Mgr Sako : « Il faudrait un “Vatican II” pour l`islam

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Mgr Sako : « Il faudrait un “Vatican II” pour l’islam »
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1. International
Mgr Sako : « Il faudrait un “Vatican II” pour
l’islam »
Jean-Marie Guénois
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LE PATRIARCHE des chaldéens, Sa Béatitude Louis Raphaël Sako, était récemment de passage
en France. Il rend compte de la situation toujours très tendue des chrétiens d’Irak où l’Église
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chaldéenne compte beaucoup de fidèles. Il évoque aussi l’enjeu du voyage du pape François en
Égypte, à la fin du mois d’avril, en particulier vis-à-vis des musulmans.
LE FIGARO. - Que peut apporter la visite du pape François au Caire dans deux semaines ?
Louis Raphaël SAKO. - Cette visite est importante. Le pape François peut appuyer les nouvelles
positions de l’université d’al-Azhar, mais l’Égypte n’est pas l’Irak. Il faudrait plutôt organiser une
rencontre plus large avec des responsables sunnites et chiites. En effet, c’est à ce niveau mondial
qu’un dialogue est nécessaire et fructueux.
En quoi l’évolution des positions de l’université d’al-Azhar, une référence intellectuelle dans
le monde sunnite, sont-elles si importantes ?
J’ai bien noté que, pour la première fois dans le communiqué final d’un grand colloque organisé
par l’université al-Azhar, on parlait des chrétiens « et » des musulmans. Avant, il n’était question
que de ces derniers. C’était un discours sectaire musulman. Les choses changent aujourd’hui. Une
tendance se lève pour demander une évolution réaliste et pratique. On l’observe dans plusieurs
pays musulmans, aussi chez les gens de la rue. Les musulmans eux-mêmes en ont assez de cette
violence et de cette instabilité ! Ils sont fatigués de tout cela, au même titre que les chrétiens.
Comme nous, ils aspirent au calme et à la paix. Les musulmans sont en train de réaliser qu’il faut
changer, mais ils ne savent pas forcément dans quelles directions. C’est donc à nous de les aider. Il
faudrait une sorte de « Vatican II », si je puis dire, pour l’islam. Il y a des signes encourageants en
ce sens. Le monde change, donc l’islam changera, comme le christianisme l’a fait en réalisant son
aggiornamento. Il faut chercher le message dans les textes sacrés.
Les deux derniers attentats contre des chrétiens en prière en Égypte semblent pourtant
démontrer que les chrétiens sont voués à être les victimes d’une violence islamique sans
pitié…
C’est le piège dans lequel les commanditaires d’attentats veulent nous faire tomber. Mais ce n’est
pas être naïf que de se battre pour travailler à un changement culturel chez les musulmans. Le
monde musulman doit en finir avec la mentalité qui consiste à penser que ceux qui ne sont pas des
musulmans seraient des infidèles, et qu’il faut donc les attaquer et les punir. Ce n’est pas
possible ! Il faut leur expliquer qu’une telle position représente aussi un danger pour eux quant à
leur avenir.
Pour être né dans le nord de l’Irak, le drame de la ville de Mossoul vous touche de près.
Comment finir de libérer cette cité encore occupée par Daech ?
J’y suis allé la semaine dernière pour porter une aide alimentaire à 4 000 familles musulmanes de
Mossoul réfugiées dans des camps. Nous montrons ainsi notre solidarité, y compris financière,
pour aider les musulmans et leur dire que nous sommes très proches d’eux, afin de préparer
l’avenir. On ne peut pas se contenter de regarder la scène en restant indifférent. La libération de la
partie ouest de la ville qui abrite encore 400 000 personnes est complexe, parce que ce sont de
toutes petites ruelles. Quand j’étais enfant, nous nous amusions à sauter d’une terrasse à l’autre !
Le problème est que les djihadistes prennent là des familles en otage. Ils sont prêts à se suicider à
n’importe quel prix. Les Américains voulaient ouvrir un couloir pour leur permettre de fuir, mais
les autres composantes de la coalition ont préféré boucler cette zone. Mossoul est devenue une
grande prison. Je ne suis pas pour tuer les gens. La vie est une chose sacrée. Le problème
aujourd’hui est que, pour un tireur isolé sur une terrasse, on va détruire trois maisons dans la
même zone et tuer des centaines de personnes…
Les chrétiens sont-ils revenus à Mossoul ?
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Il y a un siècle et demi, la moitié de la ville de Mossoul était chrétienne. Avant sa chute, en 2014,
la cité comptait 30 000 chrétiens. Ils sont tous partis, sauf quelques personnes handicapées sans
possibilité de se déplacer. Aujourd’hui, cinq familles chrétiennes sont revenues dans la zone nord
de la ville. Le problème, c’est la confiance. Il y a des musulmans qui aiment les chrétiens, mais je
vous livre cet exemple personnel : la maison de ma famille à Mossoul a été pillée par les voisins,
et trois familles y habitent !
Qu’en est-il du retour des chrétiens dans des zones libérées du nord de l’Irak ?
La majorité des chrétiens irakiens ont trouvé refuge au Kurdistan, à Erbil et Duhok, mais aussi à
Bagdad et Kirkuk. Les chrétiens sont plus nombreux à Bagdad qu’au Kurdistan. Concernant les
villes et villages libérés dans le Nord, les situations sont très diverses. Au début, les gens étaient
enthousiastes pour le retour, maintenant moins, ils sont déçus. Certains prêtres et évêques
n’encouragent pas ce retour. Quant aux haldéens, 80 % ont la ferme intention de retrouver leur
village ou ce qu’il en reste. Mais il faut procéder à des opérations de déminage, puis reconstruire.
Ce sera long. Le plus difficile encore, c’est le déminage politique. Exemple avec le sud de la
plaine de Ninive et ses villages syriens-catholiques. Certains ont été libérés par des chiites, d’autre
par des sunnites, d’autre encore par des Kurdes. Chacun, en vertu du sacrifice donné, veut rester !
C’est pourquoi je suis allé là-bas, après la libération. Pour dire, symboliquement, que les chrétiens
appartenaient à cette terre.
Vous avez toujours été contre les milices chrétiennes. Pourquoi vous opposez-vous
aujourd’hui à la création d’une sorte de province autonome chrétienne en Irak ?
Pour la question de la défense, j’ai toujours exigé que l’État en place - et non des militaires
étrangers - nous protège en tant que citoyens, comme c’est son devoir. Sur la question politique,
une entité chrétienne serait une impasse pour plusieurs raisons. Nous sommes tout d’abord une
minorité une nouvelle fois affaiblie : de 1,5 million avant l’attaque américaine, nous voilà à moins
de 500 000. Il faut que les Irakiens partis en occident, et qui nous donnent des leçons, le réalisent.
De plus, les chrétiens sont divisés entre eux. Il y a huit partis politiques en Irak, mais les chrétiens
sont divisés en douze organisations politiques, qui ne survivent qu’en alliance avec ces partis, euxmêmes tous très différents… Voilà la réalité ! En fait, il y a un avenir pour tout le monde dans le
cadre de la création d’un État civil et moderne. Ce n’est pas une question de religion. Il faut
séparer la religion et l’État. La Constitution doit prévoir les mêmes droits pour tous les Irakiens,
en chassant les lois sectaires qui définissent les chrétiens comme des citoyens de seconde zone, ce
qui est une discrimination. Plus que d’argent, les chrétiens d’Irak ont donc besoin
d’encouragements et de prières pour travailler à ce statut de citoyen et les aider à rester sur place.
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