D. Gras, et al.
est nouveau pour elles. De nombreuses études ont mon-
tré un effet du vieillissement normal sur la construction
des représentations spatiales [1-3] ; ainsi, les personnes
âgées ont plus de difficultés que les jeunes adultes à cons-
truire et utiliser des cartes cognitives [4, 5]. Cependant,
cet effet de l’âge serait plus important lors de l’utilisation
d’une perspective allocentrique (indépendante du point de
vue du sujet) que lors de l’utilisation d’une perspective égo-
centrique (centrée sur le point de vue du sujet) [6], même
s’il est également souvent observé avec la perspective égo-
centrique. Pour ce dernier cas, et dans certaines conditions
(petit nombre d’items à retenir et intervalles de rétention
courts), la mémoire des informations de localisation semble
être préservée avec le vieillissement [7]. De plus, même si
les personnes âgées mettent plus de temps que les jeunes
adultes à mémoriser un itinéraire, lorsque cet itinéraire est
parfaitement appris, il n’y a plus de différences entre les par-
ticipants jeunes et âgés, même lorsque les repères visuels
ne sont plus présents [8]. Cela semble indiquer que les per-
sonnes âgées ne s’appuient pas plus sur les repères visuels
que les jeunes adultes pour refaire un chemin bien connu.
Nous nous sommes intéressés ici aux facteurs cognitifs
susceptibles d’expliquer l’effet de l’âge sur la mémori-
sation avec une perspective égocentrique de nouveaux
itinéraires. La représentation mentale construite lors de
cette mémorisation est très complexe, elle intègre diffé-
rents types d’information et implique différents processus
qui n’ont pas nécessairement la même sensibilité au vieillis-
sement. D’après Lipman et Caplan [9], la mémorisation
d’un itinéraire impliquerait à la fois une représentation des
lieux et une représentation de la configuration spatiale et
chacune de ces représentations pourrait avoir des sensi-
bilités différentes à plusieurs variables, telles que l’âge.
Apprendre un itinéraire avec de multiples points de décision
(comme continuer tout droit, tourner, traverser) implique
la mémorisation à la fois des repères visuels présents le
long de la route, des associations des informations direc-
tionnelles avec ces repères et de l’ordre de ces repères
[10]. Autrement dit, dans une activité de familiarisation avec
un nouvel itinéraire, nous devons mémoriser les lieux ren-
contrés, ainsi que les directions prises lors du trajet et
l’ordre d’apparition des différents lieux. Dans la présente
étude, ces trois composantes seront donc considérées : la
mémoire des lieux avec une tâche de reconnaissance des
scènes visuelles, la mémoire des directions avec une tâche
de reconnaissance des directions et la mémoire de l’ordre
avec une tâche de reconnaissance de l’ordre temporel.
Par ailleurs, de nombreuses études mettent en évi-
dence, chez l’adulte jeune, une contribution de différentes
habiletés, en particulier visuo-spatiales, dans la construction
d’une représentation spatiale [11, 12], mais celles-ci sont
rarement prises en compte dans les études sur les effets
du vieillissement sur l’apprentissage d’itinéraires. Driscoll
et al. [13] ont montré une corrélation entre les performances
à des tests de rotation mentale – tâches impliquant pour les
résoudre de faire tourner mentalement l’image de figures
géométriques plus ou moins complexes – et la performance
à la version virtuelle de la piscine de Morris (épreuve dans
laquelle les participants doivent retrouver une cible cachée
dans une arène circulaire) chez des sujets jeunes et âgés.
Moffat et al. [14] ont montré des corrélations positives entre
la performance d’apprentissage d’un labyrinthe et respecti-
vement les performances de rotation mentale, de mémoire
verbale et de mémoire visuelle. De plus, Cherry et Park [15]
ont montré que la capacité de mémoire de travail, c’est-à-
dire la capacité à stocker et manipuler une petite quantité
d’information dans un temps limité, rendait compte d’une
part importante de l’effet de l’âge sur la mémoire des loca-
lisations spatiales. Aussi, dans notre expérience, différents
tests neuropsychologiques seront utilisés afin d’évaluer les
habiletés cognitives et les capacités mnésiques des parti-
cipants dans le but de déterminer quels facteurs peuvent
expliquer les effets de l’âge sur la mémorisation des itiné-
raires.
Dans la plupart des études précédentes, des labyrinthes
(composés de couloirs avec peu de détails visuels) ont été
utilisés pour tester la mémorisation d’itinéraires en labo-
ratoire. Cependant, ces environnements très appauvris ne
ressemblent guère aux environnements que nous rencon-
trons habituellement dans la vie quotidienne. C’est pourquoi
nous avons choisi ici d’utiliser des environnements réels
(rues d’une ville réelle) pour tester la mémorisation des iti-
néraires, afin d’être dans des conditions aussi écologiques
que possible pour nos participants jeunes et âgés. Nous
faisons l’hypothèse que, confrontés à un matériel visuo-
spatial très proche d’une situation réelle, les participants
seront susceptibles de mettre en œuvre différentes straté-
gies de mémorisation et s’appuieront sur une grande variété
d’indices visuels pour mémoriser l’itinéraire présenté. Les
patterns des performances de restitution des itinéraires
observées, et leur mise en relation avec les habiletés visuo-
spatiales et mnésiques mesurées, devraient contribuer à
mettre à jour les processus impliqués dans l’apprentissage
d’itinéraires chez les participants jeunes et âgés.
Méthodes
Participants
Trente jeunes adultes (14 hommes et 16 femmes),
entre 19 et 30 ans (m = 25,27 ±3,46 ans), et 30 personnes
464 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦4, décembre 2012
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