Imagerie par résonance magnétique des cardiopathies congénitales

Dossier – Imagerie par résonance magnétique
Imagerie par résonance magnétique
des cardiopathies congénitales
Loïc Boussel
1
, Sylvie di Filippo
2
, Philippe Douek
1
1
Département d’imagerie diagnostique et thérapeutique Creatis, hôpital cardiovasculaire Louis-Pradel, BP Lyon Montchat,
69394 Lyon Cedex 03 France
2
Service de cardiopédiatrie, hôpital Louis-Pradel, Lyon
Résumé.L’exploration des cardiopathies bénéficie des nouvelles avancées de l’IRM cardiaque. En effet, du fait de son caractère non irradiant
et de la possibilité d’associer cartographie cardiovasculaire tridimensionnelle et analyse fonctionnelle, l’IRM cardiaque est le complément
naturel de l’échographie. On retiendra comme principales indications l’étude des gros vaisseaux (anomalies des arcs aortiques, coarctations...),
les anomalies de la voie droite (fonction du ventricule droit, étude de l’artère pulmonaire et de ses branches), la cartographie des anomalies
complexes et le suivi postopératoire.
Mots clés : imagerie par résonance magnétique, cardiopathie congénitale
Abstract. MRI in congenital heart disease. Breath-hold electrocardiographically gated cardiac magnetic resonance (MR) imaging and
contrast material-enhanced MR angiography are emerging as a clinically useful supplement to ECHO for the evaluation of complex congenital
heart disease in pediatric and adult patients, as well as the functional changes caused by the underlying morphologic abnormalities. Among the
pathologies in which these methods play a major role are aortic coarctation, anomalies of the pulmonary arteries, right ventricular function and
post operative follow up.
Key words: magnetic resonance imaging, congenital heart disease
Les évolutions récentes de l’image-
rie par résonance magnétique
(IRM) cardiaque ont permis d’élargir
ses indications dans l’évaluation et le
suivi des cardiopathies congénitales
chez l’enfant comme chez l’adulte.
Même s’il ne s’agit pas, bien sûr, de
remplacer l’échographie cardiaque de
première intention, l’IRM peut appor-
ter des informations complémentai-
res, surtout chez l’adulte et en post-
opératoire, voire remplacer le
cathétérisme cardiaque dans certaines
indications. En effet, l’IRM est un exa-
men peu invasif qui permet de visua-
liser l’ensemble des structures médias-
tinales sans les limites habituelles de
l’échographie (patients adultes peu
échogènes, remaniements post-
opérations, structures d’abord difficile
comme l’aorte thoracique descen-
dante...). Dans cette revue générale,
nous aborderons tout d’abord les nou-
veautés techniques et les modalités
pratiques de réalisation des examens
IRM, puis les principales indications.
On retiendra notamment l’étude des
gros vaisseaux (anomalies des arcs
aortiques, coarctations...), les anoma-
lies de la voie droite (fonction du ven-
tricule droit, étude de l’artère pulmo-
naire et de ses branches), la
cartographie des anomalies comple-
xes et le suivi postopératoire.
Nouveautés techniques
Depuis son apparition au début
des années 1990, l’IRM cardiothora-
cique a bénéficié de nombreuses
évolutions. D’abord cantonnée à des
images statiques strictement morpho-
logiques, l’apparition des séquences
ultrarapides, synchronisées à l’ECG a
permis d’obtenir des images dynami-
ques de qualité croissante. Actuelle-
ment, les séquences de type écho de
gradient à l’équilibre (balanced steady
state free precession, BSSFP) permet
tent d’analyser le mouvement des dif-
férentes structures cardiaques dans
n’importe quel plan en une quinzaine
de secondes (une apnée).
m
t
c
Tirés à part : P. Douek
mt cardio 2006 ; 2 (6) : 611-5
mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006 611
Dossier – IRM
doi: 10.1684/mtc.2006.0035
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Parallèlement, l’évaluation vasculaire est passée de
l’imagerie 2D à l’angiographie dynamique 3D avec une
possibilité d’analyse des structures de plus en plus petites
(jusqu’à 1 mm de diamètre) à différents temps vasculaires
(étude successive des artères pulmonaires, des artères
systémiques et du retour veineux systémique avec une
seule injection intraveineuse de produit de contraste).
De plus, l’amélioration des séquences dites « de flux »,
basées sur l’imagerie en contraste de phase, permet en une
apnée d’étudier le mouvement des protons à travers une
coupe définie. Après calcul, on obtient les vitesses moyen-
nes et maximales des particules sanguines et donc une
approche des gradients et des débits. Toutes proportions
gardées, ce type de séquences est assimilable au Doppler
en échocardiographie.
Enfin, l’apparition de séquences dédiées à l’explora-
tion des artères coronaires, de type SSFP 3D notamment,
permet dans un certain nombre de cas de mettre en
évidence des anomalies coronaires associées. Il faut tou-
tefois noter que le temps d’acquisition de ces images est
encore trop long (10 à 20 minutes) et que leur difficulté de
mise en œuvre et leur résultat aléatoire limitent leur utili-
sation en pratique.
Réalisation pratique
Si l’examen IRM ne nécessite aucune préparation par-
ticulière en termes de jeun, il est par contre particulière-
ment important d’obtenir une immobilité parfaite du pa-
tient. Cet élément ne pose habituellement pas de
problème chez l’enfant de plus de 5 ans, l’examen durant
environ 30 minutes. Par contre une sédation importante,
voire une anesthésie générale, est systématiquement re-
quise chez le plus jeune. Elle est réalisée au mieux en
présence d’un anesthésiste. À noter que les patients claus-
trophobes peuvent bénéficier d’une sédation légère avant
l’examen.
L’examen étant synchronisé à l’ECG, les troubles de
rythme de type fibrillation auriculaire peuvent fortement
artéfacter l’examen, voire le rendre impossible. On rap-
pelle, par ailleurs, la contre-indication absolue chez les
patients porteurs de Pacemaker.
L’IRM étant vue comme un complément à l’échogra-
phie, le compte rendu de celle-ci doit être disponible au
moment de la réalisation de l’examen afin de cibler au
mieux les éléments à étudier en IRM et de raccourcir le
temps d’examen.
Le déroulement de l’examen s’effectue en plusieurs
étapes. Après pose des électrodes et d’une voie veineuse
périphérique, le patient est installé dans une antenne
cardiaque dédiée adaptée à son âge. La réalisation de
l’examen comprend d’abord des séquences de repérages
morphologiques puis une série de coupes dynamiques
standardisées permettant d’étudier le cœur dans ses axes
propres : long axe, petit axe et chambre de chasse ventri-
culaire. Les fractions d’éjections ventriculaires gauche et
droite ainsi que la masse myocardique sont calculées à
partir des coupes petit axe selon la méthode de Simpson.
Des plans plus spécifiques tels que la chambre de chasse
ventriculaire droite ou le plan de la valve aortique ou
pulmonaire sont réalisés en fonction de la pathologie à
explorer. Une étude angiographique 3D multiphases
après injection de gadolinium y est le plus souvent asso-
ciée pour étudier les gros vaisseaux médiastinaux et abdo-
minaux. Une imagerie de flux est réalisée en cas de
rétrécissement ou fuite valvulaire, surtout aortique ou
pulmonaire, afin d’apprécier gradients et fractions de ré-
gurgitation. Enfin, une séquence dédiée à l’analyse des
artères coronaires peut être réalisée.
Indications cliniques
Imagerie de l’aorte
Coarctation
L’évaluation des coarctations serrées est réalisée par
échographie, le plus souvent chez le nouveau-né voire en
anténatal. Pour les formes plus frustes, de découverte
souvent plus tardive, l’IRM aide à caractériser le type de
coarctation, l’importance de la sténose par mesure directe
du diamètre minimal de l’isthme sur l’angiographie 3D
après injection de gadolinium (figure 1) et l’étude des
gradients en séquence de flux. L’IRM permet par ailleurs
d’estimer le retentissement de la coarctation sur la fonc-
tion et la masse ventriculaire gauche. Elle recherche des
anomalies associées telles qu’une bicuspidie aortique,
une hypoplasie de l’arche, une anomalie de naissance des
troncs supra-aortiques ou de l’aorte abdominale. Cette
cartographie par IRM et la possibilité d’un suivi simple
postopératoire avec cette technique permet de s’affranchir
de la réalisation d’une angiographie par rayons X dans la
quasi-totalité des cas.
Anomalie des arcs
La recherche d’anomalie des arcs aortiques, principa-
lement en cas de compression trachéale ou œsopha-
gienne, est une bonne indication d’IRM dans les cardio-
pathies congénitales. Elle permet de confirmer ou non
l’existence d’un encerclement de l’axe trachéo-
œsophagien, de situer les positions respectives de la
crosse de l’aorte et du canal artériel ainsi que celles des
troncs supra-aortiques. On peut ainsi décrire avec préci-
sion les rapports en trois dimensions entre ces différentes
structures artérielles en cas de double arc aortique, d’une
Liste des abréviations
IRM : imagerie par résonance magnétique
BSSFP : balanced steady state free precession
Imagerie par résonance magnétique des cardiopathies congénitales
mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006
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interruption de l’arche aortique, d’anomalie de Neuhau-
ser ou plus simplement d’artère sous-clavière rétro-
œsophagienne. En cas de diverticule de Kommerel
(figure 2), l’IRM peut en estimer le volume et rechercher
d’éventuelles complications (thrombose partielle, évolu-
tion ectasiante...).
Dysplasie de l’aorte ascendante
De révélation souvent tardive, voire asymptomatique,
la dysplasie de l’aorte ascendante se rencontre dans le
cadre de nombreux syndromes tels que la maladie de
Marfan. Du fait de son innocuité, l’IRM permet la sur-
veillance sur le long terme des patients avant décision
chirurgicale. Elle permet d’apprécier les différentes men-
surations de l’aorte ascendante, de quantifier la régurgita-
tion valvulaire aortique associée et d’étudier le retentisse-
ment sur la fonction ventriculaire gauche.
Imagerie de la voie droite
et des artères pulmonaires
Dans les pathologies de la voie droite, qu’il s’agisse de
la Tétralogie de Fallot ou des atrésies pulmonaires à sep-
tum ouvert ou intact, la contribution de l’IRM en préopé-
ratoire est l’étude (sévérité, longueur) des rétrécissements
de la voie droite : sténoses pulmonaires sus- ou sous-
valvulaires, sténoses ou atrésie du tronc de l’artère pulmo-
naire et de ses branches. Elle permet de plus l’évaluation
des collatérales bronchiques naissant de l’aorte ou de ses
branches (MAPCA) et les possibilités de reconstruction
chirurgicale de la voie pulmonaire. À noter toutefois que
ces éléments sont souvent de taille irrégulière, parfois très
petite : le scanner multibarrettes, grâce à sa résolution
spatiale supérieure, en permet une meilleure étude. Après
correction complète, l’IRM permet de surveiller l’évolu-
tion de la fonction ventriculaire droite, de quantifier l’in-
suffisance pulmonaire très souvent associée ainsi que
d’évaluer la cinétique de l’infundibulum (figure 3).
L’étude des anastomoses palliatives chirurgicales sera
abordée plus loin.
Imagerie des veines pulmonaires
et systémiques
L’analyse 3D angiographique aux temps veineux pul-
monaire et systémique décrit les principales anomalies où
l’échographie a parfois des difficultés, notamment chez
l’adulte : double veine cave supérieure, persistance de la
veine cave supérieure gauche, interruption de la veine
cave inférieure avec continuation azygos et les retours
Figure 1.Coarctation de l’aorte isthmique. IRM 3D après injection
de Gadolinium
®
. Reconstruction 3D volumique. Sténose aortique
isthmique (flèche) et hypertrophie des artères mammaires (pointe
de flèche).
L
H
PR
F
5 cm
Figure 2.Diverticule de Kommerel. IRM 3D après injection de gado-
linium. Reconstruction 3D volumique. Vue postérieure. On visualise
la crosse de l’aorte située en position anormale à droite de la trachée.
Artère sous-clavière gauche naissant à partir d’un diverticule de
Kommerel (flèche) au niveau de l’isthme. Cette artère présente un
trajet rétro-œsophagien.
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veineux pulmonaires anormaux (figure 4). Ces anomalies
veineuses sont fréquemment associées aux différentes
anomalies cardiaques. Cette analyse du système veineux
doit donc être réalisée systématiquement.
Imagerie des cardiopathies complexes
et transpositions
L’IRM analyse les cardiopathies complexes en préci-
sant le situs, la concordance atrioventriculaire et ventricu-
loartérielle. Elle évalue la fraction d’éjection des ventricu-
les uniques et permet de visualiser les rapports AP/AO
dans les transpositions, d’étudier les valves atrioventricu-
laires...
Imagerie postopératoire
L’IRM permet la surveillance et le dépistage des com-
plications postopératoires précoces et tardives bien que
les complications aiguës (occlusion des anastomoses no-
tamment) bénéficient le plus souvent d’un scanner.
L’analyse angiographique des anastomoses palliatives
systémico-pulmonaires (entre l’aorte et l’artère pulmo-
naire) permet de préciser leur topographie, leur caractère
fonctionnel et leurs conséquences à distance (sténose de
l’artère pulmonaire post-Blalock).
De même, l’étude des anastomoses cavopulmonaires
(figure 5) recherche d’éventuelles sténoses au niveau des
anastomoses et permet d’étudier les flux respectifs au sein
du montage.
Par ailleurs, l’IRM permet un bilan de montage plus
complexe comme ceux des chirurgies de type chenaux
caves intra-atriaux des chirurgies de Mustard, ou Senning,
tube ventriculopulmonaire de Rastelli...
Enfin, les possibilités offertes par les nouvelles séquen-
ces dédiées à l’exploration des artères coronaires pourront
être utiles au dépistage des sténoses coronaires post-
détransposition des gros vaisseaux.
Figure 4. Retour veineux pulmonaire anormal du lobe supérieur droit
dans la veine cave supérieure. IRM 3D après injection de gadolinium.
Reconstruction MIP. On visualise le retour veineux pulmonaire anor-
mal du lobe supérieur droit dans la veine cave supérieure (flèche).
Figure 3.Tétralogie de Fallot corrigée. IRM de l’infundibulum pulmonaire dynamique « sang blanc » en diastole (droite) et systole (gauche).
On visualise le mouvement paradoxal du patch (flèche) infundibulaire en systole.
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Conclusion
L’exploration des cardiopathies congénitales, long-
temps domaine réservé de l’angiocardiographie et de
l’échocardiographie, doit bénéficier des nouvelles avan-
cées de l’IRM cardiaque. En effet, du fait de son caractère
non irradiant et de la possibilité d’associer une cartogra-
phie cardiovasculaire et une analyse fonctionnelle, l’IRM
cardiaque est le complément naturel de l’échographie
dans le diagnostic et la surveillance des cardiopathies
congénitales de l’enfant et surtout de l’adulte. On souli-
gnera la nécessité d’une collaboration étroite entre le
cardiologue prescripteur et le radiologue, surtout dans le
cadre de dossiers complexes où les colloques multidisci-
plinaires associant cardiologues, chirurgiens et radiolo-
gues permettent l’intégration des éléments cliniques et des
résultats des différentes modalités d’imagerie [1-6].
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1535-46.
Figure 5.Anastomose cavopulmonaire complète. IRM 3D après in-
jection de gadolinium. Reconstruction MIP. On visualise l’anasto-
mose entre les deux veines caves (petites flèches) et l’artère pulmo-
naire (grande flèche).
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