Note danalyse
1 Prendre soin de lavenir
Saisir lopportunité de laccès aux données de santé
Novembre 2016
Le SNIIRAM : un outil riche mais sous-exploité
Créé en 1999 par la loi de financement de la Sécurité sociale puis mis en service en 2004, le SNIIRAM est un
outil de pilotage des dépenses de santé qui enregistre au sein dune seule et même base les données médico-
administratives issues des liquidations des bénéficiaires des régimes obligatoires dassurance maladie.
Sa mise en place répondait initialement à un double objectif :
Étendre la connaissance sur les dépenses dassurance maladie et de santé
Communiquer aux offreurs de soins des données pertinentes sur leur activité
Depuis 2010, les données du SNIIRAM et du Programme de médicalisation des systèmes dinformation (PMSI) ont
été rapprochées, favorisant une meilleure connaissance des consommations de soins hospitaliers et de ville.
Le SNIIRAM constitue une base sans équivalent en Europe au regard de :
Son périmètre : les données du SNIIRAM couvrent 98% de la population (assurés et ayants droits)
Son volume : il sagit du plus grand entrepôt de données médico-sociales du monde
Sa diversité : issu des remboursements réalisés par tous les régimes obligatoires dassurance mala-
die, le nombre de données contenues dans le SNIIRAM est conséquent : âge, sexe, lieu de résidence, pa-
thologie traitée, date du soin, médicament prescrit, durée et motif de l'hospitalisation
Laccès aux données est une opportunité majeure
à saisir pour les acteurs de la santé. Lexploitation
des données de santé ouvre en effet de nouvelles
perspectives en termes de recherche, de téléméde-
cine ou encore de médecine prédictive. Cependant,
en dépit de ces pistes prometteuses, louverture de
laccès aux données soulève de nombreuses ques-
tions quant aux usages réels à en tirer, à la sécurité
des bases de données, au recueil du consentement
des citoyens, aux sujets éthiques ou encore à la pertinence et fiabilité de leur traitement.
Plusieurs réflexions ont donc été amorcées pour identifier les défis et usages attendus de lanalyse des
données de santé. Une réflexion spécifique sur le big data en santé a notamment été lancée à linitiative du
Ministère de la santé et des affaires sociales ; celle-ci doit déboucher sur un « plan big data » en fin dannée 2016
formalisant les ambitions stratégiques et les actions à lancer pour rattraper le retard pris par la France dans ce do-
maine. Ainsi, une consultation publique lancée sur la plate-forme collaborative « Faire simple » davril à juin 2016 et
deux ateliers citoyens animés par le SGMAP en mai et juin ont permis de faire remonter lavis des citoyens sur les
bénéfices et risques acceptables dune ouverture de leurs données personnelles. Cet avis été présenté lors dun
colloque animé par le Ministère de la Santé et des Affaires sociales le 4 juillet 2016.
En parallèle, les freins à cette ouverture se lèvent progressivement au fur et à mesure de lévolution du cadre juri-
dique sur la protection des données. Ce changement sopère à léchelle européenne avec ladoption dun règle-
ment européen en avril 2016 qui définit pour la première fois la notion de données de santé et dispose de
recourir à un hébergeur agréé en cas dexternalisation du stockage. En France, cest dans le cadre de la loi du 26
janvier 2016 sur la modernisation de notre système de santé que cette évolution sinscrit. En effet, cette loi
prévoit notamment lincorporation du Système national dinformation inter-régimes de lassurance maladie
(SNIIRAM) dans le futur Système national des données de santé (SNDS). Le projet de décret sur ce futur système
est en cours délaboration avec en cible une mise en œuvre pour le second semestre 2017.
Base de données dune richesse inégalée, le SNIIRAM pourrait être une source de développement considé-
rable de lopen-data en santé mais demeure à ce jour largement sous-exploité. Cest le principal constat que tire la
Cour des comptes dans un rapport sur les données personnelles de santé gérées par lAssurance maladie
publié en mai 2016. Quen est-il ? Quelles sont les pistes dexploitation potentielles ?
SOMMAIRE
1. Le SNIIRAM : un outil riche mais sous-exploité
2. Une ouverture élargie source dopportunités
pour les acteurs
Note danalyse – Laccès aux données de santé
2 Prendre soin de lavenir
Le SNIIRAM reste toutefois une base médico-
administrative :
Aucune information médicale ou médico-sociale
ny figure, quil sagisse du type de pathologie ou
des données sur létat de santé, les soins non rem-
boursés, la part prise en charge par lassurance
complémentaire ou le profil socio-économique des
patients ;
Il sagit par ailleurs dune base lourde à mainte-
nir notamment dans ses processus de sécurité
(obsolescence de lalgorithme doccultation, ab-
sence de procédure de remplacement des clés de
cryptage…) ;
Elle est aussi complexe à exploiter.
Une exploitation insuffisante : architecture
complexe et contrôle trop restrictif
Les outils de structuration des données permettant dutili-
ser le SNIIRAM (comme la création de lEGB en 2005)
en ont facilité lutilisation en dehors du cadre de lassu-
rance maladie en définissant une offre standard dont
laccès est simplifié.
Néanmoins, le SNIIRAM dans son ensemble demeure
un système peu accessible en raison dune architecture
très complexe. Les efforts engagés de simplification du
système restent encore insuffisants au regard de cette
complexité.
Si le caractère sensible et personnel des données de
santé interdit en principe leur collecte et leur traitement,
un accès permanent ou ponctuel aux données du
SNIIRAM peut être accordé à certains acteurs pu-
blics ou privés :
Les accès permanents, qui sont définis par arrê-
té. En 2015, environ 25 organismes avaient obtenu
un tel accès (agences sanitaires, IDS, INSERM…).
Les accès ponctuels à des fins de recherche ou à
des fins dévaluation des pratiques de soins et de
prévention. Ils peuvent porter sur :
loffre standard : ils sont alors facilités puis-
quun simple avis de lIDS suffit ;
loffre non standard : ils demeurent alors res-
treints du fait dune procédure dautorisation
longue (en moyenne 18 mois) et complexe
impliquant plusieurs acteurs peu coordonnés
entre eux (CNIL, Comité consultatif sur le traite-
ment de l'information en matière de recherche
(CCTIRS), IDS, CNAMTS).
Bien que contraignant, ce cadre na pas découra
lutilisation des données et les demandes daccès au
SNIIRAM ont augmenté ces dernières années.
Ces demandes devraient continuer à croître dautant
plus que le Conseil dÉtat, dans un arrêt daté du 20
mai 2016, a déclaré illégal larrêté fondé sur une loi de
2013 qui interdisait l'accès aux données de santé aux
organismes de recherche à but lucratif.
Evolution du nombre de demandes approuvées
chaque année par lIDS
Une procédure dautorisation daccès ponctuel aux
données longue et complexe
Les données contenues dans le SNIIRAM
SNIIRAM
Référentiel patient
(données médicales,
assurés, etc.)
Hospitalisation/ PMSI
(dont 11 millions de
séjours hospitaliers
(MCO))
Soins de ville
- 1,2 milliard de feuilles
de soins
-500 millions d’actes
médicaux
Note danalyse – Laccès aux données de santé
3 Prendre soin de lavenir
13 grandes recommandations ont été émises par la Cour des comptes
Les données déjà ouvertes Depuis 2014, la mission Etalab publie chaque année
une cartographie des données publiques disponibles
dans le domaine de la santé.
En 2014, elle avait recensé 260 bases ou jeux de don-
nées ouverts au public. Un an plus tard, elle en comp-
tait 320 (parmi lesquelles le PMSI, lOpenDamir, FI-
NESS, etc.).
Louverture des données de santé est donc une réalité
encouragée par les acteurs publics.
Ainsi, lors dun hackathon sur les données de santé
organisé en janvier 2015, la CNAMTS a dévoilé
une première version agrégée de la base DAMIR
(extraction du SNIIRAM) utilisée pour le suivi des dé-
penses de santé en France. Demain, le patient sera
sûrement le grand gagnant de cette ouverture.
HOSPI DIAG
Proposée par l’ANAP
PMSI
Géré par l’ATIH
FINESS
Fichier national des
établissements sanitaires
et sociaux
AUTRES BASES
Base de données publiques sur
les médicaments, démographie
des praticiens de santé,
Transparence Santé, etc
OPEN MEDIC et
MEDIC AM
DAMIR
Base des données de
l’assurance maladie
proposée par la
CNAMTS
Cette décision ouvre la perspective dune ouverture
dun accès aux données pour les études par tous les
acteurs y compris industriels, offreurs et financeurs.
Les dernières recommandations de la Cour des
comptes vont par ailleurs dans le sens dun allègement
du contrôle a priori exercé notamment par la CNIL et de
linstauration dun contrôle a posteriori pour vérifier le
bon usage des données.
Ce changement devrait cependant saccompagner
dune sécurisation accrue du système et dune vigilance
de la CNIL pour contrer les risques de réidentification.
Une ouverture élargie source dopportunités pour les
acteurs
Note danalyse – Laccès aux données de santé
4 Prendre soin de lavenir
Autre exemple dexploitation de ces bases de données
publiques comme Medicam ou Open Medic, les études
réalisées sur la prescription de médicaments, quil
sagisse des ventes ou des répartitions des prescriptions.
Si ces initiatives montrent quil existe plusieurs pistes
possibles pour exploiter des données de santé, elles ne
permettent pas cependant davoir le même niveau de
précisions ou la même échelle que le SNIIRAM.
Les données à ouvrir qui favoriseraient de
nouvelles opportunités
Surveillance, évaluation ou encore parcours sécurisé :
les bénéfices de louverture des données sont multiples
pour le patient comme pour le système.
Une surveillance renforcée
Surveillance sanitaire
Lexploitation des données de santé pourrait permettre
didentifier des dérapages de consommation ou des
prescriptions hors AMM ainsi que des effets indési-
rables. Les données longitudinales collectées par le
SNIIRAM pourraient également permettre de faire des
études sur les interactions médicamenteuses et la per-
sistance de certaines pathologies.
Dans plusieurs pays scandinaves et anglo-saxons, lutili-
sation de lopen-data au service de la surveillance sani-
taire a atteint un stade avancé.
Ainsi, dans les pays scandinaves, des Population
data centers créent des connexions entre diffé-
rentes bases de données et sont largement acces-
sibles aux chercheurs pour favoriser la surveil-
lance sanitaire.
Au Royaume-Uni, le Clinical Practice Research
Datalink contient des données médicales anonymi-
sées recueillies lors des soins primaires. Près de
900 articles ont été publiés à partir de ces don-
nées. Le CPRD permet notamment une surveil-
lance post-commercialisation de plus en plus fré-
quente. Ainsi plusieurs études observationnelles
de cohorte ont pu être réalisées sur le risque dap-
parition de maladies auto-immunes ou de fausses
couches après linjection du vaccin Gardasil.
Surveillance épidémiologique
La surveillance épidémiologique pourrait être réalisée
à plus grande échelle. Ainsi, à Singapour, un outil pré-
dictif des épidémies de dengue a permis de mettre en
place les efforts préventifs nécessaires.
Une évaluation au cœur des politiques pu-
bliques
La loi n° 2004-806 daoût 2004 a attribué au SNIIRAM
la mission de participer à « la définition, la mise en
œuvre et lévaluation de politiques de santé
publique ». Une utilisation accrue de ses données
sinscrirait pleinement dans cet objectif en permettant
didentifier les inefficiences du système actuel et de
laméliorer en conséquence : meilleure maîtrise des
dépenses, visibilité accrue de lactivité et du coût des
professionnels de santé pour réduire les inégalités
territoriales, mise sur le marcde médicaments plus
adaptés, etc. Ces données sont aussi la condition
dévaluations plus objectives guidant les politiques
publiques.
Bien que les données agrégées du SNIIRAM puissent
permettre didentifier les types et les localisations sec-
torielles ou géographiques daberrations de prescrip-
tions et dactes médicaux, leur usage par les orga-
nismes, souligne la Cour des Comptes dans son rap-
port, demeure limité et hétérogène. Ce, alors que le
potentiel du SNIIRAM dans le cadre de la lutte contre
la fraude et la mauvaise prescription est immense.
La création de services à valeur ajoutée plus
ciblés pour les patients
Lexploitation de ces données favorise aussi la créa-
tion de nouveaux services, centrés sur le patient, sa
pathologie et ses conditions de vie. Le développe-
ment de services plus adaptés permet au patient
dêtre acteur de sa santé tout en bénéficiant dun sys-
tème plus efficient.
Laccès aux données de santé des patients, via lopen
data, constitue en effet un levier supplémentaire au
service de lévaluation objective des parcours et des
pratiques de soins et donc de leur optimisation.
Au travers de cette connaissance des parcours de
soins et de vie se jouent ainsi la qualité et lefficience
du système : sécurisation, réduction des errances
médicales, fléchage, etc.
Exemples détudes réalisées grâce aux données
en accès libre
Note danalyse – Laccès aux données de santé
5 Prendre soin de lavenir
Conclusion
Si le SNIIRAM est une base au potentiel inégalé, son
usage reste limité pour des raisons techniques et règle-
mentaires. Ce constat est emblématique dune réelle
difficulté pour la France à embrasser la révolution de
lopen-data. Et pourtant, les bénéfices sont multiples. Au
travers dune meilleure évaluation des politiques pu-
bliques et dune surveillance sanitaire renforcée, cest la
protection des citoyens qui est en jeu.
Lopen-data permet aussi la mise en place de services
daccompagnement ciblés et personnalisés pour les
patients.
Cest enfin une opportunité à saisir, le potentiel dem-
plois et dactivité lié à louverture des données étant im-
portant : R&D médicale, création de start-ups, lutte
contre la fraudeAutant de raisons pour la France
daccélérer le rythme en matière dopen-data.
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OpusLine est très impliqué sur la question de laccès et du traitement des données de santé, tant sur le plan
juridique que sur le plan technique, avec pour mission déclairer les décisions stratégiques ou les réalisations
opérationnelles, en sappuyant notamment sur une analyse approfondie et exigeante des données de santé
disponibles. OpusLine peut être présent au côté des acteurs de la santé pour les accompagner dans la révolu-
tion open-data et lexploitation des données.
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