l`apogée viennois de la carrière de mozart

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L'APOGÉE VIENNOIS DE LA CARRIÈRE DE MOZART
II (nouveau) – LES ŒUVRES ULTIMES
La terrible année 1791
Année terrible ? N'est-ce pas celle de la composition et de la création de la Flûte
enchantée, qui remporta un vif succès ? Succès populaire d'abord grâce à sa forme
empruntée au Singspiel, à son côté féerique, enfantin si l'on veut et à la spontanéité de
l'inspiration. Succès auprès des « connaisseurs » qui au-delà des apparences ont perçu la
signification profonde du livret et apprécié le savant travail de composition de l’œuvre.
Mais 1791 ne saurait se réduire à un seul opéra, fût-il à succès. Cette année
particulièrement active et féconde, nous allons le voir, rejoint 1789 qui fut une année
d'accalmie heureuse. Passons sur les Danses allemandes et les Menuets que Mozart, élevé
au rang de « Compositeur de la Chambre impériale », titre plus ronflant que valorisant est
dans l'obligation de produire, pour nous rappeler l'existence, cette année-là, de sonates, de
trios, de quatuors et de cette autre réussite qu'est l'opéra Cosi fan tutte, autant d’œuvres
propres à relever le niveau.
Pourquoi alors 1791 année terrible ? Pour plusieurs raisons
La première est que MOZART est débordé. Il achève l'essentiel de son superbe
Quintette avec clarinette et entreprend la composition du Concerto pour piano n°27, du
Singspiel La Flûte enchantée, d'un autre opéra : La Clémence de Titus, du Requiem, de
plusieurs Lieder, du Concerto pour clarinette et de plusieurs œuvres maçonniques.
Une seconde raison est qu'après la Flûte enchantée, il ne restera à MOZART que deux
mois et cinq jours à vivre.
La troisième raison est que le compositeur a atteint le fond de l'abîme. Si l'on dresse un
bilan rapide de son existence, il ressort qu'il n'a jamais obtenu à la cour le poste officiel
auquel son génie lui permettait cependant de prétendre. Hormis à Munich et à Prague, il n'a
jamais recueilli au mieux que des succès d'estime, croisant souvent un public indifférent et
des confrères hostiles. Des cabales ont eu raison de ses opéras, pourtant devenus les plus
célèbres du monde. Il s'est constamment trouvé confronté à d'irrémédiables difficultés
financières. Et le voici, en ses dernières années, atteint d'un mal inconnu qui le ronge.
1789 avait été une année paisible. L'année suivante sera en revanche une année noire.
MOZART, si prompt à écrire d'ordinaire, à composer vite, bien et beaucoup n'a produit en
tout et pour tout qu'une Fantaisie pour orgue mécanique (entendons pour orgue de barbarie)
qui n'ajoute rien à sa gloire, deux quatuors à cordes et l'amorce du Quintette avec clarinette.
MOZART est plongé à n'en point douter dans un état dépressif. L'homme d’ordinaire si
enjoué est capable d'écrire : « Tout est froid pour moi, froid comme glace. Toutes les
aimables manières des gens à mon égard me paraissent si vides ! »
Année terrible enfin – quatrième raison – parce qu'il nous livre ses œuvres ultimes. Le
5 décembre il sera mort. S'agit-il d’œuvres d'adieu ? D'aucuns ont décelé ici et là des accents
prémonitoires d'une disparition prochaine. Sans doute disposent-ils d'un sens spécial que
d'autres ne possèdent pas, car à l'exception des mouvements lents obligatoirement méditatifs
et du Requiem, œuvre de circonstance, rien ne semble trahir l'accablement, la résignation ou
la tristesse nostalgique d'un homme sur le départ. La joie de vivre semble même souvent
triompher (le rôle de Papageno dans La Flûte enchantée, le final du 27e Concerto pour
piano, le rondo final du Concerto pour clarinette).
Les grandes compositions de 1791
Après le vide sidéral de 1790, l'année nouvelle s'ouvre sur un chef-d’œuvre : le 27e
Concerto pour le piano créé en janvier 1791.
Concerto pour piano et orchestre n° 27 en si bémol majeur K 595
Il s'agit de la conclusion d'une longue série d'une forme musicale pratiquement
immuable à l'époque classique, mais qui reflète parfaitement l'évolution du compositeur.
Des musicologues placent les concertos pour piano de MOZART à un niveau plus
élevé encore que les symphonies pourtant situées à une hauteur vertigineuse et qui
contrastent singulièrement, avant BEETHOVEN, avec la production symphonique de
l’époque, exception faite en partie, peut-être de l’œuvre de Josef HAYDN.
Morceaux choisis
CONCERTO POUR PIANO N° 27 en si bémol majeur
Fragment présentés
2ème mouvement : Larghetto
Le piano seul expose un thème quasi religieux repris par l'orchestre dont l'effet se
prolonge par une prodigieuse cantilène élégiaque. Après un enchaînement de trilles
s'effectue le retour de la partie initiale. C'est l'orchestre qui s'empare de la coda
laissant en superposition un piano expressif mais réduit au rang d'accompagnateur.
Faut-il y voir une sérénité retrouvée ou de la résignation ? A chacun d'en décider
selon sa propre sensibilité.
3ème mouvement : Allegro
Contraste. MOZART que l'on sait au fond de l'abîme s'est ressaisi et nous offre un
avant-goût de la gaieté à venir de Papageno.
A noter que nous entendons l'avant-dernier rondo composé par l'auteur. A
remarquer également un retour à la virtuosité, mais une virtuosité qui, sans échapper
à l'oreille, n'a rien d'ostentatoire et s'intègre parfaitement dans le discours musical.
Il est évident que MOZART nous offrant ce dernier concerto n'a pas manqué sa
sortie.
La première partie de l'année se poursuit avec la composition obligée de Danses
allemandes et de Menuets (dont certains, pour être franc, mériteraient de retenir davantage
l'attention) et, il faut en convenir, d'« œuvrettes », telles cet Adagio pour harmonica (!)
En septembre, alors que se met au point La Flûte enchantée, les événements se
précipitent. Léopold II d'Autriche, qui a succédé à Joseph II et porte comme il se doit
plusieurs titres dont celui d'empereur des Romains, est aussi roi de Bohême et doit être
couronné à Prague. MOZART dispose de moins de trois semaines pour composer un nouvel
opéra. Ce sera La Clémence de Titus. Sur le moment l’œuvre déçoit : « Una porcheria
tedesca », une cochonnerie allemande s'écriera l'impératrice.
L’œuvre en effet est longue, inégale ; elle marque un retour au genre conventionnel de
l'ancien opéra seria tombé en désuétude et les personnages manquent de caractère. Enfin le
livret ne peut rivaliser avec ceux de Da Ponte (Les Noces de Figaro, Don Giovanni et Cosi
fan tutte). Cet opéra longtemps négligé a été réhabilité depuis peu : le contenu musical le
mérite, il est vrai.
Le Concerto pour clarinette et orchestre
La clarinette est peut-être le plus bel instrument introduit dans l'orchestre sur le tard.
Elle résulte de la transformation du chalumeau médiéval au timbre assez ingrat. C'est vers
1700, à Nuremberg que cet instrument qui n'avait rien de remarquable est mis au point,
« inventé » même, pourrait-on dire. Jean-Philippe RAMEAU découvre l'instrument nouveau
et l'introduit dans son orchestre en 1749 pour les représentations de son opéra Zoroastre.
MOZART, quant à lui la remarque lors d'un séjour à Paris. Il compose en 1778 la
Symphonie n° 31 en Ré majeur dite Symphonie « Paris ».
Clarinettes en la et en si bémol
Mathieu Steffanus
L'instrument a encore besoin d'être perfectionné, ce qui explique son succès tardif. Des
notes font défaut et nécessitent l'emploi de plusieurs clarinettes dans des tonalités
différentes. Sont actuellement utilisées.
La clarinette en si bémol, la plus appréciée à cause de sa sonorité chaude et
lumineuse et de sa capacité à effectuer les nuances les plus extrêmes ;
La clarinette en la, moins brillante, mis au timbre doux, veloutée ;
La petite clarinette en mi bémol à la sonorité crue, mordante, généralement pour
obtenir des effets spéciaux (Thème dénaturé, avili de l'Idée fixe dans Songe d'une nuit de
sabbat de la Symphonie fantastique d'Hector BERLIOZ– Salomé ou Till Eulenspiegel de
Richard STRAUSS).
Après 1786 (entrée en franc-maçonnerie), MOZART noue des liens d'amitié avec un
frère en Loge Anton STADLER, par ailleurs excellent clarinettiste professionnel. A son
intention, MOZART écrit le Trio pour piano, violon et clarinette, le Quintette avec
clarinette et le Concerto pour clarinette analysé ci-après.
Morceaux choisis
CONCERTO POUR CLARINETTE EN LA MAJEUR K 622
Fragments présentés
2ème mouvement Adagio
C'est un admirable cantabile. La clarinette constamment expressive semble planer
au-dessus de l'orchestre et suscite le rêve.
Les commentaires d'une page aussi exceptionnelle n'ont pas manqué. Mais quelles
étaient les intentions du compositeur ? A-t-il voulu laisser simplement un
remarquable acte d'amitié maçonnique ? S'agit-il d'un hymne à la fraternité
universelle ? Est-ce une méditation sur un ailleurs et un départ envisagé avec
sérénité ?
3ème mouvement : Allegro
Ce rondo est, cette fois-ci, le tout dernier composé par l'auteur. Il est sous-tendu
comme précédemment par un regain des forces printanières sans le moindre rapport
avec les souffrances endurées au même moment.
Entre fiction, fantasmes et réalité
Nous nous avancerons avec précaution sur les dernières semaines, la mort et les
obsèques de MOZART, tant cette période a été exploitée. Tout a été dit. Tout et son
contraire. Une fois évacués les commentaires extravagants, qui croire lorsque les
spécialistes les plus sérieux ne s'accordent pas ?
Un fait est attesté : depuis quelque temps le compositeur souffre d'un mal non identifié
qui provoque de fréquents malaises tels que des évanouissements. Le compositeur lui-même
croit à un empoisonnement. Que n'avait-il pas dit là ! Le grand poète, dramaturge et
romancier russe du début du XIXe siècle Alexandre POUCHKINE écrit une petite tragédie
Mozart et Salieri accréditant la thèse de son empoisonnement par Antonio SALIERI,
personnage important de la cour, que la légende prétend jaloux de son confrère. Nocolas
RIMSKI-KORSAKOV en fera un opéra en un acte. Une pièce de théâtre en reprendra l'idée,
de même que, à un époque récente, le film Amadeus de Miloš Forman. Or cette accusation
n'est basée sur aucun fait réel. SALIERI est même venu en aide à MOZART en plusieurs
circonstances.
Salieri
Manuscrit du Requiem
Pas plus qu'à un empoisonnement, on ne peut croire à une tuberculose, une hémorragie
cérébrale, une cirrhose du foie, la malaria ou le syndrome de Tourette, trouble neurologique.
Des recherches suédoises récentes laisseraient à penser qu'il pourrait s'agir d'une
complication rénale liée à une affection avec streptocoque. Plusieurs cas identiques se
seraient déclarés à Vienne à cette époque.
Alors qu'il achève La Flûte enchantée, MOZART reçoit la visite d'un messager secret
nimbé de mystère dans des conditions propres à stimuler l'imaginaire. Pourquoi pas la Mort
en personne venant annoncer au compositeur sa mort prochaine ? Commande est faite en
tout cas d'un Requiem.
On apprendra plus tard qu'il ne s'agissait que de l'intendant d'un certain comte
WALSEGG qui voulait faire exécuter (peut-être anonymement afin de s'en attribuer la
paternité) une messe de requiem à la mémoire de son épouse défunte.
Morceaux choisis
REQUIEM
Fragments présentés
Introït
Après l'incipit Requiem aetenam dona eis Domine confié à un chœur précédé
d'une longue introduction instrumentale, les versets suivant font intervenir les
quatre solistes soprano, mezzo, ténor et basse.
Kyrie
MOZART avait grâce à un de ses amis découvert le mode d'écriture (dit
polyphonique) de Jean-Sébastien BACH qui, associé à l'écriture harmonique pouvait
constituer un enrichissement considérable. Rien d'étonnant donc à ce que ce Kyrie
soit traité en fugue alla Bach avec toute la perfection d'écriture dont il est
évidemment capable.
Tuba mirum
C'est un trombone et non une trompette qui évoque ici le Jugement dernier. La
voix de basse qui entonne un air soutenu par l'instrument est relayé par le ténor
pour enchaîner bientôt sur un quatuor de solistes. MOZART nous épargne l'effroi
qu'exploiteront plus tard -avec génie d'ailleurs – un BERLIOZ ou un VERDI.
Lacrimosa
« Jour de larmes que ce jour-là » Oui, ce 18e verset du Dies irae est doublement
émouvant. Par son contenu musical particulièrement sensible d'abord et aussi par ce
qu'il s'agit de la première page laissée inachevée. Elle a été complétée par l'élève
préféré du compositeur Franz Xaver Süßmayr très au fait des intentions du maître.
La tradition voudrait que le Requiem, laissé inachevé fût la dernière œuvre de
MOZART. Pourtant des musicologues affirment que deux cantates maçonniques lui sont
postérieures. Quoi qu'il en soit, c'est bien la mort qui, au demeurant, est la cause de
l'inachèvement dudit Requiem.
Morceaux choisis
CANTATE MAÇONNIQUE «Laut verkünde unsre Freude »
Fragments présentés
Le chœur final
« Que les joyeux accents des instruments proclament haut notre joie » proclame ce
chœur qui reprend d'ailleurs une des pages initiales de l'œuvre. Cette cantate a été
écrite à l'occasion de l'inauguration d'un nouveau temple maçonnique. Elle est
destinée à deux voix d'hommes solistes, un chœur et un orchestre et apparaît,
comme ses semblables parfaitement représentative du style maçonnique de
MOZART : beau et simple à la fois.
Selon certains exégètes, ce serait réellement l'ultime chef-d’œuvre du compositeur.
-ooOooPour achever le cycle MOZART, voici en prime un chef-d’œuvre antérieur, mais
incontournable : le célébrissime Ave verum.
L'Ave verum (corpus natum de Maria virgine), Je te salue vrai corps de la Vierge
Marie est un texte non liturgique du XIVe siècle, une invocation au Christ, qui a inspiré
nombre de compositeurs. Bien que les paroles ne soient pas canoniques, ces compositions
ont été et sont encore sans doute chantées au moment de l'eucharistie. Cette œuvre de
MOZART en dépit de sa brièveté le mérite amplement.
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le Web et sources diverses personnelles sur le compositeur
- A l'exception du Concerto pour piano n° 27 en si bémol majeur (par Murray Perahia, piano et
direction, et l'English Chamber Orchestra (CBS Records), toutes les autres œuvres sont
empruntées à l' « Intégrale Mozart » (BRILLANT), déjà citée.
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