Le Maroc, libéré de toute occupation étrangère après la reconquête de Mazagan qui marque la fin
définitive du Maroc portugais en 1769, fut le premier Etat à reconnaître l’indépendance des Etats-
Unis en 1777. Le sultan Mohammed III établit une amitié épistolaire avec George Washington, ce
qui vaut aux États-Unis, en vertu de la "politique de la porte ouverte", de conclure avec le Maroc
un traité de paix, d'amitié et de commerce le 16 juillet 1786, pour une durée de cinquante ans,
renouvelé par le traité de Meknès de 1836), sont un pays jeune, comptant quelques 240 ans
d’histoire. Le paradoxe est que l’adoption de la Constitution américaine en 1787 en fait l’une des
premières démocraties du monde.
Cette précocité politique, qui doit cependant beaucoup à la France des Lumières et à l’aide militaire
de Lafayette, a alimenté, avec « l’esprit pionnier », la mythologie de la « destinée manifeste ».
L'expression Manifest Destiny est apparue en 18452 dans l'article du journaliste new-yorkais John
O'Sullivan, paru dans le United States Magazine and Democratic Review, à l'occasion de l'annexion
du Texas. O’Sullivan utilisa cette expression pour décrire le caractère « de droit divin » de
l’irréversible colonisation du continent nord-américain par les Anglo-saxons de la côte Est. Il déclare :
« C'est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent confié par la Providence pour le
libre développement de notre grandissante multitude. » (« It is our manifest destiny to overspread
the continent alloted by Providence for the free development of our yearly multiplying millions »). La
destinée manifeste des États-Unis est de repeupler le continent et d'y implanter leurs institutions,
parce qu'elles sont supérieures à celles venues d'Europe. Cette Manifest Destiny implique pour eux
une mission à remplir, une sorte de mystique de l'expansion, qui marquera culturellement et
politiquement les États-Unis. Les diverses manifestations de la Destinée Manifeste ne font que
refléter des tendances profondes de la société et de l'idéologie américaines, à savoir l'affirmation
d'un messianisme qui puise ses racines dans la certitude d'une mission à remplir. Mais son
accomplissement et la réalisation des États-Unis sous leur forme moderne est également due à une
série de causes économiques et sociales.
Cette mythologie particulière est encore d’une certaine manière au cœur d’une certaine pensée
messianique américaine. Au XIXe siècle, elle s’accompagne la « doctrine Monroe » :
Le 2 décembre 1823, lors de son septième message annuel au Congrès, le président américain
républicain James Monroe prononce quelques phrases plus particulièrement destinées aux
puissances européennes :
- l'Amérique du Nord et du Sud ne sont plus ouvertes à la colonisation ;
- toute intervention européenne dans les affaires du continent sera perçue comme une
menace pour la sécurité et la paix ;
- en contrepartie, les États-Unis n'interviendront jamais dans les affaires européennes.
Au début du xxe siècle, Theodore Roosevelt (1901-1909, l’inspirateur du « Teddy Bear ») prononce «
le corollaire de la doctrine de Monroe ». Ce discours ne prône plus une neutralité absolue, en
affirmant que le pays ne souffrirait pas que l'on s'oppose frontalement à ses intérêts. Il permet aussi
de justifier les désirs d'expansion nordaméricaines vers l' Amérique latine. Ce corollaire a provoqué
l'indignation des dirigeants européens, notamment l'Empereur allemand, Guillaume II.