4)
gène défectueux
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Dans le cas de la fibrose kystique, le défaut
génétique est situé sur le chromosome 7.
Le gène défectueux code pour la protéine
CFTR 3. La CFTR régularise la circulation
du chlore et l’approvisionnement cellulaire
en eau. Lorsque l’enfant est atteint, la
protéine ne peut assurer le transport de
l’eau et le mucus produit est plus visqueux
que la normale. Par conséquent, le mucus
s’accumule dans les voies respiratoires et le
système digestif, entraînant de nombreuses
complications. La fibrose kystique est
généralement diagnostiquée en bas âge
grâce à des examens diagnostics comme le
test à la sueur. Dans le cas d’une personne
atteinte, la concentration en chlore avoisine
60 mmol/L tandis que la normale est de 5
à 35 mmol/L. La recherche, les nouvelles
médications comme le Pulmozyme®
(domase alpha) et l’amélioration des
traitements ont augmenté l’espérance de
vie à un âge médian de 37 ans.
Prévention et information
Puisque le gène responsable de la maladie
est connu, il est possible de prévenir la
maladie grâce au dépistage des porteurs.
À l’heure actuelle au Québec, les familles
à risque, donc les familles touchées par
la maladie, ont accès à un programme de
dépistage en cascade familiale. Lorsqu’une
personne est atteinte, on peut offrir à ses
apparentés la possibilité d’avoir recours à
un test leur permettant de connaître leur
statut de porteur. Les personnes porteuses
peuvent ainsi effectuer des choix éclairés
en matière de planification familiale.
Rappelons que ces tests sont offerts sur une
base volontaire. Dans le cas de la fibrose
kystique, plusieurs centaines de mutations
(défaut génétique) ont été identifiées et le
nombre de mutations testées au Québec
afin de dépister les porteurs varie beaucoup
d’un endroit à l’autre. La mutation la plus
répandue au Québec et au SLSJ est la
ΔF5084. Il est intéressant de noter que dans
la région du SLSJ, six mutations expliquent
environ 95 % des cas. Notons également
que la fréquence de la fibrose kystique est
plus élevée dans cette région que partout
ailleurs au Québec et que le taux de porteur
y est d’une personne sur 15 (1/15).
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En effet, la fibrose kystique et une des cinq maladies héréditaires
récessives fréquentes au SLSJ. La fréquence élevée de cette
maladie ainsi que la fréquence élevée d’acidose lactique, d’ataxie
de Charlevoix-Saguenay, de neuropathie sensitivo-motrice et
de tyrosinémie s’explique par l’effet fondateur, un phénomène
historique et démographique à l’origine du peuplement du SLSJ.
Plusieurs personnes pensent à tort que c’est la consanguinité
qui est responsable de la fréquence élevée de certaines maladies
héréditaires, mais une étude menée par l’équipe de Gérard
Bouchard5 de l’Université du Québec à Chicoutimi a démontré
que le SLSJ ne présente pas un taux de consanguinité plus
élevé que les autres régions du Québec. De plus, il faut savoir
que peu importe notre origine, nous portons tous un certain
nombre de gènes défectueux susceptibles de causer des maladies
héréditaires. La différence au SLSJ repose sur le fait que pour
certaines maladies, la probabilité de rencontrer un conjoint ayant
le même défaut génétique est plus élevée qu’ailleurs au Québec.
Cette caractéristique a permis à la région de développer une solide
expertise en matière de génétique communautaire. Plusieurs
associations de personnes atteintes comme le Groupe aide aux
enfants tyrosinémiques du Québec6 et l’Association de l’acidose
lactique7 ont vu le jour dans cette région.
La Corporation de recherche et d’action sur les maladies
héréditaires (CORAMH)2 est un organisme communautaire qui
œuvre à la prévention des maladies héréditaires dans la région
du SLSJ depuis maintenant plus de 25 ans. CORAMH travaille
en collaboration avec des chercheurs et des associations de
personnes atteintes afin d’informer, de sensibiliser et d’éduquer
la population sur la problématique des maladies héréditaires. Le
programme d’information de CORAMH, diffusé gratuitement
dans les milieux d’enseignements, les clubs sociaux et les
milieux de travail de la région du SLSJ, permet de transmettre à
la population des notions de base sur la génétique et les maladies
héréditaires en plus de promouvoir les services spécialisés en
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place. D’ailleurs, les étudiants en inhalothérapie du Cégep de
Chicoutimi bénéficient chaque année des services de CORAMH,
ce qui permet de les sensibiliser autant sur le plan personnel que
professionnel.
Conclusion
J’espère sincèrement que ce survol vous aura permis d’en
apprendre un peu plus long sur la génétique et vous aura
donné le goût de pousser plus loin votre réflexion. Le fait de
comprendre un peu mieux l’hérédité et ses manifestations permet
à l’inhalothérapeute de mieux échanger avec les bénéficiaires et
de comprendre leurs préoccupations. Notre contact quotidien
avec le milieu hospitalier, les lectures scientifiques qui nous
sont facilement accessibles, notre intérêt pour la santé des gens
et notre professionnalisme devraient aussi éveiller une curiosité
scientifique constante qui fera de nous de meilleurs thérapeutes
faisant preuve d’un empathie sincère.
Références 1. MARIEB , Elaine, 2005, Anatomie et physiologie humaines, 3ième édition,
Éditions du Renouveau pédagogique, page 1176.
2. Corporation de recherche et d’action sur les maladies héréditaires (En
ligne) http//www.coramh.org/.coramh (consulte le 3 juillet 2007)
3. MARIEB, Elaine, 2005, Anatomie et physiologie humaines, 3ième édition,
Editions du renouveau pédagogique page 897
4. EGAN, D.F. et coll. 2006, Egan’s Fundamentals of Respiratory Care 8e edition, Mosby, page 139
5. BOUCHARD G. De BRAEKELEER M 1991. Histoire d’un génome.
Population et génétique dans l’est du Québec, Québec Presses de l’Université du Québec, page 325-342
6. Groupe aide aux enfants tyrosinémiques du Québec. (En ligne)http//www.
cegep-chicoutimi.qc.ca.gaetq (consulté le 3 juillet 2007).
7. Association de l’acidose lactique (En ligne) http//www.aal.qc.ca/ consulté le
3 juillet 2007.
Source : L’inhalo, Volume 24, numéro 3, octobre 2007, pages 8-10.
Texte reproduit avec autorisation.
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