L’ANIMAL EN PUBLICITE : REPONSES EMOTIONNELLES GENEREES LORS DU PROCESSUS D’ATTENTION ET INFLUENCE SUR LA MEMORISATION DE LA MARQUE Béatrice Canel-Depitre Maître de conférences HDR en Sciences de Gestion Université Le Havre Laboratoire CERENE 25 rue Philippe Lebon B.P. 420 76057 LE HAVRE CEDEX FRANCE [email protected] Agnès Walser-Luchesi Maître de conférences HDR en Sciences de Gestion Ecole de Management Strasbourg - Université de Strasbourg Laboratoire HUMANIS (EA1347) 21 AV DE LA FORET NOIRE, 67085 STRASBOURG FRANCE [email protected] 1 L’ANIMAL EN PUBLICITE : REPONSES EMOTIONNELLES GENEREES LORS DU PROCESSUS D’ATTENTION ET INFLUENCE SUR LA MEMORISATION DE LA MARQUE RESUME Cette recherche s’intéresse aux réactions émotionnelles induites par la présence d’un animal en publicité et à leurs conséquences sur l’attention portée à l’annonce et sur son évaluation. Il est également étudié l’incidence possible de ce surcroît d’attention sur la mémorisation du nom de marque. Les résultats, issus d’une première analyse discursive exploratoire, montrent que la présence d’animaux est jugée utile et pertinente et peut avoir une influence positive sur l’attention. La recherche identifie certaines émotions spécifiques telles que la sympathie, la surprise, le plaisir / déplaisir et l’attachement. MOTS CLES Publicité, mémorisation de la marque, émotions, attention, animal. ANIMALS IN ADVERTISING: EMOTIONAL RESPONSE GENERATED DURING THE PROCESS OF ATTENTION AND INFLUENCE ON BRAND RECALL ABSTRACT This research focuses on emotional reactions induced by the presence of an animal in advertising. Effects on attention to the advertisement and its evaluation are discussed. It is also considered the potential impact of this increased attention to the memory of the brand name. The results from a first exploratory discursive analysis show that the presence of animals is considered useful and relevant and can have a positive influence on attention. The research identifies some specific emotions such as sympathy, surprise, friendship and pleasure / displeasure and attachment. KEY WORDS Advertising, brand recall, emotions, attention getting, animal 2 INTRODUCTION La présence combinée des dimensions cognitive et émotionnelle dans la sphère du comportement du consommateur ne fait aucun doute, notamment depuis que l’approche expérientielle de la consommation a vu le jour (Holbrook et Hirshman, 1982). Cela a conduit la recherche sur les réactions affectives vers trois orientations précises : la connaissance, l’identification et le sens de l’émotion (Russel, 1979) ; l’étude des relations d’abord entre cognition et émotion, ensuite, entre connaissance émotionnelle et relations sociales (Bandura, 1986 ; Izard, 1972) ; la mesure des émotions (Derbaix et Poncin, 2005). La raison pour laquelle les chercheurs se sont intéressés aux liens entre émotion et cognition tient au fait que les réactions émotionnelles peuvent influencer la cognition et l’action (Izard, 1993). A l’instar d’Abe et Izard (1999), les émotions sont activées par des processus cognitifs et non-cognitifs, dès qu’elles sont connectées aux stimuli de l’environnement (interne et externe), à l’expérience individuelle et soumises à leur influence respective. C’est dans le contexte publicitaire que ces questions ont été largement abordées. Les auteurs traitent de l’identification des sentiments émotionnels induits par les messages publicitaires dans la perspective d’élaborer des échelles de mesure de l’influence des émotions sur l’attitude envers la publicité (Vanhamme et Chiu, 2008 ; Pécheux et al., 2006 ; Pécheux et Derbaix, 2002 ; Derbaix et Brée, 1997) et envers la marque (Pécheux et Derbaix, 2002 ; Derbaix, 1995). Alors que l’animal est régulièrement utilisé en publicité, ce dernier a rarement fait l’objet d’étude empirique. L’objectif de cette recherche consiste à pallier ce manque en reliant la présence de l’animal aux réactions affectives du récepteur. Précisément, il s’agit (1) d’étudier les facteurs d’influence inhérents à la présence d’un animal (domestique ou sauvage) dans la publicité (2) d’identifier les réactions émotionnelles des consommateurs exposés à une annonce qui met en scène un animal (familier ou non) (3) d’analyser le rôle de l’implication du sujet à l’égard de l’animal exposé dans la publicité (4) d’évaluer les effets possibles sur l’attention d’une part et sur la mémorisation de la marque d’autre part. Comment l’annonce est-elle évaluée ? Dans quelles mesures les animaux, acteurs de la publicité, stimulent-ils des émotions ? Les conséquences de ces réactions affectives seront identifiées. Notre objet est de s’interroger sur l’efficacité de l’introduction d’un animal en termes d’attention portée à l’annonce et de mémorisation de la marque. Cette recherche répond à des considérations tant managériales qu’académiques en termes d’efficacité publicitaire. D’un point de vue empirique, cette étude s’appuie principalement sur 3 des données qualitatives et discursives mais également sur une recherche documentaire permettant de dresser un état des lieux de l’usage de l’animal en publicité. Nous considérons l’émotion comme une composante expérientielle subjective (Boyet et Nefti, 2007), que nous étudierons au travers d’un certain nombre de discours. D’un point de vue plus théorique, la littérature en comportement du consommateur a souligné l’importance d’une réponse émotionnelle dans le processus de persuasion (Milne et al., 2000, Tanner et alii, 1991, Umeh, 2004) et a démontré le rôle croissant de l’affect comme réponse du consommateur. Par ailleurs la place de l’attention est reconnue comme indiscutable sur le processus de persuasion (Derbaix et Brée, 1997, Pecheux et Derbaix, 1999). Ceci étant dit, et dans la perspective de poursuivre l’exploration dans la voie des réponses émotionnelles générées lors du processus d’attention, nous prendrons en compte l’influence de l’animal. Le champ investi est celui de la publicité. Précisément, il s’agit d’étudier les facteurs d’influence de l’animal en publicité sur l’attention portée à l’annonce et de savoir dans quelle mesure cette attention peut se répercuter sur la mémorisation de la marque. Car, même si attention et mémorisation sont positivement corrélées (Mehta et Purvis, 2006), cette relation peut s’établir et se structurer dans le temps. Pour ce faire, le papier sera articulé en trois parties. D’abord, un état des lieux de l’animal utilisé en publicité à partir d’une recherche documentaire précédera la justification du cadre conceptuel. Ensuite, nous nous proposons, dans un cadre expérimental, d’étudier l’influence de l’animal sur l’attention et la mémorisation de la marque relative aux réponses émotionnelles, qu’il suscite. La modélisation proposée distinguera l’affect qui active ou non le niveau d’attention de celui qui influence les liens entre processus d’attention et mémorisation de la marque. Enfin, la dernière partie, sera consacrée à la présentation des résultats d’une première étude exploratoire et à leur discussion dans la perspective de poursuivre cette recherche par une phase quantitative. ETAT DES LIEUX DE L’ANIMAL UTILISE EN PUBLICITE L’animal utilisé en publicité n’est pas uniquement protagoniste légitime des marques de pet Food, d’autres marques, d’univers très variés, se les approprient dans l’objectif d’accentuer un capital sympathie auprès du récepteur, de susciter une émotion et d’attirer l’attention sur leur produit. Les nombreux exemples d’animaux employés à la promotion de produits, dont ils ne sont pas destinataires, sont nombreux. Force est de constater que les marques de produits 4 pour animaux ne sont pas les seules habilitées à mettre en scène des animaux pour promouvoir leur produit. Ainsi, il n’est pas nécessaire de commercialiser un produit pour chien pour s’allouer les services d’un labrador dans une publicité. Les animaux apparaissent dans pléthore de publicités pour des marques et produits qui n’ont à priori pas grand-chose à voir avec l’animal. Plusieurs univers sont alors combinés. L’association du produit à un autre univers n’est pas un fait nouveau. Par exemple, au Mondial de l'Automobile, les hôtesses accompagnent chaque modèle de voiture. Tantôt qualifiées de femmes, d’hôtesses ou de filles, leurs rôles semblent multiples : Au delà des rêves qu’elles véhiculent, elles sont avant tout là pour attirer et valoriser le modèle de voiture auprès des clients et des journalistes. L’analyse de l’utilisation de l’animal en publicité peut se faire sous plusieurs angles en fonction de la forme sous laquelle il apparaît et qui permet à la marque de se situer. Afin de mieux cerner les raisons qui poussent les marques à faire figurer l’animal dans leur publicité, nous retiendrons la typologie suivante : - L’animal-consommateur de produits et services - L’animal dessiné identifié au produit - L’animal-valeur - L’animal complice de l’homme La distinction de l’animal au sein de ces groupes est fondée sur trois critères majeurs : le rôle attribué à l’animal, sa proximité avec le produit promu, ainsi que les implications managériales de la marque (cf. tableau 1). Dans notre étude, seules les deux dernières catégories seront prises en compte au motif qu’elles placent l’animal au premier plan de la scène, alors même qu’il n’est pas concerné directement par le produit commercialisé. C’est un parti pris pour la marque d’intégrer cet acteur. Tableau 1 : les rôles de l’animal en publicité Rôles attribués à l’animal Degré de proximité de Implications Types l’animal à la catégorie managériales de produits L’animalL’animal expert Lien fort avec le Combinaison de deux consommateur Sujet et objet de la produit univers de de produits et publicité consommation (canin services + autre) L’animal L’animal « personnage Lien faible avec le Stratégie de marquage dessiné identifié de marque », produit qui recherche au produit composante de la Lien social recherché l’attachement 5 marque et signature de sa (reconnaissance physique et graphique de l’animal) L’animal-valeur L’animal « intelligent » Lien faible avec le Jeu d’analogie entre distinctive valorisant un élément produit la promesse distinctif du produit Aucun lien possible publicitaire et la caractéristique naturelle ou apprêtée de l’animal L’animal L’animal au cœur d’une Lien faible avec le Objectif publicitaire : complice de situation de vie produit – aucun lien Faire aimer la marque l’homme anthropomorphisme possible Lien sentimental recherché (l’animal porte un nom) L’animal-consommateur de produits et services Les animaux ont naturellement leur place dans les publicités dont ils sont destinataires ; la marque met en scène l’animal afin de signifier que le produit lui est destiné. Par son témoignage il cautionne la consommation, au même titre qu’un expert. Ainsi, les marques de croquettes pour chiens, Royal Canin, Canigou, Purina ou César font systématiquement figurer des chiens dans leur communication. Il en est de même pour les pâtés pour chats où Whiskas, Sheiba utilisent, tout naturellement, des chats. La dernière publicité de croquette pour chien, diffusée par Nestlé à la télévision autrichienne, innove en attirant l’attention des chiens par l’utilisation de sons auxquels ils sont particulièrement réceptifs. En effet, les chiens qui jouent avec un canard qui couine vont réagir plus vivement à ce son que leur maître, d’où l’idée d’intégrer ces bruitages dans une publicité pour croquettes. Plus original, « Oh my dog » est une gamme de cosmétiques de luxe, unisexe pour toutes races de chiens, lancée par la marque Dog Generation en 2000. La stratégie de lancement d’« Oh my dog » manifestait la volonté de la marque Dog Generation de démontrer que ce parfum était avant tout un parfum ordinaire. A sa sortie, « Oh my dog » était distribué chez Séphora, Marionnaud et au Printemps Haussmann où la marque disposait d’un corner comme toutes les marques de luxe. L’univers de la parfumerie s’est ainsi élargi en faisant valoir une extension de ses cibles. Pour différencier le parfum et faire reconnaître ses véritables destinataires, la campagne publicitaire, menée au moment du lancement dans les magazines féminins, faisait émerger sa différence. S’il est courant d’utiliser une jolie femme pour une publicité pour parfum, en 6 l’occurrence, Charlize Theron, aujourd’hui égérie de « J’adore de Dior », il est plus exceptionnel qu’elle soit reléguée au second plan et que la véritable star soit un chien. L’animal dessiné identifié au produit Des animaux peuvent représenter la marque promue comme le tigre de Frosties qui permet de l’identifier. Ces personnages de marque sont nombreux : dans le domaine des boissons (Clive le léopard pour Sweepes, la girafe pour Orangina), en matière de nourriture (la vache et la marmotte de Milka, le singe de Coco Pop’s, le lapin de Nesquick), dans l’univers des produits d’hygiène (la vache de Monsavon, l’ourson de Cajoline, les oiseaux de Minidou), dans le secteur des services (l’écureuil de la Caisse d’épargne, le chat de feu vert)… Ils sont fréquemment employés par les fabricants dans le cadre d’un marketing à l’école. Force est de constater que, dans ces exemples précis, ce type de publicité est voué au succès. Cette catégorie de publicité est fondée sur la création et le graphisme d’un animal dessiné, participant à la reconnaissance du produit et à son marquage. Le personnage de marque peut préciser le produit comme la vache qui rit qui désigne un produit laitier. Ces personnages de marque sont, la plupart du temps, créés de toute pièce et sont au service d’une publicité sous forme de fiction. Ils suscitent l’imaginaire de l’enfant, ils sont durables, peuvent bénéficier de séances de relooking et suscitent une forme d’attachement. C’est un lien social qui est clairement souhaité par la marque. Par la suite, le rôle prescripteur de l’enfant est encouragé. L’animal-valeur distinctive Une marque peut choisir d’utiliser l’animal dans sa publicité car il présente des qualités qu’on doit prêter à son produit. L’usage de l’animal se justifie par un jeu d’analogie avec le produit. En effet l’animal et le produit, auquel il est associé, dispose de la même vertu, qu’il convient de mettre en valeur au travers d’une promesse (rapidité, douceur, élégance, propreté…). On s’appuie là souvent sur une caractéristique physiologique, qui est coutume de lui porter ou/et sur l’intelligence de l’animal. Illustrons ces deux cas de figure : Ainsi, la marque d’adoucissant Cajoline utilise l’ourson pour signifier qu’elle apporte autant de douceur qu’un ourson. La marque Jaguar s’appuie sur l’animal pour montrer la puissance et la rapidité de ses véhicules. Nipper, le chien de la Voix de son Maître, séduit par la reproduction parfaite de la voix de son maître. Le hérisson de Spontex met en exergue la résistance, la durabilité et la douceur du produit, alors même que sa fonction essentielle est de briquer et décaper. L’animal n’est donc pas utilisé pour sa connexion directe avec le produit mais pour le message qu’il 7 peut faire passer. Dans les domaines de l’alimentaire il est également possible de trouver des exemples d’association comme la nouvelle publicité d’Actimel de Danone. L’animal complice de l’homme L’animal complice est parfois utilisé sous forme humoristique dans la mesure où il est totalement impliqué dans une situation de vie courante, dont il est un acteur principal. L’utilisation des singes pour la publicité des lessives Omo nous montre qu’il n’y a pas besoin à priori d’y avoir un lien entre le produit et l’animal. Le singe n’est pas un argument mais une illustration humoristique du message. Cette campagne publicitaire, si elle représente des singes qui ont une forme réelle, s’appuie sur des images qui n’existent pas dans la réalité, sur un fond totalement fictif : un vrai singe affublé de vêtements qu’on dote de la parole au montage. Sur le fond, il s’agit d’un véritable singe mais l’animal, tel qu’il nous est présenté, pourvu de vêtements et de la parole, n’existe pas dans la réalité. Le lien sentimental est très important puisqu’il appelle autant à la subjectivité et l’individualité du récepteur qu’à son bien-être. Au regard de ces diverses illustration, on peut s’attendre à ce qu'animaux domestiques et bêtes sauvages continuent d'habiter la publicité tant l'appropriation par le consommateur de ces personnages animaliers est importante. 8 CADRE CONCEPTUEL Au côté de l’approche cognitive du comportement du consommateur liée aux changements d’attitudes des individus lors d’un acte d’achat, se dégage, depuis les deux dernières décennies, une vision affective du comportement. Cette dernière est définie par une réponse quasi immédiate aux perceptions des consommateurs vis-à-vis d’un stimulus (Bagozzi et alii, 1999) au travers de laquelle l’individu interagit à son environnement. Les principales réactions identifiées sont de nature physiologique (changement physiologique et sensations corporelles), expressive (expressions faciales, postures et prosodie) et comportementale. Aujourd’hui, l’existence de la dimension émotionnelle dans la sphère du comportement du consommateur ne fait aucun doute. Au-delà de ce constat, un des aspects de la consommation est que les désirs émotionnels dominent les motivations utilitaires dans le choix des produits ou services (Holbrook et Hirschman, 1982). Les travaux sur l’exposition et l’efficacité publicitaire constituent un champ du marketing dans lequel ces questions ont été largement exploitées. Nous poursuivrons cette exploration en nous interrogeant d’abord sur les émotions susceptibles d’être générées par l’animal en publicité et ensuite sur l’articulation entre émotions, attention et mémorisation. La présence de l’animal dans la publicité comme indice émotionnel L’animal utilisé en publicité peut-il activer certaines émotions ? Si oui, qu’elles sont-elles ? Peu d’études se sont intéressées à l’attrait de l’animal en publicité, mais leur utilisation date de l’invention de la publicité et les exemples ne manquent pas. Le dernier en date est le chien Toby, utilisé par un opérateur téléphonique, le Crédit Mutuel, en véritable complice de son maître ; la représentation symbolique du comportement humain de l’animal crée un effet de surprise, d’étonnement et active le capital sympathie du destinataire. Au travers de cet exemple, il semblerait que l’animal peut représenter un indice émotionnel susceptible d’attirer l’attention. Rappelons le rôle majeur des émotions dans tous processus mental dans la mesure où elles stimulent la conscience. Il est évident que ceci aura des conséquences sur la mémorisation, au motif que les éléments qui ont retenu notre attention seront enregistrés plus facilement que les autres. D’aucuns diront que ce qui est familier est facilement mémorisé. Les publicitaires reconnaissent également que le potentiel émotionnel généré par l’animal est réel et soulignent son efficacité sur l’attention et la conscience. 9 En faisant l’hypothèse que l’animal produise un signal émotionnel, l’intensité de ce dernier est propre à l’état émotionnel de tout un chacun. Ainsi, toute personne est dotée de compétences émotionnelles, variables selon son degré d’empathie, son comportement social, sa sympathie et son statut économique (Izard et al., 2001). De même, les influences culturelles peuvent enrichir la compréhension des niveaux émotionnels en prenant en compte au côté des aspects cognitifs et émotionnel, le facteur humain et les traits de personnalité. Ainsi, il est probable que les propriétaires d’animaux et que les grands amis des bêtes possèdent des capacités à reconnaitre et interpréter les signaux émotionnels dans les expressions faciales de leurs compagnons. Notre posture est de considérer que la présence d’animaux dans la vie quotidienne des consommateurs constitue une forme de relations sociales, ce qui met en avant la dimension sociale et humaine perceptible dans la publicité. Dans un autre domaine, celui de la santé, l’intérêt croissant pour les animaux familiers (chiens et chats notamment) conduit les scientifiques à s’interroger sur l’effet thérapeutique des animaux sur diverses cibles de population (propriétaires, enfants, personnes âgées, non voyants…). Toutes les études menées tant en France qu’en Europe et aux USA parviennent aux mêmes conclusions : l’animal est un facteur du développement de l’enfant et un élément structurant de la personnalité des jeunes. Il développe en effet le sens des responsabilités et de l’attention aux autres. Les interventions avec les chiens permettent aux personnes âgées visitées de recréer des liens sociaux entre elles, grâce à la présence complice de l’animal et sa capacité à motiver les échanges. Les visites et les animations visent à stimuler la mobilité, les sens, l’expression et la mémoire. En somme, les différentes approches théoriques et pratiques montrent que les Activités Associant l’Animal (AAA) offrent un large spectre d’opportunités d’accompagnement à visée sociale, éducative ou thérapeutique. En particulier lorsqu’un professionnel de la santé, de l’éducation ou de la prise en charge sociale l’associe à sa pratique. Notre questionnement sur l’effet de la présence d’un animal sur l’attention et la mémorisation est ici justifié. Ce qui encourage l’application à l’efficacité publicitaire. Les émotions ressenties grâce à la présence de l’animal De toute évidence, et au regard de la littérature, les émotions recouvrent des significations très diverses. Ainsi il est important d’isoler celles qui pourraient être induites par la mise en scène d’un animal lors d’une publicité audiovisuelle (télévision, cinéma) ou par sa présence dans le cas d’un support visuel statique (presse, affichage…). Pour ce faire seront mobilisées les études réalisées dans le champ de la publicité qui se donnent pour objectif d’identifier les 10 sentiments émotionnels exprimés à la suite de l’exposition de messages publicitaires (Derbaix, 1995 ; Batra et Olbrook, 1990 ; Aaker et al., 1988 ; Edell et Burke, 1987) et celles qui traitent de la mesure des émotions et discutent sur les échelles un et bipolaires. La littérature distingue trois types d’approche : l’approche discrète des émotions, l’approche continue et le Consumption Emotion Set (SET) de Richins (1997). L’approche discrète des émotions s’attache à définir et décrire chaque émotion, de manière indépendante. La théorie des émotions différentielles part du principe qu’il existe dix émotions fondamentales (sept négatives : la colère, le dégoût/dédain, le mépris, la honte, la culpabilité, la tristesse/détresse et la crainte ; deux positives : l’intérêt et la joie ; une neutre : la surprise ; Graillot, 1998 ; Izard 1977). Avec l’animal, la surprise active un sentiment de sympathie et provoque des sentiments d’amitié. Cette sympathie fait place à un important désir de complicité et pourrait influencer en chaîne le processus de mémorisation. Les publicitaires reconnaissent que le potentiel de sympathie généré par l’animal a une efficacité sur l’attention mais le risque est fort qu’il ne débouche sur aucun bénéfice pour la marque. L’échelle de Plutchik (1980) permet de catégoriser huit émotions de base (la crainte, la colère, la joie, la tristesse, l’acceptation, le dégout, l’espérance et la surprise). L’approche continue prône pour une vision multidimensionnelle des émotions (Isard, 1972, 1997 ; Mehrabian et Russel, 1974), qui introduit des effets combinatoires produits entre les émotions. Le modèle PAD (Plaisir, Activation, Dominance) de Mehrabian et Russel (1974) classe les phénomènes affectifs selon trois dimensions : le plaisir / déplaisir (le consommateur est motivé par le plaisir procuré par une riche expérience émotive. Par exemple, une personne triste va évaluer moins favorablement la possibilité pour une publicité de générer une sensation de plaisir. De même un individu gai va produire plus de cognitions positives à l’égard de la publicité que s’il était rendu triste) ; l’activation (forme d’apathie générée par le stimulus) ; le contrôle ou la dominance (exercé par l’émotion sur l’individu lui permettant d’agir de manière autonome ou contrôlée). L’illustration du SDF accompagné d’un animal est flagrante. En effet, grâce à un animal de compagnie, le SDF reçoit plus facilement de l’argent que s’il était seul à faire la manche. Faut-il y voir une dominance du donateur ou une dépendance face à l’intensité de ses émotions ? Enfin le CES de Richins complète les deux approches précédentes dans la mesure où le modèle se fonde sur un ensemble de mots familiers décrivant les réactions affectives les plus usuelles dans des situations de consommation distinctes. Seize dimensions sont étudiées1, 1 Anger (frustrated, angry, irritated), discontent (unfulfilled, discontented), worry (nervous, worried, tense), sadness (depressed, sad, miserable), fear (scared, afraid, panicky), shame (embarrassed, ashamed, humiliated), envy (envious, 11 mesurées chacune par deux ou trois adjectifs spécifiques. L’échelle est basée sur le calcul des similarités sémantiques des termes exprimant une émotion. Les relations d’influence entre les variables du processus d’attention et de mémorisation de la marque De plus en plus, la raison et la passion, le rationnel et l’irrationnel, la logique et l’émotion coexistent au sein du comportement du consommateur (Hetzel, 2002). C’est parce que le consommateur est à la fois guidé par sa raison et par ses émotions que la dimension émotionnelle prend une place importante dans la publicité. La publicité n’est pas seulement affaire de persuasion sur la base d’arguments rationnels, les émotions y prennent également toute leur place. En associant des images et symboles forts, la publicité émotionnelle cherche à nous faire aimer la marque dans le but de nous la faire acheter (Dubois, 1994). Au cours de l’exposition à une annonce publicitaire, les émotions éprouvées peuvent détourner l’attention du récepteur des informations envoyées en orientant son attention vers la source de l’émotion (Lombardot 2007 ; Clark et Isen, 1982 ; Gilligan et Bower, 1984). Cette forme de divertissement peut réduire la mémorisation de la marque dans la mesure où elle limite le traitement cognitif de l’annonce. A l’inverse, pour d’autres auteurs les messages à fort contenu émotionnel induisent une attention plus soutenue. Le processus de mémorisation de la marque et de reconnaissance est ici activé par la production de réactions affectives (Olney et alii, 1991 ; Pieters et Warmerdam, 1995 ; Ambler et Burne, 1999), qu’il est possible de structurer et d’organiser. Pour Hazlett et Hazlett (1999), des stimuli affectifs élevés ont une influence sur la mémorisation des marques en termes de notoriété spontanée et ceci durablement. Les recherches antérieures examinent le stimulus susceptible de fournir des réponses émotionnelles. Ces travaux se distinguent par leur double objectif : caractériser le stimulus activant l’attention ; sérier les réactions émotionnelles, de part et d’autre de l’attention. Sur le premier point, illustrons la variété des études menées : Lombardot (2007) introduit la nudité, Lacoste-Badit et al. étudient l’influence d’un film triste sur les réactions affectives, jealous), loneliness (lonely, homesick), romantic love (sexy, romantic, passionate) , love (loving, sentimental, warm hearted), peacefulness (calm, peaceful), contentment (contented, fulfilled), optimism (optimistic, encouraged, hopeful), joy (happy, pleased, joyful), excitement (excited, thrilled, enthusiastic), surprise (surprised, amazed, astonished), other items (guilty, proud, eager, relieved). La colère (frustrés, en colère, irrité), le mécontentement (inaccompli, mécontent), l'inquiétude (nerveux, inquiet, tendu), tristesse (déprimé, triste, misérable), la peur (effarouché, peur, panique), de la honte (gêné, honteux, humilié), l'envie (envieux, jaloux), de la solitude (solitude, le mal du pays), l'amour romantique (sexy, romantique, passionné), l'amour (amour, sentimentale, cœur chaleureux), le calme (calme, paisible), le contentement (content, rempli), l'optimisme (optimiste, encouragé, espoir), de la joie (heureux, heureux, joyeux), l'excitation (excité, heureux, enthousiaste), la surprise (surpris, étonnés, surpris), les autres éléments (coupable, fier, impatient, soulagé) 12 Goldberg et Gorn (1987) rajoutent dans leur expérimentation le film gai… En ce qui concerne la structuration des émotions, certaines semblent dominantes, d’autres secondaires. En conséquence, au même titre que la cognition suit un processus perceptuel, au cours duquel le traitement des stimuli sera sélectif (toutes les informations ne seront pas captées) et organisé (celles qui le seront, seront organisées en un construit global) (Filser, 1994), l’émotion se déroule en une suite de réactions affectives. Ainsi, il est possible de distinguer la première réaction, dont le but est de capter l’attention, et les autres réponses émotionnelles qui ont pour visée d’optimiser l’expérience émotionnelle. Notre questionnement repose sur le traitement émotionnel des arguments d’une annonce introduisant un animal ; l’attention prêtée à l’annonce a-t-elle une influence positive sur la mémorisation de la marque ? Si l’annonce utilisant un animal génère un surcroît d’attention, sur quels éléments se dirigent cette attention : vers un examen approfondi du message ou vers le scénario propre au message orienté sur le charme de l’animal ? Cette attention se traduira-telle vers une meilleure mémorisation de la marque, puisque attention et mémorisation sont positivement corrélés (Mehta et Purvis, 2006). Il nous apparaît intéressant de travailler empiriquement sur le niveau d’attention induit par l’animal en publicité et de comprendre les liens existants entre l’attention et la mémorisation de la marque. Les neurologues retiennent que ce sont les émotions, plus que les réponses cognitives, qui guident le processus d’attention et influencent la mémorisation (Mehta et Purvis, 2006). Emotions positives et négatives ne mobilisent pas les mêmes parties du cerveau et n’influent pas de manière identique les processus de décision et de mémorisation (Rolls, 2000 ; LaBar et Cabeza, 2006). Ainsi, à l’instar des travaux de Lombardot (2007) sur la nudité, nous identifierons l’émotion 1ère « phare », qui accentue l’attention et nous étudierons séparément l’influence respective des émotions positives et négatives sur la mémorisation de la marque. Le cadre conceptuel suivi est une adaptation de celui proposé par l’auteur (schéma 1). Schéma 1 : modèle théorique pris en compte 13 Réactions Emotionnelles négatives EXPOSITION 1ère Réaction émotionnelle post exposition Niveau d’ Attention Mémorisation De la marque Emotions positives METHODOLOGIE : RECUEIL DE DONNEES Nos choix méthodologiques sont clairement guidés par nos objectifs de recherche et par l’absence d’études mettant en scène l’animal dans la publicité. Pour améliorer notre connaissance des émotions ressenties suite à l’exposition de publicité utilisant l’animal et étudier leurs effets sur le processus d’attention et la mémorisation de la marque, nous cherchons à identifier les réactions émotionnelles agissant sur le niveau d’attention et à les situer au cours du traitement (post exposition ou post attention). L’enquête exploratoire de nature qualitative répond à nos attentes en termes de collecte de données. L’influence de ces émotions sur la mémorisation de la marque ne pourra se faire que dans une seconde phase quantitative dans le prolongement de cette première phase exploratoire. Elle vise principalement à vérifier notre présomption quant à l’efficacité potentielle des annonces publicitaires utilisant l’animal et à identifier et de sérier les émotions exprimées de part et d’autre de la phase d’attention. Quel type d’affect influence le processus d’attention : la surprise, la sympathie ? Quelle dimension émotionnelle positive et négative impacte la mémorisation de la marque ? Pour ce faire, 19 entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès de deux types d’individus : les propriétaires d’animaux domestiques et les non propriétaires. Cette forme d’implication face au sujet traité est un déterminant majeur de la façon dont l’individu traite un message publicitaire (Petty et Cacioppo, 1981). Nombreuses études montrent l’existence d’un lien étroit entre implication et efficacité publicitaire (Baker et Luts, 2000). 14 Construction méthodologique et mode opératoire (Modalités de collecte des informations, de traitement et d’analyse des données) La construction méthodologique est articulée autour de trois phases successives. 1- La première étape consiste à sélectionner les stimuli : Les chercheurs ont présenté deux vidéos et une affiche afin de susciter des réactions émotionnelles chez les participants. L’exposition à trois annonces publicitaires différentes a été choisie car elle permet l’induction des émotions sans attirer l’attention sur le produit et la marque. Par ailleurs les médias se complètent : les deux annonces télévisées ont l’avantage d’être dynamique ; l’affiche bien qu’elle soit statique est inconnue du grand public et a été créée pour les besoins de l’enquête. L’ensemble permet de produire de nombreuses émotions. Les vidéos et affiche sont retenues pour la tonalité émotionnelle distincte qu’elles expriment. Elles sont proposées selon un ordre immuable : affiche sur le lancement d’un drive ; vidéo pour la promotion d’une canette Pepsi ; vidéo sur Actimel. L’affiche, n’est pas diffusée dans la presse et est l’œuvre de notre création. Elle a cependant été proposée à un groupe d’étudiants afin de vérifier sa crédibilité et son réalisme. Elle communique sur l’ouverture d’un magasin Drive en centre-ville et insiste sur les motivations majeures relevées pour l’usage de cette formule de distribution : « Grâce au Drive, mes courses ne sont plus une contrainte ». Une photo couleur présente un golden retriever, à l’avant d’une décapotable, qui accompagne sa maîtresse pour récupérer ses courses avec le texte : « Dorénavant, tout le monde pourra en profiter ». En haut de l’affiche, en noir et blanc, on présente un labrador couché devant le magasin à attendre. Le rôle attribué à l’animal est celui du complice de l’homme. La seconde annonce publicitaire présente un chien qui mange le sandwich et boit la canette de son maître pendant son absence et fait porter le chapeau au chat. Le produit commercialisé est une canette de Pepsi. Dans cette vidéo, l’animal est placé au cœur d’une situation de vie courante et remplit également le rôle de complice de l’homme. Le ton est ici humoristique, l’animal est muet mais quelques bruitages animent la situation. Une musique rythmée (style country) accompagne la vidéo. La publicité est anglo-saxonne, jamais diffusée en France. La dernière vidéo propose des images réelles d’animaux sauvages protégeant leurs petits : une maman kangourou, une baleine, des lionnes et une ourse polaire. La publicité se termine avec une maman qui offre de l’Actimel à sa petite-fille ; la petite fille rend la pareille à sa maman 15 car Actimel est également recommandé pour les grands. La signature du spot « protéger est le plus naturel des gestes » s’appuie sur l’animal pour vendre son produit : l’animal constitue un argument qui prouve la véracité de ce qu’affirme Actimel, censé être un produit bon pour la santé et naturel. Une musique douce accompagne la vidéo, l’ensemble des personnages est muet. 2- De toute évidence, nos efforts d’éclaircissement vont d’abord porter sur les diverses expressions textuelles utilisées dans les discours. Pour amener les répondants à exprimer librement leurs émotions, nous avons élaboré un guide d’entretien. Pour introduire le sujet, nous avons présenté les trois thèmes de réflexion en occultant les produits et les marques : La distribution ou les courses ordinaires et les produits alimentaires (boissons et produits lactés). La consigne était de laisser l’affiche devant le répondant et de visualiser chaque vidéo deux fois successivement. Pour chaque publicité, les participants ont été invités à s’exprimer sur : Leur opinion sur la publicité : Ce qu’ils pensent de la publicité, ce qu’ils ressentent, ce qui leur plait, déplait, ce qu’ils retiennent, ce qui les marque… Leurs réactions, leur évaluation et les aspects qu’ils souhaiteraient modifier : ce que l’affiche ou les spots leur apportent. Les adjectifs qualifiant cette publicité La présence des animaux mis en scène dans la publicité La cohérence entre l’animal et le produit, la marque ou la situation Les adjectifs qualifiant l’animal mis en scène 3- Une analyse de contenu thématique a été élaborée par les deux chercheurs de manière indépendante de manière à isoler l’interprétation subjective du chercheur. Constitution du panel : le comportement du possesseur de l’animal Selon un sondage Ipsos2, plus d’un français sur deux possèdent un animal de compagnie et ils sont 90% à considérer qu’il fait partie intégrante de la famille. A partir du moment où l’homme prête une signification affective au comportement de l’animal, il est possible de parler d’animal familier, car les conditions sont créées pour qu’il soit considéré comme faisant partie de la famille. En conséquence le niveau d’implication du sujet doit être intégrée 2 Sondage réalisé à la demande de 30 millions d’amis en 2005 16 dans notre étude et considéré comme une variable de contrôle. La constitution du panel respecte ce choix méthodologique (tableau 2). Tableau 2 : Présentation de l’échantillon Prénom Age Situation, nombre d’enfants au foyer Profession ANGELIQUE 29 ans En couple, 3 enfants Aide-soignante ANTOINE 38 ans Marié, 2 enfants Animateur socioculturel BORIS 23 ans Célibataire CORINNE GENEVIEVE 57 ans 61 ans GERARD Sensibilité à l’Animal Lieu d’habitation Vit à Soubran Employé Un chien, une basse-cour Sans animaux, (auparavant avait 1 chien) Sans animaux Mariée Mariée Agent EDF Commerçante Un chien 2 chats 59 ans Marié Retraité Edf HERVE 47 ans Marié, 2 enfants Cadre commercial Sans animaux, (auparavant avait 1 chien) 1 chat depuis 2 ans, auparavant divers chats Vit à Ste Adresse Vit à Nieul le Virouil Vit à Ste Adresse JEAN-CLAUDE 65 ans Marié Agriculteur retraité JULIE 25 ans Célibataire KATIA 43 ans Mariée, 2 enfants Ingénieur qualité agroalimentaire Enseignante de français dans un collège LAURENT 40 ans Marié, 2 enfants Enseignant de SVT dans un collège 1 chien depuis 2 ans, auparavant avait 1 chat MAGALIE 61 ans Mariée MANON 40 ans Mariée, 3 enfants (18, 20, 22 ans) Collaboratrice agriculteur retraitée Employée administrative 2 chiens, une basse-cour 1 chat MARTINE 62 ans Célibataire Bibliothécaire Vit à Nieul le Virouil PASCALE 44 ans En couple sans enfant Employée PAULA SOPHIE 25 ans 20 ans Vit en couple Célibataire Etudiante apprentie Étudiante 1oiseau, 1 cochon-dinde, 1chat, 1 chat (maine coon) Sans animaux Avec 1 chat chez ses parents VALERIE 48 ans Célibataire, sans enfant Employée administrative VINCENT 29 ans Vit en couple Cadre commercial Ne possède pas d’animaux (auparavant avait 1 chat) Sans animaux Vit dans un appartement en à Villefranchesur-Saône Vit au Havre 2 chiens, une basse-cour Sans animaux Ne possède pas d’animaux Vit au Havre Vit avec ses parents à de Strasbourg Vit en maison dans un village proche de Strasbourg Vit à AllasBocage Vit à Issy-lesMoulineaux Vit en maison dans un village proche de Strasbourg Vit en maison dans un village proche de Strasbourg Vit à AllasBocage Vit en maison dans un village proche de Mulhouse Vit à Strasbourg Vit au Havre Vit en colocation à Lyon 17 Les interviewers ont été sélectionnés de manière à diversifier les discours (Miles et Huberman, 1994) selon l’implication / sensibilité à l’animal (possession ou non d’un animal domestique), l’âge, le sexe, la profession et le lieu d’habitation (Appartement / maison individuelle ; centre-ville / village). Dix-neuf personnes ont été interrogées à leur domicile. Dès que la saturation sémantique était obtenue les chercheurs ont démarré l’analyse. Les entretiens ont duré de 1h à 1h30. RESULTATS, DISCUSSION ET CONCLUSION Les résultats portent sur trois aspects précis : D’abord, nous présenterons une typologie des réactions des récepteurs face à la publicité mettant en scène des animaux. Ensuite, notre questionnement sur l’effet de la présence d’un animal sur l’attention sera éclairé et argumenté par des extraits de discours. Enfin, nous identifierons certaines émotions relatées par les répondants. L’ensemble nous permettra de proposer un modèle d’analyse adapté à notre question de recherche. Les diverses réactions face à une annonce publicitaire mettant en scène l’animal Les typologies que proposent les chercheurs sont fondées sur les sentiments et opinions opposés des interviewés face à la publicité mettant en scène des animaux. Trois catégories de réaction sont mises en exergue. En fonction de sa perception de l’annonce publicitaire, un individu peut : - faire preuve d’anthropomorphiste/humaniste : Cette distinction repose largement sur le capital sympathie qui peut être activée ou pas par la publicité avec l’animal. Elle sera repérée particulièrement avec l’affiche proposée. - Ou être enchanté/désenchanté : Cette différenciation s’appuie sur l’humour et la surprise générés par la mise en situation de l’animal. Elle sera bien identifiée dans le spot Pepsi. - Ou crédule/incrédule : Cette séparation se fait sur l’acceptation ou le rejet de la publicité. La publicité Actimel est l’exemple type de ce cas de figure. Tout récepteur peut se focaliser sur l’une, l’autre ou l’ensemble des trois dimensions proposées. 18 1- L’anthropomorphiste/humaniste La principale différence est l’opposition anthropomorphiste / humaniste, dont la nature est relationnelle et sociale. Le récepteur anthropomorphiste qui attribue facilement aux animaux des sentiments humains et qui leur prête des intentions humaines affiche tout naturellement un attachement à l’animal : « Il a les mêmes sentiments que toi » ; « Ca humanise le chien ». L’image du chien faisant ses courses au Drive avec sa maîtresse, bien que décalée par rapport au service proposé, amuse et séduit. Le capital sympathie que l’anthropomorphisme manifeste pour l’animal familier suscite son intérêt pour des publicités donnant un rôle d’acteur à l’animal : « Le chien est un meilleur acteur, il fait tout content ». Il accepte la place prise par l’animal, estime son rôle de complice de l’homme et se laisse séduire par les sentiments que lui renvoient les animaux mis en scène : « Là, il n’a pas du tout une vie de chien, il est épanoui, à l’aise, à l’avant d’une décapotable ». La publicité est jugée tout autant sur son esthétisme que sur l’aspect humain et animal qu’elle valorise : « Ils pourraient faire pareil avec les gosses ! ». La transposition est acceptée. Dans nos sociétés modernes, l’animal familier prend une place de plus en plus importante, il est celui à qui l’on confie ses secrets, qui ne juge pas, qui est fidèle, qui apaise l’homme face aux difficultés du monde moderne : « Un animal de compagnie, il fait partie de la famille ». On transpose alors sur l’animal le caractère humain : « Dans l’image, c’est l’animal qui humanise l’image et pas l’homme ». L’anthropomorphisme est largement utilisé en publicité : « Tu t’identifies au chien ». Toby, le chien du Crédit Mutuel est le confident de son maître qu’il semble approuver ; le maître le traite en égal : « T’es pas un chien toi, t’es mon Toby ». Nombre de répondants se retrouvent dans ce genre de réflexion : « J’ai eu un animal, je l’ai accepté comme un être à part entière ». L’anthropomorphiste a du mal à accepter un mauvais rôle pour l’animal, il se met à la place de l’animal : « C’est choquant, qu’il enlève le sandwich pour mettre le chat dans l’assiette ». Il est d’ailleurs fait une différence entre l’animal familier qui partage notre vie et l’animal sauvage. Si le premier semble intégré dans nos sociétés, l’homme a des devoirs visà-vis de lui : « Le chien dehors comme si on abandonne quelqu’un de sa famille », le deuxième suscite le respect, l’admiration, la vraie nature : « Un côté vrai, un côté pur, une sorte de beauté de la nature, de beauté naturelle ». L’assimilation du règne mammifère à la race humaine est plaisante et justifiée. Il est la référence pour l’humain : « L’animal vient au secours des êtres humains. On se dit intelligent… mais les animaux nous donnent des leçons ! On se penserait presque inférieur à l’animal puisqu’on le prend comme modèle, il est la référence ! ». L’animal est intégré : « L’utilisation de l’animal en publicité, c’est l’intégrer parmi nous, dans notre société ». 19 En opposition l’humaniste discerne la vie animale de l’humain, pointant ainsi les visions stéréotypées transmises dans les annonces : « C’est la vie des animaux ». Un récepteur humaniste rappelle que l’animal n’est pas l’égal de l’homme : « On voit un chien dans la voiture à la place d’un homme ; je le verrais bien à l’arrière mais pas à l’avant, ce n’est pas sa place ! » ; « … mais un enfant aurait été mieux car c’est un membre de la famille. Le chien n’a pas la place d’un humain dans la famille ». Pour l’humaniste, chacun doit tenir sa place : « Moi je suis contre le fait de mettre des animaux parce que je pense qu’ils sont mieux dans le jardin ».Une certaine fausseté relative aux comportements humains lorsqu’ils sont comparés à ceux des animaux est fréquemment notée. L’assimilation et la confusion des genres appauvrissent l’Homme, sa condition et la société en générale. « Ringard le toutou à sa mémère, nénette coconne avec son chien devant, pauvre clébard… » ; … le chien n’apporte rien » ; « Je n’aime pas car cela donne un mauvais exemple, on ne met pas un chien sur le siège avant d’une voiture ! ». Souvent la présence même d’un animal dérange : « La présence du chien dans cette publicité est dérangeante car il n’a pas lieu d’être ». L’humaniste n’est pas attiré par le côté enchanteur, paradisiaque, idyllique, beau certes mais irréel et inadapté des animaux, aux motifs qu’ils sont déconnectés de leur environnement et animés par des réactions maîtrisées et comportements domestiques, éduqués : « Ceci n’est pas réaliste, inadapté, Je n’arrive pas à comprendre. Cette affiche ne passe pas ». La forme interrogative est souvent utilisée pour évoquer la réprobation : « Que fait le chien ? Ce chien n’a pas la place d’un humain ». Loin du caractère sauvage ou primaire de l’animal, le message que ce dernier tente de relayer est le manque de crédibilité « On ne voit pas les griffes de l’ours ». L’humaniste rejette l’aspect moralisateur de l’annonce. Il rejette la substitution de l’homme par l’animal « L’animal est considéré comme un enfant, cela m’agace, l’anthropomorphisme me déplaît », et trouve affligeant qu’un humain ne soit qu’une copie de l’animal. L’humaniste rejette les émotions fortes : « Avec le chien, elle n’évoque rien du tout ». 2- L’enchanté/désenchanté Cette catégorie oppose clairement les récepteurs qui sont enchantés face à une publicité qui tourne en dérision le produit et ceux qui sont désenchantés face à la publicité mettant en scène des animaux et ne sont pas convaincus de leur usage. Cette dimension se focalise sur la situation de vie évoquée dans la publicité et la façon dont elle est présentée : « Ça donne un côté conte parce que dans les contes, l’animal est mis en scène à l’égal de l’humain ». Le spot Pepsi est volontairement en décalage, le lien entre l’animal et le produit n’est pas recherché. L’objectif est de reproduire une scène humaine amusante : « C’est en gros le grand frère avec 20 la petite sœur ». Pepsi joue sur l’humour : « Celle-là, elle me fait rire » et crée un effet de surprise sur le produit : « La présence de l’animal par rapport au produit n’est pas cohérente mais c’est ce qui fait le côté burlesque de la chose ». La publicité a pour objet de capter l’attention : « Ah oui, si on la voit à la télé, la pub là, on va la reconnaître » ; « Là, on la retient, elle sort de l’ordinaire » ; « C’est le genre de publicité que tu retiens beaucoup plus parce que ça fait rire ». Certains répondants assimilent la vidéo à un « petit film », suggérant un début et une fin. L’histoire diffusée captive lorsqu’elle est construite, courte et se termine par une chute imprévisible et improbable : « Tu te demandes comment cela va finir. Je ne m’attendais pas à ce qu’il mette un chat à la place du steak pour le faire accuser, c’est du suspense. Je m’attendais à ce que le gars revienne ». Elle suggère une moralité « le fautif n’est pas celui que l’on croit ». La publicité est là pour tenir en haleine, on attend la chute, elle capte l’attention : « C’est marrant de voir que le chien a remplacé le sandwich par le chat, c’est une petite conclusion ». L’enchanté apprécie de voir l’animal en situation, en acteur : « C’était un peu fiction parce que Pepsi aime bien faire des pubs décalés, ça sort du lot ». L’imagination de la publicité Pepsi active des sentiments positifs vis-vis de la marque : « Ça me donne envie de m’acheter une canette de Pepsi ». L’enchanté prend le message au second degré : il s’amuse des interdits « On te rend sympathique un modèle de conduite qui ne l’est guère », apprécie la dérision et les détournements de situations. L’humanisation de l’animal est acceptée car la scène de vie proposée est imaginaire et relève de la fiction : « L’animal est acteur, il est bien utilisé de façon humoristique. Il fait la promotion d’un produit destiné à l’humain, c’est incohérent mais cela me séduit car elle est tournée en dérision » ; « Il y a une vraie assimilation. Quand il boit, c’est un glouglou d’homme que l’on entend et non un lapement d’un chien ». Il aime cet humour décalé, il apprécie une situation fun, jeune et regrette qu’on n’utilise pas ce genre de publicité en France : « En France, les publicités Pepsi, ça me donne pas envie, ça fait un peu racaille, c’est tout le contraire dans cette publicité ». Pour cela, l’individu peut utiliser une référence qui traduit une interprétation décalée. Ce décalage est acceptée car la situation reste imaginaire et fictive : « C’est une référence au cartoon, avec Tom qui poursuit Jerry. On prête aux animaux des intentions humaines. Au moins c’est drôle ». Par opposition, le désenchanté prend le message au premier degré et ne se laisse pas séduire par le décalage produit/animal. Dans ce genre de fiction, la publicité obéit à une logique d’acteurs, avec des liens cohérents entre les personnages, la situation évoquée et les stimuli. S’il ne perçoit pas l’ensemble, il est désenchanté : « La musique ne me plaît pas, donc la pub 21 ne me plaît pas. Ni le chien, ni le chat ne semblent adéquats pour montrer la gourmandise pour Pepsi. Cette mise en scène n’est pas très judicieuse ». L’annonce publicitaire est appréciée ou critiquée pour sa mise en scène : « Pourquoi tout ce cinéma ? ». Cette opposition s’exprime souvent au travers d’une incompréhension quant à l’utilisation de l’animal, ne s’agissant pas de produit pour chiens ou chats : « Je n’ai pas compris, que vient faire le chat ? Je n’aime pas, on se sert de l’image de l’animal pour vendre. » ; « Je n’aime pas trop, je ne comprends pas pourquoi ils ont utilisé le chien. Ça me dérange » ; « Là on se sert des animaux pour faire de la pub, je ne sais pas si c’est bien ou pas » ; « On se sert des animaux d’une manière infondée ». Un manque de réalisme est reproché : « Que le chien se serve, je veux bien, mais ce n’est pas réaliste ». La publicité est rejetée lorsque la situation est interprétée au premier degré : « C’est dérangeant. Même devant des enfants, mettre le chat dans une assiette. Je dirais même que pour les enfants, c’est vexant ». La dichotomie enchanté/désenchanté insiste sur les décalages observés, tantôt plébiscités, tantôt dépréciés : « Je ne vois pas l’intérêt du chien, c’est comme les nanas nues pour les voitures. Décalage image produit » indique un désenchanté. « Cette publicité est stupide, le chien nuit à la pub, je n’aime pas ». Le désenchanté est vite déçu par l’annonce, voir choqué : « C’est choquant qu’il enlève le sandwich pour mettre le chat dans l’assiette ». Il est intéressant de noter que l’acceptation des récepteurs enchanté/désenchanté déclenche également une attention particulière à la publicité, le divertissement apporté ne semble pas limité le traitement cognitif de l’annonce. En effet, nous avons constaté dans notre enquête que tous étaient capables de citer la marque Pepsi. 3- Le crédule/l’incrédule Avec la publicité Actimel, tous sont sensibles à la beauté des images, la beauté des animaux, à l’idée d’amour maternel, de protection : « Quand je la vois, ça me fait tout drôle, je trouve ça super joli ». Le style documentaire animalier captive : « C’est limite, tu n’aurais pas envie que la pub s’arrête ». Les mots sont systématiquement positifs, quel que soit l’interlocuteur sur la 1ère partie du spot. Mais le sens même de la publicité ne semble pas évident : « Elle doit faire appel aux industriels pour protéger sa fille. C’est-à-dire qu’elle paraît impuissante devant la nature ». Ensuite, si le crédule accepte le film jusqu’à la fin : « La maman protège son petit mais elle veut qu’il ait quelque chose de bon, pour lui », l’incrédule est très sévère : « On se sert de quelque chose qu’on devrait pas utiliser pour ce genre de chose, pas pour un produit, pas pour de l’argent ». L’incrédule oppose le côté naturel et vrai des animaux au côté fictif de la mère et de la fille qui joue un jeu d’acteur : « La gamine et la mère, ça casse un 22 peu le truc, ça fait tout de suite faux, on passe d’images très belles à un truc dans la cuisine ». Même si elle captive, le récepteur peut se montrer septique lorsqu’il n’est pas convaincu par la présence de l’animal et très critique lors de son jugement : « On se sert d’une émotion forte pour faire de la publicité et je n’aime pas ça du tout, c’est du mensonge. C’est malsain, caricatural, limite comique. Je m’attendais à une pub pour la protection des animaux. Elle est paradoxale, on compare relation des animaux avec les relations humaines, ce qui n’a strictement rien à voir ». Cette dimension, de nature psychologique, peut être définie comme un niveau de scepticisme/enthousiasme à l’égard de la publicité, qui générerait un degré de défiance/confiance vis-à-vis du message et du produit. Elle est perçue comme une sorte de déviance du récepteur à l’égard de la marque et du produit, qui voit dans le message une réelle volonté de tromper le consommateur : « Donner de l’Actimel, c’est un geste naturel : cela m’énerve. Je n’aime pas cette pub, ils abusent trop. C’est du pur marketing. Je suis déçue. La mère et la fille, trop faux. C’est une mauvaise image du produit » ; « Le rapport entre la mère et la fille, sonne faux, ça casse le truc. L’industrie agroalimentaire est aux antipodes de la nature, ils font passer un message qui est un peu faux ». Il y voit une volonté de manipuler le consommateur : « Pas de lien entre le produit et les animaux, décevant car c’est une forme de manipulation » ; « C’est disproportionné par rapport au produit, le décalage tombe à plat, je pensais à une cause mondiale » ; « Le décalage me met mal à l’aise, notamment lorsque la pub dessert l’animal utilisé » ; « C’est sur joué, ça décrédibilise, on est dans l’exagération ». Pour l’incrédule, on note une gène, un véritable rejet de la publicité : « Ils sont utilisés pour une mauvaise cause. C’est à cause de la surconsommation humaine qu’ils sont en voie d’extinction et on les utilise pour consommer encore plus et finalement pour encore plus les exterminer ». Enfin, le fait de ne pas comprendre l’intervention de l’animal rend la lecture de la publicité plus complexe, ce qui nuit à sa crédibilité : « Je suis sceptique, cela m’inspire moins, je ne la trouve pas appropriée et pas adaptée. C’est un yaourt, je ne vois pas le rapport entre les animaux qui se protègent et Actimel » ; « C’est ambigu, c’est bien compliqué » « Pour moi, elle est inadaptée. On veut compliquer ». Les effets de l’introduction des animaux sur l’attention Quel que soit la place attribuée par l’animal en publicité, il n’en reste pas moins que sa présence retient l’attention. La mise en situation des animaux dans la publicité interpelle le récepteur, attire le regard et nous l’avons vu, le captive : « La présence des animaux n’apporte rien à la connaissance du produit ou son efficacité, elle attire juste l’attention » ; 23 « … oui le petit côté solidarité des animaux, cela attire l’œil » ; « Grâce aux animaux, je la regarde en entier car j’attends de voir ce qu’il va se passer. ». A ce titre, la première incidence se manifeste par un surcroit d’attention vis-à-vis de la publicité, synonyme d’efficacité publicitaire. A n’en pas douter, la présence de l’animal active l’attention « Les animaux sont un sujet sensible, mais je ne pense pas que l’on peut faire tout et n’importe quoi ». Certains soulignent le caractère innovant de cette approche publicitaire : « On en voit pas beaucoup dans les publicités, ici c’est l’acteur principal » et le compare à la nudité en publicité. Bien que les deux registres soient foncièrement différents, ils ont le mérite de proposer une association au produit très spécifique car décalée, mais visible. « Je n’ai pas vu la fille, quasiment pas ». Seul l’animal augmente l’intérêt et l’attention. Pour autant, cette combinaison d’un animal à un produit peut déplaire dès lors que le produit ne le concerne pas : « La présence des animaux est sans intérêt dans une publicité dès lors qu’il s’agit de produits consommés par les humains. Ce n’est pas l’objet de la publicité » ; « La comparaison me déplait ». Le problème se pose lorsque le récepteur cherche à trouver sa propre place dans la publicité et à s’identifier à l’acteur principal. Cette combinaison animal/produit peut parfois susciter l’enthousiasme, une identification à l’animal. Pour d’autres, l’alchimie est plus complexe et on peut noter une indifférence. Pour certains, la présence de l’animal se justifie pour la promotion de produits qui leurs sont destinés. Elle est moins congruente pour des produits réservés aux humains. Le second enseignement issu de notre étude exploratoire concerne la multitude des interprétations que les répondants sont amenés à exprimer. En théorie, le rôle informatif qui prévaut à la publicité, exige d’elle qu’elle soit expressive, directe et compréhensible. Certains discours montrent que le récepteur s’interroge sur le lien entre l’animal et le produit qu’il ne consomme pas. Pourtant, le décalage animal/produit, avec l’animal-acteur, donne une image plus jeune, plus fun de la marque. Quelle que soit la publicité proposée (Drive, Pepsi ou Actimel) les lectures sont multiples et variées. Elles rendent notre analyse complexe. Le troisième enseignement provient de l’apport indéniable d’une publicité humoristique. Dans notre étude, la publicité Pepsi est incontestablement celle qui est la plus appréciée. Cela démontre qu’en France les publicitaires se trompent en limitant les spots humoristiques intégrant un animal-acteur. Elle suscite l’attention et donne une image dynamique à la marque en même temps qu’elle la rajeunit. L’animal représente-t-il un indice émotionnel fort ? 24 Une fois l’attention captée, certaines réponses émotionnelles sont exprimées. L’objet de notre recherche est clairement d’identifier leur nature. La difficulté d’amener le répondant à exprimer spontanément ses émotions s’est vérifiée au cours de notre étude. Avec la présence de l’animal, si une émotion est révélée, elle est fréquemment positive. L’émotion négative puise ses racines dans deux positions diamétralement opposées : soit la présence de l’animal est rejetée sous prétexte qu’elle n’apporte rien, soit la publicité est rejetée car elle va à l’encontre de l’intérêt de l’animal. L’animal intelligent est apprécié. Cet acteur peut se permettre de faire ce que l’humain ne peut pas s’autoriser : « Avec des enfants on n’aurait pas le même sentiment. Ce serait énervant ». Au travers de cet extrait, on comprend que la place de l’émotion peut être positive avec l’animal mais négative s’agissant de relation entre humains, pour la même situation. Ceci étant dit, nous relevons que pour certains l’animal, idéalement choisi pour sa bonhomie, génère un capital sympathie : « C’est aussi un chien plutôt sympathique » auquel on attribue une certaine proximité « ils auraient pu mettre Beethoven pour son côté convivial ». Tableau 3 : identification des émotions positives exprimées Emotions exprimées Plaisir Sympathie Attachement Surprise Réactions émotionnelles positives J’ai pris plaisir à la revoir une seconde fois ; tu as envie de regarder la suite ; cela m’inspire un plaisir visuel Elle est sympathique Sympathie oui, de l’enthousiasme c’est trop fort Ca renforce la sympathie de la pub. Ca donne vraiment une touche de sympathie Oui un peu attachant Ils ont l’air attachant Je me sens plus attachée à cette publicité car la relation mère / enfant est belle La surprise de la chute De la surprise car on s’identifie et on ne s’attend pas à ce qu’il réagisse comme cela. Il camoufle sa bêtise, il est malin. Surprise car elle sort du lot. 25 Reprenant l’ensemble des conclusions de notre étude, nous proposons un modèle théorique adapté à l’étude de l’efficacité publicitaire mettant en scène des animaux. Réaction émotionnelle Neutre : surprise EXPOSITION Sympathie initiée par la présence de l’animal Niveau d’ Attention Mémorisation De la marque Réaction émotionnelle : plaisir/déplaisir CONCLUSION L’affiche sur le Drive avec le chien à l’avant d’une décapotable peut séduire grâce à l’animal, tout en permettant de bien identifier le service proposé. Le capital sympathie joue particulièrement bien sur les uns. Pour les autres, la présence de l’animal est dérangeante, il n’a rien à faire dans cette publicité et lui nuit. Le spot Pepsi suscite un intérêt évident et permet, le plus souvent, de mémoriser la marque. L’effet de surprise se retrouve chez les enchantés (surprise amusée) et chez les désenchantés (surprise désagréable). L’humour mettant en scène l’animal permet, dans tous les cas, de retenir le nom de marque. Le spot Actimel, s’il suscite pour tous des émotions positives lors de la diffusion d’images très belles d’animaux protecteurs de leurs petits dans la nature, peut parfois générer un rejet violent, un sentiment de manipulation. Et surtout, dans tous les cas, malgré une publicité vue et revue, le nom de marque n’est pas souvent retenu : « Je l’avais déjà vu mais je ne me souvenais plus du produit ». Ainsi, l’effet de surprise générée par l’humour permet de passer, sans difficulté, au produit et semble, dans le cas étudié, permettre de retenir plus facilement le nom de marque. Par contre, l’effet de surprise crée par la volonté de s’approprier des caractéristiques animales, censées 26 être nobles, peut susciter chez certains un profond rejet de la publicité qui cherche à comparer un produit industriel avec la nature. Dans tous les cas, même si l’assimilation aspect protecteur de l’animal et aspect protecteur du produit passe bien, la captation du spectateur par la beauté des images empêche la mémorisation du produit. L’émotion négative n’est pas toujours due au rejet de l’animal en publicité mais également au rejet d’une utilisation préjudiciable à l’animal. En fait, on peut ne pas rejeter une situation totalement décalée, humoristique de l’animal-acteur, sans lien direct avec le produit, tout en rejetant une publicité qui cherche à utiliser des émotions fortes : « L’amour maternel est universel » pour déboucher sur un produit qui s’approprie indument des qualités protectrices non vérifiées scientifiquement. BIBLIOGRAPHIE Abe J.A. et Izard C.E. (1999), The developmental functions of emotions: an analysis in terms of differential emotion theory, Cognition and Emotion, vol. 13, n°5, 523-549. Aaker D.A., Stayman D.M. & Vezina R. 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