Épidémiologie
La prévalence des dysfonctions systolique et diastoli-
que a été évaluée dans une population (Comté d’Olmsted,
Minnesota) par Redfield [11]. Une dysfonction diastolique
modérée, définie selon la classification de la Mayo Clinic
(figure 2), est présente dans 1,8 % des cas dans la popula-
tion globale, sans différence significative entre les sexes.
Une dysfonction diastolique moyenne est décrite dans
6,6 % des cas et sévère dans 0,7 % des cas. À titre de
comparaison, une dysfonction systolique ventriculaire
gauche, définie par une fraction d’éjection ventriculaire
gauche < 50 %, est observée dans 6 % des cas ; lorsque la
valeur seuil de la fraction d’éjection ventriculaire gauche
est fixée à une valeur inférieure ou égale à 40 %, la
prévalence est alors de 2 %. Si l’on prend en considération
une population à risque, définie par un âge ≥65 ans et la
présence d’une hypertension artérielle ou d’une maladie
coronaire, la prévalence de la dysfonction diastolique
modérée est alors de 47,6 % ; elle est de 16,5 % pour les
dysfonctions diastoliques moyennes à sévères [11].
La prévalence de l’insuffisance cardiaque diastolique
varie dans les différentes séries entre 23 et 43 % du total
des insuffisances cardiaques [1-4, 12]. L’étude Framin-
gham [13] a isolé les facteurs suivants comme associés à
l’insuffisance cardiaque diastolique : âge, cardiopathie is-
chémique, diabète (risque multiplié par 2 à 4), hyperten-
sion artérielle (risque multiplié par 2 à 3), hypertrophie
ventriculaire gauche. Ces facteurs augmentent le risque
d’insuffisance cardiaque diastolique dans les deux sexes. Il
convient d’y adjoindre des facteurs favorisants des pous-
sées d’insuffisance cardiaque congestive, tels la fibrillation
auriculaire et l’ischémie myocardique. Des études récen-
tes de cohortes ont confirmé que l’insuffisance cardiaque
diastolique concerne essentiellement les sujets âgés [14].
Certaines cardiopathies sont à l’origine d’une anomalie
prépondérante du remplissage et/ou de la distensibilité
ventriculaire gauche et concernent des patients plus jeu-
nes : cardiomyopathie hypertrophique avec ou sans obs-
truction intraventriculaire gauche, cardiomyopathie infil-
trative, cardiomyopathie diabétique...
Problèmes diagnostiques
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque diastolique se-
rait porté par excès [15, 16]. En effet, les pathologies
associées à ce syndrome sont fréquemment à l’origine de
dyspnée, voire de poussée d’insuffisance cardiaque à pré-
dominance droite : broncho-pneumopathie chronique
obstructive, cœur pulmonaire chronique, syndrome d’ap-
nées du sommeil... Par ailleurs, la dyspnée décrite chez les
patients ayant des antécédents de cardiopathie ischémi-
que ou d’arythmie auriculaire, à fraction d’éjection ven-
triculaire gauche conservée, est souvent difficile à ratta-
cher à une cause précise ou unique. Les informations
apportées par l’échocardiographie Doppler (taille des ca-
vités droites comparées aux cavités gauches, pressions
pulmonaires, hypertrophie ventriculaire droite, dimen-
sions de la veine cave inférieure et des veines sus-
hépatiques...) sont précieuses pour reconnaître le retentis-
sement cardiaque de ces différentes pathologies. Les
dosages du BNP [5, 6], du NT-proBNP [7, 8] sont égale-
ment utiles pour différencier les dyspnées de cause
cardiaque (BNP > 300 pg/mL ou NT-proBNP > 350-
1 500 pg/mL) et de causes autres, même si l’existence de
zone de chevauchement pour les valeurs intermédiaires
rend leur différenciation difficile, en particulier dans le
contexte d’une insuffisance cardiaque diastolique. Il est
également impossible de déterminer le niveau de pression
de remplissage ventriculaire gauche à partir du dosage du
BNP, même si la corrélation entre ces paramètres est
satisfaisante [17, 18].
Pronostic et traitement
Le traitement des facteurs favorisants associés à l’insuf-
fisance cardiaque diastolique apparaît déterminant, en
particulier la correction d’une hypertension artérielle et
d’une fibrillation auriculaire [19]. Le traitement déplétif
n’est indiqué qu’en phase congestive, et doit être arrêté de
façon précoce, afin d’éviter la réduction délétère de la
précharge ventriculaire gauche, qui pourrait aboutir à un
désamorçage de la pompe ventriculaire gauche. Ainsi, les
classes de médicaments les mieux adaptées à l’insuffi-
sance cardiaque diastolique sont les bêtabloquants et les
antagonistes calciques, qui sont indiquées du fait de leur
action conjuguée sur la masse ventriculaire gauche et la
fréquence cardiaque. Le ralentissement de la fréquence
ventriculaire allonge la diastole et donc le remplissage du
ventricule gauche et améliore sa relaxation, indépendam-
ment de l’effet anti-ischémique. Les inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion (études prospectives en cours PEP-
CHF, Hong Kong...) seraient également efficaces pour
corriger une hypertension artérielle et un éventuel remo-
delage ventriculaire gauche secondaire à une hyperten-
sion artérielle et/ou à un antécédent d’infarctus du myo-
carde. Ils réduiraient la mortalité des patients en
insuffisance cardiaque diastolique, ce qui a été établi pour
les insuffisances cardiaques systoliques [20]. Plus récem-
ment, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II
ont été proposés, avec un effet neutre sur la mortalité
(étude CHARM-Preserved avec le candésartan), mais une
réduction significative des réhospitalisations pour insuffi-
sance cardiaque [21]. L’étude I-PRESERVE teste l’irbésar-
tan versus placebo chez des patients ayant une insuffi-
sance cardiaque diastolique, traités de façon optimale par
ailleurs avec évaluation de la morbimortalité. Le critère de
jugement principal est la mortalité totale ou hospitalisa-
mt cardio, vol. 1, n° 2, mars-avril 2005 101
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