66 R E V U E L A M Y D R O I T D E L ’ I M M A T É R I E L • J A N V I E R 2 0 1 0 •N05 6 Informatique IMédias ICommunication
L E S D O S S I E R S M É D I C A U X D E S D É F U N T S : D E S A R C H I V E S P U B L I Q U E S N O N CO M M U N I C A B L E S
cinq ans à compter de la date du décès
de l’intéressé, pour les documents dont
la communication porte atteinte au secret
médical (17). Si la date du décès n’est
pas connue, le délai est de cent vingt ans
à compter de la date de naissance de la
personne en cause ».
Les dossiers médicaux conservés par
les établissements de santé publics ou
participant à l’exécution du service pu-
blic sont des archives publiques. La cir-
culaire de la Dhos du 21 août 2009 le
rappelle justement: «Aux termes de
l’article 211-4 du Code du patrimoine,
“les archives publiques sont : a) Les do-
cuments qui procèdent de l’activité, dans
le cadre de leur mission de service public,
(…) des établissements publics et des
autres personnes morales de droit public
ou des personnes de droit privé chargées
d’une telle mission” ». La circulaire pour-
suit en indiquant que les informations
de santé à caractère personnel produites
au sein de ces établissements sont, par
conséquent, soumises à la réglementa-
tion applicable à ces archives. Et
puisque la communication de ces in-
formations au public «porte atteinte au
secret médical », le délai de vingt-cinq
ans leur est applicable avant qu’elles
ne soient accessibles à celui qui en fait
la demande.
Les archives publiques, des documents
administratifs. Toutefois, si les dossiers
médicaux sont bien des archives pu-
bliques, les archives publiques sont des
documents administratifs (18). Preuve
en est la compétence de la Commission
d’accès aux documents administratifs
en matière de dossiers médicaux. Cela
conduit à affirmer naturellement que les
dossiers médicaux sont des documents
administratifs et qu’ils sont donc soumis
à la réglementation correspondante, dont
l’article 6 de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 portant diverses mesures d’amé-
lioration des relations entre l’adminis-
tration et le public. Son premier para-
graphe, 1°, point h), dispose que ne sont
pas communicables les documents ad-
ministratifs dont la consultation ou la
communication porterait atteinte aux
autres secrets protégés par la loi. Or, il
ne fait pas de doute que la communica-
tion au public de dossiers médicaux porte
atteinte au secret professionnel tel
qu’énoncé à l’article 226-13 du Code pé-
nal. Par ailleurs, le second paragraphe
de l’article 6 indique que «ne sont com-
municables qu’à l’intéressé les documents
administratifs dont la communication
porterait atteinte à la protection de la vie
privée, au secret médical et au secret en
matière commerciale et industrielle;(...)
Les informations à caractère médical sont
communiquées à l’intéressé, selon son
choix, directement ou par l’intermédiaire
d’un médecin qu’il désigne à cet effet,
dans le respect des dispositions de l’ar-
ticle L. 1111-7 du Code de la santé pu-
blique ».
Le dossier médical de l’hôpital, bien que
soumis à la réglementation relative à la
communicabilité des archives publiques,
répond également à une norme de même
valeur mais plus précise: celle de l’arti-
cle 6-II de la loi du 17 juillet 1978. La loi
spéciale dérogeant à la générale, il ne fait
pas de doute que les dossiers médicaux
ne sont pas communicables au public,
pas plus avant qu’après le délai de vingt-
cinq ans. Cette interprétation est confir-
mée par les travaux parlementaires de la
loi de 2008.
D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi
n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative
aux archives publiques modifiant l’ar-
ticle L. 213-2 du Code du patrimoine
confirme cette analyse: aux délais ac-
tuels « est substitué le principe de la libre
communicabilité, à toute personne, des
archives publiques qui ne mettent pas
en cause l’un des secrets protégés par
la loi (19). Le régime d’accès aux archives
publiques se trouve ainsi aligné sur celui
des documents administratifs, tel qu’il
résulte de la loi du 17 juillet 1978 mo-
difiée ».
B. – Les enjeux de la destruction
de ces données
La véritable portée du principe de com-
municabilité des archives. La disposition
de l’article L. 213-2-I-2° a pu induire en
erreur la Cada et plus facilement encore
la Dhos car, si elle traite bien des archives
publiques dont la communication porte
atteinte au secret médical, sont visés en
pratique les écrits des médecins ayant
pour finalité l’enseignement ou la re-
cherche, les documents relatifs au fonc-
tionnement interne de l’établissement.
Cette disposition n’a pas vocation à s’ap-
pliquer aux dossiers médicaux à propre-
ment parler. Toutes les informations re-
latives à la santé d’une personne
identifiable ne se trouvent pas dans un
dossier médical.
Il convient en conséquence de ne pas com-
muniquer à une personne qui n’est pas
ayant droit du défunt des informations
protégées par le secret professionnel, même
si l’intéressé est décédé il y a plus de vingt-
cinq ans. Cela répond aux limites posées
par l’article 6-I-2° de la loi n°78-753 du
17 juillet 1978 portant diverses mesures
d’amélioration des relations entre l’admi-
nistration et le public.
La nécessité d’un visa d’élimination,
probable barrage à la destruction. La
suppression des archives publiques né-
cessite la délivrance d’un visa d’élimina-
tion par le directeur des archives dépar-
tementales territorialement compétent, il
est ainsi possible d’espérer que ces der-
niers n’auront pas suivi aveuglément la
circulaire de la Dhos d’août dernier. Tou-
tefois, leur choix de ne pas détruire relève
en théorie de «raisons d’intérêt scienti-
fique, statistique ou historique » (20).
Notons, enfin et par ailleurs, que le lé-
gislateur a voulu assurer l’articulation
entre les règles d’archivage et celles d’hé-
bergement en établissement public
comme chez les prestataires privés aux-
quels les premiers peuvent faire appel,
en disposant: «les catégories de données
destinées à la destruction ainsi que les
conditions de leur destruction sont fixées
par accord entre l’autorité qui les a pro-
duites ou reçues et l’administration des
archives » (21). Dans ce cas, la destruction
d’archives publiques ne semble pas né-
cessiter un visa d’élimination. Pourtant,
l’externalisation des dossiers par un éta-
blissement public n’ôte pas le caractère
d’archives publiques des dossiers.
CONCLUSION
En éliminant systématiquement les dos-
siers de santé dix ans après le décès
d’un patient – si la date en est connue –
ou vingt ans après le dernier passage
du patient, les établissements précipi-
teraient irrémédiablement vers l’oubli
de précieuses données de santé. Bien
que le pouvoir exécutif ne s’en soit pas
soucié au vu de cette durée de conser-
vation réglementaire incroyablement
brève, certains descendants souffrant
de pathologies héréditaires vont devoir
renoncer à faire valoir leur droit... d’être
mieux soignés. !
(17) Nous soulignons. (18) L’article L. 211-4 du Code du patrimoine (modifié par la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives) prévoit que les archives publiques sont des documents
administratifs. (19) Nous soulignons. (20) Voir Instruction interministérielle DHOS/E1/DAF/DPACI n° 2007-322 et (n° DAF/DPACI/RES/n° 2007-014) du 14 août 2007 relative à la conservation
du dossier médical, Bulletin officiel Santé, protection sociale, solidarités n° 2007/9. (21) C. patr., art. L. 212-4 in fine.