Effet du vieillissement sur la mémorisation d`itinéraires réels : l

publicité
Article original
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (4) : 463-70
Effet du vieillissement sur la mémorisation
d’itinéraires réels : l’importance
de la mémoire de travail
et de la mémoire épisodique
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Effect of aging on real route memorization:
the role of working memory and episodic memory
2 Université Paris-Sud,
LIMSI, Orsay, France
Résumé. Cette recherche analyse le rôle des différentes composantes de la mémoire dans
le déclin, lié au vieillissement, des capacités de représentations spatiales d’itinéraires nouveaux. Alors que peu d’études ont considéré l’apprentissage d’itinéraires réels, dans cette
expérience, la mémorisation des lieux, leur ordre de succession ainsi que la mémorisation
des directions d’un itinéraire urbain complexe réel ont été évalués chez 30 jeunes adultes
et chez 30 personnes âgées saines. Diverses habiletés cognitives des participants, dont
leur mémoire de travail et leur mémoire épisodique, étaient évaluées à l’aide de tests neuropsychologiques. Les résultats mettent en évidence que les différentes performances de
mémorisation de l’itinéraire par les participants âgés sont nettement inférieures à celles des
participants jeunes dans les trois tâches utilisées. La détérioration de la mémoire épisodique
avec l’âge expliquerait en partie que les personnes âgées reconnaissent moins bien les différents lieux de l’itinéraire que les jeunes adultes. Enfin, c’est le déclin de la mémoire de
travail lors du vieillissement qui expliquerait que les personnes âgées restituent beaucoup
moins bien les directions associées aux repères de l’itinéraire.
3 Université Paul-Valéry Montpellier III,
Epsylon, Montpellier, France
Mots clés : apprentissage d’itinéraire, mémoire de travail, mémoire épisodique, vieillissement normal
Doriane Gras1
Marie-Paule Daniel2
Guy Labiale3
Pascale Piolino1,4
ValÉrie Gyselinck1
1 Université Paris Descartes,
Laboratoire mémoire et cognition
(LMC), Boulogne-Billancourt,
France
<[email protected]>
4 Centre de psychiatrie
et neurosciences, Inserm
UMR S894, Paris, France
Tirés à part :
D. Gras
Abstract. This research investigates the role of different memory components in the agerelated decline of new route learning. Few studies have considered real route learning, for
which the situation can be more complex, and the richness greater than with simple mazes.
In this experiment, the memory of a route in a real city has been assessed considering visual
scene recognition, directions recognition, and temporal order memorization. Thirty young
adults (m = 25 years old) and 30 older adults (m = 70 years old) have watched the video of
the route twice before performing the three recognition tasks. Various cognitive abilities
(episodic memory, verbal and visuo-spatial working memory, short-term binding, inhibition,
flexibility, and mental rotation ability) have then been assessed through different neuropsychological tests. The results demonstrate that older adults have poorer performance than
younger in the three route learning tasks: visual scene recognition task, direction recognition task, and temporal order recognition task. Moreover, mediation analyses indicate that
episodic memory performance partly explains the effect of aging on visual scene recognition, while working memory capacity performance (measured with Corsi’s block test, digit
span test, and multimodal span test) partly explains the effect of aging on direction recognition. Spatial memory involved in real navigation and route learning is thus impaired in normal
aging, which is partly due to the decline of episodic and working memory components.
doi:10.1684/pnv.2012.0370
Key words: route learning, working memory, episodic memory, normal aging
L
orsque nous effectuons un trajet dans un nouvel
environnement, nous construisons une représentation mentale de cet environnement qui sera
mémorisée en mémoire à long terme. Cette représentation
mentale de l’itinéraire pourra alors nous permettre de faire
différentes tâches ultérieures (e.g., refaire le trajet, reconnaître un lieu précis, dessiner une carte de l’environnement,
indiquer ce chemin à quelqu’un). La capacité à construire
et à mémoriser une représentation visuo-spatiale correcte
d’un itinéraire est essentielle dans la vie quotidienne afin
de pouvoir se déplacer de manière autonome. Lors du
vieillissement normal, il semblerait que la mémorisation de
nouveaux itinéraires décline, amenant certaines personnes
âgées à limiter leurs déplacements lorsque l’environnement
Pour citer cet article : Gras D, Daniel MP, Labiale G, Piolino P, Gyselinck V. Effet du vieillissement sur la mémorisation d’itinéraires réels : l’importance
de la mémoire de travail et de la mémoire épisodique. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(4) :463-70 doi:10.1684/pnv.2012.0370
463
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
D. Gras, et al.
est nouveau pour elles. De nombreuses études ont montré un effet du vieillissement normal sur la construction
des représentations spatiales [1-3] ; ainsi, les personnes
âgées ont plus de difficultés que les jeunes adultes à construire et utiliser des cartes cognitives [4, 5]. Cependant,
cet effet de l’âge serait plus important lors de l’utilisation
d’une perspective allocentrique (indépendante du point de
vue du sujet) que lors de l’utilisation d’une perspective égocentrique (centrée sur le point de vue du sujet) [6], même
s’il est également souvent observé avec la perspective égocentrique. Pour ce dernier cas, et dans certaines conditions
(petit nombre d’items à retenir et intervalles de rétention
courts), la mémoire des informations de localisation semble
être préservée avec le vieillissement [7]. De plus, même si
les personnes âgées mettent plus de temps que les jeunes
adultes à mémoriser un itinéraire, lorsque cet itinéraire est
parfaitement appris, il n’y a plus de différences entre les participants jeunes et âgés, même lorsque les repères visuels
ne sont plus présents [8]. Cela semble indiquer que les personnes âgées ne s’appuient pas plus sur les repères visuels
que les jeunes adultes pour refaire un chemin bien connu.
Nous nous sommes intéressés ici aux facteurs cognitifs
susceptibles d’expliquer l’effet de l’âge sur la mémorisation avec une perspective égocentrique de nouveaux
itinéraires. La représentation mentale construite lors de
cette mémorisation est très complexe, elle intègre différents types d’information et implique différents processus
qui n’ont pas nécessairement la même sensibilité au vieillissement. D’après Lipman et Caplan [9], la mémorisation
d’un itinéraire impliquerait à la fois une représentation des
lieux et une représentation de la configuration spatiale et
chacune de ces représentations pourrait avoir des sensibilités différentes à plusieurs variables, telles que l’âge.
Apprendre un itinéraire avec de multiples points de décision
(comme continuer tout droit, tourner, traverser) implique
la mémorisation à la fois des repères visuels présents le
long de la route, des associations des informations directionnelles avec ces repères et de l’ordre de ces repères
[10]. Autrement dit, dans une activité de familiarisation avec
un nouvel itinéraire, nous devons mémoriser les lieux rencontrés, ainsi que les directions prises lors du trajet et
l’ordre d’apparition des différents lieux. Dans la présente
étude, ces trois composantes seront donc considérées : la
mémoire des lieux avec une tâche de reconnaissance des
scènes visuelles, la mémoire des directions avec une tâche
de reconnaissance des directions et la mémoire de l’ordre
avec une tâche de reconnaissance de l’ordre temporel.
rarement prises en compte dans les études sur les effets
du vieillissement sur l’apprentissage d’itinéraires. Driscoll
et al. [13] ont montré une corrélation entre les performances
à des tests de rotation mentale – tâches impliquant pour les
résoudre de faire tourner mentalement l’image de figures
géométriques plus ou moins complexes – et la performance
à la version virtuelle de la piscine de Morris (épreuve dans
laquelle les participants doivent retrouver une cible cachée
dans une arène circulaire) chez des sujets jeunes et âgés.
Moffat et al. [14] ont montré des corrélations positives entre
la performance d’apprentissage d’un labyrinthe et respectivement les performances de rotation mentale, de mémoire
verbale et de mémoire visuelle. De plus, Cherry et Park [15]
ont montré que la capacité de mémoire de travail, c’est-àdire la capacité à stocker et manipuler une petite quantité
d’information dans un temps limité, rendait compte d’une
part importante de l’effet de l’âge sur la mémoire des localisations spatiales. Aussi, dans notre expérience, différents
tests neuropsychologiques seront utilisés afin d’évaluer les
habiletés cognitives et les capacités mnésiques des participants dans le but de déterminer quels facteurs peuvent
expliquer les effets de l’âge sur la mémorisation des itinéraires.
Dans la plupart des études précédentes, des labyrinthes
(composés de couloirs avec peu de détails visuels) ont été
utilisés pour tester la mémorisation d’itinéraires en laboratoire. Cependant, ces environnements très appauvris ne
ressemblent guère aux environnements que nous rencontrons habituellement dans la vie quotidienne. C’est pourquoi
nous avons choisi ici d’utiliser des environnements réels
(rues d’une ville réelle) pour tester la mémorisation des itinéraires, afin d’être dans des conditions aussi écologiques
que possible pour nos participants jeunes et âgés. Nous
faisons l’hypothèse que, confrontés à un matériel visuospatial très proche d’une situation réelle, les participants
seront susceptibles de mettre en œuvre différentes stratégies de mémorisation et s’appuieront sur une grande variété
d’indices visuels pour mémoriser l’itinéraire présenté. Les
patterns des performances de restitution des itinéraires
observées, et leur mise en relation avec les habiletés visuospatiales et mnésiques mesurées, devraient contribuer à
mettre à jour les processus impliqués dans l’apprentissage
d’itinéraires chez les participants jeunes et âgés.
Méthodes
Par ailleurs, de nombreuses études mettent en évidence, chez l’adulte jeune, une contribution de différentes
habiletés, en particulier visuo-spatiales, dans la construction
d’une représentation spatiale [11, 12], mais celles-ci sont
Trente jeunes adultes (14 hommes et 16 femmes),
entre 19 et 30 ans (m = 25,27 ± 3,46 ans), et 30 personnes
464
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Participants
Effet du vieillissement sur la mémorisation d’itinéraires réels
avec le point de vue d’un piéton parcourant chaque itinéraire. Le visionnage du film de l’itinéraire d’entraînement
dure 45 secondes et comprend un seul carrefour, alors
que le visionnage du film de l’itinéraire expérimental dure
12 minutes (la vitesse des vidéos a été légèrement accélérée, pour l’itinéraire expérimental la durée réelle était
de 16 minutes et 30 secondes) et comprend 16 intersections (figure 1). En outre, différentes photos couleur des
rues de Boulogne-Billancourt ont été prises, certaines faisant partie des itinéraires, d’autres non. Pour la tâche de
reconnaissance des scènes visuelles, trois photos ont été
utilisées pour l’itinéraire d’entraînement (deux cibles faisant partie de l’itinéraire et un distracteur ne faisant pas
partie de l’itinéraire) et 32 photos pour l’itinéraire expérimental (16 cibles et 16 distracteurs). Un exemple est
présenté sur la figure 2. Pour la tâche de reconnaissance des
directions, deux photos ont été présentées pour l’itinéraire
d’entraînement (une prise avec la même perspective que la
vidéo et une avec une perspective différente, c’est-à-dire
prise d’une autre des rues du croisement) et 20 photos
Matériel
Matériel expérimental
Deux itinéraires ont été sélectionnés dans les rues
de la ville de Boulogne-Billancourt afin de définir un itinéraire d’entraînement et un itinéraire expérimental. Des
films en couleur de ces deux itinéraires ont été réalisés
fed
Eglise
Av
en
ienne Mairie
Rue de l'Anc
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
âgées (huit hommes et 22 femmes), entre 65 et 87 ans
(m = 69,87 ± 5,75 ans), ont participé à cette expérience.
Les personnes âgées étaient en bonne santé et ne présentaient pas de signe de déficit cognitif au mini-mental
state examination (m = 27,77 ± 1,74) [16], ni de dépression
(vérifié par la geriatric depression scale [GDS]). De plus,
les deux groupes d’âge avaient un niveau d’étude équivalent (mesuré par années de diplôme), ainsi qu’un niveau
de vocabulaire comparable comme l’attestent leurs scores
à l’adaptation française du Mill Hill (mjeunes = 23,07 ± 5,24 ;
mâgés = 22,70 ± 4,87 ; t(58) < 1) [17].
ue
M
or
ize
t
Rue
sier
orbu
du C
Bar Tabac
« Le Chiquito »
Musée
Landowski
A
D
Rue
Bureau
de poste
ncou
Billa
ri
ve
Bou
Rue
Subway
rt
Figure 1. Carte de l’itinéraire expérimental.
Figure 1. Map of the experimental route.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
465
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
D. Gras, et al.
Figure 2. Photographie de l’itinéraire expérimental utilisée dans la
tâche de reconnaissance des scènes visuelles.
Figure 2. Picture of the experimental route used in the visual scene
recognition task.
chacune une scène (un pique-nique, un magasin, la campagne et le repas) sur laquelle quatre personnages parmi
les sept de la famille (grand-mère, grand-père, mère, père,
fille, fils et chien) font différentes activités. Pour le test des
cubes de Corsi [19] évaluant la capacité de mémoire de travail visuo-spatiale, neuf cubes arrangés de façon irrégulière
sur une planche en bois de 38 × 32 cm sont utilisés (ces
cubes sont numérotés sur le côté vu par l’expérimentateur,
afin de faciliter leur identification). Pour le test d’empan
de chiffres évaluant la capacité de mémoire de travail verbale, des séries de deux à neuf chiffres sont utilisées.
Pour le test d’empan multimodal [20] évaluant les capacités d’intégration – le binding à court terme, des images
représentant un objet et sa localisation dans une maison
sont utilisées. Le test d’inhibition-flexibilité [20] évaluant ces
fonctions exécutives est composé de différentes planches
de 28 dessins imprimées sur des feuilles A4. Pour les quatre
planches « animaux », des dessins de papillons, chiens ou
éléphants de même taille sont répartis de manière aléatoire. Pour les quatre planches « carrés », ce sont des carrés
petits, moyens ou grands qui sont répartis sur la planche.
Les quatre planches « inhibition » et les quatre planches
« flexibilité » sont composées de dessins de papillons,
chiens ou éléphants, petits, moyens ou grands. Enfin, le test
de rotation mentale [21] évaluant les habiletés de manipulation visuo-spatiale, comporte 20 items, chaque item étant
constitué d’une figure cible en 3D (formée de dix cubes) et
de quatre figures tests (deux figures étant identiques à la
figure cible mais ayant subi une rotation et les deux autres
étant le reflet en miroir de la figure cible ayant également
subi une rotation).
Procédure
Le test des scènes de famille [18] évaluant la mémoire
épisodique est composé de quatre images représentant
La procédure était identique pour les deux itinéraires, mais le nombre d’items était moins important
pour l’itinéraire d’entraînement que pour l’itinéraire expérimental. L’expérience débutait par deux présentations
successives du film de l’itinéraire projeté par un vidéoprojecteur sur le mur de la salle d’expérimentation (taille
de l’image : 1,60 m × 2,10 m, participants assis à environ
1 m 60 du mur dans une pièce sombre). Ensuite, les participants étaient invités à effectuer successivement les trois
tâches suivantes : une tâche de reconnaissance des scènes
visuelles, une tâche de reconnaissance des directions et
une tâche de reconnaissance de l’ordre temporel. Pour la
tâche de reconnaissance des scènes visuelles, des photos des rues de Boulogne-Billancourt étaient présentées
une par une dans un ordre aléatoire différent pour chacun
des participants. Chaque participant devait alors indiquer le
plus rapidement possible par l’appui sur une des touches
466
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Figure 3. Photographie de l’itinéraire expérimental utilisée dans la
tâche de reconnaissance des directions.
Figure 3. Picture of experimental route used in the direction recognition task.
ont été présentées pour l’itinéraire expérimental (11 photos
avec la même perspective et les neuf autres avec une perspective différente). Un exemple est présenté sur la figure 3.
Enfin, pour la tâche de reconnaissance de l’ordre temporel, les photos cibles de la tâche de reconnaissance des
scènes visuelles ont été utilisées, formant ainsi 28 paires
pour l’itinéraire expérimental.
Tests neuropsychologiques utilisés
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Effet du vieillissement sur la mémorisation d’itinéraires réels
d’un clavier d’ordinateur si la photo représentait un lieu
faisant partie de l’itinéraire ou non. Puis, les participants
effectuaient la tâche de reconnaissance des directions. Pour
cela, des photos des intersections de l’itinéraire étaient
projetées et les participants devaient indiquer par l’appui
sur une des touches du clavier la direction à prendre à
l’intersection (droite, gauche ou tout droit). Dans la condition « même perspective », les photos étaient prises en
venant de la même rue que dans la vidéo, alors que dans
la condition « perspective différente », les photos étaient
prises à partir d’une autre rue que dans la vidéo ce qui
obligeait les participants à effectuer une rotation mentale
pour répondre à la question. Enfin, dans la tâche de reconnaissance de l’ordre temporel, des paires de photos étaient
présentées aux participants qui devaient indiquer à l’aide
d’une des touches du clavier quelle photo (photo de droite
ou de gauche) représentait le lieu rencontré en premier lors
de l’itinéraire. Un contrebalancement a été effectué de sorte
que, sur l’ensemble des sujets, chaque paire de photos était
présentée autant de fois dans chaque sens (photo A à droite
et photo B à gauche ou inversement) et que, pour chaque
sujet, il y ait eu autant de réponses correctes à droite qu’à
gauche.
Une fois ces tâches terminées, les participants passaient différents tests neuropsychologiques, afin d’évaluer
leurs habiletés cognitives. La procédure de chacun de ces
tests est présentée ci-dessous.
Scènes de famille
Chacune des quatre images est présentée pendant dix
secondes. La tâche des sujets est, suivant les questions de
l’expérimentateur, de rappeler successivement les personnages présents sur chacune des scènes, leur position dans
l’image, ainsi que ce qu’ils faisaient.
Cubes de Corsi
Les participants doivent rappeler des séries de taille
croissante de cubes pointés par l’expérimentateur.
Empan de chiffres
Les participants doivent rappeler des séries de taille
croissante de chiffres lues par l’expérimentateur.
d’erreur, la taille des animaux dans la réalité (petits pour
les papillons, moyens pour les chiens et grands pour les
éléphants). Pour les planches « carrés », la tâche des participants est de dénommer le plus rapidement possible et
sans faire d’erreur, la taille des carrés (petits, moyens ou
grands). Pour les planches « inhibition », la tâche des participants est de dénommer le plus rapidement possible et sans
faire d’erreur, la taille des animaux dans la réalité en ignorant
la taille des dessins. Enfin, pour les planches « flexibilité », la
tâche des participants est de dénommer une fois sur deux
la taille de l’animal dans la réalité et une fois sur deux la taille
du dessin de l’animal, le plus rapidement possible et sans
faire d’erreur. Dans chaque condition, le temps est limité
à 60 secondes et l’expérimentateur corrige les erreurs et
note le nombre de dessins dénommés.
Test de rotation mentale
La tâche des participants est d’entourer les deux figures
tests correspondant à la figure cible. Les participants ont
huit minutes pour répondre à un maximum d’items, un
point est donné pour chaque item réussi (deux figures tests
correctement identifiées).
Analyse des données
Les analyses statistiques ont été réalisées grâce au
logiciel Statistica. Dans un premier temps, des Anova ont
été réalisées séparément sur les scores de chacune des
tâches expérimentales testées afin d’évaluer les effets de
l’âge. Dans un second temps, des analyses de régression
ont été effectuées pour déterminer quels facteurs cognitifs
pouvaient expliquer l’effet de l’âge sur les représentations
spatiales d’un itinéraire. Pour cela, une première régression
a été faite pour voir si l’âge prédisait ou non les scores aux
trois tâches expérimentales. Ensuite, les scores aux tests
neuropsychologiques prédits par l’âge ont été ajoutés à la
régression, afin de voir si la part de variance expliquée par
le facteur « âge » diminuait avec l’ajout de ces nouveaux
facteurs.
Résultats
Tâche de reconnaissance des scènes visuelles
Empan multimodal
Pour les planches « animaux », la tâche des participants
est de dénommer le plus rapidement possible et sans faire
Une Anova à mesures répétées a été réalisée sur le
nombre de réponses correctes avec le facteur inter-sujets
« groupe d’âge » (à deux modalités : sujets jeunes et âgés)
et le facteur intra-sujets « type d’item » (à deux modalités : cible et distracteur). L’effet du facteur « groupe
d’âge » était significatif (F(1,58) = 29,22 ; p < 0,001), confirmant que les jeunes adultes (m = 24,53 ± 2,10) donnaient
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
467
Les participants doivent rappeler des séries de taille
croissante d’associations objet-localisation.
Test d’inhibition-flexibilité
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
D. Gras, et al.
plus de réponses correctes que les personnes âgées
(m = 20,60 ± 3,39). De plus, l’effet du facteur « type
d’items » était significatif (F(1,58) = 10,69 ; p < 0,01), indiquant que les participants, quel que soit leur âge, donnaient
plus de réponses correctes en rejetant les distracteurs
(m = 12,07 ± 2,03) qu’en reconnaissant les photographies
de l’itinéraire (m = 10,5 ± 2,52). En revanche, l’interaction
entre le facteur « groupe d’âge » et « type d’item » était non
significative, l’effet du facteur « groupe d’âge » était donc
similaire pour les cibles et pour les distracteurs (F < 1).
Les analyses de régression montraient que l’âge prédit les scores à la tâche de reconnaissance des scènes
visuelles (R2 = 0,40 ; p < 0,001 ; bêta « âge » = - 0,64), mais
cet effet est en partie expliqué par le score au test des
scènes de famille puisque l’« âge » prédisait ce score
(R2 = 0,14 ; p < 0,01) et que le bêta du facteur « âge » diminuait uniquement lorsque le facteur « score » aux scènes
de famille (bêta « âge » = - 0,54) était ajouté à la régression.
personnes âgées arrivent moins bien que les jeunes adultes
à mémoriser les directions de l’itinéraire associées aux
repères.
Tâche de reconnaissance des directions
Discussion
Tâche de reconnaissance de l’ordre temporel
Une Ancova réalisée sur le nombre de réponses correctes avec le facteur inter-sujets « groupe d’âge » (à deux
modalités : sujets jeunes et âgés), et en covariable le score à
la tâche de reconnaissance visuelle, mettait en évidence un
effet du facteur « groupe d’âge » significatif (F(1,57) = 21,35 ;
p < 0,001), confirmant que les participants jeunes donnaient
plus de réponses correctes (m = 19,37 ± 3,13) que les participants âgés (m = 14,87 ± 2,80).
L’analyse de régression montrait que l’âge prédisait la
performance à la tâche de reconnaissance de l’ordre temporel (R2 = 0,41 ; p < 0,001), mais aucun médiateur entre l’âge
et la performance n’a été mis en évidence.
Une Anova à mesures répétées a été réalisée sur
le pourcentage de réponses correctes avec le facteur
inter-sujets « groupe d’âge » et le facteur intra-sujets « perspective » (à deux modalités : même perspective versus
perspective différente). Les jeunes adultes (m = 58 % ± 14)
indiquaient significativement (F(1,58) = 22,61 ; p < 0,001),
plus de directions correctes que les personnes âgées
(m = 43 % ± 10). L’effet du facteur « perspective » était
significatif (F(1,58) = 44,85, p < 0,001), mettant en évidence
que les participants donnaient plus de réponses correctes
dans la condition « même perspective » (m = 58 % ± 18) que
dans la condition « perspective différente » (m = 41 % ± 17).
En revanche, l’interaction entre le facteur « groupe d’âge »
et le facteur « perspective » était non significative
(F(1,58) = 1,45 ; p = 0,23).
Les analyses de régression montrent que l’âge prédisait
la performance à la tâche de reconnaissance des directions
(R2 = 0,25 ; p < 0,001). Cependant, cet effet de l’âge était
en partie expliqué par la détérioration de la mémoire de
travail verbale et multimodale pour la condition « même
perspective » (le bêta du facteur « âge » passant de - 0,48 à
respectivement - 0,37 et - 0,33 lorsque les scores d’empan
de chiffres et d’empan multimodal étaient introduits dans
la régression) et de la mémoire de travail visuo-spatiale
pour la condition « perspective différente » (le bêta du
facteur « âge » passant de - 0,37 à - 0,27 lorsque le score au
test des cubes de Corsi était introduit dans la régression).
Ainsi, la diminution de la capacité de mémoire de travail
lors du vieillissement normal participerait au fait que les
Dans cette recherche, nous avons voulu étudier l’effet du
vieillissement normal sur l’apprentissage d’un nouvel itinéraire réel. Cet apprentissage était réalisé en présentant aux
participants jeunes et âgés un film d’un itinéraire réel dans
une ville non familière, afin de se rapprocher d’une situation
à laquelle les individus peuvent être confrontés dans la vie
de tous les jours. Les résultats de l’expérience ont montré
que les personnes âgées avaient plus de difficultés que les
jeunes adultes à mémoriser ce nouvel itinéraire. Leurs difficultés se sont manifestées dans les trois dimensions que
nous avons considérées pour rendre compte des représentations spatiales d’itinéraires. Les personnes âgées ont, en
effet, eu des performances plus faibles que les jeunes, aussi
bien pour reconnaître les lieux rencontrés, pour indiquer les
directions à prendre à chaque intersection, que pour indiquer l’ordre d’apparition des différents lieux. Une originalité
de cette étude est d’avoir considéré différentes mesures
de mémoire et d’habilités visuo-spatiales susceptibles de
contribuer à la construction de représentations spatiales,
afin d’évaluer leur contribution respective dans les effets
du vieillissement observés.
Pour la tâche de reconnaissance des scènes visuelles,
il est intéressant de noter que l’effet du vieillissement se
manifeste d’une manière similaire pour les items cibles et
pour les distracteurs. Autrement dit, les personnes âgées,
en comparaison avec les jeunes adultes, reconnaissent
moins bien les lieux appartenant à l’itinéraire et font plus
de fausses alarmes en acceptant à tort les lieux ne faisant
468
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Effet du vieillissement sur la mémorisation d’itinéraires réels
pas partie de cet itinéraire. De façon nouvelle, les résultats
de l’analyse de médiation indiquent que la détérioration de
la mémoire épisodique liée au vieillissement explique en
partie que les personnes âgées reconnaissent moins bien
que les jeunes adultes les lieux de l’itinéraire qu’elles ont
déjà parcouru.
Pour la tâche de reconnaissance des directions, les participants ne pouvaient pas trouver la réponse correcte en
se contentant de se rappeler l’ordre des différents changements de direction (première à gauche, deuxième à droite,
etc.), car les photos des différents carrefours ont été présentées dans un ordre aléatoire. Il fallait donc retrouver la
direction précise associée à chaque intersection, quel que
soit son ordre de présentation. Il semblerait que lorsque
les photos sont présentées avec la même perspective que
dans le film, la tâche soit assez bien réussie ; en revanche,
lorsque la perspective est différente de celle présentée
dans le film, les performances sont beaucoup plus faibles
aussi bien chez les participants jeunes que chez les participants âgés. Ce résultat est en accord avec les données de
la littérature, souvent recueillies avec des environnements
simplifiés ou appauvris du point de vue visuel, comme
des labyrinthes [2]. Cependant, nos résultats permettent
en outre de montrer que la diminution de la mémoire de
travail lors du vieillissement explique en partie que les personnes âgées arrivent moins bien que les jeunes adultes à
mémoriser les directions associées à chaque intersection
de l’itinéraire. Une explication pourrait être que de bonnes
capacités de mémoire de travail sont nécessaires lors de
l’encodage de l’itinéraire pour mémoriser correctement les
associations entre les différents lieux et les directions à
prendre.
La tâche de reconnaissance de l’ordre temporel semble
particulièrement difficile pour les personnes âgées qui
répondent au niveau du hasard. Pour effectuer cette tâche,
Points clés
• La mémorisation d’un itinéraire est composite, elle
implique la mémorisation des repères, des directions
associées à ces repères et de l’ordre d’apparition de ces
repères.
• L’impact du vieillissement sur la mémoire épisodique
explique en partie que les personnes âgées reconnaissent moins bien des lieux déjà rencontrés.
• La diminution de la capacité de mémoire de travail lors
du vieillissement est en partie à l’origine des difficultés
de mémorisation des directions d’un itinéraire.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
il faut dans un premier temps reconnaître les lieux avant
de les ordonner. C’est pourquoi nous avons inclus dans
l’analyse le score à la tâche de reconnaissance des scènes
visuelles pour s’assurer que l’effet de l’âge observé n’était
pas uniquement dû à un problème de reconnaissance des
scènes. Un effet du vieillissement a été confirmé, même
avec le score de reconnaissance des scènes visuelles en
covariable, ce qui indique que les personnes âgées ont
non seulement des difficultés à reconnaître les lieux, mais
également à les organiser temporellement. Aucun médiateur n’a été trouvé entre l’âge et la performance à la tâche
de reconnaissance de l’ordre temporel. Il serait intéressant
de chercher d’autres habiletés qui pourraient expliquer que
les personnes âgées ont plus de difficultés que les jeunes
adultes à mémoriser l’ordre d’apparition des différents
lieux.
Conclusion
Il apparaît que les différents aspects de la mémorisation
de nouveaux itinéraires (connaissance des repères, association des informations directionnelles et ordre temporel)
sont touchés dans le vieillissement normal et que c’est en
partie à cause de l’affaiblissement de la mémoire épisodique et de la mémoire de travail avec l’âge. Outre leur
impact pour la vie quotidienne des personnes âgées, la
désorientation spatiale et les problèmes d’apprentissage
font partie des premiers symptômes apparents de la maladie d’Alzheimer. Or, dans leur étude de 2005, Kalová et
al. [22] ont montré une difficulté particulière des patients
Alzheimer, comparés à un groupe témoin de personnes
âgées sans atteinte cognitive, dans le rappel de l’ordre temporel de localisations présentées. Ces patients semblaient
également faire plus de fausses alarmes dans des tâches
de reconnaissance des lieux et objets d’un itinéraire [23].
Cependant, d’après Mapstone et al. [24], la détérioration de
l’orientation visuo-spatiale pourrait se développer comme
signe indépendant de la maladie neurodégénérative, probablement avant la déclaration de la maladie. Aussi, de telles
études ayant pour objectif de spécifier quelles composantes spécifiques de la mémoire et quels processus sont mis
en jeu dans les difficultés d’apprentissage d’un itinéraire
devraient être développées dans le futur. Ces données pourraient contribuer à mettre à jour des indicateurs précoces
ou même prédictifs de la détérioration mnésique précurseur
de la maladie.
Conflits d’intérêts : cette recherche a été soutenue par un financement ANR 09 BLAN 0344 01 SPALIFE.
469
D. Gras, et al.
Références
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
1. Harris MA, Wolbers T. Ageing effects on path integration and landmark navigation. Hippocampus 2012 ; 22 : 1170-80.
13. Driscoll I, Hamilton DA, Yeo RA, Brooks WM, Sutherland RJ. Virtual
navigation in humans: the impact of age, sex, and hormones on place
learning. Horm Behav 2005 ; 47 : 326-35.
2. Head D, Isom M. Age effect on way finding and route learning skills.
Behav Brain Res 2010 ; 209 : 49-58.
14. Moffat S, Zonderman AB, Resnick SM. Age differences in spatial memory in a virtual environment navigation task. Neurobiol Aging
2001 ; 22 : 787-96.
3. Klencklen G, Després O, Dufour A. What do we know about aging
and spatial cognition ? Reviews and perspectives. Ageing Res Rev
2012 ; 11 : 123-35.
15. Cherry KE, Park DC. Individual difference and contextual variables
influence spatial memory in younger and older adults. Psychol Aging
1993 ; 8 : 517-26.
4. Iaria G, Palermo L, Committeri G, Barton JJS. Age differences in the
formation and use of cognitive maps. Behav Brain Res 2009 ; 196 : 18791.
16. Folstein MF, Folstein S, McHugh PR. Mini-Mental State : a practical
method for grading the cognitive state of patients for the clinician. J
Psychiatr Res 1975 ; 12 : 189-98.
5. Moffat SD, Resnick SM. Effects of age on virtual environment
place navigation and allocentric cognitive mapping. Behav Neurosci
2002 ; 116 : 851-9.
17. Deltour JJ. Échelle de vocabulaire de Mill Hill de J.C. Raven. Adaptation française et normes comparées du Mill Hill et du Standard
Progressive Matrice (PM 38) manuel. Braine-le-Château : L’application
des techniques modernes, 1993.
6. Desrocher M, Smith ML. Relative preservation of egocentric but not
allocentric spatial memory in aging. Brain Cogn 1998 ; 37 : 91-3.
18. Wechsler D. Échelle clinique de mémoire de Wechsler. 3e ed. Paris :
ECPA, 2001.
7. Olson IR, Zhang JX, Mitchell KJ, Johnson MK, Bloise SM, Higgins JA.
Preserved spatial memory over brief intervals in older adults. Psychol
Aging 2004 ; 19 : 310-7.
19. Corsi PM. Human memory and the medial temporal region of the
brain. Unpublished doctoral dissertation, McGill University (Montreal),
1972.
8. Jansen P, Schmelter A, Heil M. Spatial knowledge acquisition in
younger and elderly adults. A study in a virtual environment. Exp Psychol
2010 ; 57 : 54-60.
20. Picard L, Cousin S, Guillery-Girard B, Eustache F, Piolino P. How
do the different components of episodic memory develop ? Role of
executive functions and short-term feature-binding abilities. Child Dev
2012 ; 83 : 1037-50.
9. Lipman PD, Caplan LJ. Adult age differences in memory for routes :
effects of instruction and spatial diagram. Psychol Aging 1992 ; 7 : 43542.
10. Wiener JM, Kmecova H, Condappa O. Route repetition and route
retracing: effects of cognitive aging. Front Aging Neurosci 2012 ;
4 : 7.
11. Hegarty M, Montello DR, Richardson AE, Ishikawa T, Lovelace K.
Spatial abilities at different scales: individual differences in aptitudetest performance and spatial-layout learning. Intelligence 2006 ; 34 :
151-76.
21. Vandenberg SG, Kuse AR. Mental rotation, a group test of threedimensional spatial visualization. Percept Mot Skills 1978 ; 47 : 599-604.
22. Kalová E, Vlcek K, Jarolímová E, Bureš J. Allothetic orientation and
sequential ordering of places is impaired in early stages of Alzheimer’s
disease : corresponding results in real space tests and computer tests.
Behav Brain Res 2005 ; 159 : 175-86.
23. Zakzanis KK, Quintin G, Graham SJ, Mraz R. Age and dementia
related differences in spatial navigation within an immersive virtual environment. Med Sci Monit 2009 ; 15 : CR140-50.
12. Meneghetti C, De Beni R, Pazzaglia F, Gyselinck V. The role of visuospatial abilities in recall of spatial descriptions : a mediation model. Learn
Individ Differ 2012 ; 21 : 719-23.
24. Mapstone M, Steffenella TM, Duffy CJ. A visuospatial variant of mild
cognitive impairment. Getting lost between aging and AD. Neurology
2003 ; 60 : 802-8.
470
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012
Téléchargement