I. Le texte de Jean

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I. Le texte de Jean-Louis Libert
Ce texte figure dans le dossier d’intention originale à la création de la pièce.
Cet air est une œuvre singulière, car c’est bien un air, mais pour moitié seulement,
l’autre partie échéant au piano, c'est-à-dire à Mozart lui-même.
La composition date du 27 décembre 1786 et porte une dédicace : « composé pour
Melle Nancy Storace de la part de son ami Mozart ». Par ailleurs, le catalogue des
œuvres porte la mention « Pour Nancy Storace et moi-même »
C’est donc une lettre d’adieu du compositeur à la chanteuse qui retournait en
Angleterre. Mozart décide de jouer sur scène ce drame de sa propre vie, et faire parler le
piano à sa place, Nancy Storace jouant son propre rôle.
L’analyse du contexte de cette lettre amoureuse (qui fournit le texte de l’aria)
n’éclaire pas sa signification. Il vaut mieux s’en remettre au texte lui-même : face à la
perspective d’une séparation, une femme refuse le conseil que son amant lui donne de
céder à un autre amour ; la vie lui serait pire que la mort et se « consumer pour un autre
» la ferait mourir de douleur.
Tel est le contenu du récitatif, confié à la voix seule. Mais dès que s’y mêle la
musique, que dit Mozart ? Le piano expose le thème du rondo. Il ne quittera plus la voix
jusqu’à la fin de l’air, dont :
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le refrain est une rassurante promesse de fidélité : « n’ai crainte, toi que j’aime, mon
cœur sera toujours à toi ».
-
tandis que les couplets mettent en valeur la douleur et la révolte contre un destin
cruel.
La musique donne vie à cette construction et parvient à une clarification exemplaire.
Le récitatif nous montre une femme en proie au doute cruel, et c’est de l’homme que
l’on se prend à espérer une réponse apaisante… Il la donne au début du rondo en
proposant, sous une forme étonnamment sereine, le thème du refrain, repris par les
paroles de fidélité.
Une phrase musicale suffit à nous plonger dans un moment d’ambiguïté poétique
indécidable :
-
Au premier degré, et en ignorant la consistance dramatique du piano, on entend une
femme s’adressant à un partenaire non représenté (ce qui est classique).
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Ce soutien moral est confirmé par une attitude confiante que le piano expose de
façon pratique : il rejoint la voix et l’accompagne en guidant ses appuis, orne
calmement ses tenues, comme on guide l’apprentissage d’un geste nouveau en le
mimant à côté de celui qui s’exerce.
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La suite de l’air maintient cette alternance entre les deux aspects du rôle que tient le
piano par rapport à la voix :
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Protagoniste du dialogue assurant les questions ou les réponses
-
Il est aussi un soutien, une présence même dans les accents de révolte, mais en
infléchissant toujours leur démarche commune qui la garde, elle, du désespoir.
L’analyse de la musique renvoie également à la structure de la danse qui tisse ainsi
des liens étroits hors des relations déjà examinées.
II. Air de concert pour soprano en la bemol majeur K 505 (recitatif)
Ch’io mi scordi di te ?
Que je t’oublie ?
Che a lui mi doni consigliarmi ?
Tu peux me conseiller de me donner à lui ?
E poi voler che in vita… Ah no !
Et tu peux vouloir que je vive ?… Ah non.
Sarrebe il viver mio
La vie me serait
Di morte assai peggior.
De loin pire que la mort !
Venga la morte,
Vienne la mort,
Intrepida l’attendo
Je l’attends sans crainte
Ma, ch’io possa struggermi ad altra face,
Mais que je puisse pour un autre me consumer,
Ad altr’oggetto donnar gl’affetti miei,
A un autre donner mon affection.
Comme tentarlo ?
Comment le tenter ?
Ah di dolor morrei
Ah de douleur je mourrais.
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