Autour de l`annonce… le point de vue de l`infirmière participant au

La Lettre du Sénologue - n° 37 - juillet-août-septembre 2007
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Autour de l’annonce le point de vue de linfirmière
participant au dispositif
Point of view of the nurse
IP A. Berger *, M. Dionisio *, J. Behar **
* Inrmières. ** Psychologue. Centre Alexis-Vautrin, Vandœuvre-les-Nancy.
Le centre Alexis-Vautrin, en partenariat avec le CHU,
sous l’égide d’ONCOLOR a participé à la mise en place
du dispositif d’annonce dans le cadre du Plan Cancer
(mesure 40). Un ETP infirmier (1) et un demi ETP psychologue
ont permis le développement de cette nouvelle activité. Deux
infirmières intégrées à l’UDSOS (2) se partagent le poste et
conservent chacune une activité en secteur de soins. Le poste
de la psychologue est asur laccompagnement des soignants
grâce à un travail hebdomadaire d’élaboration clinique autour
des entretiens effectués ou des situations rencontrées.
Lorsque nous avons débuté dans notre poste d’infirmière au
sein du dispositif d’annonce, nous avons mettre en place
une activité de consultation infirmière, jusqu’alors inexistante
au centre. Cette nouvelle activité a été accompagnée par des
réunions de préparation, des échanges pluridisciplinaires sur
les propositions et la manière de procéder, soutenue par un
cahier des charges et une description de postes précis. Cela
nous a confronté à une autonomie d’action assez inhabituelle.
Un nouveau partenariat est né, entre les médecins, les équipes
soignantes et les infirmières d’annonce”, soulevant de nom-
breuses questions autour de la prise en charge du patient et
des places respectives de chacun .
Dans cette perspective, loin d’envisager le patient selon un
abord purement symptomatique, nous nous situons dans un
accompagnement tout au long de son parcours de soins.
Plus précisément, l’annonce concerne différentes phases de la
maladie :
– l’annonce du diagnostic ;
– l’annonce d’une récidive ;
– l’annonce d’arrêt de soins curatifs ;
– l’annonce de guérison.
Chacune de ces étapes constitue un temps spécifique pour le
patient (fort de bouleversements), étapes utiles à accompa-
gner avec le soutien d’une équipe pluridisciplinaire.
De ce fait, nous sommes amenées à suivre le patient dans
l’établissement (consultations dicales, hospitalisations en
chirurgie et/ou en médecine, radiothérapie…).
Pour l’infirmière, cela ne représente pas seulement un dépla-
cement dans l’espace, mais cela implique un changement de
place, avec toute la complexité que cela suppose.
Ce positionnement est complexe, car il nécessite de se faire
accepter comme partenaire par l’équipe soignante, avec une
mission spécifique au service du patient. Si notre démarche
est personnalisée par un entretien individuel, elle n’est pour-
tant pas individualiste : la transmission des informations et
des réactions émotionnelles du patient est indispensable pour
la continuité de la prise en charge.
Diplomatie et humilité sont deux termes phares, avec en
point de mire notre rôle spécifique auprès du patient et de
ses proches, dès le début de sa prise en charge, et plus par-
ticulièrement en amont. Cet accompagnement précoce du
patient motive notre intervention, à la différence des équipes
soignantes qui le rencontrent le plus souvent dans le cadre de
son traitement.
Nous pouvons rencontrer les patients lors de la consultation
médicale initiale, à l’issue ou à distance de leur annonce de
diagnostic, à leur demande ou sur proposition du decin,
de l’assistante médicale… La plaquette “Pour en reparler”, (fi-
gure) se trouve à disposition de chacun dans tous les pools de
consultations.
Nous avons opté, délibérément, pour une non-systématisation
de cet entretien infirmier. En effet, les professionnels savent
que l’annonce d’un cancer peut entraîner différentes réac-
tions : sidération, colère, déni, intellectualisation… Or, notre
expérience démontre que chaque personne réagit de façon
certes singulière, mais pas toujours linéaire et parfois dérou-
tante. En tout état de cause, le temps subjectif du patient dif-
fère du temps hospitalier. À ce titre, nous avons souhaité nous
adapter au rythme et réactions de chacun, sans imposer de
procédure standard.
La présence quotidienne de l’infirmière d’annonce” (3) per-
met un accueil personnalisé au moment choisi par le patient
(seul ou avec ses proches, par téléphone, lors d’un rendez-vous
d’examen ou de consultation sur le site…).
Cest en travaillant en alternance en secteur de soins que nous
avons pris conscience de l’existence de ce décalage entre la
“vérité objective” des professionnels de santé et la “vérité sub-
jective” d’un malade en particulier.
Dans le cadre de cette activité, nous réalisons des soins de sup-
port sans support de soins. Notre rôle infirmier à ce moment
précis réside surtout dans une écoute active, produisant un
renversement de situation : nous mettons du temps à disposi-
tion du patient, cest lui qui oriente l’entretien en fonction de
ses attentes, de son vécu, du sens qu’il donne à sa maladie et de
l’historisation qu’il en fait. Des demandes d’informations pré-
cises peuvent exister, mais elles sont le plus souvent un “pré-
texte” ; être attentif à cette modalité implicite de sollicitation
peut favoriser un approfondissement de ses préoccupations.
Sans être exhaustives, nous pouvons néanmoins relever des
constantes :
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l’annonce du cancer vient ponctuer la vie entre un avant et
un après ;
la maladie peut être abordée indirectement par l’évocation
du cancer d’un proche ;
inquiétudes et interrogations : que dire aux proches ? com-
ment ? quand ? et aux enfants ?
anticipation des bouleversements dans sa vie familiale, so-
ciale, professionnelle…
Lors de ces moments intenses, il arrive que les patients pleu-
rent, suffoquent, se mettent en colère ou, au contraire, ne
paraissent pas concernés, sourient ou semblent absents ; par
exemple : “Lorsque le decin a dit le mot cancer, je nai plus
rien entendu.” “Je ne me sens pas malade, ma priorité, c’est mon
travail, on verra plus tard…“Jai toute confiance dans le mé-
decin, cest lui qui sait, vous êtes tous si gentils, je me sens bien
ici…
La lecture a posteriori des entretiens nous permet de constater
que, si les mêmes interrogations émergent, chaque entretien
est unique et singulier. Il permet au patient de faire le point
sur sa maladie, de tenter de la penser (panser). Il lui est indis-
pensable, suite à l’annonce de mauvaise nouvelle, de pouvoir
élaborer psychiquement cette information afin de la digérer.
S’il nest pas toujours nécessaire de nous assurer de la compré-
hension des informations délivrées par le médecin (diagnos-
tic, traitement), nous y sommes attentives et recueillons des
indices à travers ses paroles et l’invitons alors à en reparler
avec le decin. De même, si au cours de l’entretien, le pa-
tient évoque des difficultés d’ordre social, psychologique, nous
l’adressons au professionnel concerné : assistante sociale, psy-
chologue, psychiatre, ERI, associations… Notre rattachement
à l’unité de soins de support favorise les relations interdisci-
plinaires et facilite la prise de rendez-vous. Ainsi, nous pou-
vons tecter précocement des difficultés spécifiques et les
prendre en compte. Le lien tissé entre le patient et l’infirmière
d’annonce” instaure ainsi une continuité possible : plusieurs
rencontres avec l’infirmière à différentes étapes du parcours
de soin, orientation vers d’autres professionnels, accueil et/ou
suivi des proches.
Nous avons construit cette mission spécifique du dispositif
d’annonce dans une perspective d’approche globale du patient
et de sa famille, dès le but et à des étapes clés de sa prise en
charge, afin de permettre un accompagnement personnalisé.
Lexpérience de ces entretiens nous a enseigque les réac-
tions des patients et de leurs proches ne sont pas proportion-
nelles à la gravité du diagnostic ni à leur âge. De même, si
l’information sur la maladie et les traitements est indispensa-
ble, le patient apprécie la présence attentive d’une infirmière,
disponible et à son écoute. Enfin, au même titre qu’il nest pas
toujours possible de prédire la réaction d’un patient au trai-
tement, son abord psychique initial de la maladie est variable
(dans un sens favorable ou non), certains patients se surpren-
nent, et nous surprennent…
Je ne suis plus moi-même, jai toujours tenu les autres à bout
de bras, maintenant ils men tombent. Mme X.
Vous mavez ouvert une porte sur la maladie. Mme Y.
“Merci davoir pris du temps pour nous écouter, on se sent un
peu moins seul avec cette terrible nouvelle…M. et Mme Z. n
notes
1. Un équivalent temps plein(ETP) dédié au dispositif d’annonce est
occupé par deux infirmières en alternance avec leur activité en secteur
de soins (une semaine sur deux).
2. L’unité douleur et de soins oncologiques de support (UDSOS) est com-
posée d’une équipe pluridisciplinaire avec des médecins spécialistes, psy-
chiatre, infirmières DIU SP et douleur, psychologue, assistante sociale,
diététicienne, musicothérapeute, relaxologue, socio-esthéticienne…
3. Bureau spécifique dié aux entretiens infirmiers du lundi au ven-
dredi de 9 h à 17 h 30.
Figure.
Plaquette “Pour en reparler” du centre Alexis-Vautrin.
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