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70
M.
Hayek
[2]
et Mesopotamie? En revanche,
ce
sont
les
Coptes qui ont une fois de plus 1
sauve cette oeuvre
de
1'oubli. C'est, en effet, un copiste copte qui a conserve
pour nous dans un manuscrit unique 2
ses
deux apologies. C'est un autre copte,
AbU
1-Baraldl.t ibn Kabar (t1324), qui en fournit avec precision
les
titres et
Ies
divisions exactes 3,
Ce
sont
1es
trois freres coptes Ibn al-'Assil.l qui
se
penchent
sur l'oeuvre ou
se
recommandent de son autorite.
Abf1
Isl;aq en tire des extraits,
apres en avoir fait un eloge dithyrambique dans sa Somme des fondements
de
Ia
religion (Magmu'
u~ul
al-din wa-masmu' mab1
nll al-yaqin) 4, al-As'ad Abl!
!-
Farag
le
cite dans son Traite sur l'iime (Maqiila
fi
l-nafs) s qu'il redige en
1231
et enfin
al-$afi
Abu
1-Fa<;la'il,
l'aine des trois, en fait en
1241
un resume dans
lequel
il
declare avoir demarque
le
caractere nestorien de !'oeuvre en vue de pre-
senter
Ia
doctrine commune acceptable
par
les
trois grandes confessions chre-
tiennes (qiil
al-mu[lta~ir:
abtadi'u
bi-bti~iiri
Kitiibi 'Ammiir
al-Ba~ri
al-Nas{uri
ma'a
tahif.ib
wa-ziyiida lfibat
fi
atnfi'i
l-i[lti~fir
wa-mayl 'an al-ra'y al-nas{urf
wa-laysa
ilfi
mfi yunfiqifju-hu bal
ilfi
ma yaguzu li-l-firaqi 1-talfiti 1-qawlu bi-hi) 6.
Cependant aucun
de
ces
auteurs ne nous renseigne sur
Ia
vie, l'epoque et
les
autres ecrits
de
'Ammar. Le nom meme risque de faire probleme. Serait--ce
le
nom seculier ou un pseudonyme sous lequel
se
cacherait une figure religieuse de
premier plan? Le
port
de deux noms, l'un seculier et !'autre baptismal, est cou-
rant en Orient depuis toujours. De meme que
1e
pseudonymat est atteste, comme
le
prouve
le
cas celebre du pamphlet anti-musulman attribue a 'Abd al-Masih
al-KindP:
car «insulter
1'
Apotre » (sabb al-rasul) etait passible
de
mort.
Or·,
rien dans
les
deux ouvrages de 'Ammar
nc
permet de justifier une telle crainte
a moins de supposer que
les
passages relatifs a la personne de Mahomet et qui
manquent dans notre manuscrit s aient ete injurieux, hypothese tout a fait gra-
tuite, vu
le
ton irenique de !'ensemble de !'oeuvre.
Qui est-il alors? Sans doute une personnalite d'envergure qui ne pouvait
passer
inapen.,;ue
des contemporains. Sa vaste culture religieuse et philosophique
jointe a une puissance de reftexion personnelle indeniable
le
designerait comme
une autorite de l'Eglise.
Un
seul indice, mais trop vague et incertain, permettrait
seulement de suggerer qu'il s'agit
d'un
eveque
ou
d'un
moine voue au celibat
9:
1 Cf. l'origine egyptienne des deux tiers des manuscrits arabes chretiens
de
Ia
Bibliotheque
Nationale
de
Paris, in G. Troupeau,
CMA.MC,
t.
1,
p.
7.
2 C'est le Ms.
801
du British Museum;
cf.
infra,
II-
Analyse de !'oeuvre,
a)
le manuscrit.
3 Kitfib
Mi~Mb
al-?ulma
wa-trjd/:1
al-bidma,
Cd.
Samir Jjalil, Makt. al-Karilz, Le Caire,
1971, (444 p.),
cf.
p. 298; reproduits
par
J. Assemani, BO,
t.
3,
I,
pp. 608-609.
4 Ms. Par. ar. 200, fol. 11; cf. les extraits au ch.
19,
fol.
136.
5 Ms. Vat. ar.
145,
fol.
2.
6 Ms. ar. de Charfeh, 5/4,
fol.
97.
7 Nons utilisons !'edition de
Ia
Risfi/a
par
A.
Tien, Londres, 1880.
8 K. al-burhdn, fol. 7b-8a/p. 31;
Ia
pagination renvoie toujours a notre edition des apo-
logies (lmpr. Cath., Beyrouth) dont
Ia
parution a ete retardee par
Ia
tragedie du Liban.
9 Depuis le concile de Seleucie, tenu par le Catholicos Acace en 485,
seulle
moine cloitre
[3]
'Ammiir
al-Ba~rf
71
contre !'islam qui accuse
le
christianisme d'avoir attribue a Allah femme et enfant,
il
reagit: «
il
en est
panni
no us tel ou tel qui trouve cela indigne de lui-meme,
comment pourrait-il alors l'imputer a son Createur »
1o
(inni'i
nabirru
ilfi
(A)llfih
min
an
naqata inna-hu (i)tta[laif.a
~dbibata"
wa-inna ba'cja-nd /a-yuraffi'u nafsa-hu
'an if.dlika
fa-kayfa
yansibu-·hu
ilfi
[ldliqi-hi?).
Mais ne cherchons pas plus loin et acceptons pour
le
moment
ce
qui est
donne: 'Ammar est
le
prenom reel et non fictif de notre auteur, tandis que
al-
Ba~ri
indique clairement qu'il est originaire de
Ba~ra,
cette cite musulmane pres-
tigieuse qui a remplace dans l'histoire
le
metropole de Phrat Mayshan non moins
celebre chez
les
Nestoriens. Des l'an
224,
au temoignage de
Ia
Chronique d'Ar-
beles, Phrat Mayshan fut l'un des dix-sept sieges episcopaux de l'Eglise nesto-
rienne 11.
La
Chronique
de
Seert relate que David, metropolite de cette ville,
quitte son eparchie sous
le
catholicossat de Papa
(1'300)
et s'embarque pour une
mission en Inde 12. Le synode de Seleucie-Ctesiphon, tenu
par
le
Catholicos
Isaac en
410,
mentionne
les
six
metropoles
de
l'Eglise, dont
le
siege
de
Phrat
Mayshan avec
ses
trois suffragants:
les
eveques de Karka, Rima et Nehargur
13.
N ous apprenons
par
Ia
meme Chronique
de
Seert que Gabriel, metropolite de
Phrat Mayshan, a ete depute
par
son Catholicos a la tete d'une delegation aupres
de Mahomet;
les
delegues seraient arrives a Medine en
632,
le
Prophete venait
de
mourir 14.
De son nom Bahman Ardashir,
Ia
ville faisait partie
du
district sassanide
de SMhdhbahman, avec
ses
trois sections: Payshan, Ubulla (Azazqubadh, Apo-
logos) et Khurayba (Bihishtabad Aradashir; pour
les
Arabes, Bisabur). A pres
avoir campe a Khurayba, sur
le
bras du Tigre qui relie Phrat Mayshan a son
avant-port Ubulla,
les
armees musulmanes conduites
par
'Utba
ibn Gazwan
conquirent la ville, sans doute apres un combat ruineux, et edifierent
Ba~ra
a
quelques lieues plus loin, a Khurayba 15. Desormais
les
trois noms, Phrat Mayshan,
Ubulla et
Ba~ra
apparaissent ensemble dans
les
textes nestoriens, comme en te-
moigne la lettre que
le
Catholicos Hananisho' (773/4-778/9) adresse aux fideles
des trois localitees pour
les
avertir qu'il
n'a
pu obtenir du calife
al-Man~ur
est tenu au celibat. Syndicon orientale, M. et trad. Chabot, Paris 1902,
p.
57/305;
J.
Assemani,
BO,
t.
3,
II,
p.
178/872;
au
temps du Catholicos Timothee (780-823), les eveques nestoriens se
marient; cette pratique courante fut jadis denoncee par le reformateur
Mar
Aba au synode de
544,
cf.
J. Assemani, BO,
t.
2,
p.
412
et t.
3,
II, p.
872,
et a nouveau
par
Timothee, ibidem,
t.
2, pp. 433-434 et
t.
4,
I,
p.
127.
JO
K. al-burhdn, fol. 23b/p.
57.
II
Ed. et trad. A. Mingana, Sources syriaques, I, Mossoul 1907, p. 30/106.
12 Ed. et trad. A. Scher, Histoire nestorienne inedite, dans PO, IV, p. 236/292.
13
Syndicon orientale, pp. 33·-36/272-275.
14
A.
Scher,
op.
cit.,
in
PO, XIII, pp. 618-620/298-300.
15 Balaguri,
FutCi/:1
al-buldfin, Le Caire,
1959,
pp.
341
et 345; Yaqilt, Mu'jjam al-bulddn,
Cd.
Wiistenfeld, IV,
p.
242;
A.
Scher, op. cit., in PO, II, pp. 305-308.
6