La dimension cohomologique des variétés topologiques

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La dimension cohomologique des variétés topologiques
Quentin Guignard
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Introduction
Dimension cohomologique.
Soit X un espace topologique localement compact. On
dit que X est de dimension cohomologique au plus n si pour tout faisceau abélien F sur X ,
on a
Hcn+1 (X, F) = 0
Cette condition équivaut en fait à l'annulation de tous les groupes de cohomologie Hci (X, F) =
0 pour i > n. En eet, si on a obtenu cette annulation pour un i donné, alors on peut se
donner une suite exacte courte
0 −→ F −→ I −→ G −→ 0
où I est un faisceau injectif, ce qui donne une suite exacte
0 = Hci (X, G) −→ Hci+1 (X, F) −→ Hci+1 (X, I) = 0
de laquelle on infère la nullité de Hci+1 (X, F).
Si de plus X n'est pas de dimension cohomologique au plus n − 1, alors on dit que X est de
dimension cohomologique n. On se propose ici de déterminer la dimension cohomologique
des variétés topologiques :
Théorème. 1.1 Toute variété topologique
homologique
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non-vide de dimension
n
est de dimension co-
n.
Il est tout à fait immédiat qu'une variété topologique non-vide X de dimension n n'est
pas de dimension topologique au plus n − 1. En eet, si j : Rn −→ X est une immersion
ouverte, alors on a
Hcn (X, j! R) = Hcn (Rn , R) = R 6= 0
Pour obtenir le théorème 1.1, il sut donc de démontrer que toute variété topologique de
dimension n est de dimension cohomologique au plus n.
Quelques outils.
On suppose que la lectrice est familière avec le formalisme des faisceaux. On utilisera par ailleurs sans démonstration les deux résultats suivants. Le premier
permettra de justier un passage à la limite2 :
Proposition 1.2
Soit
(Fi )i∈I
X.
compact
un système inductif de faisceaux abéliens sur un espace topologique localement
Pour tout entier
n,
le morphisme naturel
lim Hcn (X, Fi ) −→ Hcn (X, lim Fi )
−→
−→
est un isomorphisme.
1 Par une variété topologique de dimension n on entend ici un espace topologique séparé dont tous les
points admettent un voisinage ouvert homéomorphe à Rn .
2 "Cohomology of Sheaves", Birger Iversen (1986), théorème III.5.1.
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On utilisera aussi une suite exacte longue de Mayer-Vietoris 3 :
Proposition 1.3
Soit
F
un faisceau abélien sur un espace topologique localement compact
des parties fermées de
X,
X.
Si
A
et
B
sont
alors on a une suite exacte longue
· · · −→ Hcn (A∩B, F) −→ Hcn+1 (A∪B, F) −→ Hcn+1 (A, F)⊕Hcn+1 (B, F) −→ Hcn+1 (A∩B, F) −→ · · ·
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Démonstration du théorème 1.1.
Pour un entier n donné, un ouvert U d'un espace topologique localement compact est réputé
n-régulier si son bord ∂U = Ū \ U est de dimension cohomologique au plus n − 1. On dispose
alors du résultat suivant :
Lemme 2.1 Si
X
est un espace topologique localement compact dont tous les points ad-
mettent une base de voisinages
n-réguliers,
alors
X
est de dimension cohomologique au plus
n.
Démonstration. (Démonstration du lemme 2.1)
Soit F un faisceau abélien sur X . On suppose par l'absurde que l'on peut trouver un élément α de
Hcn+1 (X, F) qui n'est pas nul. On considère alors l'ensemble
S = {Z ⊆ X | Z est fermé dans X et ι∗Z α 6= 0}
où ιZ désigne l'immersion fermée Z −→ X . Comme X appartient à S , cet ensemble n'est pas vide.
On ordonne à présent S par l'inclusion. Si T est une partie totalement ordonnée de S , et si Z est
l'intersection des éléments de T , alors le morphisme naturel
lim
(ιZ 0 )∗ ι∗Z 0 F −→ (ιZ )∗ ι∗Z F
−→
Z 0 ∈T
est un isomorphisme, comme on le vérie aisément bre à bre. On déduit alors de la proposition
1.2 que la èche naturelle
lim Hcn+1 (Z 0 , F) = lim
Hcn+1 (X, (ιZ 0 )∗ ι∗Z 0 F) −→ Hcn+1 (X, (ιZ )∗ ι∗Z F) = Hcn+1 (Z, F)
−→
−→
Z 0 ∈T
Z 0 ∈T
est un isomorphisme. Comme l'image ι∗Z 0 α de α dans Hcn+1 (Z 0 , F) n'est nulle pour aucun Z 0 dans
T , on obtient que l'image ι∗Z α de α dans Hcn+1 (Z, F) n'est pas nulle, et donc que Z constitue une
borne inférieure de T dans S . L'ensemble ordonné S est donc inductif.
Par le lemme de Zorn, on peut se donner, et on se donne, un élément Z de S qui est minimal
pour l'inclusion. Comme le groupe de cohomologie Hcn+1 (Z, F) n'est pas nul, l'espace Z ne peut
pas être vide, ni être réduit à un point. Soit donc p et q des éléments distincts de Z . Comme X
est séparé, on peut se donner des voisinages ouverts disjoints U0 et V0 de p et q . Par hypothèse, on
peut trouver un voisinage ouvert n-régulier U de p qui est contenu dans U0 . On considère alors les
fermés
A = Z ∩ Ū et B = Z ∩ (X \ U )
La proposition 1.3 donne alors une suite exacte
Hcn (A ∩ B, F) −→ Hcn+1 (A ∪ B, F) −→ Hcn+1 (A, F) ⊕ Hcn+1 (B, F)
Le terme de gauche peut aussi s'écrire Hcn (∂U, ι∗ ι∗A∩B F) où ι est l'immersion fermée de A ∩ B =
Z ∩ ∂U dans ∂U . Comme U est n-régulier, le bord ∂U de U est de dimension cohomologique au
plus n − 1, de telle sorte que le groupe de cohomologie en question est nul. On obtient donc que le
morphisme
Hcn+1 (Z, F) = Hcn+1 (A ∪ B, F) −→ Hcn+1 (A, F) ⊕ Hcn+1 (B, F)
3 Op. cit., théorème III.1.8.
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est injectif. Mais p est un point de Z qui n'est pas dans B et q est un point de Z qui n'est pas dans
A, de telle sorte que A et B sont des fermés strictement contenus dans Z . Par minimalité de Z , on
doit donc avoir ι∗A α = 0 et ι∗B α = 0, ce qui contredit l'injectivité du morphisme ci-dessus, puisque
ι∗Z α n'est pas nul. Cette contradiction achève de démontrer l'égalité
Hcn+1 (X, F) = 0
qui traduit le fait que X est de dimension cohomologique au plus n.
L'intérêt du lemme 2.1 réside dans la nature purement locale de ses hypothèses, qui n'est
pas sans contraster avec la nature globale de la dénition de la dimension cohomologique.
On est maintenant prêt à démontrer le théorème 1.1 au moyen du lemme 2.1. On se donne
donc une variété topologique X de dimension n, et on procède par récurrence sur n :
. Si n = 0, alors X est un espace discret, et sa cohomologie s'annule eectivement en
tout degré strictement positif.
. Si n excède 1, et si le théorème a déjà été démontré en dimension n − 1, alors la sphère
de dimension n − 1 est de dimension cohomologique au plus n − 1, de telle sorte que les
boules ouvertes dans Rn sont n-régulières. Comme tout point de X admet un voisinage
ouvert homéomorphe à Rn , on obtient que X satisfait aux hypothèses du lemme 2.1.
Donc X est de dimension cohomologique au plus n, ce qui clôt la récurrence.
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