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Indications de la ventriculocisternostomie
endoscopique
P. Decq*
Qu’est-ce qu’une hydrocéphalie
non communicante ?
Depuis les travaux de W. Dandy (1), on
distingue deux types d’hydrocéphalies
selon qu’il existe ou non un obstacle
dans la filière ventriculaire entravant la
libre circulation du LCS. La présence
d’un obstacle, situé habituellement en
aval du troisième ventricule, entraînant
une accumulation du LCS dans les
ventricules latéraux et le troisième ventricule, définit l’hydrocéphalie non
communicante. L’absence d’obstacle
sur la filière ventriculaire définit
l’hydrocéphalie communicante dont
la physiopathologie suppose un trouble
de la réabsorption du LCS au niveau
des espaces sous-arachnoïdiens ou des
granulations de Pacchioni. Ce trouble
constitue en quelque sorte un “obstacle ” au libre écoulement du LCS
* Philippe Decq est praticien hospitalier
dans le service de neurochirurgie du
Pr Kéravel à l’hôpital Henri-Mondor de
Créteil. Il est membre de plusieurs sociétés
scientifiques, au nombre desquelles la
Société française de neurochirurgie dont il
est secrétaire général depuis 1998.
Ses activités de recherche sont centrées
autour de deux pôles : la neurochirurgie
fonctionnelle de la spasticité et de la
dystonie d’une part, et le développement
de l’endoscopie neurochirurgicale pour
le traitement de l’hydrocéphalie, des
adénomes hypophysaires et des tumeurs
de la base du crâne, d’autre part.
(comme peut le faire, par exemple, un
feutrage secondaire à une hémorragie
méningée) mais – fait fondamental
dans une optique thérapeutique – il se
situe en aval des ventricules qui restent
parfaitement libres.
Comment reconnaît-on
une hydrocéphalie
non communicante ?
L’examen attentif de l’ensemble de la
filière ventriculaire est indispensable
devant toute hydrocéphalie pour préciser
le caractère communicant ou non de
cette dernière. Il existe des critères
morphologiques déterminants, qui doivent parfois être complétés par les éléments dynamiques apportés par l’IRM.
Critères morphologiques
Quelle que soit la modalité diagnostique (scanner ou IRM), l’asymétrie
des ventricules est le premier élément
à rechercher. Des ventricules latéraux
et un troisième ventricule dilatés,
contrastant avec un quatrième ventricule de petite taille, sont évocateurs
d’une hydrocéphalie non communicante par obstacle au niveau de la
région de l’aqueduc de Sylvius. La
seule présence d’une tumeur à ce
niveau ou plus bas, au niveau du
quatrième ventricule, conforte cette
hypothèse.
La morphologie du plancher du troi-
D
evant toute hydrocéphalie,
la question de savoir si
elle est communicante
ou non communicante est fondamentale car le geste chirurgical
proposé sera différent : dans le
cas d’une hydrocéphalie communicante, on procédera à la mise
en place d’une valve de dérivation
du liquide cérébro-spinal (LCS)
(dérivation ventriculo-péritonéale
ou ventriculo-cardiaque) ; dans le
second cas, il sera réalisé une
ventriculocisternostomie endoscopique.
sième ventricule sur une coupe IRM
sagittale médiane est également très
riche en informations. Sa déformation
convexe vers le bas est très évocatrice
d’une hydrocéphalie non communicante (figure 1 a et b).
Critères dynamiques
Les critères dynamiques sont le privilège de l’IRM. Certaines séquences
sont particulièrement sensibles aux éléments circulants qui se traduisent par
un vide de signal (figure 1 d). On
accordera toute son importance à la
présence d’un hyposignal sur une
séquence T2 ou sur une séquence proton au niveau de l’aqueduc de Sylvius,
qui témoigne de l’existence d’un flux
et écarte donc le diagnostic d’hydrocéphalie non communicante, du moins à
son niveau (figure 1 e et f).
Il faut parfois avoir recours à des
séquences particulières d’analyse des
flux en contraste de phase, qui apportent
des informations précieuses (figure 1 c).
Où siège l’obstruction ?
Chez l’adulte, les obstacles à l’écoulement du LCS dans les ventricules siè-
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Hydrocéphalie :
communicante ou
non communicante ?
P. Decq
gent principalement au niveau de la
région pinéale (71 %) : lésions de la
partie postérieure du troisième ventricule
(14 %), tumeurs de la région pinéale
(26 %) et sténoses idiopathiques de
l’aqueduc de Sylvius (60 %). Plus rarement (23 %), l’obstacle se situe dans la
fosse postérieure au niveau du
quatrième ventricule (tumeurs, accidents vasculaires) ou au niveau du foramen de Magendie (6 %) : tumeurs, sténose du foramen de Magendie.
Quels sont les principes du
traitement de l’hydrocéphalie?
Les premières tentatives de traitement
de l’hydrocéphalie avaient pour objectif de tarir la production du LCS en
supprimant les plexus choroïdes des
ventricules latéraux (plexectomie) (2).
Le succès mitigé de cette approche
s’explique, d’une part, par la lourdeur
d’une telle intervention, grevée d’une
a
b
c
d
e
f
Figure 1. Aspect radiologique IRM de l’hydrocéphalie non communicante.
a. IRM sagittale médiane T1. Le troisième ventricule est très dilaté, avec des récessus
arrondis et un plancher convexe vers le bas, très évocateur d’une hydrocéphalie non
communicante.
b. Même patient après ventriculocisternostomie. Le troisième ventricule a retrouvé une
morphologie normale avec un plancher rectiligne.
c. IRM sagittale. Séquence de flux en contraste de phase. Il existe un asynchronisme complet entre les directions de flux mesurés dans l’aqueduc et la grande citerne, alors qu’ils
devraient être parfaitement synchrones. C’est le signe d’un obstacle entre ces deux structures, siégeant particulièrement dans ce cas au niveau du foramen de Magendie.
d. IRM sagittale T1 d’une hydrocéphalie triventriculaire (ventricules latéraux et troisième ventricule dilatés contrastant avec un quatrième ventricule de taille normale), évoquant d’une hydrocéphalie non communicante. La présence d’un flux en hyposignal dans
l’aqueduc n’est pas en faveur de ce diagnostic.
e. Même patient. IRM en coupe axiale T2. La présence d’un flux en hyposignal dans
l’aqueduc n’est pas non plus en faveur de ce diagnostic.
f. Même patient. IRM en coupe axiale proton. La présence d’un flux en hyposignal dans
l’aqueduc n’est pas non plus en faveur de ce diagnostic.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 6, juin 2002
forte morbidité (abord ventriculaire
bilatéral) et, d’autre part, et comme on
le comprendra quelques années plus
tard, par la mise en évidence d’une
source extra-plexuelle de production de
LCS (3).
Très vite, le principe du traitement de
l’hydrocéphalie non communicante
par contournement ou dérivation du
LCS de part et d’autre de l’obstacle fut
imaginé et mis au point par les premiers neurochirurgiens, parmi lesquels
figure une nouvelle fois en première
place W. Dandy (4). La conformation
anatomique du troisième ventricule,
avec ses récessus pellucides le séparant
des espaces sous-arachnoïdiens (besace
prémamillaire, lame sus-optique), se
prête parfaitement à l’établissement de
communications entre les ventricules
dilatés et les citernes de la base du
crâne, court-circuitant ainsi le passage
du LCS dans la partie distale de la
filière ventriculaire, à savoir l’aqueduc
de Sylvius et le quatrième ventricule.
C’est ainsi que fut imaginée la ventriculocisternostomie (figure 2). Si la première ventriculocisternostomie endoscopique par perforation de la besace
prémamillaire date de 1923 (5), cette
intervention n’a pas connu de grande
diffusion du fait des problèmes techniques engendrés par la taille des instruments disponibles à cette époque.
On lui préféra très vite la mise en place
d’un cathéter entre les ventricules latéraux et la grande citerne, de réalisation
plus aisée (6).
Restait à résoudre le problème du traitement des hydrocéphalies communicantes, représentant environ 70 %
des hydrocéphalies. Ce fut chose faite
dans les années 1960, par la mise en
place de systèmes de dérivation par
valves (ou shunts), d’abord ventriculocardiaques, puis, très vite, par dérivation dans le péritoine (dérivation ventriculo-péritonéale). Le succès et la
simplicité de ces systèmes ont conduit
à leur emploi systématique dans toutes
les hydrocéphalies, quelle qu’en soit la
physiopathologie, reléguant peu à peu
dans l’oubli les interventions de déri-
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vation interne qui ne restaient pratiquées que de façon confidentielle par
quelques équipes. Les complications à
long terme des systèmes de dérivation
(peu échappent à la révision après 10
ans) ont cependant rendu nécessaire
une révision de la stratégie thérapeutique des hydrocéphalies. Cette remise
en question fut contemporaine de l’essor de la chirurgie endoscopique dans
toutes les spécialités chirurgicales du
fait de l’amélioration et de la miniaturisation des matériels endoscopiques.
Et c’est tout naturellement que la ventriculocisternostomie endoscopique
s’est peu à peu imposée durant la dernière décennie comme le traitement
“ idéal ” de l’hydrocéphalie non communicante, représentée essentiellement
par la sténose de l’aqueduc de Sylvius,
qu’elle soit idiopathique ou secondaire
à la présence d’un processus expansif
de la région pinéale (7) .
Quelle est la différence
entre une valve et
une ventriculocisternostomie ?
La mise en place d’une valve nécessite
l’implantation d’un matériel étranger
(le cathéter), sur lequel est interposé un
a
régulateur du drainage. Celui-ci autorise
le drainage en fonction de la pression
différentielle entre les ventricules cérébraux et la cavité d’aval (l’oreillette
droite ou le péritoine). En fonction du
type de valve, il contrôle plus ou moins
le débit en régulant le diamètre interne
du système. Si l’avènement de ces systèmes a transformé le pronostic de
l’hydrocéphalie, les complications ne
sont pas si rares, dépendantes de l’opérateur et des propriétés hydrodynamiques
de la valve. De plus, des complications
infectieuses peuvent contraindre à
l’ablation momentanée du système et le
vieillissement est susceptible d’entraîner ruptures et déconnexions. Il est
donc rare qu’une valve échappe à la
révision 10 ans après sa pose, révision
qui peut elle-même être source de
sérieuses complications.
À l’inverse, la ventriculocisternostomie
consiste à réaliser, sous contrôle de la
vue, une ouverture (stomie) entre la
lumière du troisième ventricule et la
citerne prépontique, sans mise en place
de matériel étranger. Son objectif est de
rééquilibrer les pressions entre les ventricules dilatés et les espaces sousarachnoïdiens péri-cérébraux, en courtcircuitant la portion de la filière
ventriculaire obstruée. Aucune complication liée à la présence d’un matériel
b
c
étranger ou à un mode artificiel de
drainage ne peut donc survenir. Seules
les complications liées au trajet cérébral
(identiques à l’introduction du cathéter
de valve) ou au geste d’ouverture
(exceptionnelle blessure de la terminaison de l’artère basilaire) et les complications générales (infection, cicatrice) sont à craindre. C’est pourquoi,
autant que possible, on préfère la réalisation d’une ventriculocisternostomie
à la mise en place d’une valve. C’est
souligner une nouvelle fois l’intérêt du
bilan préopératoire prouvant le caractère
non communicant de l’hydrocéphalie.
Comment se déroule
une ventriculocisternostomie
endoscopique ?
Opéré sous anesthésie générale, avec
une antibioprophylaxie peropératoire
par oxacilline, le patient est installé en
décubitus dorsal, tête maintenue droite,
légèrement fléchie, à 30° environ. Le
repérage du trou de trépan se fait sur la
ligne médio-pupillaire, juste en avant
de la suture coronale, après une incision de 3 à 4 cm. La craniotomie par un
trépan à main permet de réaliser un orifice de 8 mm environ. La dure-mère est
d
e
Figure 2. Ventriculocisternostomie endoscopique.
a. Abord de la corne frontale du ventricule latéral. Le foramen de Monro est limité en avant par le pilier antérieur du fornix (1) et en
arrière par le plexus choroïde (2) et le confluent des veines septale antérieure (3) et thalamo-striée (4).
b. Approche du plancher du troisième ventricule où sont identifiés : la commissure blanche antérieure (1), le chiasma optique (2), le
recessus infundibulaire (3), les corps mamillaires (4) et, par transparence au travers de la besace prémamillaire, la terminaison du tronc
basilaire (5).
c. La besace est perforée puis l’orifice élargi à l’aide d’une pince adaptée.
d. L’orifice est réalisé et la pince retirée.
e. Au travers de l’orifice, l’endoscope inspecte les structures placées sous le plancher. Seule la visualisation de la dure-mère du clivus
(1) et du tronc basilaire (2) permet de s’assurer de la qualité de la ventriculocisternostomie réalisée.
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ensuite coagulée, puis ouverte en croix.
L’endoscope est alors introduit dans la
corne frontale du ventricule latéral par
un trajet de ponction ventriculaire.
La reconnaissance des éléments anatomiques ventriculaires est indispensable
au bon déroulement de l’intervention :
identification du foramen de Monro
(figure 2 a), puis identification de la
partie antérieure du troisième ventricule (figure 2 b).
Toute l’intervention consiste à réaliser
un orifice dans le plancher du troisième
ventricule. C’est dans la partie antérieure de la besace prémamillaire que
devra être réalisé l’orifice de la ventriculocisternostomie, immédiatement en
arrière du relief du dorsum sellae que
l’on aperçoit parfois. Réalisée trop en
arrière, juste devant les corps mamillaires, l’intervention expose à la blessure
de la terminaison du tronc basilaire.
Trop en avant, on risque de léser le
récessus infundibulaire avec une atteinte
de l’hypothalamus postérieur.
Chez tous nos patients, l’orifice a été
réalisé avec une pince spécialement
dessinée à cet effet. Son extrémité est
pointue mais à bout mousse pour permettre d’ouvrir facilement le plancher,
plutôt que d’utiliser une sonde de coagulation. Une fois le plancher franchi,
l’ouverture est réalisée en écartant les
mors de la pince, dont les faces externes
sont crénelées pour éviter le glissement
du plancher (figure 2 c), et les faces
internes lisses pour éviter d’endommager
toute structure vasculaire à la fermeture
de la pince (figure 2 d).
Une fois l’orifice réalisé, il est indispensable de le franchir avec l’endoscope
(ce qui renseigne sur le diamètre de
l’ouverture qui admet nécessairement
la chemise de l’endoscope) pour observer la dure-mère du clivus et la termi-
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 6, juin 2002
naison de l’artère basilaire. Seule la
vue de ces deux éléments permet d’être
certain de la bonne qualité de l’ouverture réalisée et de vérifier l’absence
d’une seconde membrane, la membrane de Liliequist, présente dans 20 %
des cas environ (figure 2 e).
30 % des hydrocéphalies de l’adulte).
Les autres indications sont le traitement des kystes colloïdes du troisième
ventricule (8) et la marsupialisation des
kystes arachnoïdiens (9). L’emploi de
cette technique dans les pathologies
rachidiennes reste encore à évaluer.
Quels sont les résultats
de la ventriculocisternostomie
endoscopique ?
Références
De 1989 à juin 1999, 132 patients
(moyenne d’âge : 44 ans) ont été traités
par ventriculocisternostomie dans le
service de neurochirurgie de l’hôpital
Henri-Mondor, à Créteil. Le suivi
moyen de ces patients fut de 25 mois.
Parmi ceux-ci, 116 ont vu les symptômes liés à l’hydrocéphalie régresser
(88 %), 12 sont restés cliniquement
stables (9 %), 2 ont été aggravés (1,5 %)
et dans deux cas, la ventriculocisternostomie n’a pas été techniquement possible (1,5 %). Une seconde ventriculocisternostomie (3,7 %) a été réalisée
chez 5 patients, et une valve a été mise
en place chez 7 patients (5 %) pour fermeture secondaire symptomatique de
leur ventriculocisternostomie.
Les complications ont été rares : saignement (1,5 %), infection de cicatrice
(0,7 %), épilepsie (0,7 %).
Y a-t-il d’autres indications
de l’endoscopie
neurochirurgicale ?
La ventriculocisternostomie représente
environ 80 % des indications de l’endoscopie chez l’adulte (la ventriculocisternostomie permet de traiter environ
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Percutaneous endoscopic treatment of
suprasellar arachnoid cysts : ventriculocystostomie or ventriculocystocisternostomie ?
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