Antimanuel de marketing

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Ouvrage conçu et coordonné par
Gilles MARION
Avec la collaboration de
Robert REVAT
Frank AZIMONT
Philippe PORTIER
François MAYAUX
Daniel MICHEL
Antimanuel
de marketing
Troisième édition
Nouvelle présentation
© Éditions d’Organisation, 1990, 1998, 2003
ISBN : 2-7081-2896-5
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CHAPITRE 1
Marketing :
objet,
démarche et
débats
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Cet antimanuel du marketing vise à fournir, en même
temps, un mode d’emploi du marketing et des repères
quant à ses précautions d’emploi. Un mode d’emploi
complet comporte, en effet, non seulement des indications d’usage, c’est-à-dire : « comment appliquer le
marketing ? », mais aussi des précautions d’usage, en
l’occurrence : « quelles sont ses ambiguïtés ? ». Le marketing est, certes, une discipline remarquablement
plastique susceptible d’adapter ses formalisations à des
situations et des époques variées. Toutefois, on ne peut
passer sous silence ce que savent la plupart des praticiens et ce que pressentent la plupart des néophytes :
le marketing n’est pas une construction résultant
déductivement d’une théorie scientifique, c’est une pratique théorisée qui tient son efficacité et sa légitimité
de ce pragmatisme même. Ce premier chapitre aborde
six thèmes principaux.
• Le but du marketing et la définition du marketing
concept : l’orientation client.
• La démarche du marketer et les concepts-clés du marketing.
• Le marketing et la diversité des organisations.
• La mondialisation des marchés.
• Les débats et controverses suscités par le marketing.
© Éditions d’Organisation
• La place du marketing dans l’organisation.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
But et définition du marketing
Le marketing, en tant que pratique théorisée, est constitué par un
ensemble d’instruments de gestion propre aux entreprises : la segmentation, les études de marché, les tests, la vente, la publicité,
etc. Tous ces outils ont un seul but : le pilotage de l’échange marchand
en situation concurrentielle. Pourquoi disons-nous pilotage ? Parce que
c’est probablement la moins mauvaise traduction de management,
dans l’expression marketing management. Pourquoi échange marchand ?
Parce que c’est, pour nous, l’objet focal du marketing. Parler
d’échange marchand, c’est souligner le fait que le marketer s’intéresse
à ce qui peut être vendu et acheté et non à n’importe quel échange.
On peut, en effet, échanger beaucoup de choses (des biens et des
services, mais aussi des politesses, des regards, des coups…). De
plus, le marché n’est que l’une des solutions par opposition au troc
ou au don, voire au partage. Enfin, parler de situation concurrentielle,
c’est mettre l’accent sur le secteur privé marchand (les entreprises),
voire le secteur public marchand (les entreprises nationalisées), et
non sur le secteur public non marchand (les administrations publiques), même si parfois ces organisations s’efforcent d’imiter les pratiques du secteur privé. Marché concurrentiel et entreprise privée
se présupposent réciproquement : pas de marché concurrentiel sans
entreprises et pas d’entreprises sans marché concurrentiel. Une telle
situation, l’économie de marché, est le fruit du libéralisme qui a
substitué les « lois » du marché aux commandements de l’ordre
féodal traditionnel et a permis l’extension du commerce.
Quant au secteur privé non marchand (les organisations à but non
lucratif), il relève d’une approche spécifique que nous présenterons
plus loin. Depuis longtemps, la résonance des techniques du marketing, notamment la vente et la publicité, encourage la tentation
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
d’en faire une catégorie universelle de l’action humaine. D’autant
plus que le marketing est capable, peut-être plus que d’autres disciplines, de faire son auto-promotion en appliquant ses propres
préceptes à lui-même. Ce n’est pas là notre ambition. La pratique
du marketing concerne d’abord la gestion de l’entreprise. Elle peut
avec prudence être mise en œuvre dans d’autres organisations mais
il faut, alors, adapter ses principes et ses instruments.
Définition du marketing concept : l’orientation
client
Le marketer a une conception particulière de la relation marchande.
Sa grille de lecture particulière, sa « manière de voir », consiste à
privilégier le point de vue de la demande, donc du client, pour
concevoir l’action commerciale au lieu de privilégier le point de
vue de l’offre, c’est-à-dire celui de l’entreprise. Ce retournement
constitue l’élément fondamental de la logique d’action du marketer :
Conformément à la logique économique libérale, c’est la rencontre
de ces deux intérêts égoïstes (celui du client et celui du fournisseur)
qui donne lieu à l’échange et met au jour la valeur de l’objet de
l’échange, c’est-à-dire du produit (un bien ou un service). Mais le
marketing concept souligne la singularité de la grille de lecture du
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© Éditions d’Organisation
• selon le marketing concept, l’entreprise est orientée par le
client, elle a pour objectif de répondre à la demande (aux
besoins, aux désirs) du client,
• cet objectif doit être commun à tous les membres de l’entreprise pour, notamment, se traduire par la conception et la
mise en marché d’une ou plusieurs offres susceptibles de
l’emporter sur la concurrence.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
marketer : il considère que l’échange doit être polarisé par le client,
c’est-à-dire par des demandes individuelles et non par l’offre d’un
monopole, la décision d’un centre planificateur, voire d’un dictateur.
C’est ce qu’on désigne par l’orientation client (customer orientation,
customer focus). Subordonner la réalisation des profits à la satisfaction
du client, soumettre la gestion de toute entreprise à l’observation
méthodique du marché, donc engager tous les autres services de
l’organisation vers ce but commun, n’est pas une idée nouvelle.
Mais, à partir des années 1960, la reprise systématique et enthousiaste de cette idée par les milieux d’affaires américains, puis internationaux, voilà la nouveauté.
© Éditions d’Organisation
Le système des relations offre/demande
Pour le marketer, l’environnement de l’entreprise est essentiellement
constitué, du côté de la demande, par des clients actuels et potentiels
et, du côté de l’offre, par des concurrents actuels et potentiels. L’un
des points-clés du marketing consiste alors à mobiliser des ressources
de telle sorte que le système concurrentiel soit modifié à l’avantage
de l’entreprise. La schématisation de l’encadré 1.1. présente le système des relations entre l’offre et la demande du point de vue du
marketer. Les vendeurs, qui constituent l’offre d’un secteur d’activité
sont en relation avec les acheteurs, qui constituent la demande, au
moyen de quatre processus. Les vendeurs fournissent des biens et/
ou des services aux acheteurs en échange d’argent, le plus souvent
au moyen d’intermédiaires : les détaillants, les distributeurs, les
entreprises de commerce… Ces vendeurs communiquent sur leurs
produits par divers moyens (marque, publicité, emballage, action
commerciale…), tandis que les acheteurs émettent des signaux qui
constituent pour les vendeurs autant d’informations (achats, connaissance de la marque, opinions sur les produits…).
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Encadré 1.1. Schématisation du système offre/demande pour le marketer
Information
Biens/Services
Un ensemble
de vendeurs
Un ensemble
d’acheteurs
Argent
Communication
et action
commerciale
• rassembler et interpréter de l’information afin de comprendre la structure et l’évolution de la demande (l’étude du
marché),
• construire une représentation pertinente des clients actuels
et potentiels (la segmentation du marché) et de la concurrence
(l’analyse concurrentielle),
• développer une ou plusieurs offres adéquates et rentables
(biens et/ou service), concevoir et mettre en œuvre une
action commerciale pour accéder au marché, communiquer
avec les clients et l’emporter sur la concurrence.
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© Éditions d’Organisation
Cette schématisation du système offre/demande permet de mettre
en évidence les éléments essentiels de la « boîte à outils » du marketer.
Celui-ci utilise un ensemble d’instruments pour :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Quelle traduction en langue française ?
© Éditions d’Organisation
Le choix d’un terme en langue française pour traduire marketing
soulève d’emblée la question de sa définition. Or, une définition
précise et stable de cette notion, au sein même de sa langue d’origine,
l’anglo-américain, demeure introuvable. Elle varie selon les époques,
les auteurs et les associations professionnelles. Une rapide analyse
de contenu permet de voir que le mot marketing désigne : des
méthodes, des techniques, des processus, des pratiques, une ou des
théories, une « science » sociale, une fonction au sein des organisations, un art, un état d’esprit, voire une « philosophie » à l’intention de l’entreprise et même de l’ensemble des acteurs sociaux.
Pour tenter de résoudre cette difficulté, le dictionnaire français propose de définir le marketing comme un ensemble de techniques
et de méthodes et de traduire ce terme par commercialisation. Il
propose aussi deux autres vocables afin probablement de distinguer
la théorie et la pratique : mercatique pour désigner l’étude théorique
et générale de la commercialisation, et marchéage pour désigner ses
techniques d’application pratique. Mais ces termes n’ont pas été
adoptés par les praticiens.
Résumons. Au sein de l’entreprise, le marketing a plusieurs visages.
C’est d’abord une logique d’action. Une logique pour, d’un côté,
penser le marché et agir sur ses acteurs, de l’autre, penser l’organisation et agir sur ses membres. C’est aussi un ensemble de techniques pour construire et gérer de l’information, concevoir des offres
sous forme de biens et de services, et bâtir des modes d’accès à la
demande. Quant au marketing management, c’est une doctrine normative qui vise à prescrire les décisions stratégiques et opérationnelles qui incombent au marketer.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Le marketing management a été lentement formalisé au cours de la
première moitié du XXe siècle. Toutefois, l’essor de sa diffusion aux
États-Unis comme en Europe date véritablement des années 1960
(Marion, 1995). Sa définition du marketing est alors : une démarche
de recherche des besoins du consommateurs et acheteurs afin de définir l’offre
de l’entreprise en termes de produit, de distribution et de prix en fonction
de ces besoins, puis de faire connaître et apprécier cette offre à travers des
actions de communication. Une telle définition met l’accent sur la
facette déductive et adaptative du marketing : les besoins apparaissent comme des « données » et l’entreprise doit les identifier pour
les satisfaire. Mais, cette acception du marketing pose au moins
deux problèmes fondamentaux. La démarche proposée est d’abord
déductive : il faudrait partir des besoins pour aller aux produits.
Or, nous verrons 1) que la relation besoin/produit est en fait interactive, 2) que la notion de besoin est particulièrement floue (cf.
chap. 2). La démarche proposée est aussi adaptative : il suffirait,
pour réussir, de lire les signaux de la demande afin de répondre
par une offre que l’on fera connaître et apprécier. Or, 1) à nouveau
il faut souligner que la relation entre demande et offre est interactive.
La demande est en permanence transformée par le jeu concurrentiel,
dès lors les signaux de la demande sont aussi les réactions des
clients aux diverses offres qui elles-mêmes résultent des réactions
des clients, etc., 2) les entreprises ne se contentent pas de faire
connaître ou faire « apprécier » leur offre, elles influencent dans le
sens de leurs objectifs les conditions mêmes de l’échange.
La doctrine traditionnelle présente toujours l’orientation client
comme capable de conduire, presque magiquement, à un double
résultat positif : la satisfaction du client et la performance de l’entreprise. Mais c’est oublier que l’orientation client peut conduire le
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© Éditions d’Organisation
La doctrine du marketing management traditionnel
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© Éditions d’Organisation
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
vendeur à ne voir le monde qu’au travers des yeux des clients
actuels et à vivre dans la « tyrannie des marchés servis » (Hamel
et Prahalad, 1991). En cas de changement brutal du contexte,
l’extrême adaptation à l’environnement peut être préjudiciable. C’est
pourquoi la doctrine du marketing traditionnel se transforme graduellement. Ses auteurs phares reconnaissent désormais (Kumar,
Sheer, Kotler, 2000) que l’introduction des discontinuités que sont
les innovations consiste à inventer, en même temps, de nouveaux
objets et de nouveaux clients, la solution et le problème, et non à
s’adapter dans le court terme à une demande manifeste. Pour prendre
un exemple, ancien mais bien étudié, lorsque George Eastman
invente l’appareil Kodak permettant à chacun de prendre une photographie, il invente en même temps un groupe social : celui des
photographes amateurs. L’appareil et ses utilisateurs sont inventés,
construits et définis en même temps. Dès lors « satisfaire le client »
signifie aussi bien « réagir aux exigences manifestes d’un cahier des charges
construit par un client compétent » que « anticiper les “besoins latents”
d’un consommateur moyen ». Le marketing consiste tout autant à servir
le marché en s’adaptant à la demande d’un client-roi (to be market
driven) qu’à façonner et conduire le marché (to drive market) en mettant en évidence un problème inaperçu jusqu’alors et à avancer une
solution. L’innovation invente, déplace une valeur. C’est là une
évidence que rappellent toutes les innovations radicales : le Walkman de Sony aussi bien que le Post-it de 3M ; mais c’est aussi vrai
d’innovations plus incrémentales : un baume pour cheveux qui
devient un « vitaliseur » ou un fromage frais qui devient « de l’énergie pour les petits malins ». Il est probable que les entreprises les
plus performantes sont celles qui sont capables d’équilibrer ces deux
processus (market driven et market driving) en fonction du contexte,
voire d’opérer simultanément selon ces deux modes.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Le mythe du « client-roi »
Une entreprise qui décide de fournir une offre unique et peu différenciée à un très grand nombre de clients fera un usage exemplaire
du concept de marketing si, par là même, elle est capable de tenir
une position concurrentielle. La notion de « client-roi » est donc
un moyen commode pour passer des clients réels, en chair et en
os, au « client » représentatif de la multiplicité des individus, et
repérable comme une sorte de « moyenne » des clients réels. Ce
« client » est « roi » dans la mesure où il est construit comme
celui qui va orienter l’activité économique en manifestant ses désirs,
c’est-à-dire en fournissant des signaux d’acceptation ou de refus. Il
est ainsi postulé que le « client » a des « besoins » et que le but
de la production consiste à les identifier afin de les satisfaire. Le
« client-roi » est donc une fiction, mais c’est une fiction efficace
et convaincante car :
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© Éditions d’Organisation
La notion de « client-roi » mérite quelques éclaircissements. Prenons
un exemple : a-t-on le sentiment d’être un roi dans un hypermarché ?
Sans doute non, mais l’addition y est moins lourde qu’ailleurs et,
jusqu’ici, cela justifie largement le déplacement pour une clientèle
très large. Le marketing concept prescrit que l’entreprise atteint ses
propres objectifs au moyen de la satisfaction du client, mais il ne
s’agit pas pour elle de s’adapter à toutes les demandes. Certaines
ne sont pas solvables ou constituent des particularismes non rentables, d’autres ne coïncident pas avec les ressources et compétences
de l’entreprise ou avec ses priorités, certains produits sont concevables mais techniquement non réalisables. De nombreuses contraintes (techniques, financières, culturelles, sociales, légales…)
limitent donc, de fait, une conception naïve du marketing qui
laisserait à penser que l’entreprise vise toujours à satisfaire chaque
client considéré isolément.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• elle permet l’application des méthodes statistiques fondées
sur la loi des grands nombres,
• elle fournit le fondement d’une interprétation parcimonieuse et pédagogique de la mission de l’entreprise,
• elle permet de légitimer une organisation vis-à-vis de son
environnement et donc de ses membres.
En près d’un siècle les marketers ont su construire une discipline,
à mi-chemin entre les sciences sociales et la pratique entrepreneuriale, dont l’ambition est d’organiser une sorte de « dialogue » entre
production et consommation, où le marketer s’efforce de prendre en
main la relation marchande. Ce faisant il peut : « suivre » le marché
(la tactique des marques de distributeurs est un cas typique),
« façonner » le marché, c’est-à-dire influencer sa structure même
(Microsoft est un cas typique), « interagir » avec le marché (la tactique des marques de la mode vestimentaire est un cas typique),
voire « s’isoler » du marché (les secteurs en stagnation ou les entreprises en redressement constituent des cas typiques). On passe, ainsi,
de la métaphore de la main invisible (Adam Smith) à celle de la
main visible des marketers (Chandler, 1977).
© Éditions d’Organisation
Les confusions habituelles : vente, publicité,
et études de marché
Le marketing est parfois réduit à l’une de ses manifestations : la
vente ou la publicité et les études de marché. Ces réductions permettent de critiquer à bon compte les marketers soit pour pointer
leur excès de pouvoir, soit pour en montrer les limites. Mais, bien
que ces confusions renvoient à des interrogations légitimes, elle
demeurent souvent de courte vue.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
La publicité est, pour l’entreprise, une forme particulière de vente
qui substitue au vendeur en chair et en os un dispositif de diffusion
de messages informatifs et persuasifs au travers des médias disposant
de larges audiences. C’est la forme la plus visible du marketing
dans le champ des produits de grande consommation. C’est pourquoi
les observateurs extérieurs à cette pratique, qu’ils soient critiques
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© Éditions d’Organisation
La vente est une notion différente du marketing. L’objectif du vendeur
est de « faire du chiffre d’affaires » en cherchant à recruter des
clients pour une offre déjà constituée. Ce n’est donc là qu’un moment
dans la mise en œuvre d’une stratégie marketing. Il demeure que
c’est un moment indispensable et il est excessif de déclarer que
« le but du marketing est de rendre la vente superflue ». La logique de
la vente n’est ni inférieure ni supérieure à la logique marketing,
elle signifie simplement que le vendeur n’entend pas négocier sur
d’autres dimensions de son offre que celles habituellement constituées par ses conditions de vente. On comprend alors que des conflits
puissent apparaître entre les porteurs de la logique de la vente et
celle du marketing. D’une part, le vendeur considère comme légitime la poursuite d’objectifs à court terme car « il faut bien remplir
le carnet de commandes ». D’autre part, le marketer s’efforce de préserver
la position concurrentielle à plus long terme car « il faut bien préserver
la qualité de l’image et le niveau des profits ». Pour dépasser ces oppositions, le marketer s’efforce d’articuler les contraintes et les informations quotidiennes avec les tendances et les ambitions sur plus
longue période. Bien souvent c’est le vendeur qui, le premier, repère
chez ses clients les signaux faibles témoignant de l’insuffisance d’une
stratégie. C’est là une information précieuse mais qui nécessite une
interprétation. L’évolution à court terme du chiffre d’affaires n’est
qu’un indicateur parmi d’autres des tendances à venir. La prise en
compte des exigences immédiates des clients n’est donc, pour le
marketer, que l’une des contraintes à analyser.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
ou non, perçoivent de manière fragmentaire la logique qui soustend les choix en matière de dépenses et de contenu de la
communication vers le marché. Si bien que, même au sein de l’entreprise, certains considèrent qu’on ne fait du marketing qu’à condition
de réaliser des campagnes publicitaires. Réciproquement, toute organisation (association, service public, collectivité territoriale, établissement public, institution religieuse, parti politique), qui emprunte
la voie des grands médias est soupçonnée de faire du marketing.
Ces naïvetés, qui entretiennent la confusion entre publicité et marketing, conduisent à occulter les problèmes concrets que pose, au
sein des organisations, la double ambition du marketer : intervenir
au niveau opérationnel et au niveau stratégique. En s’efforçant de
repérer et comprendre les attentes du client, le marketer met souvent
en évidence la nécessité d’adapter non seulement les modes d’accès
au marché (une nouvelle technique de vente, le choix d’un média
publicitaire…), mais aussi des éléments plus déterminants de la
qualité et de la nature de l’offre : la configuration du produit (biens
et/ou services), et les processus internes qui sous-tendent sa
compétitivité. Dès lors, ceci le conduit à proposer des changements
qui touchent, à divers degrés, à la mission et au métier de l’entreprise, à son organisation, et à l’attitude de l’ensemble de ses membres. Certains ajustements retentissent peu sur l’ensemble de
l’organisation (un changement marginal sur un emballage par exemple), mais d’autres impliquent des éléments qui tiennent à l’identité
même de l’organisation (une nouvelle ligne de produits à l’intention
d’un nouveau segment de marché par exemple).
Les études de marché sont assez souvent d’une certaine utilité mais,
en pratique comme en théorie, elles ne constituent pas un passage
obligé de la démarche marketing. Heureusement pour les entrepreneurs, l’intuition est aussi une manière de construire une offre
et une action commerciale. Quelques succès célèbres comme le
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
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Post-it, le Walkman de Sony ou la Swatch montrent que la réussite
n’est pas forcément le résultat d’une étude préalable du marché.
Certains considèrent même avec beaucoup de suspicion les études
fondées sur les réactions de clients potentiels (Ries et Trout, 1989).
D’abord parce que de nombreux clients manquent de compétence
pour évaluer voire comprendre ce dont on leur parle. Ensuite,
parce les études commerciales sont le plus souvent consacrées à
l’examen du passé (ce que les consommateurs font ou ont fait) et
non au futur (ce que les consommateurs vont faire). On doit toujours
examiner les résultats d’une étude de marché en se souvenant que
l’art du marketing concerne le futur et qu’il s’agit parfois de créer
le futur. On objectera que certaines études prospectives visent à
mettre au jour des tendances. Certes, mais les « vendeurs de
tendances » vendent d’abord des études ou des articles pour les
médias. Chaque usager de ces études constatera que, selon elles,
le monde change aussi vite que les vagues de l’océan. Or, ce que
cherche le marketer c’est une lecture des grands courants de moyen
ou long terme et non les engouements éphémères. D’une part,
donc, on peut faire du marketing sans faire des études systématiques
auprès du client et, d’autre part, le marketing va toujours au-delà
d’une séquence d’études commerciales qui visent à structurer la
demande ou à tester telle ou telle hypothèse d’offre. Le marketing
consiste plus largement à comprendre un marché pour choisir une
cible, positionner un produit, le distribuer, le vendre et communiquer sur lui.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
La démarche du marketer
et ses concepts-clés
La mise en œuvre des instruments du marketer renvoie, traditionnellement, à deux rôles complémentaires dans l’entreprise : le marketing opérationnel et le marketing stratégique (encadré 1.2.).
© Éditions d’Organisation
Encadré 1.2. L’articulation des concepts-clés du marketing
Marketing stratégique
Segmentation
Ciblage
Positionnement
Marketing opérationnel
Marketing mix
Action commerciale
Le champ concurrentiel
Analyse des forces concurrentielles
Le marketing opérationnel désigne les actions commerciales qui s’efforcent de réaliser un chiffre d’affaires en s’appuyant sur des moyens
tactiques. Ces moyens relèvent de choix concernant partiellement
le produit et, principalement, le prix, la distribution et la communication (les éléments du marketing mix). Il s’agit de vendre le plus
possible en utilisant au mieux ces moyens tactiques, c’est-à-dire les
moyens dont le rapport coût-efficacité est le plus favorable à court
terme. La qualité du marketing opérationnel est un facteur décisif
de la performance de l’entreprise. Aussi excellent soit-il, un bien
ou un service doit avoir un prix acceptable et accepté, et être disponible dans les lieux de ventes appropriés. Cette présence suppose,
le plus souvent, une équipe de vente performante et le soutien d’une
communication publicitaire afin de le faire connaître et de le valoriser
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
aux yeux de ses acheteurs potentiels. Les questions-clés du marketing
opérationnel s’énoncent donc en termes d’action commerciale (vente,
promotion des produits, animation des points de vente, stimulation
des achats…), d’approvisionnement et de logistique (prévisions de
vente, gestion des stocks, disponibilité des produits…). Mais il ne
saurait y avoir de mise en œuvre opérationnelle efficace sans des
choix stratégiques solides.
Ce découpage traditionnel pourrait laisser penser que le marketer a
pour unique préoccupation le client, et que la prise en compte de
la concurrence n’est qu’un épisode secondaire de sa démarche. En
fait, le champ concurrentiel détermine largement ses marges de manœuvre, c’est pourquoi l’analyse concurrentielle constitue le cadre permanent et incontournable de sa démarche.
Le noyau dur de cette démarche est la notion de positionnement et,
plus spécifiquement, la position voulue par l’entreprise dans l’esprit
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© Éditions d’Organisation
Le marketing stratégique désigne la démarche qui, à partir de l’analyse
du marché, permet, 1) d’identifier différents segments actuels ou
potentiels de la demande et de repérer les positions des concurrents,
2) de choisir le ou les segments-cibles et de sélectionner la ou les
différence(s) qui singularisera l’offre pour, 3) définir un positionnement. Cette séquence (segmentation, ciblage, positionnement), vise à mettre
au jour la ou les meilleures opportunités à moyen terme. Que le
produit soit « aspiré par le marché » (market pull) ou « poussé par la
technologie » (technology push), le rôle du marketer est d’évaluer le
mieux possible les conditions de sa viabilité commerciale, son potentiel de croissance, et de fournir les éléments d’analyse de sa rentabilité
financière. Ainsi, le marketing stratégique construit des éléments
essentiels pour déterminer les caractéristiques de l’offre en adéquation
avec des segments cibles, constituer le portefeuille de produits, et
contribuer à l’orientation de la stratégie générale de l’entreprise.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
du client vis-à-vis de la concurrence. En effet, la situation contemporaine de la consommation se caractérise par la multitude des messages, des marques, et des produits proposée au consommateur. Par
conséquent, une position claire et distinctive est indispensable pour
émerger du « concert » publicitaire (Ries et Trout, 1981). On trouvera
dans l’encadré 1.3. une schématisation de la démarche stratégique
générale du marketer qui le conduit des premières étapes (segmentation
et analyse concurrentielle) à l’énoncé d’une position voulue dans
l’espoir d’obtenir une position perçue favorable. Nous verrons que
la notion de positionnement condense l’ensemble des questions stratégiques-clés : quoi ? (c’est-à-dire que veut-on proposer au marché ?),
qui ? (à qui veut-on s’adresser ?), pourquoi ? (pour quel(s) motif(s)
notre offre sera-t-elle préférée à celle des concurrents ?).
Encadré 1.3. La démarche stratégique du marketer
Analyse
concurrentielle
Segmentation
Ressources et compétences
Choix d’une
cible
Choix d’une
différence
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Position voulue
Mise en œuvre
du positionnement.
Marketing mix
Position perçue
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
La segmentation du marché
La première étape de la démarche consiste en une étude systématique
du marché et de son environnement au moyen des techniques d’étude
et de recherche commerciale, voire d’un système d’information marketing. L’environnement est constitué par les nombreux facteurs
(économique, social, culturel, technologique, réglementaire, juridique…) qui s’imposent à l’entreprise et évoluent constamment. C’est
pourquoi le marketer doit observer en permanence ces facteurs, puisque ce sont eux qui déterminent la dynamique de ses marchés.
Traditionnellement un marché est le lieu concret (en anglais la
« market place ») où acheteurs et vendeurs se rencontrent pour effectuer des échanges : la place du marché, le supermarché ou l’hypermarché, le marché aux puces, etc. Mais le marketer utilise le plus
souvent le mot marché pour désigner l’ensemble des clients, actuels
et potentiels, d’un secteur donné. Pour désigner l’ensemble des
clients actuels et potentiels d’un véhicule automobile, d’un vêtement
ou d’un hôtel…, il parle alors du marché de l’automobile, du marché
des vêtements ou du marché de l’hôtellerie. Ce faisant, il prend
aussi le point de vue de l’offre et désigne, tout autant, lui-même
et l’ensemble des concurrents qu’il doit affronter : tous les constructeurs automobiles, tous les fabricants de vêtements ou toutes
les enseignes d’hôtellerie. De manière plus lâche, le marketer utilise
aussi le terme marché pour désigner une certaine manière de regrouper les consommateurs : en termes d’âge, de sexe, de revenu (le
marché du troisième âge, des enfants, des femmes, des hauts revenus…), en termes géographiques (le marché parisien, européen,
asiatique…), en termes de pratiques de consommation (le marché
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Qu’est-ce qu’un marché ?
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
du sport, des vacances, de la forme, du bricolage…), etc. De plus,
au-delà de la consommation des ménages, d’autres échanges relèvent
d’un marché et sont donc susceptibles d’une approche marketing :
le marché de l’emploi ou du travail, le marché financier, le marché
des matières premières, etc. L’entreprise est, en effet, soumise à de
multiples pressions non seulement consuméristes, mais aussi syndicales, sociales, politiques… Toutefois, le marketer et ses outils
privilégient d’abord les pressions qui résultent des clients. Ce n’est
que par extension, parfois discutable, que ces outils sont mobilisés
dans le champ social ou politique.
Le processus de segmentation
© Éditions d’Organisation
Le processus de segmentation est l’un des noyaux durs de la logique
marketing. L’hypothèse de ce processus, désormais banale, c’est que
chaque client est singulier. Par conséquent, la segmentation consiste
à repérer des groupes de clients homogènes du point de vue de
l’entreprise. Le marketer cherche à découper l’ensemble des clients
potentiels en groupes plus réduits de telle sorte que les individus
d’un même groupe aient des caractéristiques sinon identiques du
moins très proches. Il présuppose donc :
• que le marché est hétérogène, c’est-à-dire que les clients
potentiels et les offres en présence ne sont pas largement
substituables,
• qu’il est possible et rentable pour l’entreprise de répondre
à la demande spécifique de segments d’une taille et d’une
stabilité suffisantes,
• que l’entreprise dispose des moyens lui permettant d’accéder à cette cible en construisant des actions commerciales
et de communication spécifiques.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Quel est l’intérêt d’une telle opération ? A priori, vendre un produit
largement standardisé à un vaste ensemble de clients le plus homogène possible semble plus profitable. On sait que Henry Ford a
vendu plus de 15 millions de Fords T entre 1908 et 1927, avec
un seul modèle proposé uniquement en couleur noire. On sait aussi
que de 1886 à 1936, Coca-Cola a vendu un seul produit au prix
unique de 5 cents (Tedlow, 1990). Ces deux entreprises ont mis
en œuvre une stratégie de masse permettant de fixer des prix bas
grâce aux économies d’échelle. Un choix stratégique cohérent avec
l’état de leur marché à l’époque. En revanche, la fragmentation de
la plupart des marchés contemporains encourage les stratégies de
segmentation pour :
Cette découpe du marché peut être plus ou moins fine. À la limite,
dès qu’il existe au moins deux clients potentiels sur un marché il
devient possible de le segmenter. La micro-segmentation consiste à
isoler des clients individuels pour construire des offres sur mesure
à leur intention. C’est une pratique fréquente en milieu industriel
à cause du faible effectif de la population des clients. C’est aussi
une tendance au sein de la grande consommation au moyen de la
personnalisation des offres (customization). La macro-segmentation
consiste à repérer un segment cible plus ample afin de proposer
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© Éditions d’Organisation
• mieux connaître les clients auxquels on veut s’adresser,
• suggérer des adaptations spécifiques de l’offre à la cible
visée (caractéristiques du produit, services associés, prix),
voire lui proposer de nouveaux produits,
• orienter l’action commerciale (choix de l’accès au marché,
des lieux de vente, des audiences de la publicité),
• distinguer dans le portefeuille de produits ceux qui seront
privilégiés et recevront une attention et des ressources particulières.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
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une offre prédéterminée à un client typique. De tels choix font
varier les coûts de l’entreprise : stocks plus ou moins lourds, séries
plus ou moins longues, production et commercialisation plus ou
moins complexes. C’est pourquoi certains considèrent l’hyper segmentation comme un excès, dans la mesure où elle entraîne la prolifération de produits dotés de variantes mineures. Certaines
entreprises s’engagent alors dans une stratégie de simplification de
leur gamme de produits au moyen de la contre-segmentation. Cette
manœuvre consiste à négliger certaines différences entre divers segments pour proposer une offre dépouillée des adaptations antérieures.
C’est une sorte de retour vers plus de standardisation : des produits
moins adaptés à des segments spécifiques permettent, en effet, de
réduire les coûts de production et de commercialisation. Ce gain
peut être répercuté en partie au niveau des clients par une baisse
des prix de vente. C’est sur ce raisonnement qu’est fondée la stratégie
des « hard discounters » en Europe (Aldi, Lidl) : proposer au client
un peu moins que ce qu’il avait l’habitude d’accepter en échange
de prix plus bas. C’est aussi ce qui a sous-tendu l’apparition de
nombreux produits dits « 2 en 1 ».
Comment découper le marché ? De multiples critères permettent
d’effectuer cette opération. L’adoption de l’orientation client conduit
d’emblée à segmenter le marché du point de vue de la demande
mais, en pratique, trois familles de critères sont repérables : ceux
qui permettent la structuration des offres, ceux qui permettent la
structuration de la demande, et ceux qui permettent la structuration
de la perception des offres par les clients, c’est-à-dire ceux qui
concernent les relations entre l’offre et la demande (encadré 1.4.).
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DE MARKETING
Encadré 1.4. Les sources principales de critères de segmentation
• intrinsèques
• prix
Caractéristiques
des clients
•
•
•
•
Caractéristiques
des relations
sociodémographiques • bénéfices rechergéographiques
chés
mode de vie
• préférences pour
style de vie
un type de points
de vente, une catégorie, une marque
• comportements
passés
• Les caractéristiques intrinsèques des offres (taille, volume,
composition, matière, encombrement, résistance, puissance,
etc.), et le niveau relatif de leur prix (bas de gamme, milieu
de gamme, haut de gamme, par exemple), constituent une
première source. C’est la réponse à la question : quelles
sont les caractéristiques intrinsèques d’une offre qui font
que celle-ci est différente des autres ?
• Les caractéristiques qui visent à décrire les clients (individus,
ménages, organisations…), constituent une seconde source.
Les individus ou ménages sont repérables en fonction de
critères sociodémographiques (âge, sexe, profession,
revenu…), de localisation géographique (habitat, région,
pays…), de mode de vie (équipements, loisirs, activités…)
et de styles de vie, appelé parfois « psychographiques »,
(opinions, intérêts, attitudes). Lorsque les clients sont des
organisations on peut repérer leur localisation géographique, leur secteur d’activité, leur taille, leur appartenance
à un groupe multinational… C’est la réponse à la question :
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Caractéristiques
des offres
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
quelles sont les caractéristiques qui permettent de distinguer les acteurs de la demande ?
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Les critères de segmentation les plus pertinents sont ceux qui saisissent la relation des clients et des produits : la segmentation par
bénéfice recherché (benefit segmentation) et la segmentation comportementale.
• La segmentation par bénéfice recherché (ou segmentation par
avantage) consiste à mettre en évidence les diverses valorisations suscitées par une offre. Par exemple, un produit
alimentaire peut être valorisé pour son goût, son caractère
diététique ou énergétique, la praticité de son emballage,
son faible coût, etc. Autant de bénéfices pour le client.
De même, un lubrifiant industriel peut être valorisé pour
sa polyvalence, la constance de ses caractéristiques, sa conformité aux normes ou les services qui lui sont associés,
etc. Les études commerciales vont donc s’attacher à mettre
en évidence les caractéristiques sociodémographiques et le
comportement vis-à-vis des médias des groupes typiques
valorisant de manière identique un même produit, c’està-dire recherchant le même bénéfice ou avantage. L’entreprise pourra ainsi concevoir une stratégie marketing, et
notamment une campagne publicitaire, adaptée à ce groupe.
• La segmentation comportementale est une démarche voisine
qui s’attache à l’histoire des relations des clients avec le
produit. Deux voies principales sont alors possibles : la
mise en évidence des préférences pour un type de points de
vente, une catégorie de produits ou une marque ; et l’analyse
des comportements passés au moyen du repérage de la fréquence
d’achat ou de consommation, et des quantités achetées
(petit, moyen, gros consommateurs).
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
La segmentation est donc une manière de représenter la demande.
C’est pourquoi la combinaison de multiples critères permet de voir
et d’interpréter le marché de différentes façons, il y a donc plusieurs
lectures possibles de la demande. Dans l’idéal du marketer, la
meilleure est celle qui permet de prédire les comportements d’achat,
de mesurer la taille des segments, et de concevoir une stratégie
permettant d’y promouvoir son offre. Mais, bien souvent, il ne
dispose pas de l’information nécessaire à la construction de variables
prédictives des relations. Pour repérer ses cibles, il est donc contraint
de se retourner vers les deux premières familles de critères : celles
qui permettent de décrire les offres et les clients.
Un segment n’est pas une « réalité ». C’est une construction du
marketer qui définit ainsi un espace économique fermé (un cadre
de référence) qu’il considère temporairement comme stable et indépendant afin de simplifier son analyse. Il isole un îlot de cohérence
au sein de la fragmentation chaotique du marché pour pouvoir
raisonner en négligeant la porosité avec les segments adjacents.
Mais, ce découpage sur le papier ne doit pas faire oublier que la
« clôture » des segments est une simplification. Les frontières qui
séparent les segments sont non seulement poreuses mais aussi provisoires. À tout moment la dynamique générale de l’offre et de la
demande peut les déplacer. Du côté de l’offre, de nouvelles technologies et de nouveaux concurrents peuvent bouleverser le paysage.
Par exemple, on constate une atténuation grandissante de la frontière
entre informatique et télécommunications, aliments et médicaments
(avec l’émergence des « alicaments ») ou entre banque et assurance.
De même, du côté de la demande, la gestion du budget des ménages
est de moins en moins cloisonnée. Les choix fondés sur la recherche
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Limites et ambiguïtés de la segmentation
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
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de plaisir (un bijou fantaisie est en concurrence avec une paire
d’escarpins), l’imitation de pratiques exotiques (le restaurant scolaire
découvre la concurrence de McDonald’s) ou la pratique des cadeaux
(un voyage de noces est en concurrence avec un diamant), inscrivent
dans un même espace concurrentiel des biens et des services appartenant à des segments et des secteurs que l’on considérait traditionnellement comme étanches les uns par rapport aux autres. D’où
l’idée que la segmentation serait un concept dépassé. Plusieurs voies
se dessinent pour faire face à cette question :
• une segmentation de plus en plus fine favorisée, d’une part,
par la flexibilité des système de production et, d’autre part,
le couplage de cette flexibilité avec une approche individualisée des clients. C’est la tendance à la micro-segmentation,
voire à l’hyper segmentation, et au sur mesure de masse (mass
customization) par la personnalisation des offres (customization).
Dell Computer, fournisseur de micro-ordinateurs, est la
figure emblématique d’une telle révolution : proposer à chacun un ordinateur sur mesure qui ne sera mis en fabrication
que lorsque la commande spécifique du client parviendra à
la chaîne de production. Les constructeurs automobiles, les
leaders de la chaussure de sport (Nike) ou de la mode vestimentaire s’efforcent de suivre un tel modèle,
• le recours à la notion de segmentation situationnelle qui repose
sur l’idée qu’un même individu participe de plusieurs segments de marché selon le moment et le lieu de sa consommation. Les compagnies aériennes ou de location de voitures
et les grandes enseignes d’hôtellerie savent depuis longtemps
que les désirs de leurs clients varient selon qu’ils voyagent
pour affaires (seuls) ou pour leur plaisir (en famille) ; les
industries de l’apparence (vêtements, cosmétiques,
parfums…), savent aussi qu’une même cliente cherche à
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DE MARKETING
construire des apparences diverses selon les rôles qu’elle doit
jouer dans diverses situations sociales : le travail, la sortie
de l’école, les loisirs, un cocktail, etc. (cf. chap. 2). Toute
l’industrie agroalimentaire est de plus en plus sensible au
développement de la consommation hors domicile, etc. Par
conséquent il est aussi possible de segmenter un marché
selon le moment et le lieu de la consommation : à la maison,
au travail, dans les transports individuels ou collectifs, en
vacances…,
• la prise en compte de l’affinité de certains médias spécialisés
avec des cibles particulières. La multiplication des chaînes
de télévision thématique, des sites spécialisés sur la toile,
des magazines visant des « micro-publics », conduit à
reconnaître aussi dans la consommation des médias un
comportement « tribal ». Il s’ensuit que le marketer prend
comme point de départ le comportement vis-à-vis des
médias pour remonter aux comportements d’achat et de
consommation. À la place d’un ciblage sociodémographique, il substitue un ciblage par « affinité-médias » et adapte
sa stratégie de communication, voire son offre, à des groupes
d’individus qui partagent la même conduite vis-à-vis des
événements et des médias (cf. chap. 9),
• une conception renouvelée de la marque. Au lieu de
considérer celle-ci comme un simple signe ajouté à l’offre
de l’entreprise, le marketer peut la définir comme un
système fédérant un ensemble de produits et des services.
La marque n’est plus alors seulement un signal permettant de garantir l’origine du produit et de le différencier.
C’est un système identitaire dans lequel les produits viennent s’insérer. L’entreprise cherche donc à construire un
« territoire imaginaire » spécifique pour ses offres. Une
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
sorte de conception du monde et d’elle-même, qui ne
repose exclusivement ni sur l’homogénéité des bénéfices
proposés par ses produits, ni sur celle des métiers et
processus de production qu’elle maîtrise, ni sur les concurrents qu’elle entend affronter. C’est ainsi que l’on
peut comprendre la stratégie de Virgin et de nombreuses
entreprises œuvrant dans le champ de la mode, du luxe
(Hermès, Chanel), et des pratiques sportives (Salomon).
Pour ces entreprises la marque n’est pas un attribut du
produit mais, au contraire, chaque produit est un attribut
de la marque (cf. chap. 4).
L’analyse concurrentielle
© Éditions d’Organisation
Pour le marketer, la prise en compte de l’environnement consiste
non seulement à repérer les tendances lourdes, voire les cycles économiques, qui déterminent la demande, mais aussi à concentrer
son analyse sur le champ concurrentiel (Porter, 1980), afin de saisir
la dynamique propre à son secteur d’activité. Le secteur d’une entreprise, son industry au sens de Porter, est défini comme « l’ensemble
des firmes qui fabriquent des produits étroitement substituables ». C’est
là une définition un peu floue mais qui demeure utile.
Dans la schématisation présentée par l’encadré 1.5. le secteur,
considéré comme l’ensemble des entreprises en rivalité directe,
occupe le centre du champ concurrentiel. Ce dernier est un espace
marchand qui implique aussi toutes les organisations avec lesquelles
l’entreprise entretient des relations d’échange (clients, fournisseurs)
ou de concurrence (entrants potentiels ou fournisseurs de substituts).
Les concurrents directs sont les entreprises qui définissent leurs activités
de manière comparable à l’entreprise considérée (l’ensemble des
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
fabricants de lessive par exemple). Ils s’adressent à peu près aux
mêmes clients, en utilisant à peu près les mêmes technologies ou
les mêmes savoir-faire. L’intensité concurrentielle à ce niveau dépend
principalement des acteurs de l’offre (nombre et diversité des concurrents, puissance relative, degré de différenciation…), et du taux
de croissance de la demande. Une demande forte autorise un certain
espace pour le développement de chaque entreprise en présence, et
les efforts de chacune d’elle contribuent à dynamiser collectivement
la demande. Inversement, un marché en stagnation ou en recul
augmente la probabilité des affrontements et réduit la possibilité
de dégager des profits. C’est, le plus souvent, à ce niveau que l’on
s’efforce de repérer les positions concurrentielles et, comme nous
le verrons plus loin, de construire une carte perceptuelle du marché
(encadré 1.8.). Mais, en fait, la position de l’entreprise ou de la
marque dépend aussi d’autres forces concurrentielles.
Encadré 1.5. Le secteur dans son champ concurrentiel
Entrants
potentiels
Barrières à
l’entrée
Concurrence directe
au sein du secteur
Fabricants
de substituts
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Clients
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Fournisseurs
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MARKETING :
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Les clients peuvent disposer d’un fort pouvoir de négociation et
l’exercer pour réduire les prix, donc les marges, de leurs fournisseurs,
voire placer ceux-ci dans une position de forte dépendance. Leur
pouvoir de négociation est d’autant plus grand que les achats sont
concentrés, que les produits sont indifférenciés, et que les risques
d’intégration ou de quasi intégration vers l’amont sont élevés. Les
relations entre les fabricants et les grandes entreprises de commerce,
telles que les enseignes d’hypermarchés, illustrent clairement ce
type de situations. La concurrence des marques de distributeurs en
est la manifestation la plus forte.
© Éditions d’Organisation
Les fournisseurs peuvent chercher à intégrer des activités situées en
aval de leur propre activité ou, plus simplement, réduire par leur
puissance les marges bénéficiaires de leurs clients. Leur pouvoir de
négociation est d’autant plus grand que l’offre est concentrée, qu’il
existe des risques de pénurie de l’offre, et que les risques d’intégration ou de quasi-intégration vers l’aval sont élevés. Les réseaux
de « station-service », constitués par les pétroliers pour la distribution de leurs carburants, relèvent d’une telle stratégie et placent
leurs clients directs dans une situation de dépendance.
Les nouveaux entrants constituent un risque qui dépend des attraits
d’un secteur et des barrières à l’entrée. Ces dernières sont autant
d’obstacles qui réduisent l’accessibilité d’un secteur. Par exemple
le niveau d’un investissement industriel ou l’importance de l’investissement publicitaire ou encore la durée d’un apprentissage. Les
nouveaux entrants peuvent entraîner une réduction des marges bénéficiaires du secteur soit en favorisant la guerre des prix, soit en
provoquant une augmentation des coûts liés à la riposte des entreprises du secteur.
Les produits de substitution exercent une menace sur l’ensemble d’un
secteur lorsqu’ils proposent un meilleur rapport performance/prix.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Ils peuvent donc influencer fortement l’évolution de la demande
globale ou provoquer une baisse des marges suscitée par la riposte
des entreprises du secteur. Ainsi, par exemple, le plastique se développe au dépens du bois (dans le bâtiment), de l’acier (dans la
construction automobile) ou du cuir (dans la chaussure).
Au total, selon Porter, la pression exercée par le jeu de ces cinq
forces concurrentielles affecte plus ou moins la rentabilité potentielle
moyenne du secteur considéré, et détermine donc en large part son
attrait. Une telle analyse concurrentielle élargie permet de repérer
la force des positions de la concurrence et les menaces qui pèsent
sur la ou les positions tenues et défendues par l’entreprise. Le couplage d’un tel diagnostic avec les résultats du processus de segmentation constitue l’ingrédient central de l’étape suivante : le
ciblage.
Le ciblage
• piloter l’adaptation de l’offre à tel ou tel segment ou la
conception d’une offre nouvelle,
• mettre en œuvre une action commerciale adaptée aux attentes et comportements spécifiques du segment cible visé.
Pour effectuer ce choix, c’est-à-dire le ciblage, il importe de mettre
en évidence des critères de sélection en raison des atouts dont l’entreprise dispose pour l’emporter sur la concurrence, et des attraits
intrinsèques des segments.
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Le plus souvent l’entreprise ne peut prétendre servir tous les segments
du marché. Une dimension-clé de l’art du marketing consiste précisément à trouver l’ajustement le plus étroit possible entre une offre
singulière, donc différenciée, et un segment spécifique de clients.
Dès lors, le marketer doit faire le choix d’un segment cible pour :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
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• Les atouts sont l’expression des forces et faiblesses de l’entreprise vis-à-vis de la concurrence. Ces éléments sont très
nombreux et on ne saurait donc disposer d’une liste toute
faite. Par conséquent, le marketer doit chercher à identifier,
au cas par cas, les éléments déterminants que l’entreprise
va s’efforcer de maîtriser. En pratique, il retient souvent
des indicateurs tels que : la qualité et l’originalité des produits, le savoir-faire technologique et logistique, les coûts
et la capacité à jouer sur les prix, la maîtrise d’un mode
d’accès au marché, l’image d’une marque, le savoir-faire
des équipes de vente…
• Les attraits sont l’expression des opportunités et menaces
rencontrées dans l’environnement. Là encore, le marketer
ne saurait disposer d’une liste toute faite. Il doit donc
chercher, parmi tous les facteurs peu maîtrisables par
l’entreprise, les éléments-clés. Ceux-ci peuvent avoir trait
à la demande, la situation concurrentielle, la technologie,
et l’environnement économique, social et réglementaire.
En pratique, il retient souvent des indicateurs tels que :
la taille de la demande, en volume et en valeur, le taux
de croissance de la demande, l’intensité concurrentielle, les
barrières à l’entrée et à la sortie, les prix moyens pratiqués
et les marges dégagées, la saisonnalité et les mouvements
cycliques, la localisation géographique des clients…
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DE MARKETING
moyens
Développement
Maintien
faibles
Attraits du marché
élevés
Encadré 1.6. Une matrice atouts/attraits
Abandon
élevés
moyens
faibles
Il est alors possible d’évaluer l’opportunité de choisir tel ou tel
segment cible. Pour ce faire, le marketer peut visualiser les choix
possibles au sein d’une matrice atouts/attraits qui synthétise les jugements effectués. La rencontre de faibles atouts vis-à-vis d’une cible
peu attractive conduira à éliminer un tel choix, inversement un
segment cible très attractif pour lequel l’entreprise dispose de sérieux
atouts va suggérer de parier sur une telle possibilité. Cette matrice
peut être construite de multiples manières : les atouts en vertical
ou en horizontal, les jugements articulés sur une échelle ordinale
(élevés, moyens, faibles) ou une échelle de notation allant de 1 à
10. Quoi qu’il en soit, il s’agit de visualiser de manière expressive
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Atouts de l’entreprise
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
le résultat du travail d’analyse qui conduit à la hiérarchisation des
cibles (encadré 1.6.). On retrouvera ce type d’approche au sein du
chapitre 10 dans la section consacrée à la segmentation stratégique.
Nous allons illustrer ici, au moyen d’un exemple, l’application d’une
telle grille au choix d’un groupe de client.
Attraits du segment
Encadré 1.7. Une matrice atouts/attraits pour les téléphones mobiles
Professionnels
Jeunes
Frimeurs
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Atouts de l’entreprise
Soit une entreprise œuvrant dans le secteur des téléphones mobiles.
L’examen des critères d’achat des clients potentiels montre la diversité des attentes et des attitudes vis-à-vis de ce produit. Pour les
uns (les professionnels), c’est un instrument de travail qui leur est
quasiment imposé par leur activité professionnelle. Ils sont très
exigeants et peu sensibles au prix car leur entreprise assure le financement de l’achat de l’appareil et le coût de son utilisation. Pour
d’autres (les frimeurs), il s’agit d’un instrument de prestige social.
Ils sont très attachés à la « fonction signe » de cet objet et portent
une attention soutenue à la visibilité de l’appareil. Pour les plus
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
jeunes (les jeunes adultes), il s’agit d’un substitut à l’appareil traditionnel (l’appareil fixe). Ils portent une forte attention au prix d’achat
de l’appareil et au coût de son utilisation. Supposons que le marché
soit constitué par ces trois segments. Faut-il aborder indistinctement
ces trois segments ? Faut-il choisir une cible prioritaire ? Il est
probable que la taille et la rentabilité de chaque segment sont très
différentes, autrement dit chaque segment ne présente pas les mêmes
attraits. Il est probable, aussi, que des offres différentes et une communication différente seront nécessaires pour servir chacun de ces
segments. Or, l’entreprise dispose, vis-à-vis de la concurrence et
de chaque segment, d’un certain nombre d’atouts : elle peut accéder
plus facilement à tel type de point de vente, la notoriété et l’image
de sa marque sont plus fortes auprès de tel segment, etc. Par conséquent, le marketer peut élaborer une matrice atouts/attraits pour
s’efforcer d’objectiver ses priorités et les visualiser. Dans l’exemple
présenté (encadré 1.7.), le segment des professionnels constitue la
meilleure opportunité pour l’entreprise. Aussi stylisé soit-il, cet
exemple indique que le marketer doit hiérarchiser ses cibles potentielles en fonction des savoir-faire de son entreprise. Autrement
dit, il doit filtrer ses diverses possibilités d’action au travers des
ressources et compétences de l’entreprise.
Le savoir-faire d’une entreprise est constitué de ressources et de compétences (capabilitiy). Une innovation, qu’elle soit radicale ou incrémentale, est une nouvelle combinaison de ressources, découverte
au sein de l’organisation, capable de produire de la valeur ajoutée
(en réduisant les coûts ou en augmentant la demande). Ce sont ces
éléments qui constituent la singularité d’une entreprise (Penrose,
1959 ; Durand, 2000).
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Les ressources et compétences
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• Les ressources sont des « stocks » d’éléments matériels (usines, équipements, systèmes d’information, capacité de
financement, etc.), et immatériels (savoir-faire, brevets,
marques, réputation, etc.), spécifiques à l’entreprise.
• Les compétences sont des « flux », des « routines » propres
à une organisation, qui permettent de mobiliser ces ressources. Cet ensemble d’aptitudes et de savoirs organisationnels se construit dans le temps et repose sur le travail
en commun.
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Les ressources et compétences résultent de l’accumulation d’un savoir
spécifique au moyen des expériences passées. C’est dans l’action
que les membres de l’entreprise apprennent collectivement à
déployer des ressources. C’est dans la durée et collectivement que
l’on apprend à faire des extensions de gamme, à construire et protéger
un capital de marque, à développer un mode d’accès original au
marché ou à bâtir une équipe de vente performante.
Ainsi, une entreprise peut l’emporter sur la concurrence non seulement
parce qu’elle dispose de plus de ressources, mais aussi parce qu’elle
utilise mieux ses ressources grâce à ses compétences. Et elle enrichit
ses compétences parce qu’elle est engagée dans un processus permanent
d’apprentissage collectif. Ce qui fait la valeur d’une ressource ou d’une
compétence c’est sa rareté et son caractère tacite (c’est-à-dire peu
explicite, peu formalisée et difficile à observer). Elle est donc difficile
à imiter, à transférer ou à acheter et ceci protège l’entreprise des
concurrents qui se contentent d’imiter. Il ne suffit pas, par exemple,
d’imiter platement ce que n’importe quel client d’Ikea constate dans
ses points de vente pour identifier les ressources et compétences de
cette entreprise. Il ne suffit pas de faire un stage de trois mois chez
L’Oréal pour identifier ses ressources et compétences. Plus encore, il
n’est pas évident que l’entreprise soit transparente à elle-même et
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
sache exprimer ce qu’elle sait faire. Pour le dire autrement, une entreprise « sait » plus de choses qu’elle ne peut en « dire ». En dépit de
ces difficultés, le marketer doit évaluer les savoir-faire de son entreprise
avant de l’engager dans le choix volontaire de telle ou telle position
vis-à-vis de la concurrence, c’est-à-dire un positionnement.
Le positionnement
Le terme positionnement, traduction littérale de positioning, recouvre
en fait trois idées : une intention, un processus et un résultat.
Il est possible de visualiser la position perçue au moyen d’une carte
perceptuelle (un mapping). Il s’agit de construire un système d’axes
afin d’y repérer la position respective des marques selon leur ressemblance (encadré 1.8.). Un traitement supplémentaire peut mettre
en évidence leur proximité avec tel ou tel bénéfice. Cette opération
peut s’effectuer soit intuitivement à partir de l’expertise du marketer,
soit statistiquement en interrogeant un échantillon de clients
(cf. chap. 3).
36
© Éditions d’Organisation
• C’est une intention, puisque c’est un énoncé qui définit
la place souhaitée pour la marque et le produit dans l’esprit
des futurs client, c’est-à-dire la position voulue et donc visée.
• C’est aussi un processus, puisque cet énoncé va inspirer la
mise en œuvre de plusieurs décisions : caractéristiques du
produit, détermination de son prix, choix de ses points de
vente, élaboration de sa stratégie de communication…
• C’est enfin un résultat, puisque c’est la place occupée par
un produit ou une marque dans l’esprit du client, vis-àvis de la concurrence : c’est-à-dire la position perçue.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Encadré 1.8. Une carte perceptuelle : les batteries électriques en Europe.
Économique à l’usage
Marques de
distributeurs
Duracell
Marque A
Ne dure pas longtemps
Dure vraiment plus longtemps
Marque E
Marque B
Marque D
Marque C
Moins économique à l’usage
Pour orienter ses choix, le marketer s’efforce donc de définir la position visée par son offre. Cet énoncé (positioning statement) va mettre
notamment l’accent, mais pas seulement, sur un point de différence :
une caractéristique intrinsèque de l’offre ou l’un de ses bénéfices,
c’est-à-dire l’un de ses avantages pour le client.
© Éditions d’Organisation
Le choix d’une différence
Lorsque le produit dispose d’une caractéristique intrinsèque qui
constitue une différence fortement valorisée par les clients il n’est
guère difficile de faire un choix : plus durable, moins lourd, plus
résistant, moins encombrant, plus puissant, moins fragile, plus
rapide, moins cher, etc. Mais, le plus souvent, les éléments de
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0000-Marion.book Page 38 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
différenciation sont plus ténus. Le marketer s’efforce de mettre en
évidence une différence moins centrale. C’est par exemple le cas
de Domino’s pizza qui s’est focalisé sur « la garantie d’une pizza
livrée à domicile en moins de trente minutes » en écartant de son
activité toute autre prestation : ni la consommation sur place, ni
la livraison de hamburgers ou de hot-dogs. On voit par cet exemple
que l’art de la différenciation repose sur la sélection d’un point de
différence qui singularise clairement et simplement l’offre par rapport à la concurrence, même s’il s’agit d’une variable périphérique.
Au sein des marchés de grande consommation où les concurrents
ne manquent pas, le marketing est un jeu où les idées simples et
évidentes l’emportent sur les idées complexes, un jeu où le spécialiste
l’emporte sur le généraliste.
L’énoncé de la position voulue (positioning
statement)
La plupart des marketers utilisent un outil qui guide durablement ses
actions : l’énoncé de la position voulue (positioning statement). Pour
rédiger cet énoncé il convient de répondre à trois questions-clés :
© Éditions d’Organisation
• Pour qui ? (quelle est la cible, quand et où achète-t-elle,
consomme-t-elle, utilise-t-elle ?)
• Quoi ? (Que proposons-nous, quelle est la catégorie à
laquelle appartient notre offre, son cadre de référence ?)
• Pourquoi ? (Pour quel motif, quelle raison, notre offre serat-elle préférée à celle de la concurrence).
38
0000-Marion.book Page 39 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Prenons quelques exemples :
« Pour toutes les personnes sensibles aux dents tachées, Dazzle est la crème
dentifrice blanchissante qui, mieux que les autres, enlève les taches sans
abîmer l’émail des dents. »
«Pour toute la famille, Actimel est le geste santé du matin qui aide à
renforcer l’organisme.»
« Tang est une boisson instantanée pour le petit déjeuner de ceux qui
cherchent un coup de fouet matinal. »
© Éditions d’Organisation
Dans ces trois exemples on retrouvent les éléments majeurs d’une
position voulue :
• Une affiliation claire du produit à une catégorie que les
clients sont capables d’identifier immédiatement (le quoi ?).
Le marketer dispose d’une marge de manœuvre importante
sur cette question. Par exemple un chewing-gum peut être
présenté comme une confiserie, un substitut du dentifrice
ou un substitut de la cigarette. Une marque de biscuit
peut se présenter comme le spécialiste du goûter ou l’expert
de la nutrition des enfants. Un fromage frais peut être
proposé comme un dessert savoureux ou un en-cas pour
les repas hors domicile, etc.
• Une cible précise (le qui ?). Rappelons qu’il s’agit autant
de définir des individus (enfants, adolescents, adultes, hommes, femmes, famille…) que des moments et des lieux de
consommation.
• Un élément de différenciation (le pourquoi ?). C’est-à-dire
un argument intéressant pour le client mais aussi original
vis-à-vis de la concurrence.
39
0000-Marion.book Page 40 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
Cet énoncé va inspirer la cohérence de l’ensemble des actions mises
en œuvre par l’entreprise pour positionner son offre, c’est-à-dire
définir les éléments du marketing mix. Résumons la démarche qui
permet de construire une position voulue pertinente pour une offre
donnée :
• quelles sont les offres (marques, produits), que les clients
comparent lors de leur choix (c’est ce qu’on appelle :
l’ensemble de considération ou ensemble évoqué) ?
• comment les distinguent-ils (quels attributs, caractéristiques et bénéfices, utilisent-ils pour faire des différences
entre les offres) ?
• quels sont les attributs déterminants des choix ?
• comment se situent les différentes offres par rapport à ces
attributs ?
• quelle position est souhaitable pour l’offre de l’entreprise ?
• quels attributs de l’offre privilégier dans la
communication ?
• quelle stratégie de communication mettre en œuvre ?
On appelle repositionnement d’une marque ou d’un produit, le processus qui consiste à viser une position plus enviable et à traduire
cette intention stratégique par de nouveaux choix. L’entreprise peut
limiter ces changements à la publicité et à l’emballage ou agir plus
profondément sur la distribution et/ou le prix, voire modifier radicalement son offre en changeant les caractéristiques intrinsèques
du produit (performance, durabilité, design…), et/ou des services
(prise de commande, livraison, installation, après-vente…). Un repositionnement est une opération délicate qui ne doit s’effectuer qu’en
40
© Éditions d’Organisation
Le repositionnement
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
raison de tendances lourdes. Elle peut être motivée par plusieurs
raisons : se déplacer vers un groupe de clients plus attractifs (plus
nombreux, plus riches, plus jeunes…), éviter la concurrence frontale
avec un adversaire puissant, attaquer délibérément une position
adverse (cf. chap. 10) ou un changement important dans la technologie. Une telle manœuvre est donc l’exception et non la règle
car l’une des qualités d’un bon positionnement c’est son caractère
durable. C’est, bien souvent, parce qu’un diagnostic a mis en évidence un écart grandissant entre la position voulue et la position
perçue que l’on s’engage dans une telle opération.
Limites et ambiguïtés du positionnement
© Éditions d’Organisation
Certains marketers s’efforcent, de distinguer le positionnement fondé
sur un bénéfice pour le client, et le positionnement fondé sur une
comparaison vis-à-vis de la concurrence. Cette distinction semble
relativement stérile. La notion même de position renvoie à l’idée
qu’il s’agit d’occuper un espace spécifique dans les représentations
mentales que les clients se sont forgées. Par conséquent, viser une
position consiste toujours, à des degrés plus ou moins explicites,
à se situer par rapport à des concurrents directs ou à des substituts.
La comparaison est le fondement même de la notion de positionnement, c’est là son apport et son originalité.
Une précaution importante dans l’emploi de la notion de positionnement consiste à ne pas confondre position voulue et position perçue.
Ce qui sépare la position voulue (souhaitée par le marketer) et la
position perçue par les acteurs du marché (clients et intermédiaires),
c’est le processus même de positionnement. C’est-à-dire un ensemble
de tâches concrètes, quotidiennes, et collectives pour mettre en
œuvre un plan permettant d’occuper la position visée. En pratique
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Cette histoire montre que dans toute manœuvre stratégique, les choix
délibérés et intentionnels se combinent avec des phénomènes émergents et incontrôlés (cf. chap. 10). Dès lors, bien qu’une représentation
convenable de la position perçue et la définition claire d’une position
voulue réaliste soient des outils pertinents pour éviter l’autosatisfaction, elles ne garantissent pas, pour autant, la réussite de la mise en
œuvre. En réalité, le marketer ne positionne pas sa marque ou son
produit, ce sont les clients qui décident collectivement ce qu’il faut
en penser. L’art du positionnement ressemble à l’art de courtiser. On
42
© Éditions d’Organisation
on constate souvent que ces activités relèvent autant d’une projection
vers l’avenir (la position visée), que d’un processus « essais et
erreurs ». Autrement dit, il ne suffit pas au marketer d’énoncer clairement une position voulue et de déclarer que cet enjeu est stratégique pour assister à la mise en œuvre du processus de
positionnement. L’histoire de la conquête du marché américain de
la motocyclette par Honda constitue un exemple intéressant (Pascale,
1984). Contrairement au mythe de la stratégie rationnelle et préméditée, le succès de Honda n’a pas résulté de la vision préalable
(une position visée) de quelque marketer perspicace du siège de
l’entreprise. Il fut, au contraire, le résultat de l’action collective
sur le terrain de « petits cerveaux » : deux cadres fraîchement débarqués du Japon, parlant mal l’anglais et n’ayant d’autre stratégie
que de voir s’ils pouvaient vendre quelque chose sur le marché
américain ; quelques vendeurs à la recherche de revendeurs, et une
poignée de responsables de la qualité des produits. De plus, un
étudiant de UCLA proposa dans le cadre de ses études une remarquable campagne publicitaire qui fut retenue un peu au hasard par
Honda. Ce que les Japonais de Honda ont su valoriser, ce ne fut
pas un discours stratégique très formalisé a priori, mais la capacité
de l’organisation à faire monter les idées de la base vers le sommet,
puis de les faire redescendre.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
peut influencer les pensées et les sentiments d’autrui mais on ne
peut décider unilatéralement qu’il ou elle tombera amoureux. Pour
positionner, comme pour séduire, il faut être cohérent, persuasif et
inspirer durablement confiance. Celui ou celle qui réussit à faire cela
suffisamment bien et suffisamment longtemps pourra éventuellement
séduire. On le voit, la cohérence et la constance voire l’obsession,
sont deux caractéristiques fondamentales de la bonne mise en œuvre
d’un processus de positionnement.
© Éditions d’Organisation
La mise en œuvre : le marketing mix
La traduction d’une stratégie commerciale en un plan d’action
consiste à définir les caractéristiques spécifiques de l’offre (le produit
et son prix), et les modes d’accès au marché (la distribution et la
communication). Ces quatre éléments (produit, prix, distribution,
communication) constituent un ensemble de moyens d’action, maîtrisables par l’entreprise, qu’on appelle le marketing mix. Si le positionnement est le clou, le marketing mix est le marteau. Cette
notion rend compte de manière simple et pédagogique de la diversité
des combinaisons. Par exemple, on constate que les produits de
maquillage sont commercialisés en grandes surfaces, en parfumerie,
via les esthéticiennes, en pharmacie, en vente par correspondance
ou en vente à domicile. Chacune de ces situations s’accompagne
d’un ensemble de choix spécifiques : un certain type de marques
et d’emballages, un niveau typique de prix et de marges consenties
aux intermédiaires, un niveau typique de dépenses publicitaires…
Ces différences sont le reflet de la position voulue par chaque entreprise qui combine ces ingrédients selon un dosage qui lui est propre.
D’où l’apparition de cette métaphore, le « mix », pour rendre
compte du résultat obtenu par une combinaison spécifique de
moyens, un « mélange » particulier des ingrédients.
43
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Les éléments du marketing mix
En anglais on désigne ces éléments par une formule
mnémotechnique : les 4 P’s. Il s’agit de l’abréviation de Product,
Price, Place, Promotion. En fait, chacune de ces rubriques constitue
en elle-même une combinaison de moyens. On peut en effet repérer
un « mix produit », un « mix prix », un « mix distribution », et
un « mix communication ». La simplicité commode des 4 P’s masque, en effet, la liste indénombrable d’outils que l’entreprise entend
maîtriser pour piloter la relation d’échange. De plus chaque entreprise puise dans un ensemble de variables spécifiques selon la nature
de :
• ses activités (vente aux intermédiaires du commerce ou
directement au client final, entreprise de commerce ou
entreprise de fabrication, etc.),
• ses produits (fongible ou durable, bien ou service),
• ses clients (individus, ménages, organisations).
© Éditions d’Organisation
Plusieurs chapitres sont consacrés spécifiquement à chacun de ces
éléments, c’est pourquoi on se contentera, ici, de fournir un court
inventaire (encadré 1.9.) permettant de repérer grossièrement leur
extension. D’un côté les éléments liés à l’offre, de l’autre les éléments
liés à l’action commerciale pour accéder au marché.
44
0000-Marion.book Page 45 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Encadré 1.9. Un inventaire des éléments du marketing mix
L’offre
Produit (product)
•
•
•
•
•
•
bien et/ou service
concept et caractéristiques
bénéfices et attributs
services associés
emballage et nom
etc.
Prix (price)
• niveau relatif
• coûts, marges, remises, ristournes
• tarif
• crédit
• délais de payement
• etc.
L’action commerciale
Distribution (place)
•
•
•
•
•
type de circuit
sélective ou non
directe ou via intermédiaire
localisation
etc.
Communication (promotion)
• publicité et promotion des ventes
• relations publiques
• force de vente et personnel en
contact, aides à la vente
• etc.
© Éditions d’Organisation
Les caractéristiques d’un marketing mix efficace
Pour apprécier la pertinence d’un marketing mix (cf. encadré 1.10.
pour un exemple) on dispose de quelques critères généraux : sa
cohérence, sa distinction, et sa compatibilité.
45
0000-Marion.book Page 46 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
• Marché potentiel : le rasage dans le monde.
• Segmentation : rasage humide ou rasage électrique, systèmes ou
rasoirs jetables.
• Cible : tout le rasage humide (600 millions d’hommes utilisant en
moyenne 12 lames par an), soit 4300 millions de $. Priorité à
19 pays situés en Amérique du Nord et en Europe.
• Objectif : 7 % du marché, soit 300 millions de $ prix public.
• Chiffre d’affaires prévisionnel : 150 millions de $ (marge des intermédiaires 50%), soit 20 millions de rasoirs et 300 millions de
lames en 1990.
• Positionnement : un nouveau système de rasage révolutionnaire
qui procure un rasage de plus près, plus doux et plus sûr que
jamais.
• Marque : Gillette Sensor.
• Produits : à partir de l’innovation du GII (1970), fondée sur le principe de l’hystérésis (la première lame tire le poil, la deuxième le
coupe avant qu’il ne se rétracte), les deux lames sont montées
individuellement sur ressorts. Chaque lame détecte en permanence les moindres courbes et détails du visage et s’y adapte
automatiquement.
• Prix : 20 % au-dessus de la concurrence, 3,75 $ le rasoir et
75 cents la lame aux États-Unis.
• Distribution : 80 % des points de vente du secteur.
• Publicité : budget publicitaire de 100 millions de $ pour une campagne mondiale « The best a man can get » (La perfection au
masculin), couverture de 500 millions de personnes dans le
monde, agence BBDO. Budget promotionnel 8 millions de $, coupons de réductions et échantillons gratuits.
• Résultats : 24 millions de rasoirs et 350 millions de cartouches,
9 % du marché. Coût total du lancement 198 millions de $, perte
de 48 millions de $ en 1990, profit de 40 millions de $ en 1991.
Adapté de Assael H. Marketing: Principles and Strategy, 2nd ed. The Dryden Press,
1993.
46
© Éditions d’Organisation
Encadré 1.10. Le marketing mix de Gillette Sensor en janvier 1990
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• Sa cohérence, puisque ces éléments seront appréciés globalement par le client. Il importe donc que les choix soient
harmonieux du point de vue du segment cible. Ainsi, il
est évident qu’un produit « haut de gamme » ne peut être
vendu dans n’importe quel point de vente et à n’importe
quel prix. Le marketing mix est un système dont la valeur
dépend de l’intégration harmonieuse de ses composantes.
• Son caractère distinctif vis-à-vis de la concurrence, puisque
ces éléments seront évalués relativement aux autres offres
proposées et à leurs substituts. Cette distinction est l’expression d’une stratégie de différenciation vise à donner au client
le sentiment que l’entreprise lui propose quelque chose
d’unique.
• Sa compatibilité avec les ressources et compétences de l’entreprise et son critère de rentabilité, puisque l’efficacité de
la mise en œuvre en dépend. Cette efficacité relève d’une
part, des aptitudes et des savoir-faire organisationnels et,
d’autre part, du « réglage » du niveau des moyens mis en
œuvre : le montant des dépenses de publicité, la taille de
l’équipe de vente, le prix relativement aux coûts et à la
concurrence, etc.
© Éditions d’Organisation
Limites et ambiguïtés du marketing mix
Une première limite concerne la nature de ces variables. Si l’on
déclare, comme de nombreux auteurs traditionnels, que le marketing
mix est constitué de variables contrôlables par l’entreprise, on pourra
s’étonner de voir figurer la distribution parmi ces variables alors
que ces intermédiaires auraient plutôt tendance à contrôler de nombreuses situations plutôt qu’à être contrôlés. Il suffit de comparer
le chiffre d’affaires d’une entreprise de commerce internationale
47
0000-Marion.book Page 48 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
Une seconde critique du marketing mix provient des spécialistes
du marketing industriel, Business to Business (Michel, Salle et Valla,
1996). Le découpage en quatre éléments d’action, constituant
autant de stimulus susceptibles de déclencher les réponses adéquates
de la demande, ne semble pas décrire convenablement les tâches
d’un fournisseur du milieu industriel. En pratique, celui-ci s’efforce
continuellement d’adapter son marketing mix pour certains clients
et pas pour d’autres. Il ne sélectionne pas des combinaisons de
stimuli pour obtenir des réactions de la part d’un client typique
et anonyme. Au contraire, il cherche à gérer des interactions avec
des clients éminemment actifs et nommément repérés. Il faudrait
introduire dans la liste des éléments du marketing mix des ingrédients tels que « l’ensemble des personnes qui contribuent à l’élaboration d’une solution et à son transfert chez le client » ou,
« l’ensemble des signes qui contribuent à la construction de l’image
d’un fournisseur », pour adapter la notion de marketing mix au
milieu industriel. Mais, alors, on se sera éloigné de la préoccupation
48
© Éditions d’Organisation
avec la moyenne des chiffres d’affaires des fabricants pour constater
le poids écrasant des grandes enseignes de distribution (cf. chap.
7). Par ailleurs, au sein de l’entreprise ces variables sont elles contrôlables entièrement par le seul marketer ? Ce dernier ne maîtrise
bien souvent qu’une partie des éléments liés à l’offre. D’autres
acteurs, tels que les ingénieurs chargés de la recherche et du développement, les responsables de la production ou de la logistique,
et les responsables d’exploitation d’une activité de service, sont
aussi évidemment détenteurs d’un pouvoir. Enfin, on pourra s’étonner de ne pas voir figurer dans la liste des éléments du mix, un
ingrédient aussi essentiel que la marque quand on connaît l’intérêt
que lui accordent fabricants, distributeurs, consommateurs et analystes financiers (cf. chap. 4).
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
mnémotechnique des promoteurs initiaux de ce vocable (le marketing industriel fait l’objet d’une prochaine section).
© Éditions d’Organisation
Une troisième critique provient des spécialistes du marketing des
services (Grönross, 1994). Parce que les actes de service sont immatériels, non stockables et non transportables, et parce qu’ils résultent
de la coproduction du fournisseur et du client, d’autres éléments
devraient apparaître dans la liste du marketing mix. Notamment,
plus un service est immatériel plus il est nécessaire de fournir des
indices matériels de sa qualité. Par exemple, l’accueil du personnel
en contact, l’environnement physique et l’ambiance d’un hôtel, d’un
restaurant ou d’une banque, exercent un rôle décisif sur la perception
du « produit ». Au total, le marketing des services, comme le marketing en milieu industriel, souligne de manière convaincante que
la qualité de relations durables est plus importante que l’obtention
d’une vente à court terme, et qu’il est difficile de séparer la fonction
marketing du management général de l’entreprise.
L’histoire de la notion de marketing mix permet de mettre en
évidence les raisons de ces critiques. Cette notion apparaît aux ÉtatsUnis, dans les années cinquante, sous la plume d’un spécialiste de
la publicité et des produits de grande consommation. Elle émerge
donc dans des conditions historiques particulières : marché de masse,
distribution de masse, et médias de masse, puis s’est simplifiée au
fil du temps sous la forme des 4 P’s. C’est alors que la vertu de
cette métaphore pédagogique a pris toute sa valeur. D’une part,
les décideurs peuvent facilement se l’approprier et l’utiliser pour
décrire et communiquer l’essentiel de leur stratégie de manière
simple et organisée. D’autre part, le non-spécialiste identifie facilement dans sa vie quotidienne les manifestations d’un marketing
de masse dont le marketing mix fourni une description simpliste
et parcimonieuse. Selon cette représentation, la relation marchande
49
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
prend place dans un marché atomisé, composé de clients considérés
comme des agents passifs, seulement capables de répondre aux stimuli délivrés par les signaux du marketing mix des entreprises
proposant des offres concurrentes. Ce mécanisme stimulus-réponse est
l’un des fondements de la doctrine traditionnelle du marketing management. Pour elle, tout se passe comme si le marketer pouvait faire
agir de grandes masses anonymes, et maîtrisait au sein de son service
les leviers essentiels de l’action vers le marché. Atomisation, transactions singulières et indépendantes, stimulus-réponse et domination de la coalition des marketers, constituent les prémisses du
marketing management traditionnel. On sait aujourd’hui que, comme
toute bonne métaphore, le marketing mix rend compte de beaucoup
de choses mais en masque tout autant. Si cette métaphore est particulièrement expressive dans le champ du marketing de masse,
elle est peu pertinente, voire nuisible, lorsqu’on la transpose platement à n’importe quelle situation. D’où l’émergence d’une d’école
de pensée concurrente : le marketing relationnel.
Le marketing relationnel
• non pas un mécanisme stimulus-réponse entre les variables
du marketing mix et la demande (c’est-à-dire une conception béhavioriste du pilotage de l’échange), mais une relation
50
© Éditions d’Organisation
L’école de pensée du marketing relationnel repose sur une critique
des présupposés de la doctrine majoritaire et relativise la notion
de marketing mix. Pour ce faire, elle s’efforce de proposer une
nouvelle description de l’échange. Cette grille de lecture, d’abord
élaborée à l’intention du milieu industriel (Häkansson, 1982), est
fondée sur le changement de perspective suivant :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
interactive entre fournisseur et client où chacun des acteurs
de l’échange est actif,
• non pas seulement des épisodes transactionnels, où fournisseurs et clients perdent très vite la mémoire des échanges
passés, mais aussi une relation à long terme chargée du poids
de l’histoire (l’image de l’entreprise ou la réputation du
fournisseur en sont des manifestations),
• non pas une conception atomisée du marché composé
d’agents autonomes et anonymes, mais des réseaux d’acteurs
inscrits dans le social,
• non pas la séparation de la fonction marketing au sein de
l’organisation mais son intégration au sein de multiples processus.
© Éditions d’Organisation
En fait, le marketing relationnel reconnaît un continuum de situations. Car, pour lui, tout échange marchand n’est pas inscrit de la
même manière dans un système relationnel.
• À l’une des extrémités de ce continuum, se trouvent les
situations où la relation avec des clients très nombreux
(souvent plusieurs millions) est très simple et typée. Lors
de la conception de l’objet d’échange, le marketer se fonde
sur un simulacre d’interaction avec quelques échantillons
de la population visée. Cette démarche permet au fournisseur (souvent une grande marque) d’anticiper la relation :
il peut prédéterminer et standardiser son offre et mettre
en œuvre des moyens de masse pour accéder au marché.
Chaque client ne peut, à titre individuel, négocier avec le
fournisseur. Le marketer pilote une relation fortement typée,
avec un client typique, qu’il appelle « Le » consommateur.
Mais ce dernier n’est pas un consommateur en chair et en
os, c’est une construction « sur le papier ». Ces situations
51
0000-Marion.book Page 52 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
Entre ces deux extrémités, se trouvent une grande diversité de
situations où se combinent à divers degrés la standardisation et
le sur mesure : biens d’équipements sur catalogue (pour les entreprises ou les particuliers), matières premières, biens et services
modulables ou à la carte, services professionnels de santé ou de
conseil… Ces situations entraînent un pilotage particulier de la
relation client-fournisseur qui diffère de celle qui prévaut traditionnellement pour les biens fongibles de grande consommation.
Mais, ceci n’est qu’une photographie de la diversité des relations
d’échange. Quelle est la dynamique de leur évolution ? Allons
nous vers plus de situations d’interaction ou vers plus de situations
où la relation est prédéterminée et standardisée ? L’évolution des
technologies de l’information et de la communication semble favoriser la première hypothèse par l’élargissement du nombre des
52
© Éditions d’Organisation
sont celles des produits de masse de la grande consommation et la métaphore du marketing mix y conserve une
certaine pertinence.
• À l’autre extrémité du continuum, se trouvent les situations
où la relation avec le client relève d’une riche interaction
directe. Celle-ci ouvre la possibilité d’une négociation avec
un client actif et d’une coconstruction de l’offre et des
conditions de l’échange. C’est une situation typique dans
le domaine du Business to Business où le fournisseur est
confronté à un client souvent très compétent vis-à-vis
duquel il doit consentir de multiples adaptations. Le département marketing, quand il existe, est alors loin de détenir
tous les leviers de l’action sur le marché. On rencontre ces
situations non seulement dans les biens et services
complexes dédiés aux organisations, mais aussi dans les
grands projets architecturaux ou l’artisanat de luxe.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
situations d’interactions, directes ou virtuelles. Un bref rappel de
l’histoire des médias permet de comprendre une telle évolution.
• Initialement, la présence de quelques rares grands médias
(la radio dans les années trente aux USA, deux ou trois
grands networks dans les années soixante, une ou deux chaînes de télévision en France à la même époque…) impose
un certain type de relation avec l’audience : une relation
quasi passive où la part d’autonomie du récepteur se résume
à la sélectivité de son attention.
• La fragmentation de l’audience des médias, la multiplication des chaînes de radio et de télévision, l’apparition de
la télécommande introduisent un premier type
d’interaction : la réactivité qui consiste à « zapper ». Mais,
c’est là une interaction de commande, où la part d’autonomie
du récepteur demeure encore largement contrainte par
l’émetteur et le média.
• Les possibilités contemporaines de l’Internet autorise une
interactivité conversationnelle où l’autonomie de chacun est
ouverte. Difficile dès lors de continuer à parler d’audience,
la relation est beaucoup plus symétrique : chacun est pro
actif, tantôt émetteur et tantôt récepteur. Dans une telle
situation, les présupposés du marketing mix sont largement
remis en cause. Les possibilités offertes par le réseau Internet
et, notamment le fait que tout acteur (fournisseur et client)
peut être actif dans le choix de son mode relationnel laisse
entrevoir les futures possibilités d’interaction (cf. chap. 7).
Le client dispose de possibilités plus ouvertes. Au lieu d’adopter une conduite réactive au système de marketing direct du
fournisseur (publipostage, téléphone, catalogue papier ou
électronique…), il peut être pro actif, au sein de « la toile »,
prendre l’initiative de chercher le site qui l’intéresse et se
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
connecter avec le fournisseur de son choix, et ce, dans le
monde entier. Il peut, au sein de groupes de discussion,
mettre très rapidement en cause tel ou tel produit ou entreprise. Bref, l’évolution des technologies de l’information et
de la communication bouleverse les représentations traditionnelles de la relation fournisseur-client. De plus, comme
nous le verrons en conclusion du prochain chapitre on assiste
à une demande grandissante d’appropriation de la part des
consommateurs. Quelle est la réponse actuelle des marketers ?
La gestion des relations-client – C R M
La gestion des relations-client (Customer Relationships Management –
C.R.M.) désigne principalement un ensemble d’outils, fondés sur
les nouvelles technologies de l’information et de la communication,
commercialisés par les consultants spécialisés dans les systèmes
d’information. Ceux-ci proposent des outils pour :
Par exemple, dans l’idéal, l’application de tels outils devrait conduire
à la situation suivante. Un client appelle l’entreprise pour faire
part d’un problème. Avant même que quiconque ait décroché, l’ordinateur surpuissant de l’entreprise a identifié le correspondant et a
anticipé les raisons de son appel. Par conséquent, il dirige immédiatement la demande vers l’interlocuteur compétent. Ce dernier
voit apparaître sur son écran toutes les informations utiles sur le
client et toute l’histoire récente de ses relations avec l’entreprise.
De plus, des informations concernant les produits que ce client
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© Éditions d’Organisation
• repérer les clients les plus intéressants en se fondant sur
des méthodes de scoring,
• retenir ces clients par une individualisation des relations,
et un programme de fidélisation.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
peut probablement acheter apparaissent au même moment. Il reste
à la personne en contact à vendre ces produits après avoir résolu
le problème. Rien moins.
© Éditions d’Organisation
Cette petite anecdote est en partie réelle, notamment dans les
banques les plus orientées client. Mais, le chemin semble bien
long pour d’autres entreprises. Quoi qu’il en soit, la rhétorique
du marketing « One to One » et du « marketing sur bases de
données » met l’accent sur la personnalisation des messages et
des offres (biens ou services), destinés à un client individualisé.
Grâce à l’existence de fichiers bien renseignés, le marketer est
susceptible de planifier sa communication et ses offres à partir
de la définition du profil de chaque client et de ses réactions
successives (ses feedbacks). Il devrait ainsi « cibler » la relation
avec chaque individu et ce pour un grand nombre de clients. La
C.R.M. utilise le vocable interaction pour pointer deux caractéristiques du processus de communication : la capacité à s’adresser
à un individu singulier et la capacité à mémoriser ses réactions
au fil du temps. À partir d’un profil particulier, constitué par
l’histoire des contacts avec chaque individu éventuellement enregistré via un « cookie », il devient, en effet, possible de mettre
en œuvre trois catégories de tactiques relationnelles :
• assurer une certaine continuité des transactions, par exemple
une carte de « fidélité » donne droit à des offres spéciales,
des réductions de prix, des cadeaux par cumul de points,
etc.,
• individualiser des messages publicitaires puisqu’une segmentation plus fine, au moyen des bases de données, permet
de sélectionner des adresses et de construire des opérations
promotionnelles plus ciblées, voire de proposer des conseils
d’achat sur mesure,
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0000-Marion.book Page 56 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
• personnaliser les offres au moyen d’une proposition « sur
mesure », doublée éventuellement d’une relation interpersonnelle entre le consommateur et un acteur humain
(le personnel en contact) ou non humain (par exemple un
site Web), de l’entreprise.
Les tactiques relationnelles du premier type ne sont guère nouvelles.
Dès lors que le marketer dispose d’un fichier convenablement renseigné, il lui est possible de réaliser des opérations de marketing
direct. Depuis de nombreuses années, les détaillants de multiples
secteurs (musique enregistrée, vêtement, épicerie, hôtellerie, transport aérien, etc.) utilisent de tels moyens. C’est la diminution du
coût de gestion des adresses et la possibilité d’enrichir en permanence
d’amples bases de données qui expliquent le renouveau de ces questions.
Avec les tactiques relationnelles du troisième type, le marketer doit,
dans l’idéal, être capable de concevoir des offres adaptées à chaque
individu. C’est alors que se posent vraiment des questions nouvelles.
La conception d’une offre et d’un message spécifiques à chaque
client a, en général, pour conséquence d’augmenter le nombre et
la diversité des adaptations ce qui implique des coûts supplémentaires. Pour faire face à ces coûts d’adaptation, le marketer n’a, traditionnellement, d’autres solutions que de s’en tenir à une logique
56
© Éditions d’Organisation
Les tactiques relationnelles du second type sont plus récentes et
résultent directement de la puissance des bases de données désormais
disponibles. On lui doit, par exemple, le développement de la segmentation comportementale dans le secteur bancaire ou la sélection
d’un « groupe cible » au sein des abonnés d’une chaîne du câble
ou du satellite pour leur adresser un message publicitaire particulier
(par exemple, les foyers avec enfants qui résident à moins de cent
kilomètres d’un parc de loisirs).
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
bien connue : regrouper ces individus au sein de segments qu’il va
considérer comme homogènes. C’est alors, que les outils de la C.R.M.
peuvent permettre de résoudre autrement ce type de problème.
© Éditions d’Organisation
Grâce à une base de données relationnelle, le fournisseur qui sait
gérer de manière flexible des assortiments de produits ou de composants peut mettre en œuvre de nouvelles solutions. Typique de
cette application est le site Amazon.com qui « personnalise » des
recommandations concernant de nouveaux ouvrages littéraires. Dès
qu’un client a effectué un premier achat, on lui recommande d’autres
livres en comparant sa demande avec celle des autres clients qui
ont effectué un achat identique ainsi que d’autres achats. L’hypothèse
est que ces choix se ressemblent et qu’il est opportun d’informer
ce client sur cette ressemblance. Autrement dit, on utilise la corrélation entre l’achat d’un client et les achats d’autres clients afin
de « relancer » le premier. C’est ce que fait un bon libraire lorsqu’il
conseille un livre en rapprochant le profil d’un client de celui des
clients qui lui ressemblent. Une base de données relationnelle permet donc de proposer des éléments complémentaires à une demande
spécifique. Une autre application typique consiste à mémoriser le
processus de recherche d’un client afin de lui épargner le travail
qui consiste à faire de nouveau une recherche identique. De même
qu’un bon vendeur se souvient de qui est le client et pourquoi il
revient.
Quel est le point commun de ces techniques ? Elles améliorent la
productivité de la gestion des contacts en utilisant une base de
données dotée d’une structure relationnelle. C’est-à-dire une base
composée de plusieurs fichiers reliés entre eux par des clés permettant de les mettre en relation, par exemple : un fichier de personnes,
un fichier de transactions, un fichier historique sur les réactions
des destinataires, et un fichier géographique. Une telle base de
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Mais, au total, rien de bien nouveau dans les « astuces » permettant
de retenir un client ou d’interroger une poignée de consommateurs
pour prédéfinir une offre ou un marketing mix. Le marketing traditionnel suggère, en effet, cela depuis longtemps. Beaucoup de
nouveautés, par contre, du côté des technologies qui accélèrent la
mise en relation de multiples informations à propos d’un client
« de papier » ou d’un client électronique. Une telle performance
n’est pas une réponse à la demande du client, c’est l’effet de la
mise en œuvre de nouvelles techniques pour gérer des contacts. Il
s’ensuit que la réussite de telles opérations va dépendre d’une part,
de la capacité et de la volonté d’apprentissage du client et, d’autre
part, de la capacité et de la volonté d’apprentissage du fournisseur,
et notamment de ses vendeurs ou, plus généralement, de son personnel en contact. Il s’ensuit que ce dernier doit investir dans :
• un système permettant de gérer une base de données relationnelle,
58
© Éditions d’Organisation
données peut donc permettre de proposer rapidement une ample
combinaison de produits ou de composants, et peut conserver en
mémoire de nombreuses informations. Bien qu’un vendeur traditionnel sache effectuer de telles tâches, il ne peut le faire de manière
aussi ample et rapide que la machine. De plus, il ne saurait disposer
d’une capacité cognitive suffisante pour garder tout cela en mémoire.
La mise en relation des bases de données peut améliorer la productivité de la gestion des contacts en diminuant le coût de recherche
et de traitement de l’information par le client, en augmentant la
vitesse et l’amplitude des combinaisons virtuelles effectuées par le
fournisseur, et en mémorisant l’histoire des transactions et des réactions de chaque client. Bref, pour le dire autrement, ces évolutions
transforment la structure des « coûts d’interaction », voire leur diminution.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• un système d’acteurs non humains qui vont se substituer
ou se combiner avec le personnel en contact avec le consommateur,
• l’information et la formation des consommateurs et du personnel en contact.
© Éditions d’Organisation
Ces enjeux relèvent d’un ensemble de fonctions auparavant séparées
au sein de l’entreprise et constituent une opportunité pour le marketer.
Mais ils transforment aussi la structure des coûts et des valeurs ajoutées
et génèrent une incertitude accrue vis-à-vis de la capacité d’apprentissage de l’entreprise qui permettrait des gains de productivité. Le
développement des outils de la gestion des relations-client (C.R.M.)
résulte peu d’une demande des clients ou des consommateurs. Il résulte
principalement des conditions contemporaines de l’échange, suscitées
par les technologies de l’information et de la communication (Marion,
2001). C’est pourquoi de nombreuses entreprises témoignent de leur
déconvenue vis-à-vis de tels outils. Pourtant, le souci de différenciation
des marketers et la réussite de certaines entreprises (Dell Computer,
par exemple) vont continuer à favoriser la diffusion de tels outils.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Le marketing et la diversité
des organisations
La classification des champs du marketing a fait couler beaucoup
d’encre, et pourtant on ne dispose toujours pas d’une taxinomie
largement acceptée. Pour simplifier nous tiendrons compte de deux
variables-clés (encadré 1.11.) : la nature des acteurs en présence
(individus/ménages ou organisations) et la nature de l’objet de
l’échange (biens ou services).
Encadré 1.11. Quelques champs typiques du marketing
Services
Individus, ménages
Grande
consommation
Services
aux particuliers
Entreprises,
organisations
Milieu industriel
Services
aux entreprises
Ainsi, le champ des produits de grande consommation (fongibles
ou durables) est constitué par l’échange de biens entre un fournisseur
et un individu ou un ménage. C’est le champ qui nous a principalement servi de référence pour décrire la démarche du marketer
et ses concepts-clés. Mais, d’autres champs nécessitent de sérieuses
adaptations : celui du milieu industriel, constitué par l’échange de
biens entre un fournisseur et une entreprise ou une organisation,
et le champ des services destinés soit aux particuliers soit aux entreprises.
60
© Éditions d’Organisation
Biens
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Le marketing des produits industriels
Le milieu industriel se caractérise d’abord par la nature des acteurs
de l’échange : ce sont, le plus souvent, deux entreprises qui sont
en relation. D’où l’expression « Business to Business » parfois utilisée
pour désigner ces situations. Il faut tirer toutes les conséquences
d’un tel constat. Contrairement à la grande consommation, les obligations réciproques sont fortement personnalisées et leur définition
est négociée au sein d’une relation fournisseur-client singulière où
chaque acteur se voit attribuer un rôle actif dans la construction
de l’échange.
© Éditions d’Organisation
Une relation interactive
Les solutions délivrées par le fournisseur ne sont que partiellement
prédéterminées car client et fournisseurs sont supposés interagir
concrètement et directement pour déterminer l’objet d’échange. Les
deux organisations sont en relation interactive, c’est pourquoi on
parle aussi de marketing inter-organisationnel. Leur identité est
clairement repérée, la raison sociale (corporate name), du fournisseur
et du client est prise en considération, car la qualité du fournisseur
en tant qu’organisation importe autant, voire plus, que la seule
qualité du produit. Les termes de l’échange sont supposés co
construits et suscitent, de part et d’autre, des processus d’adaptation
à partir d’une offre de base. L’interaction fournisseur-client se manifeste par la confrontation d’un centre de vente (ingénieur commercial, service de maintenance, bureau d’études, service après-vente…),
avec un centre d’achat (acheteur, responsable de la production, service qualité, responsable financier…).
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Dans les filières industrielles la performance d’une entreprise est
conditionnée par celle de nombreuses autres entreprises, situées en
amont ou en aval, dans un système de relations de dépendance et
de complémentarité constituant de multiples réseaux. Les alliances,
les ruptures, les conflits et les coopérations peuvent apparaître de
toute part, menaçant ou confortant la position de chaque entreprise
au sein de ses réseaux. Dès lors, la position d’un fournisseur visà-vis d’un client est non seulement conditionnée par la position
de l’un et de l’autre vis-à-vis de leur marché respectif, mais aussi
par leur position vis-à-vis de l’ensemble des acteurs constituant les
réseaux et les filières. La gestion de la position relève donc de
variables qui ne sauraient être à la seule discrétion d’un département
marketing.
En grande consommation, la division traditionnelle du travail entre
producteur et consommateur confie au marketer le soin de rassembler
de l’information sur le marché au travers d’une analyse de la demande
et, dans le meilleur des cas, d’une analyse plus fine des usages,
attentes, attitudes et comportements des clients potentiels. La distribution de cette information auprès de plusieurs autres fonctions
de l’entreprise, et notamment auprès des responsables de la recherche
et du développement des produits (R & D), permet la conception,
62
© Éditions d’Organisation
De plus, un grand nombre de marketers « à temps partiel », situés
dans d’autres fonctions que la fonction marketing, sont en interaction directe avec le client (d’où la notion de centre de vente). Le
développement d’un nouveau produit n’est donc pas piloté par un
unique chef de produit et celui-ci n’est même pas, très souvent,
membre du département marketing. Par ailleurs, les tests auprès
d’échantillons représentatifs sont plus rares à cause du faible effectif
des populations considérées. Les budgets publicitaires sont beaucoup
plus réduits et l’usage des grands médias exceptionnel.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
puis la mise en production d’une nouvelle offre qui peut être alors
proposée au marché. Une telle démarche se caractérise par un processus séquentiel. Les étapes de construction de l’information, de
dissémination de cette information, et de réponse à cette information
constituent des moments séparés dans le temps et dans l’espace.
On peut certes parler dans ce cas d’interaction entre le fournisseur
et le client, mais il s’agit d’une interaction limitée et les tâches
du marketer sont alors éclatées entre diverses phases. D’abord la
construction de l’information : qui consomme quoi, combien,
quand, comment, pourquoi, etc. ? Ensuite la phase de dissémination
de cette information : « briefs » pour la R&D, le design, le graphisme, la publicité, l’argumentaire, etc. Enfin, de multiples activités de coordination pour piloter le développement de la nouvelle
offre : tests divers, prévisions des volumes, fixation des prix, calendrier de mise en marché, etc. L’encadré 1.12. propose une représentation simplifiée d’un tel processus.
Encadré 1.12. La relation fournisseur-client en tant
que processus séquentiel
© Éditions d’Organisation
Conception
Production
Marketing
Consommation
Dans les situations Business to Business, caractérisée par une interaction approfondie, les processus de ce cheminement séquentiel
sont compressés dans le temps et dans l’espace. Ils sont simultanés.
Les processus de marketing (construction et dissémination de l’information, pilotage de la réponse de l’entreprise), de conception (quel
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
matériau, quel principe fonctionnel, quelle forme, quel design,
etc. ?), de production (quelle quantité, à quel rythme, à quel prix,
etc. ?), et de consommation (quels usages, quels résultats, quelles
satisfactions et insatisfactions, etc. ?) se recouvrent largement les
uns les autres dans le temps et dans l’espace. Il est moins question
de créer de la valeur pour le client que de créer de la valeur avec
le client. Ce que le fabricant apporte c’est un complément aux
savoirs, aux ressources et aux équipements déjà possédés par le
client. Ce que le client apporte c’est sa compétence. Fournisseur
et client sont dans une relation interactive approfondie et concrète
(encadré 1.13.).
Encadré 1.13. La relation fournisseur-client en tant que processus
simultanés d’interaction
Marketing
Conception
Consommation
Il s’ensuit que le service marketing et, plus généralement la coalition
des marketers, disposent d’un pouvoir moindre au sein de l’organisation. Ils doivent, en permanence, apporter des preuves convaincantes de la nécessité de leur contribution, alors que les instruments
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© Éditions d’Organisation
Production
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
de mesure dont ils disposent demeurent très parcellaires. Dans certaines entreprises les contributions du département marketing peuvent se cantonner à des ingrédients très périphériques : un logotype,
une brochure commerciale, un publipostage… Dans d’autres entreprises, au contraire, l’orientation client fait largement partie de la
culture de l’entreprise. À l’examen de cette diversité, on comprend
qu’on ne saurait définir normativement la place du marketing dans
l’organigramme des entreprises œuvrant en milieu industriel.
© Éditions d’Organisation
Une relation sélective : le portefeuille de clients
Le faible effectif de la population des clients (en milieu industriel
on les compte par dizaines, centaines ou milliers ; en grande
consommation par millions, dizaines, voire centaines de millions),
et la possibilité d’entériner leur hétérogénéité (taille, activité,
compétence, nationalité), expliquent en large part la diversité des
relations. Toutefois, le recours au négoce industriel permet de
limiter la diversité des adaptations et des négociations du point
de vue du fournisseur. Ce choix lui permet de couvrir un marché
diffus en reportant sur un distributeur la fourniture de services
complémentaires : stockage, livraison, finition, installation, maintenance. Le fournisseur réduit ainsi la diversité de ses relations
et limite l’ampleur des adaptations et des négociations à consentir.
Dès lors, la plupart des fournisseurs constituent et gèrent un
portefeuille de clients. La position de ces derniers y est hiérarchisée,
de fait ou par choix, en raison de leurs attraits et des atouts dont
dispose le fournisseur. Cette position conditionne la sélectivité
de l’émission des messages et de l’allocation des ressources du
fournisseur : suivi spécifique par un vendeur, invitation personnelle dans un salon professionnel, publipostage ciblé, adaptation
spécifique. De son côté, de fait ou par choix, le client gère un
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Du coup, les relations fournisseur-client sont entretenues par un
réseau de relations personnelles. C’est l’ensemble de cette dynamique, et sa cohérence, qui favorise ou non la qualité
« psychosociologique » de la relation, c’est-à-dire son atmosphère.
Les relations sont largement personnalisées : visite, courrier, téléphone, télécopie. Des médias spécialisés (presse professionnelle,
annuaires, bases de données), permettant de véhiculer une information plus approfondie qu’en grande consommation, constituent
une sorte de mémoire externe à l’usage de l’ensemble des acteurs.
Les dispositifs de transfert de la solution peuvent nécessiter des
investissements de la part du fournisseur et du client : emballages,
modes de livraison ou de stockage, organisation de la production,
actions de formation, conditions de règlement. Souvent, des procédures spécifiques sont mises en place (homologation ISO, délé66
© Éditions d’Organisation
portefeuille de fournisseurs. Il s’ensuit que cette relation donne le
jour à une construction sociale particulière : le couple fournisseurclient. Les contacts seront récurrents ou épisodiques en fonction
du cycle de vie et de l’atmosphère de la relation : phase pré relationnelle où les deux parties s’évaluent mutuellement ; phase d’initiation, scandée par des épisodes critiques tels que des essais
techniques ou des commandes d’essai ; phase de développement,
où des adaptations sont effectuées de part et d’autre (caractéristiques du produit, ordonnancement, logistique) ; stabilisation
voire institutionnalisation de la relation ou questionnement, voire
rupture. Ces épisodes s’inscrivent dans un système social concret :
manifestations professionnelles (salons, colloques, réunions), réception des représentants, implication des centres d’achat et de vente
dans les processus d’adaptation. Des ajustements réciproques, tels
que le « juste à temps » ou le développement conjoint d’une
innovation, donnent lieu à d’amples investissements spécifiques
et durables.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
gation de contrôle, assurance qualité, flux tendu, Échange de
Données Informatisées). Ces dispositifs manifestent le degré de dépendance dans la relation fournisseur-client. Chaque organisation
s’efforce de réduire les risques par un ajustement mutuel permanent.
Au-delà de l’offre de base, une solution et son transfert sont adaptés
et négociés de manière sélective. Autrement dit, les adaptations possibles ne seront consenties qu’en raison du degré souhaité d’implication dans la relation. Selon le rang de cette relation dans la hiérarchie
de chacun, des marges de manœuvre pourront être plus ou moins
utilisées. Un fournisseur pourra consentir, vis-à-vis d’un client
« cible », un seuil particulier de mise en production, une forme
spécifique de livraison ou une procédure ad-hoc de facturation
© Éditions d’Organisation
Des indicateurs différents
Les indicateurs de performance utilisés sont moins quantitatifs,
moins « universels », et reposent rarement sur une collecte de données fondée sur des échantillons prélevés dans une population nombreuse et homogène. De plus, ils visent à rendre compte de
l’évaluation par les clients non seulement de l’objet d’échange (le
produit et/ou le service fourni), mais surtout de la qualité de l’organisation qui en assure la fourniture. Le plus souvent, le nombre de
fournisseurs en présence chez un client donné, leur « taux de
pénétration » et leur statut (principal, petit mais innovateur, de
complément), sont préférés à la part de marché. Les bases de données
ad hoc, les banques de données, et les sources d’informations fournissant des données « secondaires » sont de fréquents substituts à
l’interrogation directe des clients. La veille concurrentielle met
autant l’accent sur la capacité des organisations concurrentes (niveau
des coûts, capacité de production, dépôts de brevets), que sur la
performance de leurs produits et de leurs marques. La taille modeste
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
des budgets de publicité limite largement les procédures d’évaluation et de contrôle de ces actions. La diversité des clients, des
acteurs de la décision d’achat, des technologies et des applications
complexifie la mise au jour des attributs déterminants, des images,
des positions perçues et des niveaux de satisfaction. La durée des
relations, les étapes de leur cycle de vie, leur atmosphère, constituent
des indicateurs plus difficiles à appréhender par des indicateurs
statistiques.
Cette description à grands traits des interactions du milieu industriel
ne concerne cependant qu’une partie des relations inter-organisationnelles. D’autres terrains tels que le marketing de l’innovation
technologique ou le marketing de projets nécessiteraient des développements plus amples. Nous renvoyons donc au ouvrages spécialisés pour l’approfondissement de ces thèmes (Michel, Salle et
Valla, 1996). De plus, les relations fabricants-distributeurs sont
aussi, évidemment, des relations inter-organisationnelles. Il s’ensuit
que ce qu’on appelle le Trade Marketing, c’est-à-dire le pilotage par
un fabricant de ses échanges avec une entreprise de commerce (cf.
chap. 7) peut sans doute s’inspirer de ce type d’approche.
L’intérêt porté aux services se développe fortement depuis la fin
des années 1970. Trois éléments principaux permettent d’expliquer
cette tendance. Premièrement, le poids économique des activités
de service devient dominant dans la plupart des pays dits développés.
On parle de tertiarisation de l’économie pour décrire cette évolution.
De nombreux économistes et sociologues tentent d’expliquer ce
phénomène : Gershuny (1978) ou Delaunay et Gadrey (1992), proposent diverses hypothèses, tantôt opposées et tantôt convergentes,
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© Éditions d’Organisation
Le marketing des services
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
pour expliquer la croissance des services. Il demeure que, dans une
période économique où la création d’emplois est un enjeu majeur,
la réflexion sur le développement des services s’avère particulièrement d’actualité. Deuxièmement, un certain nombre de thèmes
cristallisent l’attention à la fois des praticiens d’entreprises, des
pouvoirs publics, et des clients. Ainsi, la question de la qualité de
services constitue un sujet crucial pour les entreprises. Elles y voient
un levier stratégique dès lors que l’on assiste à une banalisation
accrue des offres. De même, les pouvoirs publics accordent de
l’importance à ce thème à la fois pour l’image de leur pays (accueil
de visiteurs étrangers par exemple), et dans une perspective de
développement économique. De plus, les consommateurs semblent
manifester une exigence de plus en plus grande à ce niveau. D’autres
thèmes suscitent aussi l’intérêt des différents acteurs économiques
tels que la place et l’évolution des services publics ou encore le
rôle des services dans l’aménagement du territoire et dans la vie
sociale. Enfin, les modèles et outils du marketing traditionnel, issus
pour l’essentiel des pratiques de la grande consommation, ne peuvent
souvent fournir ni une description satisfaisante des problèmes rencontrés dans les services, ni des guides d’action totalement adaptés
à ce contexte.
© Éditions d’Organisation
La spécificité des services
De nombreux auteurs s’accordent pour souligner un certain nombre
d’éléments permettant de distinguer les services des biens : ils sont
immatériels, donc difficiles à présenter, à normer et à représenter.
Ils ne peuvent être stockés. Ils impliquent la participation du client
et, le plus souvent, d’un personnel en contact avec le client. Deux
éléments principaux résument et expliquent l’ensemble de ces
éléments :
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
• l’immatérialité (ou intangibilité) des services : « Un produit
est un objet, une chose, un moyen ; un service est un acte, une
exécution, un effort. » (Berry, 1980),
• la non-séparabilité entre production et consommation : un
service ne suit pas la séquence chronologique classique production-distribution-consommation, mais est généralement
produit et consommé simultanément dans le cadre d’une
relation directe entre l’entreprise et le client. Eiglier et
Langeard (1987), utilisent le terme servuction pour rendre
compte de ce processus particulier : la servuction est aux
services, ce que la production est aux produits.
Cette spécificité a pour conséquence essentielle de mettre l’élément
humain et les facteurs relationnels au cœur du marketing des services. Il faut donc souligner l’importance numérique et stratégique
du personnel en contact avec la clientèle. Celui-ci doit souvent à la
fois vendre et réaliser le service, d’où l’intérêt porté à la notion de
marketing interne. Il faut aussi examiner le rôle des clients lorsqu’ils
participent à la réalisation du service, véritables « coproducteurs »
de la prestation. Pour mettre l’accent sur l’importance des interactions entre ces deux acteurs principaux du service on utilise l’expression « moment de vérité » (Normann, 1984), afin de désigner cette
phase de l’interaction où se cristallisent les évaluations par le client
de l’offre de service, du personnel en contact, et de l’entreprise
elle-même.
Le rôle joué par le personnel en contact d’une part, et par le client
d’autre part, constitue l’une des sources essentielles de la non-reproductibilité à l’identique d’un acte de service. D’ou la variabilité
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L’importance du personnel en contact
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
d’une même prestation dans le temps et dans l’espace. Ce constat
effectué, les prescriptions divergent : faut-il tenter de normer, standardiser au maximum la prestation, « d’industrialiser le service »
ou doit-on au contraire reconnaître, voire stimuler, une certaine
personnalisation (customization) de la prestation ? En fait, ces deux
positions semblent constituer les deux extrêmes d’un même continuum. De plus, elles sont partiellement conciliables si l’entreprise
est capable de segmenter finement son marché. En pratique, une
tendance vers plus de normalisation et de standardisation semble
se manifester et l’engouement des entreprises de services pour la
certification de la qualité en est un indice.
© Éditions d’Organisation
Au-delà des spécificités liées aux caractéristiques de l’offre proposée,
le marketing des services se nourrit des méthodes élaborées soit
pour les produits de grande consommation, soit pour les produits
industriels, selon qu’il s’agit de prestations destinées aux ménages
ou aux organisations (Dumoulin et Flipo, 1991). La nature du client
paraît donc plus déterminante que celle de l’offre pour caractériser
la diversité des pratiques, d’autant que les entreprises de production
intègrent de plus en plus de services au sein de leurs offres.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
La mondialisation des marchés
Il faut souligner la diversité des réponses des entreprises aux enjeux
de la mondialisation des marchés. Pour faire simple, on oppose
traditionnellement deux positions extrêmes : l’adaptation aux marchés
locaux ou la standardisation mondiale de la stratégie. En fait, cette
opposition est quelque peu caricaturale : certains segments d’un
marché peuvent appartenir à l’un des pôles et d’autres au second
sans que ceci soit stable dans le temps. Il convient plutôt de parler
de degré de mondialisation.
La dialectique du « mondial » et du « local »
De multiples travaux sur les stratégies internationales (Porter, 1986 ;
Prahalad et Doz, 1987 ; Bartlett et Ghoshal, 1989) s’efforcent de
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© Éditions d’Organisation
La mondialisation des échanges se manifeste par la planétarisation
économique et financière des marchés, des firmes, des institutions
(FMI, Banque mondiale, ONU, ONG, etc.), et des technologies
de l’information et de la communication (Internet, la télévision
par satellites, etc.). Elle s’accompagne d’une part de la dématérialisation des objets, des acteurs et des processus d’échange et, d’autre
part, d’une accélération de la création d’offres, de leur diffusion, et
de la circulation de l’information. L’atténuation des frontières entre
marchés nationaux donne naissance à un espace économique mondial
(globalization) qui se caractérise par une tendance à l’homogénéisation des offres et des demandes, l’abaissement graduel des barrières
commerciales, et une concurrence exacerbée. Mais, ces tendances
ne se manifestent pas de la même manière dans tous les secteurs.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
comprendre les familles de facteurs qui expliquent ces tendances.
Du point de vue des entreprises, tout semble se passer comme si
un ensemble de « forces » exerçaient des pressions en faveur ou en
défaveur de la mondialisation :
© Éditions d’Organisation
• d’un côté des forces incitent à l’intégration et à la coordination
mondiale des activités géographiquement dispersées : économies d’échelle, taille critique de l’unité de production,
intensité des investissements, intensité de la R&D par rapport au chiffre d’affaires, pression sur les coûts, avantage
comparatif d’un pays, coûts de transport,
• d’un autre côté des forces incitent à s’adapter à la demande
et aux contraintes locales : barrières douanières, obstacles
non tarifaires tels que les quotas, les normes, les
formalités… ; poids des marchés publics, diversité des goûts
du consommateur, effets liés à l’origine nationale de l’offre,
diversité des circuits de distribution, position historique
de certaines entreprise, prédominance des acheteurs locaux.
Il s’ensuit que chaque secteur est soumis à divers degrés à ces
différents facteurs. Dès lors, certains secteurs sont mondialisés parce
que la pression des forces de coordination et d’intégration est forte
et que les forces d’adaptation locales sont négligeables (les composants électroniques, les chaussures de sport). À l’opposé, certains
secteurs sont « domestiques » parce que les forces d’intégration et de
coordination sont faibles, tandis que la pression des forces d’adaptation locales est forte (les produits alimentaires ultra-frais, la charcuterie). Entre ces deux situations, on trouve un très grand nombre
de secteurs « mixtes » : certains sont plutôt « multidomestiques »,
parce que l’ensemble des facteurs exercent une pression faible ;
d’autres sont plutôt « transnationaux », parce que l’ensemble des
facteurs exercent des pressions fortes.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Le rôle du consommateur et des goûts
• ceux qui se nourrissent de la dissémination de valeurs
nouvelles aux dépens des valeurs héritées localement. Au
travers de Coca-Cola, Levi’s ou Nike, les adolescents
consomment les signes du mythe américain. Au travers
des griffes du luxe à la française ou celles du raffinement
italien, les « élites » mondiales consomment les signes
de la distinction. Au travers du « made in Germany » les
clients consomment le stéréotype de la solidité et de la
performance. Barilla, producteur de pâtes et Ily producteur de café expresso vendent à travers le monde la qualité
typiquement italienne. Marks et Spencer répand la
conception anglaise de la qualité et du confort. Les vins
français bénéficient de la tradition de qualité de leur
origine, comme Volvo est indiscutablement suédois. Dans
tous ces cas, on voit combien l’identité nationale et géographique de l’émetteur joue un rôle déterminant,
• ceux qui se nourrissent du changement technologique et
suscitent la création d’un ensemble de valeurs radicalement nouvelles. Les marques issues de la « Hi-Tech. »,
74
© Éditions d’Organisation
Le succès de certaines grandes marques mondiales, le plus souvent
américaines, semble indiquer une tendance générale vers une mondialisation des comportements de consommation. De même, les
produits de luxe constituent un exemple commode pour illustrer
cette tendance à l’homogénéisation. Une Mercedes, un foulard Hermès ou un sac Vuitton visent une même clientèle en Amérique
du Nord, en Argentine ou à Singapour : celle qui dispose de revenus
supérieurs, est mobile et bien informée. Mais, c’est là une analyse
de courte vue. Il faut, au contraire, s’efforcer de repérer, du point
de vue des goûts, les secteurs les plus favorables à la mondialisation :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
de l’informatique, de l’électronique, des télécommunications, construisent non seulement les marchés, mais aussi
les repères qui les constituent. Leurs produits s’inscrivent
d’emblée dans une perspective mondiale qui s’impose à
tous les producteurs (micro-informatique, consoles de jeux
électroniques, téléphonie mobile…). Les jeunes générations semblent beaucoup plus sensibles que leurs aînées
à ces nouveaux produits, qui constituent « leur univers »
de consommation. Dans le champ de l’alimentation, pourtant très ancrée dans les traditions culturelles, l’innovation
dans le segment des barres chocolatées favorise aussi ce
type de consommation. Les produits peu coûteux, qui
concernent des usages « universels » et pour lesquels le
prix est largement dépendant de l’effet de volume (briquet
jetable, instruments d’écriture à faible prix, rasoir mécanique…) bénéficient aussi de cette tendance,
• ceux qui, particulièrement dans le champ des services, se
nourrissent de la mobilité et du cosmopolitisme des clients
(location de voiture, transport aérien, hôtellerie, restauration, tourisme...).
Bien que l’homogénéisation des modes de vie et des styles de vie
de la planète encourage la recherche de ces segments de marché,
il ne s’ensuit pas automatiquement que des segments universels
s’imposent à toutes les entreprises. La dynamique de la mondialisation ne conduit pas seulement à plus d’homogénéité et de gigantisme. Elle suscite, dialectiquement chez le consommateur, la
recherche de proximité, d’enracinement, de valeurs singulières et
à taille humaine. Pour le dire autrement, les tendances à l’universalisme qui accompagnent la mondialisation nourrissent, en même
temps, le regain des phénomènes communautaires : le clan, la tribu,
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
• ceux qui sont très enracinés dans les pratiques culturelles.
C’est d’abord le cas du secteur alimentaire. En dépit de la
présence mondiale de Coca-Cola ou de McDonald’s, force
est de constater que les rayons alimentaires des supermarchés varient fortement d’un pays à l’autre. Il suffit de comparer Paris, Barcelone, Londres et Genève pour constater
que la structure du petit déjeuner, la place de l’assaisonnement ou du sucre, le rôle du fromage, etc. sont radicalement différents dans les pratiques familiales. Certains
loisirs sont eux aussi fortement ancrés dans la tradition et
les systèmes de valeurs : Club Med, en dépit de ses efforts
pour universaliser son concept, se heurte depuis longtemps
à la « résistance » germanique ou nord-américaine. La presse
et l’édition, pour des raisons qui tiennent évidemment à
la langue mais aussi à l’histoire, demeurent encore peu
mondialisées. En dépit du succès des Jeux olympiques et
de la coupe du monde de football, il demeure que certaines
pratiques sportives et les loisirs qui s’y rattachent demeurent enracinés dans un espace limité culturellement (le baseball), et géographiquement (la mer, la montagne). Du coup,
des marchés majoritairement locaux perdurent et permettent une prédominance des acteurs nationaux, voire régionaux,
• ceux qui sont très liés à la structure des modes de vie et,
notamment, le secteur du commerce de détail et de la
vente par correspondance (en large partie déterminé par la
structure de l’habitat, le degré d’urbanisation, la réglementation des horaires d’ouverture ou les autorisations de localisation). En dépit des ajustement progressifs de la
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© Éditions d’Organisation
la bande, la clique, voire la secte ou la mafia. D’où les limites de
la mondialisation des marques situées dans certains secteurs :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
législation européenne, on constate des variations extrêmement fortes dans la dispersion des tailles de points de vente
entre le Nord et le Sud de l’Europe. Une formule de vente
aussi « rodée » que l’hypermarché à la française doit s’adapter dès lors qu’elle se présente sur le marché espagnol, le
rôle des petits commerces est essentiel dans tous les pays
en voie de développement, etc.
Entre ces deux espaces, les marchés en voie de mondialisation se définissent comme des univers où de fortes traditions historiques se
combinent avec des économies d’échelle et des effets d’expérience
qui favorisent les entreprises capables de mettre en œuvre des stratégies au plan mondial. Le marché automobile ne cesse de se mondialiser sous la poussée des constructeurs. Le rôle initial de l’industrie
japonaise est aujourd’hui repris par tous les autres constructeurs.
Cette progression vers la mondialisation s’observe aussi dans le matériel électroménager, le cinéma, le mobilier de prix moyen, les supports de musique enregistrée, etc. Sur tous ces marchés, on assiste
au renforcement des acteurs globaux aux dépens des acteurs locaux.
Par contre, la mondialisation de certains secteurs se heurte à des
obstacles plus difficiles à surmonter. Notamment ceux où les écarts
de prix entre les différentes zones géographiques influencent fortement le positionnement de la marque et sa qualité relative perçue.
Aux États-Unis, ni Levi’s ni Arrow ne disposent d’une position
« haut de gamme », contrairement à la situation européenne. De
même, le prix moyen d’Évian ou Perrier aux États-Unis donne à
ces marques une position assez différente de celle dont elles disposent
en Europe.
77
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Les stratégies internationales
Une stratégie mondiale repose sur l’idée que la position concurrentielle
dans un pays est largement influencée par la position concurrentielle
dans d’autres pays. C’est le cas de secteurs tels que les télécommunications, la pharmacie, les composants électroniques ou, de plus
en plus, les services bancaires. La prise en compte de l’interdépendance entre les pays, et la volonté de rationaliser la stratégie dans
une perspective mondiale s’accompagnent alors des décisions
suivantes :
• une offre standardisée et une communication standardisée fondées sur l’idée que les attentes des clients sont homogènes,
78
© Éditions d’Organisation
On l’aura compris, les variations de goûts ne sont que l’un des
facteurs, favorable ou défavorable, du processus de mondialisation.
Si de nombreux marchés évoluent progressivement vers un degré
plus élevé de « globalization » c’est que des forces puissantes sont
exploitées par les stratèges et les marketers pour rationaliser leur
action. Toutefois, les organisations ne sont pas seulement influencées
par les exigences de leur environnement et la nature de leur secteur
(mondial, domestique, multidomestiques), ni non plus par la volonté
des dirigeants. Elles le sont aussi par leur héritage culturel et historique. Selon Bartlett et Ghoshal (1989), l’analyse comparée des
entreprises européennes et des entreprises japonaises montre que,
historiquement, les premières ont donné souvent naissance à des
fédérations d’entités largement indépendantes (un modèle « fédératif
décentralisé » qui s’accompagne d’une stratégie multinationale),
tandis que les secondes ont donné naissance à un système « rayonnant
centralisé » où le contrôle est étroit et les décisions centralisées
(Kœnig, 1996). Il faut, donc, s’efforcer de caractériser les stratégies
internationales typiques à la lumière de l’ensemble de ces éléments.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
ou homogénéisables, quel que soit le territoire géographique
considéré. Coca-Cola, McDonald’s ou Microsoft exploitent
systématiquement cette idée,
• un engagement significatif dans tous les marchés nationaux
majeurs pour obtenir des volumes et des synergies. Un tel
engagement permet à l’entreprise de s’appuyer sur les tendances de consommation et/ou les changements technologiques qui traversent la diversité des situations
géographiques,
• une concentration des activités créatrices de valeur dans quelques sites géographiques (la recherche et développement,
la fabrication, les campagnes publicitaires), de manière à
obtenir des économies d’échelle et/ou bénéficier des avantages d’une localisation particulière,
• la construction cohérente d’un avantage concurrentiel significatif et durable pour assurer une position mondiale avantageuse, et la conduite de manœuvres stratégiques concertées
entre les principaux pays pour anticiper les interdépendances.
Une stratégie « multidomestique » consiste à investir sélectivement
dans quelques pays. Chaque filiale conserve une large autonomie
et le siège joue principalement un rôle de société holding. Une
variante est constituée par la focalisation sur le marché historique
de l’entreprise, et donc « domestique », qui s’accompagne le plus
souvent de quelques opérations d’exportation de proximité ou
d’opportunité. Une très grande partie des entreprises françaises de
l’habillement dans le milieu de gamme relève d’un tel type.
Une stratégie multinationale se caractérise par l’action indépendante
de plusieurs filiales situées sur des zones géographique de forte
croissance ou d’intensité concurrentielle faible sur leur propre marché. Le quartier général d’une multinationale assure la coordination
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
financière, l’unification de quelques éléments tels que la politique
de marque, et centralise assez fortement la recherche et développement. Elle peut procéder par investissement direct pour implanter
des unités locales ou procéder à des transferts de technologie auprès
de partenaires qui en sont dépourvus.
© Éditions d’Organisation
Une stratégie transnationale vise à concilier les forces d’intégration
globale avec la nécessité de différencier les offres par pays. Selon
Bartlett et Ghoshal (1989) l’organisation transnationale est un réseau
asymétrique d’unités dans lequel le centre (le siège social) ne domine
pas outre mesure les unités locales. Des flux importants de compétences circulent entre le siège et les filiales, mais aussi entre les
filiales sans passer par le siège. Ce type de stratégie serait particulièrement adaptée aux secteurs « mixtes » (c’est-à-dire les plus nombreux) dans lesquels les forces d’intégration globale et les forces
de différenciation locales sont élevées.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
La place du marketing
dans l’organisation
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L’illusion qu’il suffit de nommer ou de débaucher, un directeur du
marketing pour injecter l’orientation client dans l’organisation
repose sur l’idée que le marketing est une fonction séparée, vaguement reliée à la recherche et développement, à la production ou à
la vente. Lorsque cette conception prévaut, la responsabilité du
service marketing se cantonne souvent aux études de marché et à
la publicité. Il intervient peu sur des éléments aussi essentiels que
la conception des offres, le niveau de qualité, la fixation des prix,
le choix des clients, etc. La dimension stratégique du marketing
est ainsi occultée. On voit alors des entreprises disposant de gros
services marketing peiner pour s’adapter au changement, tandis
qu’une petite entreprise dépourvue de tout département marketing
pourra modifier son cap avec un remarquable à propos. Autrement
dit, l’apparition d’un service spécialisé dans l’organigramme ne suffit
pas pour énoncer que l’entreprise est orientée par le client.
Il convient donc de distinguer deux perspectives pour comprendre
la nature et l’évolution des structures organisationnelles. Le marketing en tant que groupe fonctionnel au sein de l’organisation
(un service, un département, bref une entité organisationnelle distincte), et le marketing en tant qu’ensemble d’activités (la publicité,
la gestion des produits, la vente, les études commerciales…). Dans
une perspective fonctionnelle, il faut analyser le pouvoir de cette
entité (le département marketing) c’est-à-dire le poids relatif de
son influence sur les enjeux stratégiques de l’unité considérée
(l’entreprise, l’une de ses divisions, une filiale géographique, etc.).
Nous verrons que le secteur d’activité (grande consommation versus
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Business to Business) et le poids de la technologie jouent un rôle
important dans ce domaine. Nous verrons aussi que l’un des enjeux
majeurs concerne la coexistence de la vente et du marketing. Enfin,
nous pointerons le paradoxe de la diffusion de l’orientation marché :
plus est grand le nombre d’acteurs qui dans l’entreprise sont impliqués dans des relations avec les clients plus le pouvoir de l’entité
marketing décroît.
La structure formelle de l’entreprise la plus classique est fondée
sur une répartition fonctionnelle : vente, marketing, gestion de la
production ou des opérations, gestion financière, gestion des ressources humaines, recherche et développement, etc.). Par direction
commerciale ou direction des ventes, on entend alors l’ensemble des
unités qui regroupent les divers métiers spécifiques de la vente
(directeur des ventes, chef de secteur, attaché commercial, merchandiser, responsable de compte-clé…), tandis que la direction marketing,
lorsqu’elle existe, regroupe les chefs de produit, parfois sous la
responsabilité d’un chef de groupe de produits, et les assistants
chefs de produit (A.C.P.) et souvent le ou les chargé(s) d’études
commerciales (encadré 1.14.). Cette structure, dite par chefs de
produit (Product managers, Brand managers), est la plus courante
dans les entreprises de grande consommation si bien qu’elle est
devenue la norme voire, pour certains, le synonyme d’une orientation
client. On en vient à considérer que l’entreprise ne saurait faire du
marketing en l’absence d’un département spécifique constitué de
plusieurs chefs de produit sous la responsabilité d’un directeur du
marketing. Mais, en pratique, ce type d’organisation concerne surtout les entreprises de biens de grande consommation. De plus, la
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© Éditions d’Organisation
Les contours d’un département marketing
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
définition du poste de chef de produit est très variable au sein
même de ce type d’organisation. Le chef de produit n’a pas d’autorité
hiérarchique vis-à-vis des autres services avec lesquels il travaille.
Il occupe une position à la frontière de plusieurs systèmes : la recherche et développement, la production, les achats, le contrôle de gestion, la comptabilité, les ventes. Il joue, de ce fait, un rôle de
coordination et de traduction de logiques différentes et parfois contradictoires. C’est pourquoi son rôle varie largement d’une organisation à une autre.
Encadré 1.14. Une organisation typique de la fonction marketing
© Éditions d’Organisation
Directeur Marketing
Secrétariat
Études commerciales
Chef de Groupe 1
Chef de Groupe 2
Chef de produit 1
Chef de produit 2
A.C.P.
A.C.P.
Les entreprises de services et les entreprises du milieu industriel
adoptent bien souvent des structures moins normées. Le service
marketing ne manipule alors qu’une partie des variables d’action
propres au marketing. Plusieurs marketers « à temps partiel », situés
dans d’autres fonctions et d’autres services (recherche, méthodes,
fabrication, exploitation, etc.), sont en interaction avec les clients.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Toutefois, un grand nombre d’ingénieurs, œuvrant quotidiennement
pour fournir des solutions aux clients, ne reconnaissent pas toujours
que leur activité relève du marketing. De plus, dans ces entreprises
les promoteurs de la logique marketing peuvent porter des titres
divers : directeur du marketing, responsable du département marketing, directeur commercial, directeur des ventes…, et peuvent
appartenir à d’autres services que celui qui porte l’étiquette
« marketing » ou « commercial ». Autrement dit, on observe une
dispersion plus ou moins grande des activités marketing au sein
de l’organisation. Enfin, dans les entreprises plus petites, il est
relativement fréquent de constater une large dispersion des activités
marketing entre divers services.
Le rôle du chef de produit
• construire un plan de marketing et un budget marketing
(cf. chap. 5) : volume de ventes, chiffre d’affaires,
« contribution » marketing, dépenses d’études, de publicité, et de promotion,
84
© Éditions d’Organisation
L’organisation traditionnelle d’une multinationale œuvrant dans les
produits de grande consommation est calquée sur la structure par
chefs de produit initiée en 1931 par Procter et Gamble et largement
diffusée à partir des années 1950 (Low et Fullerton, 1994). Ce choix
organisationnel résultait de la multiplication des marques et des
produits et de la complexification de l’organisation des grandes entreprises. Si bien que 84 % des fabricants de la grande consommation
disposaient de chefs de produit en 1967 (Buell, 1975). Le chef de
produit apparaît alors comme une sorte de « pivot », comme
un « mini general manager » dont les responsabilités typiques consistent à :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
• coordonner la mise en œuvre du marketing opérationnel
(extensions de gamme, modifications de produits et de prix,
actions promotionnelles, stratégie publicitaire…). De ce
point de vue, le chef de produit est en contact avec de
nombreuses autres fonctions (R & D, production, finance,
logistique…), sans avoir aucune autorité hiérarchique sur
ses interlocuteurs. Il doit convaincre par sa compétence et
la qualité de son expertise. Il est aussi chargé de la coordination des relations avec l’agence de publicité et des sociétés d’études ou du service études si celui-ci existe,
• suivre finement la position concurrentielle de ses produits
et l’évolution de la demande au moyens des panels, des
études, des statistiques professionnelles, etc.
Un chef de produit est donc partie prenante de plusieurs systèmes
d’action en relation les uns avec les autres. Il joue, de ce fait un
rôle important d’intermédiaire et d’interprète entre des logiques
d’action différentes, voire contradictoires (clients, production,
agence de publicité, sociétés d’études…). Il est soumis à de multiples
pressions internes et externes et, pour faire face à l’incertitude, il
doit disposer d’un système d’information pertinent concernant les
clients, la demande et la concurrence. La structure typique d’un
département marketing traditionnel découle de l’apparition du chef
de produit. Celui-ci peut dépendre d’un chef de groupe coordinateur
de plusieurs lignes de produits, qui lui-même dépend du directeur
marketing ou du directeur de la division. La trajectoire traditionnelle
du marketer est ainsi tracée : d’abord assistant chef de produit, puis
chef de produit, chef de groupe et, enfin, directeur du marketing.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
L’évolution des métiers du marketing
Ces nouvelles solutions sont suscitées par la prise en compte d’un
ensemble de tendances lourdes : la mondialisation des activités, la
montée en puissance des entreprises de commerce, la diffusion des
technologies de l’information qui permettent au Top Manager de
disposer rapidement d’une information ad hoc au plan mondial,
l’horizontalisation de l’entreprise autour des notions de chaîne de
86
© Éditions d’Organisation
En pratique, la fonction chef de produit est extrêmement diverse
au sein des organisations et les contours de ses responsabilités opérationnelles fluctuent largement d’une entreprise à une autre. Dès
1973, de très grandes entreprises comme Pepsi-Cola, Heinz ou
Heublein mettent en cause la pertinence du brand manager au profit
d’autres choix organisationnels : category manager, chef de marché,
directeur de petites divisions, travail en équipe… Les chefs de produit eux-mêmes manifestent une certaine lassitude vis-à-vis de certaines de leurs responsabilités (la promotion des ventes, la prévision
des ventes, la gestion budgétaire) qui se développent aux dépens
d’activités plus « passionnantes » telles que la stratégie publicitaire
ou le pilotage des nouveaux produits (Quelch, Farris et Olver, 1987).
Du coup, un certain nombre de critiques sont adressées aux chefs
de produit eux-mêmes : trop jeunes et inexpérimentés, trop carriéristes (la rotation moyenne aux USA serait de dix-huit mois), trop
centrés sur leur service et certaines activités comme la publicité
ou la promotion… Bref, une vision trop fragmentaire et réductrice,
alors que des enjeux importants les dépassent largement : la marque
est un actif trop précieux pour que celle-ci soit confiée à un chef
de produit, le développement d’une offre européenne voire mondiale
doit résulter d’un travail pluridisciplinaire, les relations avec les
grandes enseignes de distribution relèvent du « trade marketer »…
D’où l’émergence de nouvelles solutions organisationnelles.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
valeur et de gestion par les processus. Le « nouveau » chef de produit
apparaît plus alors comme un manager expérimenté (senior), un
généraliste qui domine les frontières traditionnelles entre les fonctions verticales de l’entreprise : le maître mot de ce nouveau profil
est intégration et s’oppose à l’approche fonctionnelle traditionnelle.
En d’autres termes, chaque marketer sera moins un membre du
« département » marketing qu’une compétence au sein de l’entreprise. Divers types de compétences sont alors repérables (George,
Freeling et Court, 1994) :
• une compétence centrée sur un segment du marché final (le
responsable marketing du marché hispanique chez Kraft,
le directeur d’un hypermarché chez Carrefour, le responsable
du segment « professions libérales » dans une banque…).
Une telle compétence repose sur une connaissance fine d’un
groupe de clients homogène et vise à déployer les ressources
de l’entreprise sous la formes de produits et de services
adaptés à ce segment,
• une compétence centrée sur un certain type de client direct
(le responsable grand compte, le directeur d’enseigne, le
Key Account Manager, le trade marketer, le responsable d’un
accès sélectif au marché : duty free shop, parfumeries, pharmacies…). Cette compétence repose sur l’aptitude à analyser
finement les interactions fournisseur-client, à partir des
modèles développés pour le Business to Business (cf. chap. 7),
et à conduire des stratégies d’adaptation, voire d’alliance,
vis-à-vis des centrales d’achat et des grandes enseignes,
• une compétence centrée sur un certain type de produits (le
responsable d’un bouquet de nouvelles formes d’assurances,
le Category Manager, le responsable du projet Twingo…).
Cette compétence est typiquement transversale et relève
plus de la conduite de projet que du rattachement à un
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
service particulier. Elle repose sur une forte expérience des
différentes fonctions de l’entreprise et permet de conduire
des actions mobilisant des ressources et des compétences
très diverses (chercheurs, vendeurs, financiers, hommes de
production…). Comme pour la conduite d’un projet, la
compétence principale ne se situe pas dans une expertise
spécialisée mais dans l’aptitude à mobiliser des compétences
collectives,
• une compétence centrée sur une technique marketing (le marketing direct, le pilotage des prix, la publicité, le merchandising, l’analyse des données, la gestion de bases de données,
le E-Commerce…).
Au total, on dispose de moins en moins d’une définition simple
et normée de la structure marketing. Les solutions organisationnelles
apparaissent toujours comme le fruit provisoire d’exigences par
nature contradictoires : mission ou métier, centralisation ou décentralisation, locale ou mondiale, formelle ou informelle… Avant de
mettre en évidence la diversité des structures organisationnelles et
les facteurs qui expliquent cette diversité, il convient de souligner
la prégnance de deux évolutions fondamentales : le rôle de l’approche
par les processus et l’impact de la chronocompétition.
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© Éditions d’Organisation
Aujourd’hui, au sein même des entreprises de grande consommation,
on constate donc une remise en cause grandissante de la structure
traditionnelle par chefs de produit. De plus, la mondialisation conduit
les grandes entreprises certes à adapter leur structure en raison des
exigences de l’action locale (afin d’adapter les offres), mais surtout à
tenir compte des impératifs d’une stratégie mondiale (afin de préserver
une marque unique et une offre standardisée et de négocier avec des
enseignes elle-mêmes mondiales). On observe alors une réduction du
rôles des directions locales, c’est-à-dire au niveau d’un pays.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Le marketing au sein des processus :
la chaîne de valeur
© Éditions d’Organisation
L’analyse de l’entreprise en termes de processus propose une grille
de lecture originale pour décrire ses activités, c’est-à-dire les modes
de transformation de ses ressources en résultats. Le succès, au moins
médiatique, des opérations de Business Process Reengineering a renforcé
la volonté de briser les chapelles fonctionnelles (functional silos) pour
leur substituer une réflexion en termes de processus-clés. On entend
par processus (sous-entendu transversal), un ensemble d’activités,
reliées entre elles par des flux d’information, qui se combinent pour
fournir un résultat défini. Le « processus de fabrication » a pour résultat un produit fini, le « processus de commande/livraison/facturation »
a pour résultat l’émission d’une facture, le « processus d’achat » a
pour résultat une commande, le « processus de conception » a pour
résultat un concept de produit que l’on peut fabriquer et vendre.
Une telle définition des activités de l’entreprise est différente du
regard traditionnel hérité de la doctrine de Fayol (qui remonte à
1917), où le personnel est réparti verticalement en groupes distincts
selon sa fonction (technique, commerciale, financière, comptable…),
et son niveau hiérarchique. L’analyse par les processus fait, au contraire,
apparaître transversalement les liens entre la valeur délivrée par l’entreprise et l’action de chaque individu ou équipe. Elle essaie ainsi de
dépasser les obstacles introduits par la division taylorienne du travail
en prenant systématiquement comme référence le jugement final du
client sur la valeur du résultat de ces processus.
Cette approche est au fondement de plusieurs outils, notamment
les notions de chaîne de valeur (Porter, 1980), de qualité totale,
et de reconfiguration des processus (Business Process Reengineering).
Elle met l’accent sur la recherche d’une efficacité opérationnelle
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
supérieure à la concurrence : soit en délivrant une valeur supérieure
au client qui sera alors prêt à payer un prix supérieur, soit en
créant une valeur comparable à un coût inférieur. L’efficience de
l’entreprise, mesurée par les différences de prix ou de coût visà-vis de la concurrence, résulte des centaines d’activités que nécessitent la conception, la production, et la vente de biens et de
services. C’est donc l’ensemble de ce système, et non pas telle
ou telle activité, qui détermine la compétitivité de l’entreprise.
Par conséquent, il convient de raisonner sur l’articulation des
activités au sein de processus interdépendants. Par exemple, au
sein du processus logistico-industriel de fabrication, le contrôle
qualité sur les achats permet de réduire les incidents de production
ou le taux de rebuts. Ou encore, la gestion fine du planning de
mise en fabrication, grâce à un bon système d’information, permet
de réduire les stocks sans provoquer de rupture dans les livraisons.
• Le processus commande/livraison/facturation est constitué par
des activités réparties traditionnellement dans des fonctions
séparées verticalement (direction des ventes, planification
des commandes, administration des ventes, services logistiques, responsables de la production, facturation et
comptabilité). Dans le secteur automobile un tel processus
peut être décrit comme l’enchaînement suivant : action
publicitaire et promotionnelle, prise de commande, négociation d’un prix et de conditions de règlement, réception
d’une commande, programmation de la livraison, fabrication
90
© Éditions d’Organisation
Le marketer peut jouer un rôle important au sein de deux processusclés : le processus qui conduit d’une commande à la facturation et le
processus de conception et de développement des nouveaux produits. Ces
deux processus recouvrent en partie ce que l’opposition marketing
opérationnel et marketing stratégique entend distinguer.
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© Éditions d’Organisation
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
ou sortie de stocks, préparation de la livraison, transport,
facturation, encaissement, services associés à la livraison et
mise à disposition du véhicule. L’horizon de planification
est très proche, et on se situe dans le champ des décisions
courantes. Trois conséquences importantes sont attendues
de l’amélioration de ce processus : la satisfaction des clients
(commandes livrées plus rapidement et plus précisément,
respect des engagements), la diminution des conflits entre
fonctions, et l’amélioration de la productivité.
• Le processus de conception et de développement des nouveaux produits est constitué traditionnellement par un enchaînement
linéaire d’étapes articulant les activités d’acteurs séparés :
le marketer, les ingénieurs de recherche et développement,
le responsable des achats, celui de la production, la direction
financière… Toutefois, les processus linéaires sont souvent
remis en cause dans les situations d’innovation complexes.
Il s’ensuit de profondes perturbations dans les organisations
de grande taille où les services sont cloisonnés, l’action finement planifiée, et la structure très hiérarchisée (cf. chap.
5). Quoi qu’il en soit, l’horizon de planification est plus
lointain que dans le processus précédent. On se situe dans
le champ des décisions stratégiques. L’un des enjeux les
plus importants de ce processus concerne le choix effectué
par l’entreprise sur le continuum standardisation/sur mesure.
Entre la standardisation pure (dont la Ford T est le prototype
historique et McDonald’s la version contemporaine), et le
sur mesure intégral (le bijoutier de la place Vendôme ou
l’architecte qui crée pour un client unique), il existe de
multiples voies où se combinent la modularité et la standardisation à tous les niveaux du développement d’un nouveau produit : conception, fabrication, assemblage et vente.
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0000-Marion.book Page 92 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
La chronocompétition
De même, le temps est une variable concurrentielle de première
importance pour les entreprises qui opèrent dans le textile-habillement puisqu’une offre trop précoce est génératrice de stocks, tandis
qu’une offre trop tardive sera soit soldée, soit invendable. Plus
généralement, la concurrence fondée sur la gestion rapide des processus est exacerbée dans tous les secteurs où se manifeste une
accélération de l’obsolescence des produits (automobiles, électronique, vêtements, etc.). Les avantages d’une mise en marché rapide
sont en effet nombreux car l’entreprise peut alors :
• vendre plus cher,
• accroître sa part de marché,
• collecter plus vite de l’information (prévisions des ventes,
qualité attendue…),
92
© Éditions d’Organisation
Au cours des années 1970, l’industrie automobile japonaise a fait
de la flexibilité et de la vitesse d’exécution (time to market) l’une
de ses compétences distinctives. Ce que l’on appelle le « toyotisme »,
c’est-à-dire la généralisation de la démarche organisationnelle mise
en place par Toyota (le « juste à temps », le contrôle permanent
et autonome des défauts, la flexibilité du travail, et la « créativité
- invention » de tous les opérateurs concernés) se traduit notamment
par une gestion différente du temps. Toyota aurait, ainsi, réduit
d’une part, la durée du développement d’un nouveau véhicule de
5 ans à 3 ans, notamment en créant des équipes projets auto-organisées et en impliquant très tôt ses fournisseurs dans le processus.
D’autre part, elle aurait réduit le cycle de production de 5 jours
à 2 jours et le processus de commande de 5 jours à 1 jour. Ce sont
là les effets de la chronocompétition, c’est-à-dire l’utilisation du temps
comme arme concurrentielle.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• enclencher plus vite des économies d’échelle ou une courbe
d’apprentissage (cf. chap. 10),
• introduire plus vite des innovations incrémentales,
• susciter une animation dans les points de vente,
• en revanche, une mise en marché rapide peut entraîner des
problèmes de qualité et augmenter les coûts de développement d’un nouveau produit.
La chronocompétition est donc un enjeu grandissant qui conduit
les entreprises à imiter tout ou partie des « pratiques japonaises ».
Par ailleurs, la valorisation de leur propre temps par certains clients
(homme d’affaires pressé, mère de famille impliquée dans un travail
salarié…) suscite de nouvelles opportunités pour les aider à gagner
du temps. Ainsi, l’élasticité du prix par rapport au temps peut
constituer un critère de segmentation complémentaire. Ce critère
semble particulièrement utile dans le champ des services.
© Éditions d’Organisation
La diversité des structures organisationnelles
La structure d’une organisation est constituée par le champ des
relations entre les différentes composantes de son gouvernement :
répartition des responsabilités, configuration des pouvoirs, rapports
d’autorité. On peut la décrire selon sa complexité (nombre de
niveaux hiérarchiques, dispersion géographique…), sa formalisation
(standardisation des définitions de postes, explicitation des procédures et de la distribution du pouvoir…), et son degré de centralisation. La place du marketing dans l’organisation reflète son
influence.
Toutefois, les grandes organisations manifestent une forte diversité
de leur structure dans l’espace et dans le temps. D’abord, une certaine
diversité selon les activités, les fonctions, et les pays. En 1987, au
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
sein d’Unilever, les activités chimiques de l’entreprises relevaient
d’une forte coordination internationale, tandis que pour les produits
de consommation alimentaires le degré de coordination demeurait
très modeste, les lessives occupant une position intermédiaire. Au
sein des activités de lessives, la fonction R&D était amplement
coordonnée au plan mondial, tandis que la fonction vente était
largement adaptée aux exigences locales, la fonction marketing occupant une position intermédiaire. Au sein de la fonction marketing,
les marchés allemand et français faisaient l’objet d’une forte coordination, tandis que pour le Brésil et l’Inde la coordination était
très faible, la Suisse, la Hollande, et la Suède occupant une position
intermédiaire (Bartlett et Ghoshal, 1989). On voit donc qu’à un
moment donné, une même entreprise manifeste une ample diversité
organisationnelle.
De plus, l’observation dans le temps montre, le plus souvent, qu’un
dispositif organisationnel résulte de mouvements multiples relevant
moins d’un plan général et délibéré que d’un incrémentalisme logique, c’est-à-dire un processus caractérisé par une série d’étapes visant
à prendre en charge des conditions spécifiques. Entre 1960 et 1987,
IBM a réorganisé quatre fois ses équipes commerciales : d’abord
selon une logique produit, puis selon une logique client/produit,
puis selon la taille des clients, enfin selon une logique géographique
(Cespedes, 1990). Avant de clarifier les raisons de cette diversité,
présentons d’abord les grandes formes organisationnelles.
L’adaptation de la structure organisationnelle de l’entreprise aux
changements de son environnement est un levier puissant pour la
94
© Éditions d’Organisation
Les grandes formes organisationnelles
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
mise en œuvre de la stratégie. L’analyse historique de Chandler
(1962) fournit une première catégorisation.
• La structure fonctionnelle ou unifiée (U) apparaît au sein
des premières grandes entreprises. Celles-ci sont le plus
souvent monoproduit (acier, tabac, pétrole…) et les services
fonctionnels (production, vente, finance…) constituent les
unités opérationnelles sous la direction d’un « patron ».
L’information et la répartition des tâches sont fortement
centralisées (top down). Lorsque la croissance s’accompagne
d’une multiplication des produits et des marchés (notamment géographiques), le sommet stratégique (Top Management) peut difficilement traiter toute l’information et être
attentif, en même temps, aux enjeux stratégiques et aux
enjeux opérationnels. Accroître la participation des responsables fonctionnels aux décisions stratégiques n’est guère
satisfaisant car ceux-ci risquent de privilégier leur propre
fonction aux dépens de l’ensemble de l’organisation.
• La forme multidivisionnelle (M) apparaît au début des années
1920. Elle consiste à établir des niveaux intermédiaires de
hiérarchie et de contrôle : les divisions. Celles-ci constituent
des unités se comportant comme une quasi-entreprise au
sein du groupe (un centre de profit ayant la responsabilité
de ses objectifs et résultats). Chez Du Pont de Nemours
il s’agissait de résoudre la question de la surcharge des
dirigeants (Top Management), au sein d’une structure unifiée.
Chez General Motors il s’agissait plutôt des coordonner
des entités au départ indépendantes (Buick, Cadillac, Oldsmobile, Pontiac, Chevrolet) progressivement agrégées au
sein de l’entreprise. La forme multidivionnelle est donc
aussi une manière de faire évoluer la forme holding vers
une intégration renforcée des entités opérationnelles.
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0000-Marion.book Page 96 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
• La forme holding (H) consiste à laisser une grande indépendance aux filiales et à ne contrôler que leurs résultats.
On constate alors que l’opposition entre les formes centralisées (qui
accompagnent une stratégie globale) et les formes fédérales (qui
accompagnent une stratégie multinationale) semble s’atténuer
(Kœnig, 1996). La tendance actuelle ferait plutôt apparaître une
convergence progressive des modes d’organisation de la présence internationale des grands groupes. La dialectique des exigences
contemporaines vis-à-vis du « global » et du « local » conduit les
entreprises fédératives à renforcer leur intégration, tandis que les firmes centralisées s’ouvrent aux demandes locales. L’organisation
« transnationale » (Bartlett et Ghoshal, 1989) serait la forme visée
par la plupart des entreprises. Dans ce type de structure organisationnelle, et de stratégie, toutes les filiales ne sont pas traitées de la
même manière et l’autonomie d’une unité locale est proportionnelle
à son importance stratégique. Certaines fonctions sont concentrées,
d’autres sont coordonnées, d’autres encore ont une forte autonomie
locale. De multiples équipes-projets horizontales et transnationales
96
© Éditions d’Organisation
Depuis les premiers travaux de Chandler, l’ajustement de la structure
repose sur un adage dominant « la structure suit la stratégie », autrement dit une modification dans la stratégie doit entraîner une révision de la structure. Cependant, de nombreux travaux contemporains
indiquent aussi que la structure conditionne la stratégie. De plus,
les multiples observations empiriques échouent à isoler les structures
formelles efficaces au plan international qui garantiraient à la fois
l’efficience d’ensemble de l’entreprise et la sensibilité aux enjeux
locaux. En pratique, pour évaluer un dispositif organisationnel concret il est nécessaire de compléter la vue d’ensemble que procurent
les grandes formes (U, M, ou H) par des observations plus fines
sur les relations entre les diverses unités et le « quartier général ».
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
complètent la structure hiérarchique, voire s’y substituent. Une typologie des localisations de la vente et du marketing va permettre de
clarifier les facteurs qui expliquent cette diversité (Workman et al.,
1998 ; Homburg et al., 2000).
L’organisation fonctionnelle au sein d’une unité
autonome
Dans cette forme organisationnelle, chacune des fonctions majeures
de l’entreprise (ventes, marketing, opérations ou production,
Recherche et Développement, R&D) rapporte à la direction générale
de l’entreprise, de l’unité, de la filiale… (encadré 1.15.). Le service
marketing peut être plus ou moins étoffé, voire quasi inexistant.
C’est une forme fréquente dans les petites entreprises peut internationalisées. Dans un grand groupe à la structure mutidivisionnelle,
ce type de service partage peu de relations avec d’autres unités.
Parfois, notamment aux États-Unis, la direction des ventes et la
direction marketing rapporte à un échelon intermédiaire tel que
le Vice President of Sales and Marketing.
Encadré 1.15. La vente et le marketing au sein d’un unité autonome
© Éditions d’Organisation
Direction générale
Marketing
Ventes
Opérations
Production
R&D
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0000-Marion.book Page 98 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
L’organisation fonctionnelle articulée avec un
service central
Dans ce type d’organisation l’entreprise (dans nos schémas : Le
Groupe) est divisée en unités en général spécialisées par type de
produit. La différence majeure entre cette forme et la précédente
est la présence d’un service central du marketing au niveau du
Groupe auquel appartient l’unité (encadré 1.16.). D’un côté, chaque
unité, ou presque, dispose de ses propre ressources pour contrôler
la conception de ses produits, la production, le marketing, et la
vente. Mais, de l’autre, un service situé au niveau de la direction
du groupe coordonne le marketing stratégique des diverses unités
et centralise certaines activités transversales spécialisées notamment
dans les études commerciales et dans l’achat d’espace publicitaires
auprès des médias, mais aussi le dépôt des marques ou la veille
juridique.
Encadré 1.16. Une organisation fonctionnelle et un service central
Direction Groupe
Marketing
98
Unité 2
Ventes
Production
Unité 3
R&D
Marketing
Groupe
© Éditions d’Organisation
Unité 1
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Dans le cas des unités plus petites, qui peuvent difficilement disposer
des moyens leur permettant de construire leurs propres équipes de
marketing et de R&D (notamment les petites filiales géographiques), apparaît alors la fonction de chef de marché. Un chef de marché
sert de relais entre les chefs de produits centraux (en charge du
marketing stratégique, quels que soient les marchés géographiques)
et les enjeux spécifiques du marché local.
Plusieurs organisations fonctionnelles partagent
une même force de vente
© Éditions d’Organisation
Certaines organisation ont regroupé toutes leurs forces de vente en
une seule équipe localisée dans une unité séparée qui assure la
vente de tout ou partie des produits du groupe (encadré 1.17.). La
première raison d’un tel regroupement tient à l’amélioration de la
productivité des équipes lorsque les produits sont reliés entre eux.
C’est donc le fait des grandes organisations qui cherchent à susciter
des synergies entre leurs diverses activités.
Deux autres facteurs renforcent ce choix : le désir de mettre l’accent
sur des relations à long terme avec les clients directs et la nécessité
de coordonner l’action commerciale vis-à-vis des plus gros clients.
Dans cette situation chaque unité perd un peu plus de son autonomie. De nombreux chefs de produits de la grande consommation
sont placés dans ce type de situation : ils ont la responsabilité des
profits et pertes de leurs produits sans cependant avoir le contrôle
de la force de vente. Il en va souvent de même dans les entreprises
du milieu industriel. Dans tous ces cas on assiste à une concurrence
interne pour retenir l’attention des vendeurs. L’une des solutions
à cette situation consiste à créer un poste de coordination entre les
chefs de produit et les équipes de vente pour équilibrer les activités
de cette dernière, voire déterminer des quotas de ventes.
99
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Encadré 1.17. Trois unités qui partagent une force vente unique
Direction Groupe
Unité 1
Marketing
Unité 2
Production
Unité 3
Force de vente
Groupe
R&D
Certaines entreprises ont regroupé dans une ou plusieurs unité(s)
spécialisée(s) les activités de marketing, de vente et de services aux
clients (encadré 1.18.). Un tel regroupement concerne souvent, et
d’abord, une cible géographique particulière de clients. Un tel
regroupement peut aussi reposer sur des critères qui reposent non
pas sur la localisation géographique des clients mais sur leur nature
même. Par exemple un découpage de la clientèle par type d’activité :
tous les artisans ou toutes les professions libérales. Une telle unité
est donc spécialisée dans l’accès à un segment du marché et au
marketing spécifique qu’il implique. Relativement aux services centraux du Groupe, elle dispose de faibles ressources propres en R&D
ou en production pour adapter les offres. Elle peut, par contre
disposer de ressources consacrées aux supports techniques : formation, maintenance, service après-vente, etc.
100
© Éditions d’Organisation
Une unité spécialisée dans le marketing et la vente
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Encadré 1.18. Une unité spécialisée dans l’accès à un segment de marché
Direction Groupe
R&D
Groupe
Marketing
Marketing et
Ventes Groupe
Ventes
Production
Groupe
Supports
techniques
Des unités « produits » fournisseurs d’unités
« marchés »
© Éditions d’Organisation
Dans un même Groupe peuvent coexister des unités dédiées à la
R&D, la production et au marketing stratégique d’une famille de
produit tandis que d’autres sont spécialisées sur un segment du
marché (encadré 1.19.).
Les premières sont les fournisseurs des secondes et ces dernières apparaissent comme des prestataires de services vis-à-vis des premières.
Dans cette forme organisationnelle des activités marketing se retrouvent dans chaque type d’unité : les unes dites « stratégiques » dans
les unités « produit », et les autres dites « supports » dans les unités
« marché ».
101
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Encadré 1.19. Des unités produits et des unités marchés
Groupe
Unité 2
Produit
Unité 3
Produit
Unité A
Marché
Unité B
Marché
Marketing
Stratégique
Ventes
Production
Services
R&D
Marketing
Support
Unité C
Marché
Bien entendu, de nombreuses formes hybrides apparaissent. Notamment, certaines entreprises multinationales organisent leurs activités
marketing sous la forme de filiales de distribution pour la plupart
de leurs marchés géographiques étrangers mais utilisent une structure fonctionnelle plus autonome pour leur marché domestique.
De plus, plusieurs formes organisationnelles peuvent coexister : des
unités « marché » spécialisées pour les grandes catégories de clients
et une unité plus « généraliste » pour le reste des clients.
Quels sont les facteurs qui motivent telle ou telle forme et, notamment, qu’est-ce qui explique la dispersion ou la non-dispersion des
102
© Éditions d’Organisation
Unité 1
Produit
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
activités marketing entre divers services ou départements au sein
de l’entreprise ? Trois familles de facteurs sont à considérer :
• des facteurs liés à l’entreprise dans son ensemble : d’abord
sa taille, puisque les grandes entreprises sont à la recherche
de synergie entre leurs diverses unités, ensuite la proximité
de ses produits et des activités marketing et de vente d’une
unité à une autre. Plus faible sera cette proximité et plus
fréquente sera l’apparition de formes autonomes.
• des facteurs d’environnement : l’incertitude liée au marché
(c’est-à-dire le caractère plus ou moins imprévisible de son
évolution : préférences des clients, actions des concurrents,
évolutions de la distribution…) et l’incertitude liée à la
technologie (c’est-à-dire la rapidité et le caractère peu prévisible du changement technologique). Ces deux facteurs
augmentent la dispersion des activités marketing. Toutefois, alors que l’incertitude liée au marché accroît le pouvoir
d’influence du marketing dans l’organisation, l’incertitude
liée à la technologie (comme c’est souvent le cas des entreprises de la haute technologie) diminue ce pouvoir au profit
de la R&D. Par ailleurs, ainsi que nous l’avons déjà souligné
plusieurs fois, la dispersion des activités marketing est beaucoup plus grande dans le secteur des produits industriels
que dans celui des produits de grande consommation. Par
ailleurs, il est probable que d’un pays à l’autre ou d’un
continent à l’autre des variables socioculturelles favorisent
telle ou telle forme organisationnelle.
• des facteurs liés à chacune des unités : certaines unités sont
focalisées sur des stratégies de domination par les coûts
(cf. chap. 10) alors que d’autres mettent l’accent sur la
différenciation de leur offre. Ce sont ces dernières qui, d’une
part, dispersent plus leurs activités marketing et, d’autre
103
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
part, accordent plus de pouvoir d’influence au marketing.
Par ailleurs, la concentration du portefeuille de clients,
c’est-à-dire lorsque l’unité a peu de gros clients, favorise
la dispersion des activités marketing puisque de nombreux
marketers « à temps partiel » interviennent dans les relations
avec les clients. Il s’ensuit que dans cette situation le pouvoir
d’influence du marketing est plus faible.
On le voit de multiples facteurs peuvent expliquer le choix d’une
forme organisationnelle. Ces facteurs tiennent non seulement à
l’environnement de l’entreprise mais aussi à des aspects historiques
qui se sont institutionnalisés dans l’entreprise. Il s’ensuit que le
pouvoir d’influence du marketing dans l’entreprise est non seulement propre à chaque organisation mais qu’il varie plus ou moins
graduellement au fil du temps. Doit-on abandonner toute tentative
pour dégager une tendance générale ? Pas tout à fait.
Les conséquences d’un tel mouvement sont nombreuses. Les marketers
doivent notamment apprendre à agir dans des organisations plus
complexes, au sein d’équipes pluri-fonctionnelles. Il s’ensuit aussi
que les systèmes comptables et les systèmes de rémunération se
transforment pour mettre en évidence une rentabilité par client ou
groupes de clients.
104
© Éditions d’Organisation
On observe en effet une tendance générale des entreprises à organiser
leurs unités d’action selon une logique qui les focalise sur un groupe
de clients homogène du point de vue de leur secteur, des usages
et applications d’un produit ou toute autre similarité en dehors de
leur localisation géographique. Par conséquent, elles abandonnent
progressivement des regroupements par famille de produits ou par
zones géographiques (encadré 1.20.), d’autant plus que les systèmes
d’information modernes favorisent cette dispersion géographique.
0000-Marion.book Page 105 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
Encadré 1.20. Le glissement des formes organisationnelles
Focalisation
sur des groupes de clients
Évolution
des formes
organisationnelles
Focalisation
sur des familles
de produit
Focalisation
sur des zones
géographiques
© Éditions d’Organisation
Le plan de marketing
Quelle que soit la forme organisationnelle retenue par l’entreprise,
elle s’efforce de formaliser ses actions dans un plan afin de les
programmer et de les contrôler. Toutefois, certains dirigeants pratiquent le tâtonnement systématique et prennent leurs décisions
au jour le jour, ou pour quelques mois, sans aucune évaluation.
D’autres engagent leurs équipes dans l’élaboration de plans soigneusement chiffrés et à long terme et font contrôler régulièrement
la réalisation de ce plan. Entre ces deux extrêmes on pourra rencontrer (Atamer et Calori, 2003) :
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
• une équipe dirigeante qui se contente d’une vision approximative du futur pour guider l’action quotidienne de l’entreprise,
• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédents
quelques méthodes simples d’évaluation et de prévision à
court terme (budget annuel, contrôle budgétaire, plan
d’activité annuel…),
• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédents
une prévision à moyen terme, un plan pluriannuel (3 à
5 ans), glissant ou non, et des plans plus détaillés à court
terme, dont le plan de marketing,
• une équipe dirigeante qui ajoute aux éléments précédents
la simulation de scénarios et de plans contingents en fonction de plusieurs versions de futurs possibles.
• une synthèse managériale (executive summary) qui résume
les grandes lignes du plan,
• une analyse de la situation actuelle : historique des ventes,
du chiffre d’affaires, de la position concurrentielle…,
• une présentation des opportunités et des enjeux : forces et
faiblesses, menaces et opportunités (cf. chap. 10),
106
© Éditions d’Organisation
Il s’ensuit que la rédaction d’un plan de marketing, et notamment
des plans de lancement de nouveaux produits, peut faire l’objet
d’une formalisation plus ou moins grande en raison de la taille de
l’entreprise, de la diversité de ses activités, de son horizon stratégique, et du degré de turbulence de l’environnement. De plus, le
plan de marketing peut être désigné par plusieurs vocables : business
plan, plan d’action commerciale, plan de vente…, et comporter
divers documents : budget annuel, compte de résultats prévisonnels,
revue de marque, product fact book, etc. Le plan type d’un tel document devrait comporter les rubriques suivantes :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• les objectifs de vente et de profits,
• les grands axes de la stratégie marketing,
• les divers programmes d’actions et plans d’actions prioritaires,
• le compte de résultats prévisionnels,
• les instruments et indicateurs de contrôle.
En fait, chaque entreprise adopte des présentations particulières et
des niveaux de précisions très variables. Quoi qu’il en soit, la formalisation d’un plan devrait être un processus itératif (où l’on revient
sur les prémisses et les objectifs en fonction des résultats attendus),
et un processus interactif (associant à la conception du plan les
responsables de son application). La planification est de peu d’utilité
si elle demeure un simple acte formel. Cela dit, le style de management de l’entreprise peut favoriser divers types de processus :
© Éditions d’Organisation
• le style autocratique implique peu les niveaux hiérarchiques
inférieurs lors de l’identification des problèmes, et pas du
tout lors de l’élaboration des décisions et du contrôle des
réalisations,
• le style consultatif implique les niveaux hiérarchiques inférieurs lors de l’identification des problèmes, et les implique
peu lors de l’élaboration des décisions et du contrôle des
réalisations,
• le style participatif implique les niveaux hiérarchiques inférieurs lors de l’ensemble des étapes.
Plusieurs recherches convergent pour conclure aux limites d’un processus autocratique. C’est une formule rapide, mais qui néglige
beaucoup de facteurs dans la résolution d’un problème. À l’autre
extrême, un processus totalement démocratique allonge le temps
de réponse et exige un sens peu commun du collectif. Les processus
consultatifs et participatifs permettent la réduction des « biais
107
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
cognitifs du chef » lors du diagnostic, mobilisent la créativité de
chacun, et contribuent à la motivation des personnes (Atamer et
Calori, 2003). Par exemple, si le directeur du marketing et le directeur des ventes sont d’accord sur l’importance d’un nouveau produit,
l’animation des vendeurs et la construction du plan de marketing
traduiront en termes concrets ce consensus. Il en va de même pour
la relation avec les autres fonctions de l’entreprise : achats, production, finance… C’est dire que la qualité du travail collectif est
essentielle tout au long du processus. En d’autres termes, le plan
lui-même compte moins que le processus de concertation qui lui
donne forme. Il demeure que la formalisation écrite d’un plan est
une contrainte salutaire. Elle permet de conserver la trace des décisions prises et de leurs fondements. La formalisation est d’autant
plus importante que le retour sur investissement est à plus long
terme.
Évidemment, un plan ne peut pas tout prévoir, et l’entreprise doit
donc laisser ouverte la possibilité de réagir rapidement à des opportunités ou des menaces nouvelles. Pour ne pas transformer la mise
en œuvre du plan de marketing en un instrument bureaucratique,
mais en faire le lieu de rassemblement des intelligences et des
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© Éditions d’Organisation
Dans une unité complexe, le plan de marketing d’ensemble de
l’unité sera la synthèse des plans de marketing rédigés pour les
produits ou les marques. En outre, si l’entreprise est en relation
avec des « grands comptes » (centrale d’achat d’une entreprise de
commerce ou d’un réseau de détaillants indépendants), le plan de
marketing de l’unité comportera un plan établi par les gestionnaires
de comptes-clés. Un plan de marketing international, intégrera la
dimension géographique et la gestion d’une position concurrentielle
internationale comportant une répartition des efforts entre des zones
et des pays.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
énergies, il convient de laisser des marges de manœuvre aux opérationnels. Il convient aussi de disposer d’un système d’information
(cf. chap. 3) capable de mettre en évidence des signaux faibles dont
la signification, parfois ambiguë, exige une analyse collective. Ces
signaux sont rarement quantitatifs et tiennent parfois plus de la
rumeur que des faits. D’autre discontinuités peuvent aussi se manifester par des effets importants et rapides : lancement d’un produit
par la concurrence, déréférencement chez un distributeur, action
d’une association de consommateurs… Dans les deux cas, c’est la
qualité du système d’information qui permettra à l’entreprise de
reconsidérer d’une manière adaptée les actions en cours.
© Éditions d’Organisation
Par ailleurs, la mise en œuvre d’un plan ne doit pas être trop
rigide, laissant aux responsables locaux la possibilité de prendre
des décisions permettant de faire face aux problèmes spécifiques
de leur situation. Ces résolutions de problème « sur le tas » constituent souvent une « déviation » par rapport au plan initial. Pourtant, lorsqu’elles sont repérées, expliquées, et exploitées, elles
constituent autant de sources d’innovation qui contribuent à
l’apprentissage organisationnel. On ne saurait tout prévoir, mais il
est possible d’apprendre plus vite que les autres. Nous aborderons
ce point dans une prochaine section.
109
0000-Marion.book Page 110 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
Débats et controverses
Périodiquement le marketing fait l’objet de réévaluations plus ou
moins aimables. La presse d’affaires internationale accueille des articles proposant tantôt qu’on enterre le marketing, tantôt qu’on le
redécouvre. Ici on l’accuse de porter atteinte à la liberté du client,
là d’être incapable de susciter de véritables innovations. Autrement
dit, le marketing cristallise de nombreuses controverses. On peut
les classer en trois grandes familles. Celles qui concernent la relation
entre l’orientation client et la performance de l’entreprise. Celles
qui concernent le pouvoir de marché de l’entreprise. Enfin, celles
qui concernent l’élargissement du domaine d’application du
marketing : assiste-ton à son triomphe ou est-il en crise ?
On cherche depuis longtemps, mais avec un succès mitigé, s’il
existe une relation de cause à effet, entre l’emploi de techniques
de marketing (études de marché, publicité, techniques de ventes…),
et la rentabilité de l’entreprise. En fait, ces ingrédients ne sont que
des symptômes qui jouent un rôle partiel dans la performance de
l’entreprise. D’abord, parce que des facteurs externes tels que la
dynamique du marché (stable ou en croissance, prévisible ou non)
et l’intensité concurrentielle jouent un rôle déterminant. Ensuite
parce que le savoir-faire des marketers n’est que l’une des compétences
de l’entreprise en combinaison avec l’ensemble des ressources et
compétences de l’entreprise. Dès lors, celle-ci peut adopter diverses
attitudes marketing en raison des diverses représentations qu’elle peut
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© Éditions d’Organisation
L’impact du marketing sur la performance
de l’entreprise
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
se donner de ses relations avec son marché. Ces attitudes étant
imbriquées au sein de son attitude stratégique. L’histoire de l’entreprise
sédimentée dans sa culture contribuent à forger de telles représentations collectives.
Les attitudes stratégiques
© Éditions d’Organisation
La logique marketing est solidaire d’une conception de l’entreprise
qui privilégie ses relations avec l’extérieur pour piloter l’organisation. Pour le marketer, l’art de la stratégie consiste à être présent
dans les secteurs et les segments de marché les plus attractifs et
chaque secteur ou segment est un champ concurrentiel où l’entreprise devra faire valoir son aptitude à exploiter ses ressources et
ses compétences. Mais, toutes les entreprises n’adoptent pas la même
attitude vis-à-vis d’un champ concurrentiel. Une typologie des attitudes stratégiques permet de repérer quatre grands modes (Miles
et Snow, 1978) : le mode défensif (defenders), le mode entrepreneurial
(prospectors), le mode analytique (analysers), le mode réactif (reactors).
La dimension principale de cette typologie est constituée par le
rythme des changements de produits et de segments de marché
effectués par l’entreprise.
• Les « défenseurs » maintiennent leurs activités dans un périmètre étroit. Ils surveillent finement leur « niche » et ne
cherchent pas de nouvelles opportunités à l’extérieur de ce
périmètre.
• Les « entrepreneurs » sont sans cesse à la recherche de nouvelles opportunités et, ce faisant, alimentent les changements au sein de leur secteur d’activité.
• Les « analyseurs » adoptent une attitude qui combine les
éléments précédents. Pour la part des activités stables, ils
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
tirent partie de l’expérience accumulée en les gérant au
mieux. Pour les activités plus turbulentes, ils surveillent
étroitement les concurrents et adoptent rapidement les nouvelles idées prometteuses.
• Les « réactifs » n’entreprennent aucune adaptation à moins
d’être contraints par des pressions extérieures.
Un secteur d’activité est donc une sorte d’arène dans laquelle plusieurs entreprises participent au jeu concurrentiel et la dynamique
d’un champ concurrentiel peut être plus ou moins contraignante.
Un puissant déterminisme de l’environnement et des marges de
manœuvre stratégiques peu nombreuses imposent à l’entreprise une
alternative brutale : s’adapter ou disparaître. Par contre, lorsqu’elle
dispose d’un avantage de coûts ou de possibilités de différenciation,
elle peut s’engager, de manière pro active, dans la construction
d’une position concurrentielle favorable sur le marché, et s’efforcer
de choisir une attitude marketing.
Par principe, l’orientation marketing s’oppose à l’attitude stratégique « réactive ». Néanmoins, il y a plusieurs manières d’être pro
actif. Plusieurs « attitudes » marketing typiques sont repérables en
fonction de la représentation du marché et de la concurrence que se
donne le marketer. Certes, le succès de l’entreprise repose sur la
satisfaction du client, mais cette assertion est ambiguë. Cette satisfaction est-elle un moyen pour l’entreprise d’atteindre ses propres
buts (maximiser son profit, dégager un profit satisfaisant, assurer
sa survie…) ou s’agit-il d’une fin en soi ? Nous connaissons la
réponse : l’entreprise est conduite par un but égoïste et non par
un quelconque altruisme. Mais alors, une entreprise peut l’emporter
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© Éditions d’Organisation
Les attitudes marketing
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
sur la concurrence sans satisfaire pleinement le client, il lui suffit
d’être meilleure (ou moins mauvaise), que ses concurrentes. Réciproquement, une entreprise peut satisfaire le client et ne pas l’emporter sur la concurrence, il suffit qu’un concurrent fasse aussi bien
qu’elle à un coût inférieur. En somme, la satisfaction du client est
une notion très relative. Il s’ensuit que toute entreprise porte attention, à divers degré, aux informations provenant du client et à celle
provenant de la concurrence (encadré 1.21.).
Encadré 1.21. Quatre « attitudes » marketing typiques
Perspective client
Non privilégiée
Privilégiée
Non privilégiée
Orientation
Autocentrée
Orientation
par le client
Privilégiée
Orientation par
la concurrence
Orientation
par le marché
Perspective
concurrentielle
© Éditions d’Organisation
Adapté de Day G.S. et Nedungadi P. « Managerial Representations of Competitive
Advantage » Journal of Marketing, 58, April 1994, 31-44.
Chaque entreprise manifeste ainsi une attitude marketing particulière. Certaines veillent minutieusement aux satisfactions et insatisfactions du client, ce qui les conduit parfois à constater trop
tardivement les discontinuités suscités par une offre de substitution.
D’autres veillent attentivement à la concurrence, ce qui peut les
enfermer dans une conduite, au mieux, réactive et, au pire, passive.
La notion de market driven organization (organisation orientée par
le marché), propose de trouver un équilibre entre la perspective
client et la perspective concurrentielle, afin d’éviter les biais en
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
faveur de tel ou tel acteur. On voit que la représentation que le
marketer se donne du marché oriente la sélection et le traitement
de l’information. Celui qui privilégie le comportement des clients
consacrera de l’argent et des efforts pour acquérir de l’information
auprès des acheteurs actuels et potentiels. Celui qui privilégie le
comportement des concurrents construira autrement son système
d’information. Chaque représentation se manifeste donc par une
sélectivité de l’attention aux signaux du marché et par une
construction particulière du système d’information de l’entreprise.
Au moyen de cette schématisation des attitudes marketing, on peut
aussi analyser plus finement certaines manœuvres stratégiques. Soit,
par exemple, à expliquer pourquoi une grande marque de couchesculottes est passée de la double gamme (rose pour les filles et bleue
pour les garçons) à la gamme unisexe. Pendant de longues années,
cette marque a cherché à persuader les jeunes mères que la morphologie différentes des petites filles et des petits garçons justifiait
des couches-culottes différentes. Aujourd’hui, le discours est
inversé : la couche universelle est arrivée. Justifier un tel changement
par l’évolution des « besoins » de la cliente serait, pour le moins,
discutable. La manière la plus simple d’expliquer cette manœuvre
consiste surtout à prendre en compte le changement dans la technologie des produits et l’intensité concurrentielle. Les « besoins »
de la maman apparaissant plutôt comme l’alibi d’un tel changement.
Quels sont les déterminants de telle ou telle attitude marketing ?
L’histoire de l’entreprise, sédimentée dans sa culture, permet de
repérer des éléments importants. Les organisations ne produisent
pas seulement des biens et des services. Elles produisent, au fil du
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Le poids de l’histoire et de la culture d’entreprise
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
temps, des normes de comportement plus ou moins explicites, qui
reposent sur des valeurs (des croyances durables) et se manifestent
de multiples manières : un vocabulaire particulier, des rites, des
mythes, des tabous… Ces éléments constituent une forme spécifique
du lien social : la culture de l’entreprise. La culture a une fonction
de régulation, c’est un mécanisme qui permet d’unir les individus
dans une structure sociale, elle-même plongée dans un contexte
socioculturel plus large. La culture est aussi un système de représentations. C’est, d’une part, une manière de concevoir l’image que
les salariés ont d’eux-mêmes en tant que membres d’un groupe
social et, d’autre part, une manière de percevoir l’environnement
et les autres parties prenantes (stakeholders) de l’entreprise : clients,
actionnaires, pouvoirs publics… Ces représentations partagées permettent aux membres de l’organisation de comprendre son fonctionnement, de repérer les conduites de réussite, les comportements
efficaces, et les attitudes recevables. Elles leur fournissent donc des
normes de comportement pour coordonner leurs actions.
Prenons quelques exemples qui concernent le marketing. Dans certaines entreprises on a la conviction que la mondialisation doit
conduire à négliger les frontières politiques et socioculturelles au
profit d’une forte standardisation internationale de la stratégie et
des offres (Coca-Cola, Marlboro, McDonald’s). Dans d’autres on
considère, au contraire, qu’il importe de laisser plus de marge de
manœuvre à l’adaptation locale. Certaines ont la conviction qu’on
ne peut faire du marketing sans un emploi systématique et minutieux des études et des tests (Procter et Gamble). D’autres (Nike,
Benetton), leur accordent moins de mérites. Dans certaines organisations, le département marketing est singularisé et puissant ;
d’autres, au contraire, sont réduits à un rôle mineur.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Plus encore, pour comprendre certains conflits entre le département
marketing et d’autres coalitions au sein de l’organisation (la recherche
et développement, la vente ou la production) il importe de repérer
les caractéristiques des micro-cultures spécifiques qui les caractérisent. Dans certaines entreprises les membres de la coalition marketing sont sélectionnés, recrutés, formés avec soin et, plus
largement, le processus de socialisation de tout nouveau venu favorise
systématiquement le contact avec les clients et met l’accent sur la
nécessité de sa satisfaction. Alors que dans d’autres entreprises, plus
proches d’une technologie particulière (la pharmacie, l’électronique,
l’informatique…), on valorise des parcours différents. La culture
d’entreprise serait moins ce qui caractérise globalement une organisation que la coexistence de micro-cultures particulières, voire
de clans.
Plusieurs études témoignent d’une relation positive entre une orientation marché et une performance supérieure. Narver et Slater
(1990), Kohli et Jaworski (1990), ont été les initiateurs de ces
travaux. Aussi étonnant cela soit-il, ce n’est qu’au début des années
1990 que sont apparus les premiers travaux pour mesurer convenablement le concept d’orientation marché et appréhender le
contexte plus ou moins favorable à son adoption. Jusqu’ici on s’était
contenté de mettre l’accent sur une sorte de « philosophie » générale
– composée de l’orientation client, de la recherche de la profitabilité
et de la coordination interne – sans spécifier clairement les activités
concrètes propres à mettre cette philosophie en pratique. Pour ce
courant de recherche, la profitabilité ne fait pas partie de l’orientation marketing, elle en est la conséquence. De plus, l’expression
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Les comportements et la culture associés
à l’orientation marché
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
orientation marché est préférée à orientation marketing parce qu’elle
est moins politiquement chargée et met l’accent sur le fait que des
fonctions autres que le marketing participent au processus marketing. Orientation marché est aussi, comme nous l’avons vu, préférée
à orientation client parce qu’elle met l’accent sur le marché (c’està-dire le clients et toutes les forces qui pèsent sur lui) et pas seulement les préférences verbalisées du client.
© Éditions d’Organisation
Pour décrire et mesurer l’orientation marché deux grandes perspectives sont disponibles : une approche comportementale et une
approche culturelle. La première vise à saisir des comportements
spécifiques, tandis que la seconde se penche sur des caractéristiques
plus fondamentales de l’organisation : valeurs, normes. Par exemple
Markor (Kholi et al, 1993) est un instrument qui mesure trois
composantes comportementales de l’orientation marché :
• la production permanente d’informations pour comprendre
les clients et les concurrents, market intelligence generation,
(réunion avec des clients, études commerciales, études de
satisfaction…),
• la diffusion rapide de cette information au sein de l’entreprise, market intelligence dissemination, (réunion fréquentes
entre services, diffusion rapide des résultats marchés, diffusion rapide des menaces concurrentielles…),
• l’utilisation de cette information pour construire des
actions, responsiveness to market intelligence, (réaction rapide
aux demandes des clients, aux menaces des concurrents,
analyse périodique des processus de développement des nouveaux produits…).
L’approche culturelle (Homburg et Pflesser, 2000) s’efforce de mesurer non seulement les comportements favorables à l’orientation marché mais aussi le partage de valeurs de base favorables (l’accent sur
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
l’innovativité ou la créativité, l’ouverture à la communication
interne, le niveau de coopération entre fonctions…) et la présence
de normes favorables (indicateurs marchés régulièrement utilisés,
diffusion systématique des informations marché, groupes interfonctionnels pour développer les nouveaux produits…). Quel que soit
le type d’échelle de mesure utilisée, de plus en plus d’études mettent
en évidence une relation positive entre l’orientation marché et une
performance supérieure de l’entreprise. Cependant, deux facteurs
d’environnement modèrent cette relations : les turbulences dans le
marché et dans la technologie.
Mais la question-clé demeure : comment susciter une « orientation
marché » ? La réponse classique du marketer consiste à proposer sa
propre « boîte à outils » pour la promouvoir : c’est-à-dire mettre
en œuvre une stratégie de marketing interne.
Il y a plusieurs acceptions de la notion de marketing interne. Sa
mise en œuvre systématique s’est d’abord effectuée dans les entreprises de services. Pour les promoteurs du marketing des services,
chaque salarié doit mettre en œuvre les promesses faites au client
lors des « moments de vérité » que constituent toute interaction
client-fournisseur. Dès lors le comportement du personnel, et
notamment du personnel en contact, est un atout majeur de la
réussite. Celui-ci doit être doté de compétences, d’aptitudes, et de
motivations visant à renforcer une « culture de service », c’est-àdire fondamentalement une orientation de tous ses comportements
par le désir de servir au mieux le client.
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© Éditions d’Organisation
Le marketing interne pour changer culture
et comportements ?
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
Dans la mesure où l’offre de toutes les entreprises comporte à divers
degrés une composante service, le marketing interne serait un pré
requis incontournable d’un marketing externe efficace. Produits et
services devraient être « vendus » en interne avant d’être vendus
en externe (Grönross, 1990). Mais, cette ambition très globale peut
se traduire par des pratiques très diverses. Le marketing interne
peut se manifester comme :
• une stratégie mise en œuvre par un service ou une fonction,
pour légitimer son existence auprès des autres entités. Le
service marketing est bien armé pour promouvoir ses propres valeurs et ses hommes au sein de l’organisation. Mais,
parfois, il peut s’agir simplement d’une lutte pour la
conquête du pouvoir. C’est là, sans doute l’ambition des
premiers tenants de la « révolution marketing » (Keith,
1960 et Marion, 1995, pour une critique de cette conception),
• une stratégie d’information et de communication initiée par le
sommet stratégique (Top management) pour promouvoir des
messages normatifs. Cette stratégie de persuasion ayant
pour but de transformer le comportement des salariés par
la standardisation de leurs représentations, afin de renforcer
la cohésion. Une stratégie paradoxale qui « prêche » l’autonomie en laissant peu de place à l’initiative locale,
• un mode de coordination par la création d’un espace marchand
au sein même de l’organisation. Dans cette perspective,
tous les services et tous les membres de l’organisation sont
à la fois clients et fournisseurs au sein de processus transversaux. L’organisation est considérée comme une sorte de
marché, afin de compenser les insuffisances des procédures
standardisées ou des relations normées. Dès lors, il ne s’agit
pas simplement de l’application de quelques techniques
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
de communication, mais d’une approche globale du management des ressources humaines fondée sur une régulation
marchande. Le client se trouve au sommet d’une organisation dont tous les membres se comportent sur le mode
de la relation client-fournisseur. Cette troisième acception
du marketing interne mérite un examen plus approfondi.
Généraliser la relation client-fournisseur
dans l’entreprise ?
L’une des premières conséquences est que le « client dans
l’entreprise », comme le « client dans le marché », aura toute liberté
pour choisir un fournisseur en raison de son intérêt individuel.
Conséquence concrète : chaque membre de l’entreprise pourra en
toute indépendance, soit passer commande en interne, soit soustraiter à l’extérieur. On voit poindre les limites d’une telle
conception : fragmentation de l’organisation, marchandage permanent, opportunisme éventuel des acteurs, et montée des coûts de
transactions.
Une seconde conséquence, et non des moindres, c’est le risque
de détruire les conditions mêmes de l’innovation. On est en effet
loin d’avoir démontré que la systématisation d’une relation clientfournisseur au sein de l’entreprise contribue à la circulation de
120
© Éditions d’Organisation
Poussée à sa limite, la généralisation de la perspective marketing
au sein de l’entreprise transforme tous les membres de l’organisation
en fournisseur et client. Mais, généraliser cette logique au sein
même de l’organisation, n’est-ce pas nier ce qui fait la spécificité
de l’entreprise, c’est-à-dire s’opposer au marché (Coase, 1937) ? Si
on accepte totalement la notion de client « interne », il faudra alors
faire face aux conséquences d’un tel choix.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
l’information, favorise la motivation et, surtout, suscite l’innovation. Bien au contraire, une innovation est une nouvelle combinaison de ressources qui, par définition, n’est pas disponible sur
le marché ou alors c’est une imitation. Faire de chaque membre
de l’entreprise le client de son voisin de bureau, c’est renvoyer
toujours sur d’autres la source de l’innovation. Attendre les innovations d’un fournisseur, c’est condamner l’entreprise à imiter ou
acheter les nouveaux produits et les nouveaux process créés par
d’autres.
En résumé, la généralisation de la relation fournisseur-client se
heurte aux limites de l’identité même de l’entreprise. Celle-ci est
un lieu d’identification pour chacun de ses membres principalement
pour deux raisons :
© Éditions d’Organisation
• elle définit les conventions et les règles qui permettent la
coordination et la prise de décision individuelle et collective,
• les interactions sociales en son sein favorisent non seulement
la communication et la coordination, mais aussi l’apprentissage organisationnel et les processus d’innovation.
Si l’on accepte cette représentation de l’entreprise, il paraît difficile
de la transformer radicalement en un « marché interne », car
l’apprentissage collectif c’est plus que la somme des apprentissages
individuels. Il est le fruit d’une expérience collective et est incorporé
dans des dispositifs techniques (base de données, système d’information, système de communication), des procédures plus ou moins
formalisées, une habitude du travail en commun (les routines), et
des valeurs partagées. Dès lors, si l’ambition du marketer ne peut
être de transformer l’entreprise en un marché, quelle peut être la
contribution du marketing ?
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Le marketing et l’apprentissage organisationnel
Bien qu’on sache encore peu de choses sur la manière de susciter
une orientation par le marché, on peut cependant souligner la
contribution des marketers au processus d’apprentissage organisationnel. Au sein de marchés dynamiques, voire turbulents, l’aptitude
de l’organisation à apprendre plus vite que les concurrents et sa volonté
d’entreprendre, pourrait bien être le seul avantage concurrentiel durable (Slater et Narver, 1995).
Une orientation marché constitue un ingrédient indispensable de
l’apprentissage organisationnel parce qu’elle est l’inspiratrice d’un
système d’information plus riche. La notion d’entreprise apprenante
montre combien la compréhension d’un marché ne saurait seulement relever du hasard ou de quelques études de marché sporadiques fournies par un chargé d’études ou une société spécialisée.
L’apprentissage d’un marché s’effectue par un système d’information comportant de multiples voies plus ou moins formelles : non
seulement les vendeurs mais aussi tout le personnel en contact
avec les clients, non seulement les statistiques professionnelles mais
aussi toutes les rumeurs, non seulement la veille technologique et
concurrentielle mais aussi un étalonnage large et systématique en
regard de la concurrence (benchmarking). Beaucoup d’organisations
ne savent pas ce qu’elles savent parce que leur système d’information
est conçu seulement pour traiter quelques données « dures » plus
ou moins bien choisies (statistiques de ventes, état des stocks,
éléments comptables…), et qu’il leur est impossible de repérer
qui sait quoi au sein de services trop cloisonnés.
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Apprendre plus vite
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
Par ailleurs, avant d’utiliser une information, toute organisation
doit la classer, l’organiser, et la simplifier. Les changements qui se
manifestent à un acteur ne se présentent pas dotés d’une étiquette
précisant leur nature et spécifiant comment ils doivent être interprétés. Il est nécessaire qu’une représentation leur donne du sens.
De nombreux auteurs (Weick, 1979 ; Pfeffer et Salancik, 1978),
montrent que les « cartes mentales » ou « cognitives » de chacun
jouent un rôle décisif pour structurer l’information et construire
des représentations partagées. D’une part, ces cartes fournissent un
ordre pour classer et penser les relations de l’entreprise avec son
marché, d’autre part, elles polarisent l’attention des membres de
l’organisation sur les signaux importants. Le danger de telles représentations ne réside pas dans leur véracité ou leur fausseté puisque
tout modèle est une simplification. Le danger tient plutôt à leur
caractère implicite, puisqu’alors il n’est pas possible de les remettre
en cause. La myopie collective d’une organisation est particulièrement marquée lorsqu’une forte division du travail et une segmentation fine du marché renforcent l’incertitude.
Les cartes mentales des décideurs influencent aussi leur jugement sur
les fondements de leur avantage concurrentiel, nous avons vu (encadré
1.21.) qu’elles sous-tendaient des « attitudes » marketing typiques. Une
longue histoire fondée sur une avance technologique encourage une
représentation de l’innovation « poussée par la technologie » (technology
push) et minimise la saisie des signaux faibles en provenance des clients.
Une longue histoire fondée sur l’adaptation aux demandes des clients
actuels et directs (market pull) encourage l’apparition d’innovations incrémentales. Mais, les deux voies sont recevables. Toutes les études le
montrent, l’innovation peut provenir de toute part, dès lors le décloisonnement de l’organisation est un moteur puissant de la capacité innovatrice. L’apprentissage organisationnel repose d’abord sur la capacité
à « désapprendre » les savoirs obsolètes pour pouvoir entreprendre.
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
L’esprit d’entreprendre
Une orientation par le marché n’est qu’un point de départ. Il ne
suffit pas d’apprendre plus vite des clients et des concurrents, encore
faut-il que l’esprit d’entreprendre soit renforcé par une culture d’entreprise, des normes et des structures organisationnelles favorables. La
prise de risque, inhérente à toute démarche entrepreneuriale, peut
être étouffée par la bureaucratisation de l’organisation. Plus encore,
une focalisation trop étroite sur le marché servi et les concurrents
actuels peut conduire à un aveuglement vis-à-vis des marchés ou
des concurrents émergents, et renforcer une attitude trop adaptative
(en se contentant d’élargir une gamme de produits avec des variantes
mineures), voire réactive (en se contentant d’ajouter des produits
« me-too »). A contrario, une culture entrepreneuriale valorise la tolérance à la prise de risque, la réceptivité à l’innovation, les attitudes
pro actives, le décloisonnement des fonctions, et la résistance active
à la bureaucratisation. L’apprentissage par essais et erreurs, fondé
sur l’expérimentation, présuppose une culture entrepreneuriale où
les échecs comme les réussites font l’objet d’une analyse qui vise
moins à sanctionner qu’à apprendre.
Au fond, les études relatives à la relation entre l’orientation marché
et la performance de l’entreprise abordent la question de la finalité
et de l’identité de l’entreprise, c’est-à-dire le but commun qu’elle
propose à ses membres : pour quoi existe-t-elle, quelle est sa raison
d’être, quelle est sa mission, quel est son métier ? En pratique
plusieurs possibilités sont offertes aux dirigeants pour énoncer les
objectifs majeurs, les finalités, d’une organisation :
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L’orientation marché et la finalité de l’entreprise
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
• satisfaire spécifiquement l’une de ses parties prenantes : les
actionnaires, les clients, les salariés, voire une fraction
d’entre eux, les dirigeants eux-mêmes,
• s’efforcer de trouver un équilibre entre la satisfaction de
ses diverses parties prenantes
• énoncer un principe supérieur, une mission ou une ambition.
La première possibilité offre plusieurs hypothèses. Satisfaire les
actionnaires, est la plus simple, la plus facile à mettre en œuvre
si l’on souhaite disposer de critères explicites et mesurables, et la
plus commune dans les entreprises qui sont dirigés par leur propriétaire. Mais, cette solution est souvent accusée de conduire à
des décisions de très court terme aux dépens de l’avenir de l’entreprise. De plus, il semblerait que les entreprises « visionnaires »
retiennent rarement la maximisation des profits comme un objectif
explicite. La deuxième, satisfaire uniquement les clients, n’est cohérente qu’avec un système coopératif ou mutualiste. La troisième,
satisfaire uniquement les salariés, conduit à une certaine myopie
vis-à-vis de l’environnement. On connaît les dangers de la dernière,
satisfaire les dirigeants eux-mêmes, au travers de divers scandales
financiers. Examinons maintenant les deux autres possibilités.
© Éditions d’Organisation
Orientation marché, mission et métier
de l’entreprise
Selon l’orientation marché, l’entreprise ne se définit pas selon les
produits qu’elle vend mais selon les marchés dont elle dépend. Les
questions sont alors : quels sont nos clients, à quel besoin répond
notre offre ? La logique inverse, parfois appelée orientation production,
conduit selon Levitt (1960), à la « myopie » de dirigeants incapables
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
de prendre en compte les évolutions de la demande et celles de la
concurrence, notamment l’apparition de substituts. Pour cet auteur,
une compagnie de chemin de fer ne saurait définir sa mission comme
la gestion d’un réseau ferroviaire, elle doit la considérer comme un
service de transport, en concurrence avec la route et les airs. Prenons
un autre exemple plus récent : un fabricant de films photographiques
est un fournisseur d’images et, si l’image devient électronique,
Kodak doit transformer son offre et ses savoir-faire. Généralisons :
une offre (bien et/ou un service), est un ensemble d’éléments, matériels et immatériels que le client va transformer en valeur d’usage.
Si les exigences du client se modifient ou si d’autres solutions
technologiques apparaissent, la position concurrentielle de l’entreprise est remise en cause. Pour reprendre une phrase forte des
marketers : ceux qui vendent des forets de 8 mm vendent en fait des trous
de 8 mm. Aussi séduisant soit-il, un tel mot d’ordre n’est pas suffisant
pour définir la raison d’être d’une entreprise.
Le métier d’une entreprise consiste à gérer un ensemble de ressources
et de compétences particulières afin de fournir des produits et des
prestations. Reprenons l’exemple d’une compagnie de chemin de
fer. Son métier consiste à fournir un service de transport « par fer »
et non par les airs ou sur la route. C’est ce qui définit sa spécificité
et lui permettra de concevoir un train à grande vitesse ou des
liaisons intra-régionales. Elle ne fait pas le même métier qu’une
compagnie aérienne, une société de location de voiture ou une compagnie de taxis. Force est de constater que la logique du marché
servi n’est que l’une des logiques de l’entreprise, sinon on ne pourrait
comprendre pourquoi les fabricants de tentes de camping ne proposent pas aussi d’autres solutions pour s’abriter pendant les
126
© Éditions d’Organisation
Mission et métier
0000-Marion.book Page 127 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
vacances : des caravanes, des bateaux habitables, de l’hôtellerie, voire
des résidences secondaires. Alors, doit-on raisonner selon la logique
du métier ou celle de la mission ? Perdre de vue la mission c’est
croire que le client a accepté pour toujours la solution proposée
par l’entreprise. Perdre de vue le métier, c’est croire que les ressources
et compétences de l’entreprises sont sans limites ou, au moins, très
adaptables ; et qu’il est facile de faire un produit si on a un client,
voire qu’il suffit d’énoncer la mission pour que toute l’entreprise
suive. Dans un monde où les préférences comme les technologies
sont très changeantes, la polarisation de l’activité par le seul marché
suffit-elle ?
La solution proposée par l’orientation marché est beaucoup trop
large et allusive pour apporter des réponses précises sur le déploiement des ressources ou l’acquisition de ressources et de compétences
nouvelles. Une compagnie de chemin de fer est peut être plus apte
à développer et gérer des réseaux de fibres optiques, qu’à se diversifier
dans le transport par route ou par air. En exploitant systématiquement son savoir-faire dans le domaine des colles et adhésifs, 3M a
su s’ouvrir de multiples marchés. Elle a notamment créé un marché
(le Post-it), là ou certains ne voyaient qu’une fausse bonne idée.
Alors, à qui donner raison ?
Encadré 1.22. Deux façons de décrire l’activité d’une entreprise
© Éditions d’Organisation
Métier
Mission
Ressources et
Produits, prestations
compétences
Clients et
marchés
Adapté de Koenig, 1996.
127
0000-Marion.book Page 128 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
L’examen des Corporate Mission Statements, c’est-à-dire les énoncés de
la raison d’être de chaque entreprise qui apparaissent le plus souvent
dans le rapport annuel, montre que ceux-ci s’efforcent d’articuler
tout ou partie des éléments suivants : une cible de clients, une identification des produits principaux (bien et/ou services), une perspective
géographique, les technologies du cœur de métier, une ambition
économique (croissance, rentabilité, voire survie), des principes éthiques, l’image que l’entreprise se fait d’elle-même, et l’image qu’elle
souhaite avoir dans l’esprit du public. Autrement dit, les dirigeants
semblent chercher un équilibre entre trois parties prenantes-clés
lorsqu’ils énoncent la raison d’être de l’entreprise. Une entreprise
orientée marché serait capable de concilier les attentes des clients,
des salariés, et des actionnaires. Elle se caractériserait d’abord comme
une organisation capable de lire les attentes plus ou moins articulées
par ses clients et de satisfaire ces attentes mieux que les concurrents.
Pour ce faire, elles valoriseraient ses employés, c’est-à-dire ceux qui
créent la valeur pour le client. Enfin, les actionnaires bénéficieraient
de l’aptitude singulière, rare et difficile à imiter, qui est à la source
de l’avantage concurrentielle de l’entreprise.
128
© Éditions d’Organisation
En fait, mission et métier sont deux manières de décrire l’activité
d’une entreprise (encadré 1.22.). Ce sont les deux facettes d’une même
réalité en interaction dynamique. La maîtrise d’un métier peut trouver
à se valoriser dans des marchés peu familiers à l’entreprise. L’évolution
des exigences du client peut conduire à l’enrichissement d’une mission
et à l’acquisition de compétences nouvelles, donc à la transformation
d’un métier. Bref, un métier peut ouvrir sur de nouvelles missions,
et la mission peut conduire à de nouveaux métiers. Cette interaction
dynamique de la mission et du métier peut entraîner des désajustements transitoires, voire conduire à une crise interne. Mais, renoncer
à affronter un tel décalage, c’est condamner l’entreprise à défendre
sa position de manière trop statique (Kœnig, 1996).
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
Pouvoir de marché et marketing
Certains accordent aux entreprises une influence puissante sur les
consommateurs résultant de l’expertise des marketers. Ils s’efforcent
de montrer, d’une part les effets du pouvoir de marché des entreprises
(attachement des consommateurs à la marque, moindre sensibilité
au prix, barrières à l’entrée de nouveaux concurrents, concentration
de l’offre…) et, d’autre part, les effets généraux sur la vie sociale
et la culture (déformation des systèmes de valeurs, frustration et
aliénation des consommateurs, encouragement au matérialisme,
affaiblissement de la démocratie, émergence d’une culture de masse
et de la société de consommation et du spectacle, etc.). Une telle
critique se ramène à poser la question des besoins (cf. chap. 2) et
celle de la légitimité de la référence à l’opinion publique (Laufer
et Paradeise, 1982). Une réflexion plus approfondie conduit à questionner le rôle du marché, et de l’entreprise, dans la mise en œuvre
du progrès économique. Au-delà, ou en deçà, du marketing c’est
donc l’organisation de la vie économique et sociale qui se trouve
questionnée et notamment les « effets de composition », c’est-àdire les effets pervers de grande ampleur. Par exemple si chacun
choisit, en poursuivant son intérêt propre, d’acheter et d’utiliser
une automobile, le résultat agrégé de ces choix (stationnement,
urbanisme, pollution…), peut apparaître bien pire pour chacun
que le renoncement à la voiture. L’exercice de la liberté individuelle
ferait ainsi obstacle à la liberté réelle ou, pour le dire en termes
économiques, l’existence d’externalités fait que la rationalité individuelle conduit à l’irrationalité collective.
Si on se penche de manière superficielle sur le pouvoir de marché
d’une entreprise, on pourra soit se féliciter de l’image de sa marque
et de son efficacité commerciale, soit faire le procès de sa publicité
et ses techniques de vente. Mais ces constats convenus n’apprennent
129
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
Pour le second point, celui des « recettes marketing », il doit être
désormais évident au lecteur de ce chapitre qu’elles n’existent pas
pour la simple raison que la capacité d’une entreprise à l’emporter
sur la concurrence dépend de facteurs spécifiques à une situation
donnée. Face à la diversité des mises en œuvres observables sur
les marchés, le marketer est continuellement sollicité par une foule
de phénomènes particuliers et, quand il s’efforce de dégager les
130
© Éditions d’Organisation
guère plus. Il faut de plus observer que, d’une part la précision
des actions commerciales des entreprises demeure très modérée et,
d’autre part, qu’il n’est guère possible de mettre en évidence des
« recettes marketing » universelles. En dépit de la sophistication
croissante des études de marché et du marketing direct – qui repose
sur la gestion de fichiers larges et amplement renseignés – l’analyse
de situations concrètes montre les nombreuses imprécisions liées à
la mise en œuvre. Supposons une entreprise en position de satisfaire
une demande potentielle. Le marketer s’efforce alors de déterminer
la taille du marché potentiel, l’identité des clients les plus probables,
le prix qu’ils seraient prêts à payer, et s’il est rentable pour l’entreprise de saisir cette opportunité. Supposons ce travail réalisé avec
une haute précision – ce qui ne va pas déjà de soi – il demeure
que, lors de la mise en œuvre, de fortes dérives vont apparaître.
La distribution du produit sera inégale, d’autant plus que le pouvoir
de négociation des clients directs ne cesse de croître, et l’audience
des actions publicitaires ou de marketing direct débordera le plus
souvent la « cible utile ». Si en théorie le pouvoir d’influence du
marketing peut être élevé, en pratique, du fait du pouvoir des
intermédiaires et de la structure de l’audience des médias, ce pouvoir
demeure limité. On comprend alors pourquoi la publicité peut
« agacer » les nombreux individus qui sont récepteurs d’actions
publicitaires ou promotionnelles dont ils ne sont pas les destinataires.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
facteurs-clés de succès (sur les FCS, cf. chap. 10), il opère le plus
souvent par essais et erreurs. Certes, la tendance à la concentration
que l’on observe dans de multiples secteurs semble indiquer que
le pouvoir de marché des grandes multinationales est croissant
puisqu’il se manifeste par des parts de marché dominantes, des
marques puissantes, et des ressources financières importantes. Pourtant, dans le même temps, de nombreux secteurs se transforment
et permettent l’apparition de nouveaux leaders (qui aurait prévu
l’apparition de Nike, Microsoft, Nokia ou Swatch ?). L’économie
et la société sont puissamment transformées par l’action des entreprises depuis de nombreuses années et réciproquement.
© Éditions d’Organisation
L’élargissement du domaine d’application
du marketing
Les tenants du « tout marketing » (Kotler et Levy, 1969), se sont
efforcés d’élargir son domaine à de nombreuses sphères sociales afin
d’y inclure d’autres organisations que les entreprises : les services
de police, les musées, les écoles, les partis politiques, les églises
ou les organisations caritatives. Ce qui sous-tend un tel élargissement, c’est l’idée qu’aller à l’église, voter ou militer, n’est pas différent d’aller au supermarché, acheter ou consommer. Dès lors, de
l’homme de Neandertal au consommateur contemporain, tout individu relèverait du marketing en tant que catégorie universelle de
l’action humaine. Une telle ambition mégalomaniaque conduit vite
à réduire tout ce qui peut motiver les individus à l’intérêt économique, c’est-à-dire à un profit. Cet « économicisme » consiste à
considérer que les règles de fonctionnement de l’un des champs
sociaux, le champ économique, valent pour tous les autres champs :
artistique, culturel, domestique, politique, etc. Pour les tenants de
l’utilitarisme libéral l’intérêt économique est, en effet, le but ultime
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
des acteurs. Cette assertion est convaincante dans la mesure où le
capital économique est à la base de la constitution des autres capitaux. Dès lors, toute conduite relèverait des « lois » du marché
décrites par la « science » économique.
Cependant, chaque sphère sociale comporte des enjeux et des intérêts
spécifiques, dont notamment la recherche de « gains » symboliques.
De plus, le repérage du marché, et notamment la distinction fournisseur/client, ne vont pas toujours de soi. La question est, alors,
de mettre en évidence le marché, constitué de clients et de fournisseurs et le mode spécifique du calcul de l’intérêt individuel dans
une sphère sociale donnée. Or, pour l’essentiel, le marketer ne voit
dans la société que des clients et des fournisseurs et propose, voire
impose, un mode de calcul fondé sur l’analyse coût/avantage, quelle
que soit la sphère sociale envisagée. Dès lors, si le marketing veut
prendre pour objet toute activité sociale (artistique, caritative, religieuse…) alors il doit changer l’un de ses présupposés fondamentaux,
la notion d’intérêt lucratif. Et, en toute rigueur, si son objet n’est
plus l’échange marchand, il devrait aussi changer de nom.
La finalité des organisations à but non lucratif
(O.B.N.L.)
À l’évidence les O.B.N.L. n’ont pas pour finalité première de gagner
de l’argent. Leur efficacité ne peut donc s’analyser uniquement en
132
© Éditions d’Organisation
Dès les années 1970, on a cherché à promouvoir les techniques de
marketing dans d’autres organisations que les entreprises (Lovelock
et Weinberg, 1990). Mais plusieurs enjeux distinguent la situation
des organisations à but non lucratif de celles des entreprises du
secteur privé marchand : la question de leur finalité et la diversité
de leurs parties prenantes.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
termes de profit et doit prendre en compte d’autres indicateurs.
Le plus souvent il s’agira d’intégrer des indicateurs sociaux et des
contraintes financières. Ce constat conduit à deux enjeux majeurs :
• Quelle définition retenir pour la mission de l’organisation :
pour quoi existe-t-elle ?
• Comment intégrer les contraintes financières afin d’assurer
la survie de l’organisation?
© Éditions d’Organisation
La première question met l’accent sur la tension entre mission et
satisfaction du client. Alors que l’orientation client insiste sur la
nécessité de privilégier la satisfaction du client, la mission d’une
O.B.N.L. peut aller à l’encontre des aspirations à court terme de
ses « clients ». Ainsi, la mission d’une Église entraînera des sacrifices
et des renoncements personnels pour ses fidèles. Une O.B.N.L. dans
le domaine culturel peut chercher à promouvoir des formes artistiques (peinture, théâtre, musique), nécessitant un effort d’adaptation de la part de ses membres. L’affirmation durable d’une mission
sera donc soumise à des tensions, voire des conflits, manifestant
les écarts entre sa mission et la demande de ses « clients ».
De plus, l’offre de la plupart des O.B.N.L. est constituée par des
services et non par des biens. L’action marketing de ces organisations
peut donc s’inspirer largement des outils fournis par le marketing
des services. Mais, certaines O.B.N.L. se donnent pour mission la
modification de comportements sociaux : arrêter de fumer, protéger
un site, être plus solidaire. De tels enjeux ne renvoient pas seulement
à un pur choix de consommation individuelle. Pour un individu,
les coûts d’un changement de comportement peuvent être plus
élevés à court terme que les bénéfices retirés. De plus, certaines
causes sont controversées (avortement, nucléaire), et suscitent des
débats et des conflits difficiles à gérer.
133
0000-Marion.book Page 134 Mardi, 25. mars 2003 8:11 08
ANTIMANUEL
DE MARKETING
La diversité des parties prenantes des O.B.N.L.
De nombreuses O.B.N.L. font appel à la générosité de chacun,
utilisent des fonds publics et tissent des liens avec la sphère politique. Dès lors, elles doivent faire face à la surveillance de l’opinion
publique et des médias. Plusieurs scandales mettant en cause des
organisations caritatives ou des associations proches de sectes illustrent bien cet aspect. Les contraintes sont donc moins liées à une
lutte concurrentielle sur un marché donné qu’à des pressions politiques, au contrôle des pouvoirs publics, et à la suspicion de l’opinion
publique.
Au total, il faut s’interroger sur la pertinence du terme client dans
un contexte associatif. Quels sont les clients d’un groupe de
scoutisme ? Les enfants, les parents, la municipalité qui prête des
134
© Éditions d’Organisation
Alors que les clients d’une entreprise payent pour acquérir ses produits, les « clients » bénéficiant des services d’une O.B.N.L. sont
souvent différents des donateurs ou subventionneurs qui financent
l’organisation. Dès lors, il s’agit de mettre en place deux types
d’action marketing concernant d’une part, la collecte de subventions
(fund raising) et, d’autre part, les prestations de services. Cette distinction n’est pas encore suffisante : des mécènes, des sponsors, des
employés, des bénévoles, et beaucoup d’autres interlocuteurs peuvent
aussi constituer des parties prenantes décisives. Certes, une entreprise doit tout autant gérer des échanges avec une diversité de
parties prenantes : salariés, clients, actionnaires, organismes publics,
etc. Cependant, pour la plupart des O.B.N.L. cette diversité est
exacerbée. Leur réussite et leur développement dépendent d’un très
grand nombre de détenteurs d’enjeux autres que les clients, et le
marché de leurs produits ou services n’est pas la contrainte principale.
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
locaux, la collectivité locale qui subventionne ? Puisque la finalité
d’une O.B.N.L. n’est pas la recherche de profits, elle peut servir,
voire rechercher, des publics non solvables pour lesquels l’appellation
de client semble impropre et la notion même de marché inadaptée.
Une O.B.N.L. se trouve plutôt imbriquée dans un réseau relationnel
et il importe de disposer d’un outil pour mettre au jour un tel
réseau. L’explicitation de la mission et l’accord entre bénévoles et
salariés sur un tel énoncé, constituent aussi des enjeux importants.
On trouvera dans Mayaux et Revat (1993), une approche opérationnelle du marketing adaptée à la situation particulière des associations.
Triomphe ou crise du marketing ?
Nous venons de le voir, on constate, en même temps, une diffusion
grandissante de l’idéologie marketing, de ses concepts, et de ses
outils, et un développement de la critique à son égard.
© Éditions d’Organisation
Brève histoire du marketing
Les mots utilisés pour exprimer des concepts apparaissent souvent
postérieurement aux pratiques, ainsi le mot « comptabilité » n’apparaît dans le lexique français qu’en 1579, et le mot « commerçant »
qu’en 1727. Or, évidemment, la pratique de la comptabilité et du
commerce était antérieure à ces dates. La théorisation des pratiques
commerciales a vu le jour avant l’officialisation du vocable
« marketing » par des universitaires américains. On en trouve de
solides traces dans les travaux de l’école historienne allemande appliquée à l’économie à la fin du XIXe siècle et aussi dans Le parfait
négociant ouvrage édité à Paris en 1675. La date de naissance du
marketing fait donc problème dans la mesure où la vie sociale a
135
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
• l’économie de marché, c’est-à-dire le recul progressif de
l’autoconsommation au profit de la mise en place des marchés élémentaires (le commerce villageois, l’artisan itinérant, le colporteur,...), puis l’élargissement (à partir du
XVe siècle en Europe), de l’économie marchande,
• la montée du capitalisme, dont la constitution historique
s’entremêle avec celle de l’économie de marché, mais que
Braudel (1985) nous invite à distinguer avec soin. Il souhaite ainsi souligner le rôle dominant des négociants-capitalistes (gros marchand, armateur, banquier, entrepreneur
industriel, exploitant agricole, etc.), pour insérer du capital
dans le processus de production,
• la révolution industrielle, qui voit le jour en Grande-Bretagne autour de 1750, mais n’émergera qu’au début du
XXe siècle sous la forme, entre autres, d’une production et
136
© Éditions d’Organisation
été, depuis fort longtemps, scandée par des échanges marchands.
Mais, si l’on s’en tient au vocable, celui-ci apparaît au tournant du
siècle en Amérique du Nord et demeure ignoré en France jusqu’aux
années 1950. Il ne fait son apparition dans les établissements d’enseignement de la gestion en France qu’au début des années 1960.
Progressivement, l’importation des techniques américaines va imposer ce mot aux dépens des termes utilisés précédemment :
commercialisation, action commerciale, gestion commerciale, fonction vente, sans se substituer totalement à eux. On ne peut donc
faire coïncider l’essence du marketing, ni avec l’apparition de la
relation d’échange, c’est-à-dire les premiers âges de l’humanité, ni
avec celle d’échange marchand, ni avec celle des premiers manuels
écrits pour son enseignement. On oublierait, ainsi, de considérer
les conditions historiques de son émergence. Plusieurs interprétations de sa naissance peuvent être avancées selon que l’on la fait
coïncider avec :
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
d’une consommation de masse, avec l’apparition de la
grande entreprise (Chandler, 1990),
• la formalisation d’un ensemble d’outils et de principes pour
permettre à la firme d’évaluer, mesurer, influencer, et satisfaire la demande. À partir de 1913 et surtout entre 1930
et 1960, ce travail de formalisation donnera le jour au
marketing concept, au marketing management, à la profession
de marketer et au métier d’enseignant de marketing et
d’auteur de manuels (Marion, 1993 ; Cochoy, 1995).
© Éditions d’Organisation
Décrivons les grandes articulations de cette formalisation. De
manière approximative, elle se contente parfois d’une périodisation
des « ères économiques » selon laquelle le « sens de l’histoire »
conduirait les entreprises à connaître d’abord « l’orientation
production », puis « l’orientation vente », enfin « l’orientation
marketing ». Cette présentation n’est guère attestée pas les travaux
des historiens pour qui, « l’ère de la production » est un mythe,
même si Tedlow (1990) propose trois phases historiques pour lire
l’émergence du marketing aux États-Unis :
• la fragmentation. Jusqu’en 1880, des coûts de transport élevés
et une circulation lente de l’information n’autorisent, sur
le territoire nord-américain, que des marchés locaux et de
petite taille. Les volumes de production sont faibles et les
marges sont élevées,
• l’unification. De 1880 à 1950 un marché unifié se constitue
sur l’ensemble du pays avec l’émergence progressive d’une
production de masse, d’une distribution de masse, d’une
communication de masse, et d’une consommation de masse.
Il s’ensuit que les volumes sont importants et les marges
unitaires peu élevées,
137
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
• la segmentation. Depuis 1950 la multiplication des offres
adressées à des groupes de consommateur plus réduits
s’accompagne de la recherche de critères permettant de
singulariser les cibles visées et de positionner les produits
et les marques,
• la micro-segmentation est, pour Tedlow, la phase actuelle du
marketing. Elle résulte du développement des technologies
de l’information et de la communication et tend vers une
situation de personnalisation (customization), où chaque
client individuel constituerait un segment.
Quelle que soit la périodisation retenue, il demeure qu’on ne peut
faire coïncider le marketing avec l’apparition de l’échange marchand.
Cela conduirait, en effet, à admettre que toute économie marchande,
même embryonnaire, relève du marketing. Cette notion a été forgée
progressivement à partir des pratiques de la grande entreprise.
Comme l’entreprise n’est pas constituée dans toute économie marchande (Chandler, 1977), il convient de s’en tenir à une « date de
naissance » compatible avec le présupposé de l’existence de cette
organisation particulière qu’on appelle la grande entreprise au sein
d’un système économique qu’on appelle le capitalisme ou, plutôt,
les capitalismes, c’est-à-dire la fin du XIXe ou le début du XXe siècle
aux États-Unis.
Les inquiétudes des uns concernant le pouvoir publicitaire, le matérialisme des échanges, et les excès de la société de consommation,
font écho aux lamentations des autres sur l’inconstance du consommateur, l’inefficacité publicitaire, et la « déconsommation ». Bref,
le marketing serait en crise. Mais un discours de plus sur « la
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© Éditions d’Organisation
Crise du marketing ?
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MARKETING :
OBJET, DÉMARCHE ET DÉBATS
© Éditions d’Organisation
crise », passée ou à venir, ne suffit pas à l’analyse. S’agit-il, en
effet, de rendre compte de l’évolution des pratiques, c’est-à-dire comment se comportent les acteurs de l’échange (clients et marketers) ?
S’agit-il de rendre compte de l’évolution des modèles, c’est-à-dire
des principes qui permettent d’expliquer, rationaliser, et légitimer
des comportements ? Ou s’agit-il de questionner les axiomes sur
lesquels sont fondés ces modèles, c’est-à-dire les convictions et les
croyances qui permettent de justifier les comportements ?
Appliquons ces catégories à l’évolution du marketing. Premier constat, depuis des siècles les pratiques de l’échange marchand se transforment en permanence, et la « mondialisation » est une étiquette
commode pour caractériser le changement contemporain. S’agit-il
d’une rupture ou manquons-nous de recul ? Les historiens diront
si les discontinuités de la « turbulence » actuelle sont plus considérables que celles de la « grande dépression » ou des deux dernières
guerres mondiales. Deuxième constat, les modèles, les schématisations, les concepts que se donne le marketing évoluent au gré de
théorisations parcellaires, souvent contradictoires d’une période à
une autre, et peu susceptibles de s’intégrer dans une théorie générale
(Marion, 1999). Disons-le autrement, en tant que pratique théorisée,
le marketing est un savoir remarquablement plastique. Ses modèles
ne sont pas rigoureusement déduits d’un corps parcimonieux d’axiomes explicites. Alors qu’en science économique l’homo œconomicus
est rigoureusement défini comme un individu autonome, rationnel,
et informé, en marketing la définition du client ou du consommateur
varie en permanence dès lors qu’on le dote de dimensions résultant
du regard d’autres disciplines : psychologie, sociologie, psychologie
sociale, ethnologie, sémiotique, etc. La plupart des querelles théoriques, à propos des pratiques et phénomènes du marketing, résultent de la confrontation de grilles de lecture fournies par des
disciplines différentes. Chacune opposant moins différentes réponses
139
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ANTIMANUEL
DE MARKETING
à une même question, que différentes définitions de ce qui constitue
la « réalité » et notamment la « réalité » de la « nature humaine ».
Les convictions et les croyances qui lui sont attachées apparaissent
aujourd’hui comme un ensemble de lieux communs : « satisfaire
le client est indispensable », « le client a la liberté de choix »,
« tous clients et fournisseurs », par exemple. C’est précisément
leur statut de lieu commun qui fait l’efficacité des justifications
fondées sur ces croyances. Il serait, en effet, extrêmement coûteux
pour toute personne de remettre en question, lors des conversations
courantes, l’enchaînement des arguments qui ont conduit à de
telles « évidences ». Le marché constitue la forme institutionnelle
140
© Éditions d’Organisation
Le marketing, en tant que produit de l’idéologie des libéraux,
s’adosse à l’un de ses principes majeurs pour définir cette « réalité »
qu’il appelle le client ou le consommateur : la recherche, par chacun,
de son intérêt. Certes, comme le dit Manent (1986, p. 20), « on a
envie d’écrire en marge de leur copie : vrai mais vague », car ce principe
passablement abstrait recouvre des formes d’intérêt très diverses.
Ce qui fait « marcher » le patron d’une entreprise n’est pas le même
intérêt que celui qui fait « marcher » l’artiste ou le scientifique.
Mais il demeure que ce principe constitue un ressort puissant et
universel de l’action des individus. Au fond, ce qui importe n’est
pas que les théorisations du marketing soient vraies ou fausses,
mais qu’elles soient convaincantes. Elles demeureront convaincantes
si tout le monde (client et marketer), a intérêt à ce qu’elles le soient,
c’est-à-dire si chacun s’accorde à reconnaître que c’est ainsi que
doit se dérouler l’échange. Ajoutons donc en marge de la copie des
libéraux « vague mais convaincant ». Le marketing est une convention
fondamentale de notre système économique. C’est la conviction,
partagée par l’ensemble des acteurs, que c’est ainsi que doit s’effectuer l’échange marchand (Marion et Gomez, 1992 ; Marion 1997).
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dominante dans l’économie contemporaine pour coordonner l’action
des individus. Le concept d’institution est ici entendu comme un
ensemble de pratiques sociales dotées d’une certaine régularité :
des modes de comportement habituels, attendus et auto-réalisateurs. Le marketing est l’art de piloter les échanges marchands.
Les marchés et les clients ne sont pas créés par Dieu ou par la
nature mais par des personnes et notamment des marketers sans
cesse à la recherche d’opportunités dans les marchés ou dans de
nouvelles sphères jusque-là non marchandes.
Toutefois, le marketer n’est pas un dictateur qui cherche à tromper
le client ou un devin qui saurait mieux que les consommateurs
eux-mêmes ce qu’ils désirent, il entend agir légitimement sur le
consommateur en lui proposant des produits et des discours qui
l’incitent à se « gouverner » lui-même comme un hédoniste pour
qui plaisir, bonheur et bien sont une seule et même chose. Lorsque
le marketing fait l’objet d’une suspicion, il se transforme en augmentant sa cohérence notamment par la récupération des critiques
qui peuvent donner naissance à de nouvelles offres répondant à
une demande solvable. L’activité des marketers dans l’entreprise et
dans la société se transforme donc non seulement par le jeu concurrentiel mais aussi par le jeu de la critique (Boltanski et Chiapello,
1999). De plus, la doctrine majoritaire est nourrie, depuis plus
de cinquante ans, par des schématisations largement diffusées dans
les entreprises et les Business Schools et donc ancrées fortement dans
leur habitudes et traditions. L’idée que les multinationales de la
lessive constituent une « université » du marketing mettra du
temps à disparaître. Le fait que les ouvrages et les revues de marketing dominants proviennent exclusivement, ou presque, des
États-Unis ne saurait se modifier à court terme. Le marketing management, en tant qu’énoncé plus ou moins solidaire de la convention
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DE MARKETING
libérale, devrait donc résister fermement à la suspicion jetée par
d’autres approches.
Enfin, le marketing est solidaire d’une dynamique peu susceptible
de s’affaiblir : celle de la production scientifique contemporaine.
C’est, en effet, le système scientifico-technique qui, à la demande
des grandes unités actives que sont les entreprises multinationales,
suscite en permanence le changement technologique et l’apparition
de nouveaux produits. Comme nous le verrons (chap. 2), le vieux
problème des vrais et des faux besoins est dépassé. La domination
de l’activité scientifique par les enjeux concurrentiels conduit à
orienter le développement scientifique et technique vers la création
constante de nouveaux besoins. Cette situation, les chercheurs scientifiques du siècle dernier la connaissaient beaucoup moins.
Aujourd’hui, à peine une nouveauté est-elle assimilée, qu’une autre
doit être proposée. Le principal rôle assigné à la science contemporaine, et aux produits qui en découlent, est de servir l’économie
et permettre à une entreprise ou à une nation de rester dans « le
peloton de tête ». À cet égard, le marketer-entrepreneur a encore de
beaux jours devant lui.
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