
Tom Hope a suivi le comportement intracellulaire de parti-
cules du VIH1 marquées par une protéine de fusion GFP-
Vpr fluorescente incorporée dans les particules virales par
surexpression en trans dans les cellules productrices. L’uti-
lisation d’une technique particulière d’infection par centri-
fugation a permis d’augmenter le nombre de virions fusion-
nant à la membrane plasmique des cellules cibles, et donc la
quantité de matériel viral présent dans le cytoplasme des
cellules infectées et visualisable par épifluorescence. La
micro-injection de dUTP fluorescents dans les cellules ci-
bles permet d’identifier, après incorporation à l’ADN viral
néosynthétisé, les complexes nucléoprotéiques viraux
compétents pour la rétrotranscription. Même si les expé-
riences ont été réalisées sur des cellules adhérentes de type
HeLa afin de mieux délimiter chacun des compartiments
cellulaires, ces différents procédés ont permis, pour la
première fois, de visualiser des complexes de rétrotrans-
cription fonctionnels et de suivre leur dynamique dans le
cytoplasme de cellules infectées. Les résultats obtenus
montrent que les particules virales marquées migrent le
long des microtubules par un mécanisme dépendant du
moteur microtubulaire dynéine et s’accumulent rapidement
dans une région périnucléaire, située dans la proximité du
centre organisateur des microtubules, ou centrosome. La
vitesse de migration des complexes est évaluée à environ
1lm/s. Les auteurs ont également pu analyser la structure
des complexes durant leur transit vers le noyau, grâce à
l’utilisation d’une technique consistant à aligner les images
obtenues successivement au microscope à fluorescence
puis au microscope électronique. Les particules contenant à
la fois GFP-Vpr et des dUTP fluorescents apparaissent, en
microscopie électronique, sous une forme cylindrique
d’une longueur comprise entre 400 et 700 nm et d’environ
100 nm de diamètre. Ces complexes cylindriques semblent
reliés aux microtubules par une structure similaire à celle
observée entre les microtubules et les capsides du virus
herpès simplex de type 1 [14]. À noter que ces observations
diffèrent considérablement du diamètre des CPI estimé à
56 nm après purification par des approches biochimiques
[6]. Bien que les techniques utilisées dans cette étude
apportent des arguments directs en faveur d’un mécanisme
actif de routage intracytoplasmique du CPI le long du
réseau microtubulaire, comparable à celui décrit pour
d’autres virus, leur optimisation devra confirmer cette hy-
pothèse et essayer de documenter le devenir des complexes
une fois parvenue à proximité de l’enveloppe nucléaire.
Translocation nucléaire du CPI
Une fois parvenu à proximité du noyau, l’ADN viral
contenu au sein du CPI doit traverser une enveloppe nu-
cléaire probablement intacte, même si la présence de Vpr
pourrait y induire des ruptures locales et transitoires [15].
Chez les organismes eucaryotes, les échanges nucléocyto-
plasmiques de macromolécules se font au travers de struc-
tures spécialisées décorant l’enveloppe nucléaire, appelés
complexes du pore nucléaire (CPN). Chez les vertébrés,
leur masse moléculaire est estimée à environ 125 MDa et ils
sont constitués d’environ 30 protéines appelées nucléopo-
rines, chacune présente en multiple de 8, conférant au pore
une symétrie octogonale [16]. Cette structure macromolé-
culaire traverse l’enveloppe nucléaire en définissant un
canal central aqueux d’environ 9 nm de diamètre, laissant
théoriquement diffuser les petites molécules dont la taille
n’excède pas 40 à 60 kDa. Cependant, le canal central peut
autoriser, par un mécanisme actif, le passage de macromo-
lécules et de complexes de tailles beaucoup plus élevées. Ce
transport actif met en jeu un signal de localisation nucléaire
(NLS pour nuclear localization signal) présent sur la sé-
quence primaire du cargo à transporter, et des facteurs
cellulaires, les karyophérines (ou importines), qui forment
une famille de protéines régulant les échanges nucléocyto-
plasmiques (figure 3) [17]. Les importines a(Impa) sont
des molécules adaptatrices capables de reconnaître les sé-
quences de localisation nucléaire présentes sur les protéi-
nes à destination du noyau ; les importines b(Impb) s’asso-
cient au complexe cargo-Impaformé et vont permettre son
transport à travers le CPN par des interactions successives
avec les motifs répétés phénylalanine-glycine (FG) pré-
sents dans la séquence de près de la moitié des nucléopori-
nes constituant le CPN. Une fois dans le noyau, la fixation
de la forme liée au GTP de la petite protéine G Ran
(RanGTP) à l’Impbpermet la dissociation du complexe
ternaire cargo-Impa-Impbet la libération du cargo. Le
complexe RanGTP-Impbest finalement exporté du noyau
vers le cytoplasme où il est dissocié par hydrolyse du GTP
en GDP grâce à la protéine Ran-GAP. Dissociée de l’Impb,
la forme RanGDP regagne rapidement le noyau ou son
GDP est échangé par un GTP grâce au facteur d’échange
RCC1 de localisation exclusivement nucléaire.
La taille du CPI du VIH1 étant relativement importante,
comprise entre 50 et 100 nm selon les auteurs, il est com-
munément admis que le virus exploite la machinerie
d’import nucléaire actif des macromolécules pour permet-
tre la translocation de son matériel génétique vers le com-
partiment nucléaire. Même si la composition exacte du CPI
capable de traverser le CPN n’est pas clairement établie,
l’intégrase, la protéine de matrice etVpr semblent associées
à l’ADN viral et sont donc susceptibles de participer à sa
translocation à travers l’enveloppe nucléaire. Bien que
l’objet d’intenses controverses, de nombreux travaux ont
rapporté l’identification de signaux d’import nucléaire dans
les séquences de ces trois protéines virales, mais ont égale-
ment révélé le rôle d’une structure originale de la molécule
d’ADN viral issue de la rétrotranscription, appelée DNA
flap central, dont l’intégrité semble nécessaire au ciblage
revue
Virologie, Vol. 10, n° 1, janvier-février 2006
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