La chirurgie ambulatoire préfigure l`hôpital de demain

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« Favoriser le développement d’organisations performantes en chirurgie » est une
des thématiques d’actions inscrites dans le contrat d’objectifs et de performance
entre l’État et l’ANAP (2012-2014). Pour ce faire, l’Agence a engagé des travaux plus
particulièrement axés sur la chirurgie ambulatoire.
I. Développer la chirurgie ambulatoire : pourquoi ?
Dans une période où l’effi cience économique paraît reine, la réduction des coûts
d’hébergement induite par le raccourcissement du séjour est un argument dont on se
contenterait facilement. Au regard de ce dernier, les gains en terme de qualité des soins
font souvent pâle fi gure... et pourtant. Le fait qu’il s’agisse d’une forme inhabituelle, voire
audacieuse, de prise en charge a incité les acteurs de la chirurgie ambulatoire à créer
une culture adaptée de qualité et de sécurité pour le patient : élaboration des chemins
cliniques et protocoles thérapeutiques
ad hoc
, éligibilité des patients, information de
l’opéré, coordination et gestion des fl ux, mise en place d’indicateurs spécifi ques. Avec
cette question, comme une évidence : pourquoi ne pas étendre ces acquis à l’ensemble
de l’activité hospitalière ?
Poursuivre et amplifi er !
Même si, en 2012, 41 % des séjours de chirurgie sont réalisés en ambulatoire, cette
prise en charge étant en nette augmentation (+ 4,9 % entre 2011 et 2012) (1), la volonté
des pouvoirs public est d’accélérer cette progression pour atteindre le taux national
de chirurgie ambulatoire de plus de 50 % en 2016. En dépit des mesures incitatives
(cf.
infra
), il existe un potentiel encore important d’évolution de ce type de prise en
charge et les efforts à accomplir diffèrent en fonction des régions et des case-mix des
établissements de santé.
II. Développer la chirurgie ambulatoire : comment ?
Au-delà des mesures incitatives prises par les pouvoirs publics, des leviers complé-
mentaires sont actionnés sur le terrain notamment par l’ANAP.
Anne Bellanger (Cadre de santé),
Christian Espagno (Chirurgien),
Stanislas Johanet (Anesthésiste-réanimateur) collaborent au développement
de la chirurgie ambulatoire à lAgence Nationale d’Appui à la Performance
des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP).
La chirurgie ambulatoire
préfi gure l’hôpital de demain
(1)
L’analyse de l’activité hospitalière 2012
, Agence technique de l’information sur l’hospitalisaton (ATIH).
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A. D’une pratique confi dentielle à une dynamique nationale
Après avoir été lancée, depuis près de vingt ans, par des praticiens (anesthésistes et
chirurgiens) considérés par leurs pairs comme des « pionniers », la chirurgie ambulatoire,
désormais qualifi ée de « priorité nationale », entre dans une phase de déploiement national. Le
ministère de la Santé a inscrit cette forme de prise en charge dans un des 10 axes prioritaires
du programme pluriannuel (2010-2012) – continuant pour la plupart en 2013 – de gestion du
risque mis en œuvre par les Agences Régionales de Santé (ARS) notamment au travers de la
contractualisation avec les établissements de santé.
En outre, la substitution de la chirurgie ambulatoire à la chirurgie en hospitalisation complète se
développe, notamment grâce à des incitations tarifaires ciblées sur certains Groupes Homogènes
de Séjour (GHS) et à la procédure de Mise Sous Accord Préalable (MSAP) des prestations
d’hospitalisation avec hébergement pour 38 gestes « marqueurs » en 2012 (
versus
17 en 2009).
B. Chirurgie ambulatoire : un développement accompagné par l’ANAP
Devant la persistance du retard français, par rapport aux données internationales, en matière
d’interventions chirurgicales réalisées en ambulatoire, l’ANAP et la Haute Autorité de Santé (HAS)
collaborent pour accompagner les professionnels de santé, gestionnaires d’établissements et ARS
dans le développement de la chirurgie ambulatoire en France. L’objectif conjoint est de mettre à
disposition des outils, guides et recommandations de bonnes pratiques organisationnelles.
1. Les actions de l’ANAP pour le développement de la chirurgie ambulatoire
Au sein de ce partenariat en faveur du développement de la chirurgie ambulatoire, l’ANAP a
d’ores et déjà engagé quatre projets complémentaires (2011-2013). L’objectif est de fournir à tous
les établissements de santé et à l’ensemble des ARS une « boîte à outils » support à l’essor de la
chirurgie ambulatoire.
2. Conception d’un outil médico-économique
(cf. Axe 4 du partenariat HAS-ANAP)
Dans l’optique d’aider les établissements de santé à mettre en place l’organisation la plus
adéquate, l’ANAP a élaboré avec la collaboration de cinq établissements de différents statuts
(publics, privés et ESPIC) un outil intitulé
OPEERA
(Outil Prospectif d’Évaluation Économique
Relatif à l’Ambulatoire).
L’outil est construit en trois volets : état des lieux (ex. : activité, coûts/recettes), hypothèses de
transfert en ambulatoire (ex. : choix du volume d’activité, taux de rotation/d’occupation), résultat
de la simulation (ex. : impact du transfert en ambulatoire seul ou avec une réorganisation).
Il permet de calculer le potentiel des séjours transférables de l’hospitalisation complète vers
l’ambulatoire et d’objectiver les conditions requises pour assurer un bilan économique favorable
de l’activité de chirurgie ambulatoire pour les établissements de santé.
En répondant aux principales questions telles que :
Quelle part de l’activité chirurgicale actuelle transférer en ambulatoire ?
Quels impacts :
- Capacitaires sur les unités d’hospitalisation complètes et l’UCA ?
- Financiers en termes de coûts et recettes ?
- Réorganisation des unités d’hospitalisation complètes ?
Les établissements disposent ainsi de données partagées pour établir des plans d’action internes.
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Les tests sur les établissements pilotes, ont permis de démontrer que le développement
de la chirurgie ambulatoire est encore plus favorable sur le plan économique si certaines
conditions sont mises en place (ex. : mutualisation d’activités permettant de libérer des
unités d’hospitalisation complète).
3. Analyse comparative (benchmark) ciblée sur 15 établissements
parmi les plus expérimentés en chirurgie ambulatoire (cf. Axe 3)
Quinze établissements de santé volontaires (5 publics dont 2 CHR-CHU, 7 privés,
3 ESPIC dont 1 CLCC) ont été retenus sur la base d’un appel à candidature lancé en
janvier 2012.
Avec le concours de 18 experts praticiens (anesthésistes et chirurgiens), l’ANAP a
identifi é les leviers et les freins culturels dans les établissements de santé retenus pour
le benchmark, puis formalisé des outils et recommandations issus de ce benchmark.
L’ensemble de ce travail a alimenté les productions, co-validées HAS/ANAP, à visée
organisationnelle : outils, guides et recommandations de 4 types (principes fonda-
mentaux pour développer la chirurgie ambulatoire, recommandations stratégiques,
recommandations opérationnelles et prospective).
4. Accompagnement de 20 établissements de santé volontaires (cf. Axe 3)
L’ANAP accompagne 20 établissements de santé (8 publics dont 3 CHR-CHU, 8 privés et
4 ESPIC) pour faire progresser leur taux de chirurgie ambulatoire.
Ces établissements volontaires qui ont répondu à l’appel à candidature de l’ANAP
(cf.
supra
) ont été sélectionnés car ils disposent d’une unité de chirurgie ambulatoire
identifi ée, ont inscrit le développement de la chirurgie ambulatoire dans leur projet
d’établissement et/ou CPOM et ont un volume d’activité ambulatoire supérieur ou égal
à 2 000 actes.
La méthode d’intervention de l’ANAP sur le terrain comprenait une phase de diagnostic
et une phase de mise en œuvre. Le plan d’action a été suivi par des indicateurs – dont
le taux de chirurgie ambulatoire de l’établissement – tout au long du projet (jusqu’en
juillet 2013).
En outre, les professionnels des établissements accompagnés ont pu partager leur bilan
lors de deux rencontres organisées par l’ANAP (septembre 2012 et avril 2013).
Secteur privé Secteur public et ESPIC
Centre indépendant Centre de la main, Angers
Centre intégré mono
et bi-disciplinaire
Médipôle Garonne, Toulouse
Hôpital clinique Claude
Bernard, Metz
Centre chirurgical Emile Gallé, Nancy
Centre Léon Bérard, Lyon
Fondation Rothschild, Paris
Centre
intégré
pluridisciplinaire
Centre Clinical Soyaux,
Angoulême
Clinique du parc, Saint-
Etienne
Clinique Mathilde, Rouen
Hôpital privé d’Antony
CHR de Metz-Thionville
CHU de Lille
Groupe AHNAC (Association
Hospitalière Nord Artois Cliniques)
CHI de Poissy Saint-Germain - Saint-
Germain-en-Laye
CH de Saint-Quentin
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La « photo d’arrivée » du projet est encourageante :
Outre l’objectif de faire progresser ces 20 établissements l’ANAP a également celui de produire
un guide méthodologique qui bénéfi ciera (fi n d’année 2013) à l’ensemble des établissements de
santé (« capitalisation »).
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5. Accompagnement de 3 ARS à fort potentiel de développement
en chirurgie ambulatoire (cf. Axe 3)
L’accompagnement de l’ANAP est actuellement en cours sur les ARS d’Auvergne, de
Lorraine et de Midi-Pyrénées (jusqu’en mars 2014). L’action auprès de ces agences se
décompose en trois phases :
établissement d’un diagnostic régional au vu des spécifi cités – notamment
géographiques – propres à chaque région ;
réalisation d’un benchmark auprès de 7 ARS sélectionnées afi n de collecter les
pratiques les plus effi cientes pour augmenter le taux de chirurgie ambulatoire régional
et les proposer aux ARS accompagnées ;
construction et accompagnement à la mise en œuvre d’un plan d’action.
Il est attendu de cet accompagnement, la publication d’un guide méthodologique de
développement de la chirurgie ambulatoire à destination des tutelles.
III. Chirurgie ambulatoire : des effets exemplaires
La chirurgie ambulatoire est une prise en charge performante en termes de qualité et de
sécurité pour les patients. Les gains en ces domaines sont des leviers pour faire évoluer
l’organisation globale des établissements de santé, tant en chirurgie qu’en médecine.
A. Effets sur les modes d’organisation en chirurgie
Il n’y a pas d’un côté la chirurgie ambulatoire et de l’autre la chirurgie dite
« conventionnelle ». La réfl exion sur le développement de la chirurgie ambulatoire doit
s’inscrire dans une même démarche de sécurité des soins et de réduction de la Durée
Moyenne de Séjour (DMS) du patient chirurgical (« ne pas garder le patient à l’hôpital une
heure de plus que nécessaire »). Cette démarche d’optimisation du séjour ne peut aboutir
que si elle réunit, dans une réfl exion commune, chirurgiens, anesthésistes et autres
soignants avec l’objectif de rédiger des protocoles de prise en charge. Cette démarche
est également transversale : les principes fondamentaux qui la guident (renversement
du paradigme : « on ne garde à l’hôpital que les patients qui exigent une surveillance ou
des soins qui ne peuvent être assurés à domicile ») sont applicables de la même façon à
toutes les spécialités chirurgicales. Sans exception ! Si bien que le rapprochement des
concepts de prise en charge ambulatoire entre disciplines chirurgicales peut faire le lit
d’une homogénéisation des pratiques d’hospitalisation conventionnelles et, au-delà,
favoriser des formes de mutualisation des lits de spécialités chirurgicales.
1. Action fédératrice
Le développement de la chirurgie ambulatoire dans un établissement de santé passe
obligatoirement par une réfl exion de l’ensemble de l’équipe médicale et paramédicale.
Même si des tensions sont possibles au début de la démarche, l’objectif commun voire
le défi partagé d’une réduction de la DMS sont suffi samment fédérateurs pour aplanir
les diffi cultés. Le dialogue d’équipe est même favorisé pour le patient chirurgical
en hospitalisation conventionnelle sur d’autres thèmes du chemin clinique (ex. :
harmonisation des protocoles).
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