Syndrome d’apnées du sommeil
Les patients avec un SAS ont une réponse à l’hypoxie
accrue à un niveau comparable de celui des patients
hypertendus. Mais cette activation des chémorécepteurs
périphériques est visible, même chez des sujets normoten-
dus avec SAS. On retrouve ainsi des points communs entre
les sujets avec une HTA « limite » et ceux avec un SAS
sans HTA. Cette activation des chémorécepteurs périphé-
riques est spécifique et isolée puisque l’activité des ché-
morécepteurs centraux et la réponse au « test d’immersion
de la main dans l’eau glacé » (ou cold pressor test, test non
spécifique d’étude du système sympathique) sont inchan-
gées par rapport à des sujets témoins [12]. On sait que le
SAS s’associe fréquemment à l’obésité, mais la surcharge
pondérale n’explique pas l’activation des chémorécep-
teurs périphériques, puisque, chez des sujets obèses in-
demnes de comorbidités et de SAS, on observe une exa-
gération de l’activité des chémorécepteurs centraux sans
modification de la réponse à l’hypoxie [13]. Enfin l’hype-
ractivité des chémorécepteurs périphériques au cours du
SAS porte à la fois sur la réponse sympathique périphéri-
que mais également sur le tonus vagal à destinée cardia-
que. Ainsi, au cours de l’apnée, l’activation sympathique
et la prolongation de l’intervalle RR sont majorées par
rapport aux témoins [14].
La majoration de l’activité des chémorécepteurs péri-
phériques s’explique la nuit par l’exposition à des épiso-
des d’hypoxies intermittentes au cours des apnées. Mais
chez ces mêmes patients, on retrouve une majoration de
l’activité sympathique diurne alors même que les sujets
sont en normoxie. Cette observation suggère une augmen-
tation du tonus de base de l’activité des chémorécepteurs
périphériques. Pour preuve, l’exposition à l’hyperoxie, qui
inhibe l’activité des chémorécepteurs périphériques, en-
traîne une diminution de l’activité sympathique et de la
pression sanguine artérielle sans modification dans le
groupe témoin. Il semble que l’activation des chémoré-
cepteurs la nuit rende aussi compte du maintien de l’acti-
vité sympathique durant la journée et ce même en situa-
tion de normoxie.
Insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque se caractérise par une aug-
mentation du tonus sympathique. Plusieurs données sou-
lignent que cette activation neurohormonale précède
l’installation de l’insuffisance cardiaque symptomatique
[15]. Il est maintenant établi que les anomalies du système
nerveux sympathique contribuent à la progression de la
maladie et à son mauvais pronostic [15]. Jusqu’à présent,
ce sont les dysfonctionnements des baroréflexes artériels
et cardiopulmonaires (système inhibiteur de l’activation
sympathique) qui ont été incriminés dans la genèse de
l’hyperactivité sympathique [16]. Mais un grand nombre
de données expérimentales et humaines soulignent le rôle
prépondérant joué par l’activation des chémorécepteurs
(surtout périphériques) dans l’installation et la progression
de l’activation sympathique au cours de l’insuffisance
cardiaque.
L’étude du chémorécepteur périphérique chez
l’homme suggère que l’activation est proportionnelle à la
sévérité de la maladie (stade NYHA) et au type de cardio-
pathie (ischémique plus que dilatée) [17, 18]. Enfin, l’aug-
mentation de l’activité des chémorécepteurs périphéri-
ques est associée à une augmentation de la mortalité au
cours de l’insuffisance cardiaque [19]. L’administration
d’un mélange hyperoxique diminue l’activation sympathi-
que et la réponse ventilatoire, suggérant un rôle spécifique
de l’activation des chémorécepteurs périphériques. L’acti-
vation des chémorécepteurs périphériques est logique
lorsque l’hypoxie chronique est installée mais son instal-
lation précoce soulève un certain nombre d’interroga-
tions. Les données expérimentales suggèrent la modifica-
tion d’anomalies structurales au sein même des corps
carotidiens à l’origine d’une augmentation du tonus de
décharge de ces structures. Ces anomalies sont observées
à la fois dans des préparations intactes (perfusées) de corps
carotidiens mais également dans des préparations isolées,
ce qui confirme leur caractère intrinsèque [20]. L’une des
anomalies pourrait être la diminution de la production de
NO (agent inhibiteur de l’activité des chémorécepteurs)
dans les tissus concourant à une levée d’inhibition du
tonus des chémorécepteurs périphériques. La modulation
pharmacologique de la voie du NO par des antagonistes
(LNAME) et des substrats (L-arginine) ou donneur de NO
confirme cette hypothèse [20].
L’autre mécanisme responsable de l’hyperactivité des
chémorécepteurs périphériques repose sur l’interaction
entre le système des chémorécepteurs et le système des
barorécepteurs au niveau central ou ces deux systèmes
convergent dans le noyau du tractus solitaire. Ainsi, l’acti-
vation des chémorécepteurs périphériques supprime l’in-
hibition de l’activité sympathique par les barorécepteurs
et l’activation des barorécepteurs inhibe l’activation des
chémorécepteurs. L’interaction centrale et les dysfonc-
tionnements du baroréflexe pourraient expliquer l’aug-
mentation de l’activité des chémorécepteurs périphéri-
ques [21]. L’activation du chémorécepteur central reste
mal élucidée, l’hypothèse du rôle de la leptine, dont les
taux augmentent au cours de l’obésité et de l’insuffisance
cardiaque, pourrait en partie expliquer l’augmentation de
l’activité des chémorécepteurs centraux mais cette piste
demande à être confirmée [22].
Enfin, l’activation des chémorécepteurs centraux pour-
rait en partie s’expliquer par la prévalence accrue des
apnées du sommeil au cours de l’insuffisance cardiaque.
Les patients qui ont une réponse exagérée lors de l’admi-
nistration de CO
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sont ceux qui ont le plus souvent un SAS
central. L’activation sympathique induite par les apnées
répétées chez l’insuffisant cardiaque contribue en partie
au maintien de l’activité sympathique et joue un rôle
mt cardio, vol. 2, n° 3, mai-juin 2006 325
Revue
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