L'apprentissage de la mondialisation. Les milieux économiques allemands face à la réussite américaine (1876-1914)
développement économique.
« Collecter et utiliser l'information commerciale. Le marché américain. »
La circulation de l'information économique entre l'Allemagne les Etats-Unis emprunte les chemins de deux types de réseaux :
ceux que peuvent créer les entreprises elles-mêmes, ceux que constituent l'Etat à travers son administration.
Pour « apprendre à pratiquer le marché américain » (chapitre 1), les entreprises allemandes ont utilisé des intermédiaires ou ont
cherché à s'implanter directement sur le marché américain. L'auteure distingue trois types d'intermédiaires : les milieux anglais et
surtout londoniens, en particulier pendant les premières années de la période envisagée (c'est ainsi que la filiale de le Deutsche
Bank à Londres transmet à sa maison mère les offres de participation à des emprunts du gouvernement américain), les membres
des familles dirigeantes des entreprises allemandes envoyées aux Etats-Unis ou ayant émigré de leur propre chef et enfin les «
Germano-Américains », autrement dit les Américains d'origine allemande, très nombreux aux Etats-Unis du fait de l'émigration
massive des Allemands vers ce pays, autre aspect de la mondialisation du XIXe siècle du reste. Werner Von Siemens choisit
ainsi un Germano-Américain pour diriger la filiale qu'il créa en 1892 aux Etats-Unis. Séverine Antigone Marin relativise
cependant le rôle des Germano-Américains dans la pénétration du marché américain par les entreprises allemandes : « L'utilité
des Germano-Américains a donc surtout tenu à leurs connaissances linguistiques et, à un degré moindre, à un rôle de passeurs
culturels, mais sans que ces éléments soient décisifs. » Par ailleurs, certaines entreprises allemandes candidates à l'exportation se
donnèrent les moyens d'avoir une connaissance directe du marché américain en organisant, notamment, des voyages d'études.
L'Etat allemand mène pendant la période envisagée une politique volontariste de soutien aux exportations. L'auteure évoque une
« « mystique exportatrice » partagée par l'Etat et les milieux économiques ». » L'aide à l'exportation passe par le récolement et la
transmission d'informations par le réseau consulaire mais aussi par l'organisation de la participation allemande aux expositions
universelles. Trois furent organisées aux Etats-Unis entre 1876 et 1914 : à Philadelphie en 1878, à Chicago en 1893 et à
Saint-Louis en 1904. La collaboration entre l'Etat et les entreprises ne fut cependant pas d'une grande efficacité et en tout cas ne
permit par de répondre à toutes les attentes et à toute les exigences des exportateurs si bien que l'auteure peut évoquer « Les
illusions d'une collaboration entre les milieux économiques et l'Etat. »
La volonté partagée de l'Etat et des entreprises allemandes de mieux connaître le marché américain pour mieux s'y implanter
implique une « obligation de réciprocité » (chapitre 3) : celle « d'informer les Américains sur le marché allemand » ou de les
laisser s'informer sur celui-ci. Cela n'alla pas sans difficultés et sans susciter, en particulier, la peur de l'espionnage, présente
notamment au sein des petites entreprises qui exportaient des produits de consommation. L'auteur évoque ainsi longuement une
polémique qui se déchaîna au tournant des années 1910 contre des espions américains qui étaient en réalité des agents des
douanes. Ceux-ci étaient chargés de s'informer sur les coûts de revient des produits importés aux Etats-Unis pour fixer les droits
de douane. Les grandes entreprises allemandes, les multinationales en particulier, au contraire, étaient beaucoup moins la proie
de cette peur de l'espionnage comme le montre leur ouverture aux voyages d'études de délégations étrangères, qu'elles fussent
américaines ou pas du reste.
« La concurrence américaine, objet d'étude et instrument de légitimation. »
La concurrence américaine s'exerça d'abord dans le domaine de l'agriculture et sur le marché mondial des produits agricoles
(chapitre 4). Entre 1876 et 1886-1887, l'agriculture américaine fut étudiée et analysée en détails en Allemagne car elle pouvait
faire figure de modèle. Cet engouement pour l'agriculture américaine fut la conséquence directe de l' « invasion » des marchés
européens en général et du marché allemand en particulier par le blé américain. Par la suite, le modèle américain intéressa et
fascina moins les Allemands dans la mesure où ils se rendirent compte qu'il n'était pas entièrement transposable sur leur territoire
(c'est le cas du homestead en particulier) et qu'il présentait des limites. L'agriculture américaine fut notamment de plus en plus
considérée comme une « agriculture de pillage » : « Le reproche fait aux Américains tient en un mot, constamment répété,
Raubbau3]. Arrivés dans un pays aux terres pratiquement vierges de toute culture, les immigrants avaient cédé à la facilité, se
contentant de semer le blé année après année, sans aucun souci des règles les plus élémentaires suivies depuis des siècles dans
leur région d'origine, qui imposaient de laisser la terre se reposer, ou des recommandations agronomiques plus récentes sur
Copyright © La Cliothèque Page 3/4