Le Courrier des addictions (11) – n ° 1 – janvier-février-mars 2009 18
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par méthadone avec ou sans dépression.
La prévalence des troubles anxieux (définis
par les critères du DSM-IV) se répartissait
entre phobie sociale (12 %), troubles pani-
que (6 %), obsessionnels compulsifs (6 %)
et post-traumatiques (6 %). On n’a pas pu
mettre en évidence de différence entre pa-
tients avec ou sans dépression. À noter :
deux des sujets souffrant de dépression
étaient sous antidépresseurs au moment de
l’étude (l’un sous paroxétine et l’autre sous
sertraline) mais, même en les retranchant,
les résultats restaient inchangés.
Résultats pharmacodynamiques
Les sujets avec dépression ressentaient des
effets dysphoriques significativement plus
élevés que ceux sans dépression d’après la
sous-dimension LSD du ARCI. De même,
les scores de l’aire sous la courbe de l’ef-
fet (ASCE) et le changement maximal par
rapport à la ligne de base (max.) étaient si-
gnificativement plus élevés chez les sujets
avec dépression par rapport à ceux sans
dépression (respectivement ASCE : 14,1 ±
32,3 versus -31,0 ± 46,7, p < 0,04 et max. :
0,7 ± 3,9 versus -2,7 ± 2,6, p < 0,04).
Les sujets avec dépression ressentaient plus
de symptômes de sevrage par rapport aux su-
jets sans dépression d’après SOWS (ASCE :
32,7 ± 95,9 versus -74,2 ± 66,7, p < 0,02)
[figure 1]. De plus, les scores HAMD étaient
significativement corrélés avec les scores
SOWS 24 heures après la dernière prise
(r : 0,70, p < 0,004) [figure 2].
Conclusion
Notre étude a effectivement démontré que
les patients en traitement par méthadone
avec dépression avaient des symptômes
de sevrage aux substances opiacées et des
effets dysphoriques plus importants que
les autres patients ne souffrant pas de ces
troubles de l’humeur. Cela était congruent
avec la relation établie entre la présence de
dépression et de moins bons résultats en
termes de réponse au traitement par mé-
thadone (9). Par conséquent, il est vraisem-
blable que la dépression modifie de façon
notable le vécu du traitement méthadone en
contribuant à diminuer la satisfaction des
patients, exprimée par une augmentation de
l’intensité des symptômes de sevrage. Ce
concept est soutenu par la corrélation signi-
ficative entre la sévérité des symptômes dé-
pressifs et les symptômes de sevrage. Ainsi,
nos résultats suggèrent que le traitement
de la symptomatologie dépressive pour-
rait améliorer la satisfaction du traitement
méthadone. Et cela d’autant plus
que les taux de prévalence de la
dépression sont notables dans cette
population (20 % et plus), surtout
après six mois de traitement (plus
de 40 %) [3-5].
Par ailleurs, une étude récente de
Schreiber et al. a démontré que la
sévérité de la dépression diminuait
avec le temps au décours d’un trai-
tement méthadone (10). Dans notre
étude, les patients ayant un trouble
dépressif majeur et sous méthadone, depuis
plus d’un an et demi en moyenne, présen-
taient une symptomatologie dépressive si-
gnificative. Il est probable qu’un prise en
charge de ces symptômes dépressifs peut
avoir un effet positif sur la satisfaction du
traitement méthadone pour ces patients.
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Références bibliographiques
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tionship between mood state and plasma methado-
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primary depressive ilness. Br J Soc Clin Psychol
1967;6:278-96.
9. Rounsaville BJ, Weissman MM, Crits-Chris-
toph K et al. Diagnosis and symptoms of depres-
sion in opiate addicts. Course and relationship
to treatment outcome. Arch Gen Psychiatry
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10. Schreiber S, Peles E, Adelson M. Association
between improvement in depression, reduced ben-
zodiazepine (BDZ) abuse, and increased psycho-
tropic medication use in methadone maintenance
treatment (MMT) patients. Drug Alcohol Depend
2008;92(1-3):79-85.
En bref
Dix-sept patients (7 avec dépression, 10
sans) avaient répondu à des question-
naires subjectifs (SOWS, ARCI, POMS)
pendant une période de 24 heures cor-
respondant à l’intervalle de temps entre
deux prises de méthadone. Les sujets
avec dépression ressentaient des effets
dysphoriques significativement plus éle-
vés que ceux sans dépression d’après la
sous-dimension LSD de l’échelle ARCI
(ASCE : 14 ± 32 versus -31 ± 47 ; p <
0,04) et les sujets avec dépression res-
sentaient plus de symptômes de sevrage
par rapport aux sujets sans dépression
d’après le SOWS (ASCE : 32,7 ± 95,9
versus -74,2 ± 66,7 ; p < 0,02). Les scores
HAMD étaient significativement corré-
lés aux scores SOWS au moment de la
concentration plasmatique la plus basse
de méthadone (r = 0,70, p < 0,004).
Figure 1.
Scores du SOWS sur une période de 24 heures
chez des patients en traitement par méthadone avec
ou sans dépression. Les patients avec dépression
ressentaient plus de symptômes de sevrage aux opioïdes
à tous les temps. Les barres d’erreur sont des écart-types
de la moyenne.
Figure 2.
Corrélation des scores HAMD et SOWS
24 heures après la dernière prise. Les scores de
symptômes de sevrage aux opioïdes étaient plus élevés
chez les patients avec les scores HAMD les plus élevés.