leçon 7 : equilibre macro–economique, conjoncture - (ESA)

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ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
LEÇON 7 : EQUILIBRE MACRO–ECONOMIQUE,
CONJONCTURE ET POLITIQUE ECONOMIQUE
MACRO-OBJECTIFS (dossier pédagogique de l’UE)
1. présenter et analyser de manière critique les principaux mécanismes économiques : l'offre et la
demande agrégées sur les marchés.
2. mettre en évidence le rôle de la croissance économique dans nos sociétés contemporaines : variation du
revenu national et du volume de l'emploi.
3. analyser et critiquer les problèmes liés à la croissance économique : évolution des cycles économiques.
4. mettre en évidence et évaluer les politiques économiques mises en œuvre par les pouvoirs publics ;
5. analyser et confronter les fondements des principaux mouvements théoriques (classique, keynésien,
monétariste, ...) en saisissant leurs relations avec les phénomènes politiques et sociaux.
OBJECTIFS :
Au cours de cette leçon, l’étudiant va :
 1. analyser et confronter les principales théories décrivant l’équilibre macro-économique :
 la théorie keynésienne ;
 le modèle de demande et d’offre globales et le concept de PIB potentiel ;
 2. appréhender la notion de taux naturel de chômage (NAIRU) ;
 3. analyser comment les variations de la demande ou de l’offre globale peuvent provoquer des
récessions, et confronter les remèdes « Classiques » et « Keynésiens » ;
 4. réfléchir à la problématique de la croissance économique ;
 5. appréhender la notion de cycle conjoncturel et les théories y associées ;
 6. s’approprier les concepts fondamentaux de la politique économique
PLAN :
INTRODUCTION
SECTION 1 : L’EQUILIBRE KEYNESIEN : SOUS-EMPLOI & MULTIPLICATEUR.
SECTION 2 : LE MODELE DEMANDE & OFFRE GLOBALES.
SECTION 3 : REFLEXIONS SUR LA CROISSANCE
SECTION 4 : CYCLES ECONOMIQUES & CONJONCTURE
SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES
Pour en savoir plus : fiche de lecture
1/7 : Théories économiques & idéologies politiques.
RESUME & QUESTIONS DE REVISION.
1
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
INTRODUCTION
Maintenant, vous êtes en principe à même de vous intéresser en connaissance de cause aux
problèmes concrets qui interpellent tout citoyen, et préoccupent les décideurs : l’évolution
et les déséquilibres du système économique. Tel est l’objet de cette leçon et de la leçon
8 (inflation & chômage). Dans ce cadre, il est logique que nous abordions les questions de
politique économique en établissant le lien avec les théories exposées.
Nous aborderons la question fondamentale (sections 1 à 2) de l’équilibre du revenu
national, qui implique que l’offre agrégée ou globale OG (Y) = la demande agrégée ou
globale (DG), c’est-à-dire :
Y = C + I + G + (X – M)
1
Les deux grands courants de la pensée économique, Classiques et Keynésiens, s’opposent
sur la manière dont cet équilibre se réalise (on parle d’ajustement) ; en résumé :
Réalisation de l’équilibre
Mécanisme d’ajustement
CLASSIQUES
DG s’adapte à OG
Variation des prix
KEYNESIENS
OG s’adapte à DG
Variation de l’output
Ensuite, nous poursuivrons par une réflexion générale sur la croissance (section 3), et nous
nous intéresserons à la notion de conjoncture. Enfin nous décrirons les principales politiques
économiques que les gouvernants peuvent mettre en œuvre pour essayer d’atteindre cet
équilibre et contrer les récessions conjoncturelles. Dans ce cadre, nous verrons que si
Classiques et Keynésiens sont en général d’accord sur les outils, ils ne le sont pas toujours
quant à leur utilisation et leur efficacité.
Dans la leçon 8, nous analyserons à l’aide de nos théories les principaux déséquilibres du
système, inflation et chômage, et nous verrons comment les gouvernants utilisent les outils
de politique économique pour les combattre.
John Maynard KEYNES.
1
Leçon 5 – équation de la dépense nationale.
2
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
SECTION 1 : L’EQUILIBRE KEYNESIEN : SOUS-EMPLOI & MULTIPLICATEUR
Objectif 1/1 : analyser et confronter les principales théories décrivant l’équilibre macroéconomique : la théorie keynésienne.
QUELQUES CONCEPTS KEYNESIENS DE BASE
La pensée de KEYNES présente un caractère particulièrement hétérodoxe ; il se manifeste
déjà lorsqu’il s’oppose aux lourdes réparations imposées à l’Allemagne après la Grande
Guerre2, qui ne peuvent qu’appauvrir l’Europe tout entière et y développer les antagonismes ;
l’Histoire lui donnera raison. Il condamnera ensuite la politique déflationniste de la Grande
Bretagne3, menée par Winston CHURCHILL4, alors chancelier de l’Echiquier5.
Il y a un « avant » et un « après » Keynes. Avant dominent les théories classiques : en
bref, les salaires et les prix sont suffisamment flexibles pour que les marchés tendent à
l’équilibre. L’offre s’établit toujours au niveau du plein emploi. Sur le marché du travail,
toute baisse de la demande induit une diminution du salaire ; tous ceux souhaitant travailler
au salaire du marché trouvent de l’emploi, les autres ne sont pas des chômeurs au sens
économique6. Sur le marché du capital, l’équilibre entre l’épargne et l’investissement est
réalisé par le taux d’intérêt. Toute modification de la demande macroéconomique n’a d’impact
que sur le niveau général des prix ; par conséquent, toute politique économique est inefficace.
Durant la crise des années 1930, dans un contexte de baisse de la production ET des
prix, la persistance d’un chômage élevé (des millions de ménages dans les pays industrialisés)
défiant les théories classiques a amené le Président Franklin D. ROOSEVELT7 à lancer dès 1932
sa politique de « New Deal », vaste programme de grands travaux publics destinés à résorber
le sous-emploi. Telle fut également la voie suivie par les gouvernements des deux pays
européens les plus durement touchés par le chômage, l’Italie dès les années 1920, puis
l’Allemagne. La nouvelle philosophie semblait donc être : quand le marché démontre
son inaptitude à ramener l’économie à son point d’équilibre, l’Etat se doit
d’intervenir. Keynes va la théoriser8 ; elle repose sur trois piliers :
2
J.M. KEYNES, les conséquences économiques de la paix, 1919 ; voyez ce problème à la leçon 8, l’hyperinflation.
J.M. KEYNES, la réforme monétaire, 1923 ; politique déflationniste signifie en résumé « austérité ».
4
Winston CHURCHILL (1874-1965), homme politique britannique, 1 er Ministre durant la seconde guerre mondiale, notamment
célèbre pour ses paroles prononcées lors d’une conférence au Westminster College de Fulton (USA) en mars 1946 pour illustrer la
mainmise communiste sur une partie de l’Europe: « de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est
abattu sur le continent », moins célèbre pour le prix Nobel de littérature obtenu en 1953 pour ses Mémoires.
5
Dans le gouvernement britannique, le Chancelier de l’Echiquier est le ministre des finances ; la volonté de Churchill était de
ramener la £ à sa parité de 1913 ; cette surévaluation fut facteur de crise et de chômage.
6
Nous reviendrons sur ce problème au cours de la leçon 8.
7
Franklin Delano ROOSEVELT (1882-1945), Président des USA (1933-1945).
8
J.M. KEYNES, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936.
3
3
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leçon 7
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 le concept de la demande globale, qui détermine la production :
 la demande macroéconomique peut être insuffisante pour assurer le plein-emploi 
Keynes développe un modèle d'équilibre de sous-emploi dans lequel un chômage
persistant est possible pour un niveau donné de la demande existante ;
 la demande peut également être trop élevée et engendrer de l’inflation (cfr infra) ;
 la rigidité (ou la viscosité) des prix et les salaires :
 la viscosité des salaires signifie que les salaires s’adaptent en général mal à court
terme. Si le niveau général des prix P diminue, et si le salaire nominal9 ne s’adapte
pas à la baisse, alors le salaire réel augmente ; cette hausse du coût réel incite les
entreprises à réduire leur production avec un impact négatif sur l’emploi ;
 la viscosité des prix : dans la même optique, les prix sont parfois lents à s’adapter
aux variations des conditions économiques. En cause les coûts supportés par les
entreprises pour modifier leurs prix (« coûts catalogue ») et les imperfections du
marché (asymétries d’information, …) ;
 une théorie de la monnaie fondée sur la préférence pour la liquidité10.
Conséquences :
 L’OFFRE S’ADAPTE A LA DEMANDE, MAIS CELLE-CI PEUT ETRE INSUFFISANTE POUR ASSURER LE
PLEIN EMPLOI ; les politiques économiques doivent agir directement sur la
demande [= C+I+G+(X-M)] et non via une politique monétaire impactant le taux
d’intérêt, dont les effets sur les composante I et C sont plus lentes et incertaines11 ;
 dans ce contexte, le niveau de prix P est supposé constant et les ajustement se font en
quantités (output) aussi longtemps que le plein-emploi n’est pas atteint : QUAND IL
12
L’EST, ON PEUT SE TROUVER EN SITUATION D’INFLATION PAR LA DEMANDE .
L’EQUILIBRE KEYNESIEN
Keynes écrit dans la « théorie générale » : « Si la propension à consommer et le taux des
nouveaux investissements donnent une demande effective insuffisante, le niveau effectif de
l’emploi sera inférieur à l’offre de travail potentiellement disponible ».
Pour démontrer cela de manière simple, nous supposerons que Y (revenu) = Yd (revenu
disponible) = PIB (donc, en faisant abstraction des impôts et du commerce extérieur –
économie fermée sans Etat). Nous utiliserons des fonctions linéaires, pour simplifier13.
9
Le salaire nominal est celui que le travailleur encaisse (ex. : 2.000 €) ; le salaire réel représente son pouvoir d’achat ; si le salaire
nominal augmente de 2% (2.040 €) et les prix de 2%, alors le salaire réel n’a pas augmenté.
10
Nous avons développé ce point à la leçon 6.
11
Problème des mécanismes de transmission, leçon 6 section 5.
12
Ce concept sera analysé à la leçon 8.
13
Revoyez à la leçon 5 la fonction de consommation keynésienne.
4
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leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Pour déterminer l’équilibre macro-économique, traçons une fonction de consommation (en
bleu) et une droite à 45° (en vert). Tout point situé sur cette droite montre l’égalité de la
consommation et du revenu.
Nous avons ajouté à la fonction de consommation
l’investissement I, en supposant qu’il s’agit d’une variable exogène (c’est-à-dire dont le
niveau est déterminé à l’extérieur de notre modèle ; la fonction (C+I) est donc parallèle à la
fonction C
Y,C+I
S
C+I
E
C
I
A
45°
x
O
Y’
Y*
Y** YPE
Y
 En A, où C rencontre la droite à 45° (Y = C), l’épargne est nulle, puisque tout le revenu est consommé. Le point de
rencontre E entre la fonction (C+I) et la droite à 45° est le niveau d’équilibre du PIB vers lequel tend la production
(OY*), puisque Y = C+I ; à ce point, les agents ne dépensent pas tout leur revenu (C se situe sous la droite à 45°) ; ils
épargnent l’équivalent de I ; donc, à ce point, S = I : l’épargne désirée des ménages y est égale à l’investissement
désiré des entreprises.
Que se passe-t-il si le système s’éloigne de son point d’équilibre ? Imaginons un PIB plus
élevé que OY*, soit OY**, là où la droite (C+I) se situe au-dessous de la bissectrice ; les
ménages épargnent plus que ce que les entreprises sont prêtes à investir , alors que dans
le même temps, elles voient s’accumuler les stocks, puisque les consommateurs
consomment MOINS que ce qui est produit.
 En faisant abstraction de G et (X-M), l’équilibre s’écrit : Yd = C + I, et puisque Yd = C + S, on a I = S Cette dernière
équivalence nous enseigne que les investissements réalisés par les entreprises (appelés « ex-post ») égalisent
l’épargne. Magique ?14 Pas tout à fait, dès lors que ces investissements ex-post comprennent les investissements
DESIRES (ou « ex-ante »), mais aussi les variations de stocks NON SOUHAITEES15.
Solution : elles vont diminuer leur production ce qui va ramener progressivement le
PIB vers le point Y*. Tout écart du système par rapport au point Y* incitera les firmes à
modifier leur niveau de production (ajustement par la variation de l’output).
14
15
Parce que bien évidemment, ménages et entreprises ne se concertent pas.
Revoyez la définition de l’investissement I (FBCF) de l’équation Y = C + I + G + (X-M), à la leçon 5
5
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
EQUILIBRE = PLEIN EMPLOI ???
Mais qu’en est-il du plein-emploi ? Contrairement à l’hypothèse classique, rien ne permet
selon Keynes de conclure que le niveau de production d’équilibre corresponde au niveau de
l’output de plein-emploi YPE.
En effet, rien ne garantit que (C+I) rencontrera Y au niveau correspondant au plein-emploi
(YPE sur le graphique16). L’intersection peut ainsi se retrouver à gauche ou à droite du niveau
de plein-emploi. C’est donc bien la demande globale qui détermine le niveau de l’emploi :
INTERSECTION A GAUCHE DE YPE = EQUILIBRE DE SOUS EMPLOI
INTERSECTION A DROITE DE YPE = INFLATION PAR LA DEMANDE
Concept keynésien, l’inflation par la demande se produit lorsque la demande totale est
supérieure aux capacités de production (YPE). Dans ces conditions, l’output ne peut plus
s’accroître et la demande trop forte provoquera une hausse des prix17.
LE MULTIPLICATEUR KEYNESIEN
Au vu du schéma ci-dessus, nous comprenons que le niveau d’équilibre sera modifié si une de
ses composantes C, I (ou G, qui est aussi exogène) varient. Développons le modèle (avec
secteur public G, en économie fermée).
 La fonction de consommation s’écrit C = a + c Yd, avec a = consommation autonome (ou
exogène – c’est-à-dire la part de la consommation qui n’est pas liée au revenu disponible
Yd) et c = la propension marginale à consommer18 ; en supposant que Y = Yd (pas
d’impôt), la fonction de consommation simplifiée s’écrit donc : C = a + c.Y
19
 les dépenses de l’Etat G et les investissements I sont exogènes (c’est-à-dire que leur
montant est fixé de manière extérieure à notre modèle, en l’occurrence pour I en fonction
du taux d’intérêt i défini dans la sphère monétaire et pour G par le gouvernement).
L’équilibre s’écrit, en remplaçant C par sa valeur : Y = a + c.Y + I + G
ce qui donne : Y – c.Y = a + I + G, et enfin : Y 
1
.(a  I  G)
1 c
16
Nous développerons la notion de produit de plein emploi dans la section suivante.
Le phénomène est similaire (mais non identique et plus complexe) à celui vu à la leçon 2 : si la demande augmente plus vite que
l’offre, le prix augmente.
18
Notion vue à la leçon 5.
19
Pour rappel, si la variable Y est modifiée, on se déplace le long de la droite C ; par contre, lorsqu’un paramètre (a, ou c, …) est
modifié, la droite C se déplace.
17
6
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leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
En passant à la notion de variation, on peut écrire :
Y 
1
.( a  I  G )
1 c
La variation totale du PIB est égale à un multiple de la variation exogène (a, I, G) de la
demande finale. CE MECANISME S’APPELLE L’EFFET MULTIPLICATEUR, et agit comme suit :
1. une augmentation initiale de I provoque une augmentation d’un même montant de Y (via
Y = C+I+G) ;
2. l’augmentation de Y provoque une augmentation plus faible de la consommation (Y = a +
c.Y, la propension marginale c < 1) ;
3. l’augmentation de la consommation provoque une augmentation d’un même montant de Y
(via Y = C+I+G)
4. l’augmentation de Y provoque à nouveau une augmentation plus faible de la
consommation, etc …
Le résultat final est donné par :
Y 
1
1
1
.a 
.I 
.G
1 c
1 c
1 c
COMMENT PASSER DU SOUS EMPLOI AU PLEIN EMPLOI ?
Exemple : imaginons une situation d’équilibre de sous-emploi où :
YPE = 450
Y* = 400
C = 10 + 0,8Y
I = 50
G = 20
 dans notre modèle, la propension marginale à consommer c = 80%, et ne peut être
modifiée par une politique quelconque ; nous pouvons déterminer la valeur de C = 10 +
(0,8 * 400) = 330 ;
Y, C+I+G
(C+I+G)’ = 410
C+I+G = 400
C = 330
+10
x
O
Y*= 400
YPE=450
Y
7
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Comment atteindre le plein-emploi YPE ? Il faut modifier l’équilibre de sorte que Y = C +
I + G = 450 et pour cela accroître la demande par une augmentation exogène soit de C via
la consommation autonome a, soit de I, soit de G.
Imaginons qu’une entreprise réalise un nouvel investissement d’un montant de 10 pour
réaliser des travaux immobiliers : ΔI = 10. Le mécanisme du multiplicateur décrit ci-dessus
en montre l’impact :
1. ΔI = 10  ΔY=10 car maintenant Y = 330 + 60 + 20 = 410
2. Cette augmentation de Y entraîne, à la période suivante, une augmentation de C : ΔY=10
 ΔC = 8 (ΔC = c * ΔY = 0,8 * 10)
3. Cette augmentation de C se répercute sur Y = 338 + 60 + 20 = 418
Le mécanisme évolue vers un équilibre fini où ΔY = (1/1-c)(Δa+ΔI+ΔG).
Dans notre exemple, Δa et ΔG étant nuls et ΔI = 10, on a : ΔY = (1/[1-0.8)]*10:
 ΔY final = 50 et Y final = 400 + 50 = 450
Résumons : nous constatons que pour obtenir une variation finale de Y = 50, une
augmentation de 10 des investissements a suffi ; VOILA L’EFFET MULTIPLICATEUR : une
augmentation exogène de I ou de G provoque une augmentation de Y qui engendre
des augmentations endogènes (= induites) successives de la consommation.
Si l’équilibre de plein-emploi correspondait à Y = 300 (on est en inflation par la demande, D
doit diminuer), la variation nécessaire de Y = - 100  la variation initiale à apporter à la
demande = - 100/5 = -20 (par exemple, via une réduction des dépenses publiques G).
Notez que le modèle se complexifie dès que l’on travaille en « économie ouverte », c'est-àdire en introduisant (X-M) ; il faut alors tenir compte des propensions attachées à ces deux
variables20. Par ailleurs, les prélèvements fiscaux et parafiscaux que nous avons ignorés
jouent également un rôle non négligeable dans le calcul.
20
Notamment, quand la consommation augmente, quelle est la part de produits importés (frein à la production intérieure) ?
8
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ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
SECTION 2 : LE MODELE DEMANDE & OFFRE GLOBALES
Objectif 1/2 : analyser et confronter les principales théories décrivant l’équilibre macroéconomique : le modèle de demande et d’offre globales.
Nous allons maintenant présenter une théorie contemporaine qui permet d’expliquer les
variations économiques à court terme. Les fluctuations de l’économie (on parle de cycles
économiques) concernent pratiquement toutes les variables macro-économiques ; au cours
d’une récession, le PIB réel diminue, les revenus des agents (ménages, entreprises)
baissent, de même que la consommation et l’investissement. Et quand il en va ainsi, le
chômage s’accroît, car les entreprises produisent et investissent moins et licencient du
personnel. Le modèle décrit ici met l’accent sur deux variables : l’une réelle, à savoir le PIB
(réel), et l’autre monétaire, le niveau général des prix, mesuré par le déflateur du PIB.
LA DEMANDE GLOBALE : CONCEPT – REPRESENTATION GRAPHIQUE
La DEMANDE GLOBALE indique LA QUANTITÉ DE BIENS ET DE SERVICES DEMANDÉE DANS
L’ÉCONOMIE À CHAQUE NIVEAU DE PRIX.
Elle montre qu’une hausse (baisse) du niveau général des prix P induit une diminution
(augmentation) de la quantité demandée, et par conséquent une baisse (hausse) du produit
global. Voici sa représentation graphique.
P
DG = C+I+G+(X-M)
P*
Y*
Y
INTERPRETATION DE LA COURBE DG
La courbe de demande globale DG = [C+I+G+(X-M)] relie le niveau général des prix
et le produit global. P* représente le niveau général des prix en vigueur, et Y* le PIB réel.
Elle représente la dépense réelle à chaque niveau de prix, toutes choses égales par ailleurs.
Trois phénomènes expliquent sa forme décroissante, et donc le fait qu’une baisse (ou hausse)
du niveau général des prix P entraîne un glissement LE LONG de la courbe : :
9
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ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
 l’effet de richesse, dit effet « Pigou »21 :
 alors que la valeur nominale de l’argent détenu par un agent économique reste constante (1 € est 1 € !), sa
valeur réelle (= pouvoir d’achat) varie en fonction du niveau général des prix P ; s’il baisse, les agents détenteurs
de monnaie voient leur pouvoir d’achat s’accroître, ce qui les encourage à consommer plus ;
 l’effet de taux d’intérêt (Keynes) :
 lorsque le niveau général des prix P baisse, les agents ont besoin de moins de liquidités pour acheter les biens
et services ; une partie au moins de cette épargne sera « liquide », et l’abondance de liquidités qui en résulte
fera baisser le taux d’intérêt, favorisant l’investissement, composante de DG ;
 l’effet de taux de change (Mundell-Fleming22) :
 lorsque les taux d’intérêt baissent, certains investisseurs rechercheront un meilleur rendement à l’étranger ;
ils achèteront pour cela des devises, contre de la monnaie nationale, avec pour conséquence une baisse de son
cours (rappel : le marché des changes fonctionne selon le schéma classique offre-demande) ; si le cours de
notre monnaie baisse par rapport aux autres devises, nos produits deviennent relativement moins chers pour
l’étranger (X augmente), tandis que les produits étrangers deviennent relativement plus onéreux dans notre
pays (M diminue) ; la valeur de (X+ - M-) agit alors positivement sur DG.
Notons que ces raisonnements ne sont valables qu’à offre de monnaie (masse monétaire)
constante, puisqu’une modification de celle-ci engendre notamment une modification du taux
d’intérêt sur le marché monétaire (leçon 6).
DEPLACEMENT DE DG
La demande globale n’est pas figée. Examinons les facteurs qui engendrent un déplacement
de la courbe DG :
 les mesures de politiques économiques23 : ainsi en va-t-il des mesures de politique
budgétaire et fiscale, dès lors qu’elles visent à accroître les dépenses publiques G ou le
revenu disponible Yd (moins d’impôts, plus de transferts sociaux), ou des mesures de
politique monétaire engendrant une réduction des taux d’intérêt ;
 les variables exogènes au modèle, telles que la variation de facteurs à l’étranger,
pouvant agir sur les exportations nettes, la modification du prix de matières premières
comme le pétrole, …
Si les économistes sont globalement d’accord sur les déterminants de DG, leurs opinions
divergent quant à l’importance relative qu’il faut leur accorder, et donc sur les mesures à
prendre pour la modifier.
21
A.C. PIGOU, qui est l’origine de la théorie des encaisses réelles ; voyez leçon 2 page 4.
Robert MUNDELL (1932), économiste canadien, spécialiste des questions d’économie internationale, prix Nobel 1999 ;
Marcus FLEMING (1911-1976), économiste britannique, Fonds Monétaire International.
23
Voyez la section 5 ci-après.
22
10
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leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
L’OFFRE GLOBALE OG
L’offre globale (OG) explique le comportement des entreprises ; elle peut être définie
comme le niveau de l’output réel produit à chaque niveau de prix, toutes choses
égales par ailleurs. Il nous faut considérer l’offre globale à long terme et l’offre globale à
court terme, ce qui nécessite quelques développements.
Objectif 2 : appréhender la notion de taux naturel de chômage (NAIRU)
OG LONG TERME : CONCEPTS CLE : PRODUIT POTENTIEL & « NAIRU »
L’offre à long terme dépend du PRODUIT POTENTIEL (NOTION TRES IMPORTANTE).
LE PIB POTENTIEL EST DÉFINI COMME LA QUANTITÉ MAXIMUM DE BIENS ET SERVICES QUE PEUT
PRODUIRE UNE ÉCONOMIE DANS LA STABILITÉ DES PRIX, ET COMPTE TENU DES CONTRAINTES EN
24
TERME DE FACTEURS DE PRODUCTION ET DE TECHNOLOGIE . LA STABILITÉ DES PRIX IMPLIQUE
L’EXISTENCE D’UN TAUX NATUREL (OU STRUCTUREL) DE CHOMAGE, qui est le taux de chômage
pour lequel les pressions à la hausse et à la baisse sur les salaires et les prix s’équilibrent. 
plein emploi « économique » ≠ chômage zéro !!!
Le « taux naturel de chômage » est également désigné par le vocable « taux structurel
de chômage »25, ou encore NAIRU (non accelerating inflation rate of
unemployement). Il est induit par le fonctionnement normal du marché du travail, et
dépend essentiellement des phénomènes réels qui sous-tendent l’offre et la demande sur le
marché du travail (facteurs démographiques, progrès techniques, organisation même du
marché, …, variables dans le temps).
En conséquence, la valeur du NAIRU n’est pas figée dans le temps et varie d’un pays à
l’autre. Prenons l’exemple d’une hausse du SMIC (salaire minimum garanti, imposé par
l’Etat) ; elle va engendrer une tension sur les salaires, puisque les travailleurs qui étaient
rémunérés quelques pourcents au-dessus de l’ancien SMIC vont aussi exiger une
augmentation ; pour freiner ces tensions et éviter leur répercussion sur les prix, il faut une
hausse du taux naturel de chômage (ce qui ne veut pas dire que le chômage va ).
ATTENTION : le NAIRU n’est pas le taux de chômage constaté dans l’économie ; celui-ci,
appelé taux conjoncturel, varie en fait autour du NAIRU.
 Les calculs récents montrent dans l’UE des pays à taux très élevés (> 10% : GRE, SVK), élevés (8 à 10% : BEL, FRA,
IRL, ITA, PRT, POL), moyens (5 à 7% : DEU, LUX, DNK, FIN), bas (< 5% : AUT, NLD, NOR) ; pour comparaison : moyenne
zone euro (10), USA (6,1), GBR (6,9), JPN (4,3), CHE (3,9).2627
24
C’est la notion de FPP, frontière de possibilités de production que nous avons définie à la leçon 1.
A ne pas confondre avec la notion de chômage structurel, voyez la leçon 8.
26
OCDE : http://stats.oecd.org/Index.aspx?QueryId=48230&lang=fr
27
codes pays : http://www.actualitix.com/annexes/code-iso-2-et-iso-3-des-pays.php
25
11
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
OFFRES GLOBALES DE LONG ET DE COURT TERMES
L’offre globale à long terme dépend de l’offre de facteurs (travail et capital) et de la
technologie, éléments ne dépendant pas du niveau général des prix. OGLT est donc
verticale, au point de produit potentiel (ou encore produit de « plein emploi » YPE).
RETENEZ CECI : sur l’axe des abscisses Y représentant le PIB réel, plus on s’éloigne de
l’origine, plus le PIB est élevé, et plus le taux d’emploi sera important et donc le taux de
chômage faible. Toute modification dans le système économique qui affecte ce PIB
potentiel déplace OGLT. Par exemple, une évolution technologique importante, ou une forte
croissance démographique, déplacera OGLT vers la droite ; cela ne veut évidemment pas dire
qu’il y aura plus d’emplois, mais juste que le potentiel sera plus élevé !28 Dans l’exemple
exposé ci-dessus (hausse du SMIC), la hausse du NAIRU se traduit par un déplacement de
OGLT vers la gauche.
Analysons maintenant l’offre globale à court terme : un accroissement du niveau général des
prix pousse la production vers le haut, nous obtenons une courbe à pente positive.
P
OGLT
(=PIBpot)
OGCT
YPE
Y
YPE représente le point de « plein emploi » (compte tenu du NAIRU). Plusieurs phénomènes
expliquent la forme de la courbe OGCT, dont la viscosité des salaires et celle des prix,
concepts keynésiens exposés ci-dessus ; nous n’entrerons toutefois pas dans ces détails. Ces
explications ne sont valables qu’à court terme, car elles sont en fin de compte basées sur des
« mésinterprétations » de la part des agents économiques, qui finissent par être corrigées à
long terme.
La courbe d’offre globale à court terme peut se déplacer, sous l’influence par exemple du coût
des facteurs. Mais ce sont surtout les anticipations qui induisent les variations de OGCT. Si
les agents s’attendent à une hausse des prix, ils demanderont une augmentation de salaire
afin de maintenir et même d’améliorer leur pouvoir d’achat, ce qui augmentera les coûts de
production et diminuera OGCT (déplacement vers la gauche).
28
Revoyez à ce sujet le raisonnement relatif à la FPP, leçon 1.
12
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
L’EQUILIBRE MACROECONOMIQUE
L’équilibre de long terme est déterminé par l’intersection de DG et OGLT.
P
DG
OGCT
OGLT
YPE
Y
Vous remarquerez que OGCT passe par ce même point, les salaires et les prix étant
parfaitement ajustés aux conditions d’équilibre.
Objectif 3 : analyser comment les variations de DG et/ou d’OG peuvent provoquer des
récessions, et confronter les remèdes « Classiques » et « Keynésiens ».
DESEQUILIBRES & AJUSTEMENTS
A court terme, l’équilibre OGCT-DG (PIB réel) peut se situer en deçà du PIB
potentiel, ce qui signifie que le taux de chômage conjoncturel (réel) est supérieur
au NAIRU. La question est : pouvons-nous trouver une recette simple qui amène l’économie
à un équilibre satisfaisant en termes d’objectifs macroéconomiques ? En d’autres termes,
existe-t-il un moyen pour « réparer » au plus vite les conséquences néfastes d’une récession,
c’est-à-dire d’une diminution de l’activité économique engendrant du chômage ? Nous en
revenons à la controverse « Classiques versus Keynésiens » dont nous parlions au début
de cette leçon. Pour bien mettre en évidence cette controverse, imaginons deux cas de
récession, l’un par la demande, l’autre par l’offre :
 1er cas : suite à un événement « exogène », les agents économiques deviennent
pessimistes quant à l’avenir ; les consommateurs font ceinture, les entreprises diminuent
leurs investissements, ce qui a pour conséquence un déplacement vers le bas de la
demande globale (DG1  DG2). (flèche jaune : effet initial ; mauve : ajustements
« automatiques » des marchés ; rouge : politique économique)
P
OGLT
DG1
A
DG2
OGCT
B
Y1
YPE
Y
13
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
La situation est claire : l’économie, que nous avions supposée en équilibre de plein emploi (au
point A) se retrouve en équilibre de sous-emploi (au point B, Y1<Y*) :

selon les classiques, la flexibilité des prix et des salaires leur permet de s’ajuster à la
baisse, et la courbe d’offre globale à court terme va se déplacer vers la droite, en OG’CT. A
long terme, l’équilibre économique s’établira au point C, donc avec plein-emploi Y* (et un
niveau général des prix P plus bas – cela s’appelle une déflation) :
P
OGLT
DG1
A
DG2
OGCT
OG’CT
B
C
Y1

YPE
Y
pour les keynésiens, le manque de flexibilité des prix et des salaires empêche cet
ajustement ; l’économie peut donc vivre longtemps au point B, équilibre de sous-emploi.
La solution est, selon eux, une action sur la demande globale (retour au point A) ; il
faut la déplacer vers la droite, de manière à revenir à l’ancienne situation.
C’est à l’Etat d’agir, par des politiques économiques adéquates.
Puisque DG est
partiellement composée des dépenses publiques, tout accroissement de ces dépenses
diminue l’écart entre le PIB réel Y1 et le PIB potentiel Y*.
P
OGLT
DG1
A
DG2
OGCT
B
Y1
YPE
Y
 2ème cas : les entreprises subissent une hausse de leurs coûts de production, suite par
exemple à une augmentation du prix des matières premières (pétrole, …). Cela se traduit
par une réduction de l’offre globale à court terme 1 .
14
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
P
OGLT
OGLT
P3
OGCT
OGCT
DG
2
P2
B
B
P1
OG’CT
OG’CT 1
A
1
2
Y1
YPE
YPE
Y
L’économie, que nous avions supposée en équilibre de plein emploi (au point A) se retrouve
en équilibre de sous-emploi (au point B) mais avec à la fois chômage (PIB réel < PIB
potentiel) et inflation (P2 > P1), ce que l’on traduit par le terme STAGFLATION. Tant pour
les Classiques que pour les Keynésiens, les remèdes sont identiques à ceux qu’ils préconisent
ci-dessus (cas 1). Chez les Classiques (graphique de gauche), le retour de OG’CT à OGCT
ramène l’équilibre en A 2 . Par contre, chez les Keynésiens (graphique de droite), la hausse
de DG tend à résoudre le problème du chômage, mais pas celui de l’inflation (P3).
Remarquez que ces deux schémas correspondent grosso modo (en simplifiant !) aux deux
grandes crises économiques du XXème siècle : celle des années 1930 (1er cas), celle des
années 1970 (2ème cas).
Nous allons maintenant aborder le problème de la croissance. Mais auparavant, il me paraît
important d’introduire en chiffres les conséquences temporelles des phénomènes cumulatifs
(exponentiels) que sont la croissance (économique, démographique) et l’inflation. Un taux
annuel de 0,5 ou 1% peut vous paraître faible, mais à long terme les conséquences sont non
négligeables.
Taux annuel
Sur 5 ans
Sur 10 ans
Sur 20 ans
Sur 30 ans
Sur 50 ans
Sur 100 ans
0,1%
0,5%
1%
2,02%
3,04%
5,10%
10,50%
0,25%
1,30%
2,80%
6,40%
9,75%
13%
28%
0,5%
2,50%
5,10%
10,50%
16%
28%
64%
1%
5,10 %
10,50%
22%
35%
64%
127%
1,5%
8%
16%
35%
56%
110%
343%
2%
10%
22%
49%
81%
169%
624%
3%
16%
34%
80%
143%
338%
1.822%
5%
28%
63%
165%
332%
1.146%
13.150%
Un taux de croissance démographique de 0,5% donnerait une population de 11 milliards en 2100 !
Un taux de croissance du PIB de 1,5% augmente celui-ci de plus de 50% en une génération !
Une inflation modérée à 2% augmente les prix de 50% en 20 ans !
15
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Portefeuille de lecture/9 : chocs d’offre et de demande globale (Le Vif/l’Express)29
29
Philippe MAYSTADT (Belgique, 1948), économiste, fut à plusieurs reprises Ministre des Finances, ensuite Président de la
BERD (2000 – 2011)
16
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
SECTION 3 : REFLEXIONS SUR LA CROISSANCE
Objectif 3 : réfléchir à la problématique de la croissance économique .
QUELQUES FAITS & CHIFFRES
Nous avons les yeux rivés sur les chiffres de croissance, indicateurs d’expansion ou de crise,
et nombre de nos politiciens rêvent aux taux de croissance des Trente Glorieuses ou à ceux
des pays émergents, tandis que des économistes se demandent si ce ne sont pas là des
périodes uniques dans l’histoire de l’humanité. Mais qu’en est-il réellement ? Que s’est-il
passé dans les siècles, les millénaires précédents ? Difficile de répondre à cette question,
surtout pour l’ère antérieure à la révolution industrielle30.
Source : T. Piketty, op. cit., p 127 ; les taux mentionnés sont annuels.
La problématique de la croissance est à la fois démographique31 et économique.
La
croissance économique fait grossir le gâteau, la croissance démographique détermine la taille
des parts. Nous voyons que la période 0-1700 aurait été caractérisée par une croissance
annuelle de la population mondiale d’à peine 0,1% ; il s’agit évidemment d’une moyenne32.
Cela paraît bien peu, mais ce taux a suffi à faire passer la population mondiale d’environ 180
millions à 600 millions d’habitants33. Le taux de croissance du PIB mondial sur la même
période est aussi estimé à 0,1%/an. Cela signifie que pendant 17 siècles, en moyenne, la
part du gâteau de chacun n’a pratiquement pas évolué ! Pratiquement invérifiable, mais
compatible avec de nombreuses sources et récits historiques qui nous disent que la majorité
de nos ancêtres avaient à peine de quoi subsister.
30
Angus MADDISON (1926-2010, économiste britannique) a tenté de reconstituer des séries historiques de PIB depuis
l’Antiquité, travaux sur lesquels Thomas Piketty s’est basé ; on imagine la difficulté de la tâche, notamment faute de sources
statistiques complètes et fiables.
31
Revoyez l’évolution de la population mondiale à la leçon 1.
32
De fréquentes guerres et épidémies ont décimé des populations ; ainsi, de 1347 à 1351, la peste aurait fait disparaître environ
1/3 de la population européenne.
33
C’est une question d’échelle temporelle ; un taux de croissance du PIB de 2% désespère les experts, mais à cette vitesse
apparemment lente, le PIB double en 35 ans,
17
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Ensuite, l’Histoire s’accélère.
Les progrès techniques et sanitaires permettent un
accroissement rapide de la population mondiale, tandis que le gâteau des richesses produites
grossit plus vite encore, timidement d’abord, incontestablement au XXème siècle. J’insiste sur
le fait qu’il s’agit de moyennes mondiales, et que tout le monde n’a pu profiter de cette
croissance de la même manière ; la révolution industrielle est née en Europe, a gagné les
USA et le Japon et n’a véritablement atteint l’Asie continentale et l’Afrique qu’après la
seconde guerre mondiale. Dans la plupart des nations industrialisées, le PIB réel par tête a
été multiplié par 6 à 10 au cours le XXème siècle, ce qui donne un taux de croissance séculaire
d’environ 1,5 à 2% (1,9% pour l’Europe)34.
PIB/habitant (à prix constants base année 2000, en USD)
Pays
Japon
Brésil
Canada
Allemagne
USA
GBR
Inde
Période
1890-2000
1900-2000
1870-2000
1870-2000
1870-2000
1870-2000
1900-2000
Tx Moyen
2,81
2,45
2,23
2,03
1,81
1,35
1,45
PIB début (USD)
1.256
650
1.984
1.825
3.347
4.107
564
PIB fin (USD)
22.460
7.320
27.330
25.010
34.260
23.550
2.390
Source: G. MANKIW et M. TAYLOR, op.cit. p 645
Comparez par exemple les PIB de l’Inde35 en 2000 et des USA ou du GBR en 1870 !!!
Comparez aussi l’évolution de du GBR36 avec les USA ou l’Allemagne ! Notez bien qu’il s’agit
là de moyennes, nos économies ayant connu tantôt des périodes fastes, tantôt difficiles ;
l’évolution est cyclique (EXPANSIONS-RECESSIONS)37.
Quelles sont les causes principales de cette croissance, qui a fait passer nos économies
d’une ère rurale, puis industrielle à une ère post-industrielle où dominent consommation de
masse et prépondérance du secteur des services ?
CROISSANCE & PRODUCTIVITE
Expliquer les causes de la croissance tient d’abord en un mot : PRODUCTIVITE38. Au cours
de la leçon 5, nous avons montré que plus un pays produisait de biens et de services, plus il
était riche (PIB) et meilleur était le niveau de vie de ses habitants, a priori.
34
Cela signifie voici 100 ans un revenu moyen mensuel par habitant de 400 € contre 2.500 aujourd’hui, en euros constants. En
1913, en France, un instituteur débutant gagne environ 300 € « d’aujourd’hui » (il n’y avait pas d’impôt sur le revenu).
35
L’interprétation de la statistique pour l’Inde doit tenir compte du fait que ce pays est resté une colonie britannique jusqu’en
1947 ; en outre, à l’indépendance, deux pays sont nés : l’Inde et le Pakistan, lui-même composé de deux parties, le Pakistan
oriental devenant à son tour indépendant en 1971 sous le nom de Bengladesh.
36
La Grande Bretagne était à la fin du XIXème la nation la plus industrialisée et la plus puissante. L’émergence des USA sur
scène mondiale, le déclin de sa puissance maritime et militaire et la perte de son empire colonial ont clairement changé la donne.
37
Voyez la section 4 ci-après.
38
Voyez cette notion à la leçon 2, Tome 1.
18
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Pour améliorer les niveaux de vie de nos ancêtres, et passer du stade d’une économie rurale
de subsistance au stade de l’industrie, il a fallu une amélioration significative des techniques
utilisées dans l’agriculture ; cela a permis d’améliorer les rendements et produire plus avec
moins d’individus, de façon à dégager un surplus de ressources humaines disponibles pour
d’autres activités économiques, elles-mêmes plus productives. Comme nous l’avons signalé,
ce phénomène a débuté en Europe au XVIIIème siècle.
Le même phénomène s’est reproduit voici quelques décennies : une bonne partie de la
population active travaillait dans les mines et les usines39, dans des conditions souvent peu
enviables. Pour passer à une société de « consommation de masse », il a fallu une
considérable évolution technologique, à la suite de laquelle les entreprises ont fabriqué plus
et mieux avec moins de travailleurs, ce qui a permis une réduction du temps de travail, plus
de revenus, plus de loisirs, et une main-d’œuvre disponible pour le secteur des services vers
lequel se tournaient les nouvelles demandes.
DETERMINANTS MACROECONOMQUES
Quels sont les déterminants macro-économiques de la productivité ? En général, on associe :
 le capital humain : le savoir et le savoir-faire acquis par l’individu grâce à son éducation,
sa formation, ses apprentissages, son expérience;
 le capital physique : l’ensemble des infrastructures permettant la production : usines,
machines, outillage, …, qui rendent les travailleurs d’autant plus efficaces;
 les ressources naturelles, fournies par la nature, certaines renouvelables et d’autres
pas ; les différences de niveau de vie peuvent s’expliquer partiellement par des dotations
inégales en ressources naturelles, mais il existe des contre-exemples, tel le Japon, pays
riche pauvrement doté en ressources;
 la technologie, ou la capacité d’une société à développer les meilleurs processus pour
produire des biens & services. Veillez à ne pas confondre technologie et capital humain,
bien que ces deux éléments soient très liés : pas de technologie sans enseignement de
haut niveau.
39
Il y avait en Belgique en 1947 quelque 180.000 mineurs ; la sidérurgie, essentiellement Wallonne, occupe plus de 80.000
personnes dans les années 1960 (moins de 8.000 en 2014).
19
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
L’ORGANISATION : TAYLORISME & FORDISME
L’extraordinaire croissance qu’ont connue les économies industrialisées au cours du XXème
siècle repose bien entendu sur le progrès technique et l’intensification du capital, mais
également sur un mode d’organisation du travail humain issu de deux modèles, le
TAYLORISME et le FORDISME.
Winslow TAYLOR40 inventa l’OST (Organisation Scientifique du Travail). L’idée est qu’une
multiplicité de tâches confiées à un seul individu constitue un frein à la productivité ; il faut
donc diviser le travail, et cela de deux manières : verticalement (un encadrement conçoit la
méthode, organise, et impose des normes) et horizontalement (les exécutants n’effectuent
que des tâches simplifiées, parcellisées).
Henry FORD41 , se basant sur les principes de Taylor, a organisé dans ses usines un travail
à la chaîne. L’innovation du FORDISME, c’est la chaîne de production semi-automatique : les
« matériaux » sont présentés devant le poste de travail, équipé pour l’ouvrier. Celui-ci est
donc « fixé » à ce poste, et perd le contrôle sur sa cadence de travail. En outre, le travail
posté, « à pauses », et la standardisation du produit permettent de réduire drastiquement les
coûts de production.
L’organisation fordiste présente néanmoins deux risques majeurs : celui du rejet par le
travailleur, et celui de la surproduction. Pour éviter le premier, Ford accroît sensiblement le
salaire des ouvriers ; l’augmentation du pouvoir d’achat qui en résulte doit garantir un niveau
de consommation suffisant pour éviter la surproduction.
La production de masse a rendu possible une consommation de masse, les gains de
productivité ayant permis l’augmentation des revenus. L’évolution technologique née de la
seconde guerre mondiale a accentué le phénomène. La CROISSANCE FORDISTE, ainsi qu’on l’a
dénommée, a partiellement structuré notre société actuelle :
 elle a accéléré l’urbanisation, commencée au XIXème siècle (parfois même au XVIIIème),
et la concentration des entreprises ; aujourd’hui, plus de la moitié de la population
mondiale vit en ville (plus de 75% en Europe) ;
40
41
Winslow TAYLOR (1856-1915), ingénieur américain.
Henry FORD (1863-1947), constructeur automobile, fondateur de l’entreprise du même nom.
20
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
 le salariat s’est généralisé42, mais s’est également transformé; la « lutte des classes »
chère à Marx s’est traduite au XXème siècle par deux revendications fondamentales :
fixation d’un contrat salarial type, et établissement de la durée du travail à partir de
laquelle est fixé le salaire horaire de base ;
 le progrès technique a modifié la structure sociale des pays développés : le poids
des ouvriers au sein de la population active a diminué, au profit des employés et des
cadres, générant une importante « classe moyenne »43 ;
 l’économie a largement évolué vers le tertiaire ; cela est dû, d’une part, à l’évolution
de la consommation des ménages, et d’autre part, au nombre croissant de « cols blancs »
dans les entreprises ; les gains de productivité limités dans les services, la difficulté de les
délocaliser maintiennent en outre la nécessité d’une main-d’œuvre importante.
Source : lewebpedagogique.com
L’usine « fordiste ». Source : www.fr.ford.be
42
Le salariat ne s’est réellement développé qu’au XVIIIème. Ce modèle résistera-t-il aux profondes mutations de ce début du
XXIème siècle ? Des spécialistes prévoient son effondrement ; voyez l’article à la page suivante.
43
Voyez le graphique de J. FOURASTIE page 19. L’INSEE (France) définit la « classe moyenne » en fonction du revenu
disponible ; elle est composée des 5 déciles au-dessus des 3 déciles inférieurs ; autrement dit, il s’agit des revenus (50%) situés
entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches ; pour un ménage avec 2 enfants, cela donne un revenu disponible net
mensuel situé entre 3.100 € et 4.800 € (2014). Selon diverses études, son volume stagnerait, voire serait en régression !
21
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Portefeuille de lecture/10 : la fin du salariat ? (Le Vif/Express – août 2015)
http://trends.levif.be/economie/entreprises/le-modele-social-bati-sur-le-salariat-est-en-train-de-seffondrer/article-normal-396295.html
22
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
COMMENT FAVORISER LA CROISSANCE ?
 encourager l’épargne et l’investissement ; pour accumuler des biens de capitaux, il
faut, ressources limitées obligent, produire moins de biens de consommation et épargner
plus ; les gouvernements, en encourageant l’investissement, favorise la croissance à long
terme ;
 investir massivement dans l’éducation et la formation, en organisant un système
éducatif cohérent, et en incitant (et permettant à) la population de l’utiliser au mieux, tant
dans les pays riches que dans les pays pauvres. Dans un article paru dans le Business
Week du 22/11/199944, Gary BECKER45 explique bien que mettre les enfants au travail
plutôt que de les envoyer à l’école est dans beaucoup de pays pauvres une nécessité, une
question de survie pour les familles ; pour sortir de ce cercle vicieux, il propose de
rémunérer les mères pauvres dès lors que l’école certifie que l’enfant suit les cours. Il
faut aussi, dans les pays moins riches, éviter la fuite des cerveaux (les universitaires
partent vers les pays riches, où le niveau de vie est meilleur ; les étudiants partis faire
leurs études dans les pays riches ne rentrent pas) ;
 contrôler l’évolution démographique : une forte croissance démographique,
supérieure à celle du PIB, réduit le RN par habitant et pose souvent des problèmes au
système éducatif ; en outre, il faut à terme une croissance soutenue pour « absorber »
l’augmentation de la population active46 ;
 encourager la
technologique.
recherche
et
le
développement,
pour
favoriser
le
progrès
Il faut y ajouter la nécessité d’assurer une stabilité politique, garante d’un Etat capable de
faire respecter notamment les droits « économiques et sociaux ». Notez que nombre de
théoriciens soulignent le lien entre développement économique et démocratie47.
REFLEXION : QUELLE CROISSANCE ?
Cette croissance a surtout marqué la période 1946 – 1975 (« Trente Glorieuses ») ; la
suraccumulation qu’elle a générée s’est révélée facteur de crise. En outre, elle et les modes
de consommation et de vie qui en découlent dans les pays « riches » (et maintenant dans les
pays émergents) génèrent incontestablement un ensemble d’externalités négatives, parmi
lesquelles des flux migratoires ingérables et en partie non désirés, l’épuisement des
ressources naturelles, et la pollution, facteur de changement climatique mettant en péril la
viabilité même de la planète.
44
Article reproduit dans G. MANKIW et M. TAYLOR, op. cit., pp 661-662.
Gary BECKER (1930 - 2014), économiste américain, prix Nobel 1992.
46
C’est ce que démontre la loi d’OKUN, que nous étudierons à la leçon 8.
47
Voyez la fiche de lecture 1/7 ci-après et également James GWARTNEY, rapport annuel « Economic freedom of the world » 45
http://www.workforall.net/Contact_workforall.html
23
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Dès le début des années 1970, le Rapport du CLUB DE ROME mettait déjà ces éléments en
évidence, préconisant une croissance zéro pour éviter les catastrophes à venir. Après avoir
suscité intérêt et inquiétude, le Rapport a été vite oublié. En ce début de XXIème siècle, force
est pourtant de constater que ses auteurs étaient des visionnaires éclairés, qui ont sans
doute eu tort … d’avoir raison ! En voici un passage court mais édifiant48 :
Alors, quid ?
Comme je l’ai dit plus haut, la croissance est un problème à la fois
démographique et économique. Si le taux de croissance de la population mondiale du début
des années 2000 (1,2%) se maintenait, la Terre compterait près de 14 milliards d’habitants
en 2100. Possible ? On imagine que dans les conditions de vie actuelle, c’est peu probable.
Mais apparemment, les prévisions à 50 ans vont plutôt dans le sens d’une stabilisation de la
population, avec une croissance négative pour tous les continents sauf l’Afrique. Il est en
tout cas urgent de « contrôler » cet aspect démographique49, et diverses politiques peuvent y
contribuer50.
Sur le plan économique, la croissance dépend notamment du rythme des innovations
technologiques, impossible à prévoir à long terme, et en particulier de la découverte de
nouvelles énergies.
Les prévisionnistes tablent sur un taux n’excédant pas 1,5%, et
51
encore…
Le problème est qu’elle semble indispensable pour soutenir l’emploi, tant que la
population augmente52. Pas de croissance soutenable sans contrôle démographique ?
48
D.H. & D.L. Meadows, J. Randers, W.W. Behrens III, MIT, Halte à la croissance ? Rapport sur les limites de la croissance,
1972, in Geert MAK, Voyage d’un Européen à travers le XX ème siècle, 2007, Gallimard, p 767
49
Avec 1,8 enfant par femme, la population diminue mécaniquement de 0,3%/an, avec 2,2 enfants, elle augmente de 0,3%.
50
Education des femmes, accès à la contraception ; politique familiale (allocations, crèches, travail des conjoints, …)
51
Il est à remarquer qu’un taux de 1% suffit à changer la vie en une génération (30-35 ans). Dans les années 1980, pas d’internet,
de GSM, GPS, CD, DVD, peu d’imagerie médicale,… Voyages en avion et études universitaires pour une minorité, …
52
Et en particulier la population active ; nous discuterons de ce point dans la leçon 8 (loi d’Okun).
24
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Portefeuille de lecture/11 : croissance zéro ?
25
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
SECTION 4 : CYCLES ECONOMIQUES & CONJONCTURE
Objectif 5 : appréhender la notion de cycle conjoncturel et les théories y associées.
L’analyse des chiffres du PIB nous a montré que son évolution n’était pas constante dans le
temps ; certaines années, la croissance est forte, d’autres, faible voire négative. A des
phases d’expansion (croissance positive) succèdent des phases de récession (croissance
négative).
Dès le milieu du XIXème siècle, les économistes se sont intéressés aux mouvements de
certaines variables macro-économiques, et ont tenté à l’aide de techniques mathématiques
de dégager des constantes dans l’évolution du PIB, aboutissant à trois types de cycles :
 un cycle long, le « KONDRATIEFF » ;
 un cycle court, le « JUGLAR », que l’on appelle communément CONJONCTURE ;
 des variations saisonnières.
LE CYCLE DE KONDRATIEFF53
A partir de séries statistiques, Kontratieff a mis en évidence l’existence de cycles longs (30
à 60 ans), comportant :
 une phase ascendante, caractérisée par une forte croissance et le développement des
entreprises ;
 une phase descendante, avec hausse du chômage et concentration des entreprises.
Plusieurs théories expliquent le cycle de Kondratieff :
 la création de monnaie : la surliquidité engendrent une forte inflation (théorie
quantitative) qui provoquerait des crises financières, sources de ralentissement de la
production et de phases de récession ;
 les vagues d’innovations technologiques (SCHUMPETER)54 : les grappes d’innovation
(machine à vapeur et industrie textile à la fin du XVIIIème, chemin de fer et acier à partir
de 1830, …) sont à l’origine à la fois des phases d’expansion et des phases de récession
lorsqu’elles arrivent « à maturité ». En fait, lorsque des pays (ou zones) détiennent un
monopole sur les secteurs innovants (Europe, puis USA après la 2de guerre mondiale), la
croissance est rapide ; lorsque l’imitation et donc la compétition apparaissent, les prix et
les profits des entreprises diminuent, pouvant générer une récession.
53
Nikolaï Dmitrievitch KONDRATIEFF - ou KONTRATIEV - (1892-1938), économiste russe ; sa théorie montre que le
capitalisme reprendrait son expansion après chaque crise, ce qui est à l’opposé des thèses marxistes ; Staline le fit condamner à la
déportation au goulag, puis fusiller durant les grandes purges de 1938.
54
Joseph Aloïs SCHUMPETER (1883-1950), économiste autrichien, émigré aux USA, professeur à Harvard.
26
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Le graphique de gauche montre les 5 cycles Kondratieff depuis la révolution industrielle de
la fin du XVIIème, celui de droite l’évolution des valeurs du S&P 50055 au cours des cinq
cycles ; notons qu’il prévoit aussi la naissance du 6ème cycle basé sur les technologies de
l’environnement, les nano56- et biotechnologies, …
Source graphique de gauche : www.indiinvest.narod.ru
LE CYCLE DE JUGLAR57
Juglar décrit un cycle périodique des « affaires » (la CONJONCTURE) de 8 à 11 ans,
composé de 3 phases : expansion, crise, liquidation. Aujourd’hui, les économistes parlent
d’un cycle à 4 phases : expansion, crise, récession, reprise. Notez que les phases sont plutôt
asymétriques, contrairement au schéma théorique représenté ci-dessous.
55
Le S&P 500 est un indice boursier (propriété de l’agence de notation Standard & Poor’s) basé sur les 500 plus grandes sociétés
cotées aux USA.
56
Nanomètre = 10-9 m. Nanomatériaux : application dans de nombreux domaines : santé, sports (vêtements, …), informatique, …
57
Joseph Clément JUGLAR (1816-1905), médecin et économiste français, « Des crises commerciales et de leur retour périodiques
en France, en Angleterre et aux Etats-Unis » (1862).
27
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Durant la phase d’expansion, la demande est soutenue, l’activité économique augmente et
pousse les entrepreneurs à investir ; on assiste également à une hausse des prix et des taux
d’intérêt.
La « crise » (qui correspond à la phase de retournement du cycle) est en général de courte
durée. Juglar utilise une formule choc : « la cause de la misère, c’est la prospérité »,
signifiant par là que c’est durant la phase d’expansion que se mettent en place les facteurs
récessifs. L’inflation provoquée par l’accroissement de la masse monétaire engendre une
perte de compétitivité des entreprises sur les marchés internationaux ; la hausse des taux
d’intérêt bride le crédit. Les entreprises ayant surestimé les débouchés, il y a surproduction.
La phase de récession se caractérise par une compression du crédit (qui engendre une baisse
de la demande et des investissements), une diminution de la production, un accroissement
du chômage, la disparition des entreprises les plus fragiles, la baisse des prix. Une fois
l’économie assainie, la croissance peut repartir à la hausse (reprise).
Notons qu’à l’intérieur du cycle de Juglar se profile un cycle plus court, celui de Kitchin58, qui
concerne les mouvements de stocks : les entreprise surstockent en période d’expansion ;
elles vont alors anticiper un ralentissement de l’activité et déstocker, entraînant la récession.
Toutefois, dans une économie tertiarisée, les stocks jouent un rôle beaucoup moins important
que dans une économie industrielle.
59
A travers l’analyse des cycles, les économistes essaient de prévoir la survenance des
récessions, notamment afin que les pouvoirs publics puissent prendre à temps des mesures
pour les amortir. Cela nous amène à nous intéresser aux politiques économiques.
58
Joseph KITCHIN (1861-1932), statisticien anglais.
Stocks dow : la courbe représente l’évolution du Dow Jones, indice de la Bourse de New-York (et plus vieil indice au Monde)
basé sur 30 entreprises importantes ; housing bust : bulle immobilière (leçon 9).
59
28
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
SECTION 5 : POLITIQUES ECONOMIQUES
Objectif 6 : s’approprier les concepts fondamentaux de la politique économique
POLITIQUES
ECONOMIQUES
:
ENSEMBLE
DES
DECISIONS
PRISES
PAR
LES
AUTORITES
(GOUVERNEMENT, BANQUE CENTRALE) VISANT A ATTEINDRE VIA L’UTILISATION
D’INSTRUMENTS SPECIFIQUES UN CERTAIN NOMBRE D’OBJECTIFS MACROECONOMIQUES.
L’OBJECTIF : LE CARRE MAGIQUE DE KALDOR
Nicholas KALDOR60 dans son CARRE MAGIQUE61, a détaillé 4 objectifs fondamentaux :
CROISSANCE
8
(Tx croissance PIB)
EMPLOI
EQUILIBRE
EXTERIEUR
0
10
(Tx inflation)
(Tx chômage)
0
-1
0
10 -2
+2 (en % PIB)
STABILITE DES PRIX
Le mot « magique » (en vert) vient du fait qu’il semble utopique d’atteindre l’ensemble des
objectifs en même temps. Mais plus le quadrilatère obtenu avec les données courantes du
pays se rapproche du carré magique, plus la situation est favorable. Comparons :
Pays
Croissance PIB
A
2%
B
2,5%
* en % du PIB.
chômage
4%
3%
inflation
4%
2%
Equil extérieur *
-1%
+1%
B est plus proche du carré de Kaldor ; ses « fondamentaux » économiques sont meilleurs.
60
61
Nicholas KALDOR (1908-1986), économiste britannique d’origine hongroise,
J-Y. CAPUL et O. GARNIER, Dictionnaire d’économie et de sciences sociales, Hatier, 2005, p 330.
29
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Détérioration des fondamentaux : Carrés magiques de la Belgique – 2000 & 201362
TYPOLOGIE DES POLITIQUES & DES INSTRUMENTS
La politique économique consiste à faire des choix contraignants, dès lors que certains
objectifs se révèlent contradictoire ; exemples :


nous verrons ultérieurement qu’un conflit peut exister entre les objectifs de plein emploi et
de stabilité des prix63 ;
si les autorités pratiquent une politique de relance de la demande globale et que l’offre
nationale ne s’adapte pas, ce sont les entreprises étrangères qui en profiteront, avec pour
conséquence un déficit extérieur64.
En outre, des accords internationaux réglementent certaines matières (exemples : UE :
subventions aux entreprises, droits de douane, libre circulation des biens et des personnes,
accueil des immigrés, déficit et dette publiques, … ; OMC65 : liberté du commerce
international ; FMI : endettement extérieur ; …), limitant la marge de manœuvre des Etats.
Nous distinguerons :
 les politiques conjoncturelles, visant essentiellement et directement les objectifs du
carré magique ;
 les politiques structurelles (long terme), visant à améliorer les structures de
l’économie ; citons par exemple les politiques industrielle, agricole, des transports, la
réforme de certains marchés (travail, …).
62
Le site http://www.ses.ac-versailles.fr/extras/bd/carre/carre.html permet de construire des carrés magiques. Il permet également
de visualiser les carrés magiques de 175 pays sur une trentaine d’années.
63
Leçon 8, courbe de Phillips.
64
Ce fut le cas en France en 1981, sous le 1 er gouvernement socialiste du Président François Mittérand.
65
Organisation Mondiale du Commerce, « gendarme » du commerce international (leçon 9).
30
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
Les deux sont complémentaires ; les politiques structurelles visent à mieux armer le système
économique pour atteindre une croissance durable et affronter les chocs conjoncturels.
En matière conjoncturelle, une politique de relance stimule la demande globale (Keynes), une
politique de stabilisation (ou de rigueur, voire d’austérité) lutte contre l’inflation et les déficits
publics. Les instruments sont les moyens (variables ou changements institutionnels)
utilisés pour atteindre les objectifs :
Politique
Budgétaire & fiscale
Monétaire
Emploi & revenus
Change
Offre (Supply Side)
Instruments
Dépense publique G
Impôt T
Masse monétaire M
Prix & salaires
Taux de change
Mesures structurelles
Actions sur
DG
DG via Yd & C
DG via i, et donc C & I
Marché du travail, compétitivité
DG via (X-M)
Système économique
CLASSIQUES VS KEYNESIENS
Nous avons vu au début de cette leçon comment les deux grands courants de pensée
(classique et keynésien) s’opposaient quant à la manière dont se réalise l’équilibre
macroéconomique ; ce débat se retrouve dans la mise en œuvre des politiques économiques.
Les politiques keynésiennes sont surtout de type conjoncturel : éviter la surchauffe
lors des phases d’expansion du cycle, soutenir la demande et donc l’activité économique
durant les phases de récession. Les « classiques » (néo-classiques, monétaristes)
préfèrent la lutte contre l’inflation et l’amélioration de la compétitivité qui permet le
développement de la production et la création d’emploi.
 politiques de demande (Keynésiens) : agissent sur DG (C, I, G, X et/ou M) :
 politique monétaire : agir sur M  i  I et accessoirement C ;
 politique budgétaire & fiscale : agir sur T ( influence Yd  C) et/ou G ;
 politiques d’offre (Néo-classiques - monétaristes) :
 politique de contrôle direct de la masse monétaire (MV = PQ) ;
 politique de revenu : contrôle direct des prix et rémunérations (exemple : en cas
d’inflation : freiner l’augmentation des salaires nominaux), et créer un climat de
modération ;
 Supply-side policies (politiques de long terme) : politiques de stimulation de l'offre :
 freiner la hausse ou la baisse des salaires réels via un rétablissement de la flexibilité
des marchés :
 rétablir la concurrence ;
 augmenter la mobilité et la flexibilité sur le marché du travail ;
 pas d’indexation automatique des salaires ;
 stimuler l’innovation.
31
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
ETATS DE LA ZONE EURO : INSTRUMENTS LIMITES
Les Etats de la zone euro ne disposent plus de la maîtrise totale de leurs
instruments classiques de politique économique :
 la politique monétaire est dirigée par la Banque Centrale Européenne (BCE),
organe indépendant des pouvoirs politiques tant européens que nationaux ;
 idem en ce qui concerne la politique de change ; les autorités nationales n’ont plus le
loisir de manipuler le taux de change ; la BCE surveille l’évolution du cours de l’Euro
essentiellement par rapport au $ et au Yen, et décide da la politique à mener en fonction
de critères globaux, et non selon les desideratas des Etats membres ;
 la politique budgétaire et fiscale est contrainte par les normes sur la dette et sur
le déficit public66 ; l’objectif est d’éliminer les déficits structurels, et n’accepter que des
déficits conjoncturels en période de récession. Pratiquement, un pays peut stimuler son
économie via une politique fiscale adéquate, sans compromettre l’équilibre du budget ;
 il ne reste alors aux mains des Etats que les politiques d’offre et la politique de
l’emploi et des revenus, qui sont essentiellement de type structurel.
POLITIQUES CONJONCTURELLES : TRANSMISSION DES IMPULSIONS
Un des problèmes récurrents en matière de politiques conjoncturelles est la transmission des
impulsions vers les variables visées. Comment une diminution des taux d’intérêt (politique
monétaire), une réduction d’impôt ou un accroissement du budget de l’Etat (politique
budgétaire et fiscale) agissent-ils sur le PIB, avec quelle ampleur et après quel laps de
temps ? Le schéma synthétique (keynésien) ci-dessous démontre la complexité du problème.
Politique
monétaire
Pol fiscale
& transf
Dép publ
Source : J. Brémond et A. Gélédan, Dictionnaire des théories et mécanismes économiques, Hatier, 1991, p 245,
schéma complété par l’auteur.
66
Voyez l’exposé de ces principes à la leçon 5, section 4, les dépenses publiques.
32
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
FICHE 1/7 : THEORIES ECONOMIQUES & IDEOLOGIES POLITIQUES
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, la plupart des pays occidentaux adoptèrent, pour un temps au
moins, les vues de Keynes. Puisque l’économie est confrontée à des cycles économiques prolongés,
qu’aucune « main invisible » ne peut contrer, il appartient aux gouvernements d’imposer des politiques
anticycliques, notamment pour relancer la demande et l’emploi dans les phases de récession. Le rôle de
l’Etat est donc primordial.
Bien que la ligne de démarcation idéologique soit parfois difficile à fixer, ce sont surtout les partis politiques
« de gauche » (travaillistes en GBR, socialistes et sociaux-démocrates en Europe continentale,
démocrates aux USA) qui ont trouvé dans les théories keynésiennes une plate-forme électorale : transferts
sociaux vers les classes sociales moins aisées, services publics importants (transports, communications,
énergie, …), nationalisation de secteurs-clé (charbonnages, automobile), très nombreuses législations
destinées à combattre les errements du marché et à le réguler, … La crise née du premier choc pétrolier
(début des années 1970) a démontré à son tour la relative fragilité des théories keynésiennes et ses effets
pervers : inflation, dérapage des déficits publics, nécessité de taux d’imposition élevés pour les financer,
maintien artificiel d’outils industriels obsolètes pour éviter chômage et conflits sociaux, …, ce qui a divisé la
famille socialiste (Blairisme67 en UK).
Les théories néo-classiques et monétaristes ont trouvé un écho plus ou moins favorable au sein de
formations politiques dites « de droite » (républicains aux USA, conservateurs en GB, partis libéraux ou
réformateurs en Europe Continentale). Elles furent appliquées aux USA dès l’élection de Ronald REAGAN
(1980) et, avec plus de vigueur encore en Grande-Bretagne, par Margaret TATCHER (on parle dès lors de
« Reaganisme » et de « Tatchérisme » pour qualifier leurs doctrines politiques), certains diront avec un
succès relatif. Le NEO-LIBERALISME se base notamment sur la théorie de l’offre ; comme l’affirme
George GILDER, « l’offre est la source des bienfaits du capitalisme »68. L’Etat doit donc tout mettre en
œuvre pour favoriser l’offre ; « tout mettre en œuvre » est un euphémisme : il s’agit pour les pouvoirs
publics de rendre le pouvoir au marché, en « créant » un cadre institutionnel et légal propice à la
concurrence : privatisations, dérégulation, …
Qui a raison, qui a tort ? Le débat reste largement ouvert.
67
Tony BLAIR (1953), 1er Ministre britannique de 1997 à 2007 ; il a profondément réformé le parti travailliste, très à gauche, en
l’amenant à un « libéralisme social », très éloigné de la ligne des partis socialistes français et « wallon ». Une partie du SP-a
flamand a rejoint ses thèses.
68
Georges GILDER (1939), politologue et économiste américain, proche du parti républicain ; « Richesse et Pauvreté », Albin
Michel, 1981, p 43 ; on dit qu’il fut le livre de chevet de Ronald Reagan.
33
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
RESUME
1. L’équilibre du revenu national implique que l’offre agrégée soit égale à la demande agrégée. Les économistes
Classiques et Keynésiens s’opposent sur la manière dont cet équilibre se réalise : les premiers affirment que la
demande s’adapte à l’offre (loi de SAY) et que l’ajustement s’effectue par des variations de prix ; les seconds
montrent que l’offre s’adapte à la demande et que l’ajustement s’effectue par des variations d’output. Ces vues
divergentes ont des conséquences en terme de politique économique.
2. Alors que les Classique affirment que l’équilibre ne peut être que de plein emploi, la théorie Keynésienne part du
principe que les prix et les salaires sont rigides à court terme, et qu’il n’existe donc aucun mécanisme autorégulateur
assurant le plein emploi. Le système économique peut fonctionner en équilibre de sous-emploi, la production étant
inférieure au produit potentiel, et ce parce que la demande globale est insuffisante. Dans ce cas, c’est sur elle qu’il
faut agir, notamment par un accroissement des dépenses publiques.
Par contre, s’il y a « surchauffe », de telle sorte que l’équilibre réel s’établisse au-delà de l’équilibre de plein emploi,
il y aura inflation par la demande.
A l’aide de l’équation de demande agrégée et de la notion de propension marginale à consommer, JM KEYNES
démontre qu’une augmentation exogène des dépenses autonomes (dépenses publiques, investissements) aura un
impact final bien supérieur par l’effet du multiplicateur.
3. Le modèle OG-DG constitue l’outil d’analyse contemporain par excellence. La demande globale représente le
volume total de production susceptible, toutes choses égales par ailleurs, d’être acheté à un niveau de prix donné.
Ses composantes sont la consommation privée, les dépenses publiques, l’investissement et les exportations nettes
(C+I+G+[X-M]).
Sa courbe exprime la relation entre le niveau général des prix et la dépense nationale. Elle est décroissante en
raison des effets « richesse » (une baisse du niveau général des prix accroît la pouvoir d’achat, à offre de monnaie
constante, ce qui favorise la consommation), « taux d’intérêt » (dans le même contexte, l’épargne croît, faisant
baisser les taux d’intérêt, ce qui favorisera l’investissement) et « taux de change ».
La demande globale varie en fonction de mesures de politique économique, notamment budgétaires et fiscales, qui
accroissent les dépenses publiques et / ou le revenu disponible, et en fonction de variables exogènes au modèle,
telles que le prix des matières premières importées ; dans ces cas, la courbe se déplace.
4. Le produit potentiel (PIB potentiel) se définit comme la quantité maximum de biens et services qu’une économie
peut produire dans la stabilité des prix, compte tenu des contraintes en terme de facteurs de production ; la stabilité
des prix suppose l’existence d’un « taux de chômage naturel (ou structurel – NAIRU)», auquel les pressions à la
hausse et à la baisse des salaires et des prix s’équilibrent.
L’offre globale est définie comme le niveau de l’output réel produit à chaque niveau de prix donné ; elle est
déterminée par le produit potentiel, dépendant lui-même des quantités de facteurs disponibles et de la technologie,
et par le coût de ces facteurs. La variation des ces éléments déplace la courbe d’offre globale. A court terme, cette
courbe est croissante, une baisse du niveau général des prix déprimant la production, notamment pour cause de
viscosité des salaires et des prix. A long terme, cette courbe est verticale, égale au produit potentiel.
34
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
5. Depuis plusieurs décennies, une controverse oppose les tenants de la théorie classique et ceux de la théorie
keynésienne. Le problème réside dans la cause de la récession : une baisse de la demande globale peut être
combattue par une politique active agissant sur cette demande; par contre, dans le cas d’une dépression de l’offre
qui crée à la fois chômage et inflation (stagflation), une politique de relance de la demande peut résoudre le
problème de chômage mais pas celui de l’inflation.
Après la seconde guerre mondiale, la plupart des pays ont mis en place des politiques anticycliques favorisant la
demande et l’emploi. Toutefois, la crise née du premier choc pétrolier, au début des années 1970, a montré une
relative inadéquation des politiques keynésiennes. Né dans les années 1950, sous l’impulsion de Milton Friedman, le
courant néo-libéral monétariste soutient que ces politiques génèrent de l’inflation; il revient à la théorie de l’offre;
l’Etat doit tout mettre en œuvre pour favoriser celle-ci, en créant un cadre propice à la concurrence.
6. La croissance économique se définit comme l’augmentation de la production sur une période relativement
longue ; il s’agit d’une notion quantitative, alors que le terme « développement » inclut plutôt des éléments
qualitatifs. Expliquer la cause de la croissance tient en un mot : PRODUCTIVITE ; c’est parce qu’elle augmente que
l’on produit plus avec moins de ressources, qui deviennent ainsi disponibles pour d’autres activités. C’est ainsi que
l’économie est passée d’un niveau de « subsistance » à une consommation de masse. Les déterminants de la
productivité sont le capital humain, le capital physique, les ressources naturelles, la technologie.
7. La croissance qu’ont connue les économies industrialisées au XXème siècle repose non seulement sur le progrès
technique, mais aussi sur un mode d’organisation du travail issu de deux modèles : le Taylorisme et le Fordisme. Ce
dernier repose sur les principes du travail à la chaîne et de la standardisation des produits. Pour éviter le rejet par le
travailleur et la surproduction, les salaires sont augmentés. La croissance fordiste a partiellement structuré notre
société, en accélérant l’urbanisation, en généralisant le salariat et en modifiant la philosophie de la lutte des classes.
Le progrès technique a poussé l’économie vers le tertiaire.
8. L’évolution du PIB n’est pas un long fleuve tranquille. A des phases d’expansion (croissance positive) succèdent
des phases de récession (croissance négative). Dès le XIXème, les économistes ont tenté de dégager une récurrence
dans ces phases. Kondratieff a ainsi mis en évidence un cycle long (expansion-récession) d’une durée de 30 à 60
ans ; selon Schumpeter, ce cycle semble lié aux vagues successives d’innovations technologiques depuis le début de
l’ère industrielle. Les recherches empiriques de Juglar ont décelé un « cycle des affaires », que l’on qualifie de
« conjoncture ». Ce cycle, d’une durée de 8 à 11 ans, comporte une phase d’expansion ; la surchauffe de l’économie
débouche sur une crise de surproduction, et l’on rentre en récession (chômage, disparition d’entreprises) ;
l’économie assainie peut alors repartir en croissance.
35
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
9. Afin d’amortir les chocs conjoncturels et de favoriser la croissance économique, l’Etat met en place des politiques
économiques, qui visent en fait à ce que les paramètres fondamentaux du système économique se rapprochent de
ceux du carré magique de Kaldor (croissance, chômage, inflation, équilibre extérieur). Un des problèmes est que l’on
ne peut semble-t-il atteindre simultanément tous les objectifs. On retrouve en matière de politique économique le
traditionnel débat Keynésiens vs Néo-classiques. Les tableaux ci-dessous donnent un aperçu synthétique des
politiques (anti) conjoncturelles :
EXPANSION : SURCHAUFFE & INFLATION PAR LA DEMANDE
P monétaire
 i (via  M)
M
Commentaires
P budg & Fisc
politique keynésienne : objectif :  Y  (G-T) :
via  C et I
T
G
politique monétariste : objectif :  P //////////////////
(MV=PT)
/
Commentaires
politique keynésienne :
objectif :  C via  Yd
objectif :  Y
Inefficace selon les monétaristes.
DEPRESSION
P monétaire
 i (via  M)
Commentaires
politique keynésienne : objectif :  Y
via  C et I
mais: efficacité limitée car:
 liquidity trap (i très bas)
 mécanisme de transmission très
long
P budg & Fisc
 (G-T) :
T
G
Commentaires
multiplicateur keynésien :
objectif :  C via  Yd
objectif :  Y
mais inconvenients:
 délais (lags)
 financement du déficit (*)
 déficit structurel
/////////////// Inefficace selon les monétaristes car ////////////////// Inefficace selon les monétaristes, car
/////
/
effet d’éviction de I par G
Δ M  Δ P.
selon les monétaristes, il faut dans ce cas une politique d’offre
(*) monétisation ou crowding out effect, selon la politique de la BC.
Un autre problème posé par ces politiques économiques est leur mécanisme de transmission vers les variables
réelles (PIB, emploi) : quelle ampleur, après combien de temps ?
36
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
QUESTIONS DE REVISION ET PROBLEMES.
NOTIONS A MAÎTRISER : équilibre du revenu national, mécanisme d’ajustement, équilibre
classique, multiplicateur et équilibre keynésiens, produit potentiel, NAIRU, schéma DG/OG,
déterminants macro économiques de la croissance, cycles économiques, instruments de politique
économique.
QCM
1. Le revenu national d’équilibre se définit comme :
a) le revenu de plein emploi
b) le revenu permanent d’une économie
c) le revenu tel que le montant des dépenses qu’il suscite lui soit égal
d) le revenu où l’épargne des ménages est égal à l’investissement des entreprises
2. Lorsque l’équilibre du RN se situe au-delà du plein emploi :
a) les quantités de biens disponibles sont celles du plein emploi, mais il y a tendance à la hausse des
prix
b) l’économie se situe au-delà de sa FPP
c) sur le marché des biens et services, il y a rationnement des demandeurs
d) sur le marché des facteurs, il y a rationnement des offreurs
3. En équilibre de sous emploi keynésien, la cause principale du chômage est :
a) l’insuffisance de productivité du capital
b) le manque de qualification des travailleurs
c) l’insuffisance des investissements
d) l’insuffisance de la demande globale
4. dans une situation de sous emploi keynésien, où seule la consommation est fonction du revenu et où la
pmc est nulle, le multiplicateur vaut :
a) 0
b) 1 c) 0,5 d) ∞
5. Une condition nécessaire et suffisante pour qu’il y ait croissance est que :
a) la demande globale s’accroisse
b) le revenu national de plein emploi augmente
c) la demande globale s’accroisse conjointement à une augmentation de la FPP
d) l’investissement s’accroisse
6. Laquelle des causes suivantes n’entraîne pas un déplacement de DG ?
a) une modification de la consommation des ménages
b) une modification de la FPP
c) une modification de l’épargne des ménages
d) une modification des dépenses de l’Etat
7. Quelle action relève d’une politique de relance par l’offre ?
a) une réduction des taux de TVA
b) le subventionnement de programmes de développement de technologies nouvelles
c) une réduction de l’impôt sur le revenu
d) une augmentation des dépenses publiques
37
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
8. En sous emploi keynésien, une diminution de l’impôt sur les sociétés engendrera :
a) une diminution du chômage
b) une diminution du prix des biens et services
c) une augmentation de la demande de travail
d) rien de tout cela
9. En sous emploi keynésien, une augmentation de G aura pour effet de :
a) maintenir inchangé le volume du chômage
b) augmenter le prix des biens et services
c) réduire le volume du chômage
d) a priori, rien de tout cela
Questions (certaines des questions nécessitent le recours aux notions vues à la leçon 6).
1. Dans beaucoup de pays de développement, les filles sont de loin moins scolarisées que les garçons, et
ce à la fois pour des raisons financières et culturelles. Avec quels arguments pourriez-vous convaincre les
responsables qu’une scolarisation normale des filles est bonne pour la croissance ? (***)
2. La théorie keynésienne du multiplicateur : introduisez dans le modèle vu à la section 3 l’impact de l’impôt
sur le revenu ; que devient le multiplicateur ? (indication : T [impôt] = t * Y, t étant le taux d’impôt ;
réécrivez alors l’équation de C et intégrez la dans l’équation de DG). Est-il plus « percutant » que s’il n’y a
pas d’impôt (raisonnez sur base des exemples chiffrés) ? Pourquoi ? (**)
3. Même exercice en économie ouverte, en introduisant (sans les impôts) X-M. (méthode : X ne présente
pas d’intérêt ici ; raisonnez en terme de M, qui est égal à d+mY, d étant une composante exogène et m la
propension marginale à importer). Commentez. (***)
4. Notre gouvernement accorde une réduction d’impôt sur le revenu immédiate d’une valeur globale de 2
milliards d’€ ; la propension à consommer étant de 0,75, quel sera l’effet premier sur DG ? Et ensuite ? (*)
5. Quel sera l’impact sur DG, toutes choses égales par ailleurs (explicitez SVP) : (**)
a) d’une diminution des impôts ?
b) d’une hausse de confiance des consommateurs ?
c) d’une baisse des taux d’intérêt ?
d) d’une baisse des dépenses de la défense nationale ?
6. Quel sera l’impact sur OGCT, toutes choses égales par ailleurs (explicitez SVP) : (**)
a) d’une augmentation du prix de matières premières importées ?
b) d’une augmentation de la productivité dans les entreprises ?
c) d’une hausse des allocations de chômage ?
7. Quel sera l’impact sur OGLT des événements suivants ? Expliquez. (**)
a) le pays enregistre une importante immigration ;
b) les syndicats obtiennent des hausses de salaire très importantes ;
c) le secteur industriel le plus important du pays invente un produit révolutionnaire ;
d) un cataclysme majeur détruit une partie du potentiel industriel (usines, …).
8. Montrez graphiquement (OG-DG) pourquoi une politique de relance de la demande mise en œuvre pour
combattre une récession dont la cause est la déprime de l’offre génère de l’inflation. (**)
38
Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
ECOLE SUPERIEURE DES AFFAIRES
9. Ces affirmations suivantes sont-elles vraies ou fausses ? La politique monétaire peut :
a) être inefficace si la vitesse de circulation de la monnaie varie ;
b) être efficace même si l’investissement est peu élastique au taux d’intérêt (leçon 5) ;
c) être inefficace si l’épargne est inélastique au taux d’intérêt. JUSTIFIEZ (***)
10. Discutez des affirmations suivantes : (**)
a) une hausse des dépenses publiques réduit l’investissement privé ;
b) tant que nous ne soucions pas de l’inflation, nous pouvons réduire le chômage en augmentant la
demande, par exemple à l’aide d’une politique budgétaire expansionniste.
11. Un gouvernement veut accroître la production par une politique budgétaire expansionniste. Etes-vous
d’accord avec cette mesure ? Si l’on se trouve en situation de trappe de liquidité, cette politique est-elle
plus efficace que la politique monétaire ? (***)
12. L’économie se trouve en récession. Caractérisez les mesures suivantes et leurs effets (+
éventuellement aspects négatifs) : (**)
a) une augmentation des dépenses publiques ;
b) une réduction des impôts ;
c) une croissance de la masse monétaire.

Réponses au QCM : 1) c ; 2) a ; 3) d ; 4) b ; 5) c ; 6) b ; 7. b) ; 8. d) ; 9. c).
Quelques éléments de réponses :
2. Yd = (Y – T) = (Y – tY) ►►► C = a + cY(1-t) ►►► la valeur du multiplicateur est dans ce cas : 1/(1c[1-t]).
3. Le multiplicateur vaut 1/([1-c] + m).
4. Effet premier : 2 milliards * 0,75 = 1,5 milliard
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Marc FIEVET : leçons d’économie
leçon 7
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