chaldéenne compte beaucoup de fidèles. Il évoque aussi l’enjeu du voyage du pape François en
Égypte, à la fin du mois d’avril, en particulier vis-à-vis des musulmans.
LE FIGARO. - Que peut apporter la visite du pape François au Caire dans deux semaines ?
Louis Raphaël SAKO. - Cette visite est importante. Le pape François peut appuyer les nouvelles
positions de l’université d’al-Azhar, mais l’Égypte n’est pas l’Irak. Il faudrait plutôt organiser une
rencontre plus large avec des responsables sunnites et chiites. En effet, c’est à ce niveau mondial
qu’un dialogue est nécessaire et fructueux.
En quoi l’évolution des positions de l’université d’al-Azhar, une référence intellectuelle dans
le monde sunnite, sont-elles si importantes ?
J’ai bien noté que, pour la première fois dans le communiqué final d’un grand colloque organisé
par l’université al-Azhar, on parlait des chrétiens « et » des musulmans. Avant, il n’était question
que de ces derniers. C’était un discours sectaire musulman. Les choses changent aujourd’hui. Une
tendance se lève pour demander une évolution réaliste et pratique. On l’observe dans plusieurs
pays musulmans, aussi chez les gens de la rue. Les musulmans eux-mêmes en ont assez de cette
violence et de cette instabilité ! Ils sont fatigués de tout cela, au même titre que les chrétiens.
Comme nous, ils aspirent au calme et à la paix. Les musulmans sont en train de réaliser qu’il faut
changer, mais ils ne savent pas forcément dans quelles directions. C’est donc à nous de les aider. Il
faudrait une sorte de « Vatican II », si je puis dire, pour l’islam. Il y a des signes encourageants en
ce sens. Le monde change, donc l’islam changera, comme le christianisme l’a fait en réalisant son
aggiornamento. Il faut chercher le message dans les textes sacrés.
Les deux derniers attentats contre des chrétiens en prière en Égypte semblent pourtant
démontrer que les chrétiens sont voués à être les victimes d’une violence islamique sans
pitié…
C’est le piège dans lequel les commanditaires d’attentats veulent nous faire tomber. Mais ce n’est
pas être naïf que de se battre pour travailler à un changement culturel chez les musulmans. Le
monde musulman doit en finir avec la mentalité qui consiste à penser que ceux qui ne sont pas des
musulmans seraient des infidèles, et qu’il faut donc les attaquer et les punir. Ce n’est pas
possible ! Il faut leur expliquer qu’une telle position représente aussi un danger pour eux quant à
leur avenir.
Pour être né dans le nord de l’Irak, le drame de la ville de Mossoul vous touche de près.
Comment finir de libérer cette cité encore occupée par Daech ?
J’y suis allé la semaine dernière pour porter une aide alimentaire à 4 000 familles musulmanes de
Mossoul réfugiées dans des camps. Nous montrons ainsi notre solidarité, y compris financière,
pour aider les musulmans et leur dire que nous sommes très proches d’eux, afin de préparer
l’avenir. On ne peut pas se contenter de regarder la scène en restant indifférent. La libération de la
partie ouest de la ville qui abrite encore 400 000 personnes est complexe, parce que ce sont de
toutes petites ruelles. Quand j’étais enfant, nous nous amusions à sauter d’une terrasse à l’autre !
Le problème est que les djihadistes prennent là des familles en otage. Ils sont prêts à se suicider à
n’importe quel prix. Les Américains voulaient ouvrir un couloir pour leur permettre de fuir, mais
les autres composantes de la coalition ont préféré boucler cette zone. Mossoul est devenue une
grande prison. Je ne suis pas pour tuer les gens. La vie est une chose sacrée. Le problème
aujourd’hui est que, pour un tireur isolé sur une terrasse, on va détruire trois maisons dans la
même zone et tuer des centaines de personnes…
Les chrétiens sont-ils revenus à Mossoul ?
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