d’éjection systolique accrû à chaque systole (myocardio-
pathie hyperkinétique). La surcharge peut à la longue
altérer la fonction systolique (myocardiopathie hypokiné-
tique) et/ou diastolique (anomalies de relaxation), avec
enfin apparition de signes d’insuffisance cardiaque gau-
che (dyspnée, œdème pulmonaire) [5].
La myocardiopathie ischémique
La drépanocytose est caractérisée par la survenue de
phénomènes d’ischémie tissulaire aigus, plutôt rares, ou
chroniques insidieux, quasi constants. Il est tout à fait
probable que le cœur ne soit pas épargné. Plusieurs études
anatomopathologiques confirment la présence de lésions
de fibrose et de nécrose myocardique [6, 7]. Ces cicatrices
myocardiques peuvent se compliquer de troubles du
rythme. L’absence de sténose des artères coronaires sug-
gère que c’est la microcirculation qui est oblitérée par les
hématies falciformées.
Le cœur pulmonaire chronique
Il n’a en règle pas de traduction clinique chez l’enfant
drépanocytaire. La prévalence de l’hypertension artérielle
pulmonaire, qui a été identifié comme un facteur prédictif
important de mortalité chez l’adulte drépanocytaire, reste
à déterminer chez l’enfant.
Les signes de l’atteinte cardiaque
Le retentissement cardiaque de l’anémie chronique est
en règle modeste chez l’enfant. Un souffle systolique est
très fréquent, éjectionnel ou lié à l’insuffisance mitrale
fonctionnelle. Les pouls périphériques sont le plus souvent
amples. Une cardiomégalie est possible. Des signes élec-
triques d’hypertrophie ventriculaire gauche restent plus
rares. L’échocardiographie permet de quantifier la dilata-
tion des cavités ventriculaires gauches, qui est habituelle-
ment constatée après l’âge de 2 ans [1]. Une étude a
retrouvé une corrélation entre le degré de dilatation ven-
triculaire et la sévérité de l’anémie d’une part et le pour-
centage d’hémoglobine S d’autre part [1].
L’ischémie myocardique est rarement suspectée chez
l’enfant drépanocytaire, où les douleurs thoraciques sont
plus volontiers rattachées à une ischémie costale. L’ECG
peut être difficile à interpréter, car on a rapporté des
anomalies du segment ST non spécifiques chez les drépa-
nocytaires [8]. En revanche, le holter sur 24 heures peut
montrer des troubles du rythme secondaires à l’ischémie,
qui sont le plus souvent ventriculaires et potentiellement
graves [2, 5]. L’observation par notre équipe de deux
complications graves chez des enfants drépanocytaires
(l’une ayant abouti à un décès chez une fillette de 8 ans
par insuffisance cardiaque liée à une ischémie myocardi-
que, l’autre chez un garçon de 8 ans ressuscité d’un
trouble du rythme syncopal secondaire à un infarctus du
myocarde), nous a amené à réfléchir à une stratégie d’ex-
ploration de la perfusion myocardique. Nous avons réalisé
une scintigraphie myocardique au thallium-201 chez 23
enfants drépanocytaires qui présentaient des douleurs
thoraciques ou avaient eu des signes d’insuffisance cardia-
que, ou qui avaient un ECG anormal, ou une importante
dilatation des cavités gauches, ou une myocardiopathie
hypokinétique. La scintigraphie était précédée par une
épreuve de stress (dipyridamole ou effort). L’âge moyen
des enfants était de 11 ans (extrêmes : 3-19 ans). Quatorze
enfants avaient une perfusion myocardique anormale,
avec des défauts réversibles chez 9, non réversibles chez 5
[3, 9]. Chez l’adulte, plusieurs études mentionnent la
survenue d’ischémie ou d’infarctus de myocarde chez des
patients drépanocytaires jeunes [6, 8, 10].
Traitement
Traitement symptomatique
de l’insuffisance cardiaque
Il n’a pas de spécificité particulière : diurétiques en cas
d’insuffisance cardiaque aiguë, inhibiteurs de l’enzyme de
conversion au long cours [5].
Traitement de l’ischémie myocardique
Nous avons pu comparer par scintigraphie au Tl-201 la
perfusion myocardique chez 3 enfants avant et après la
mise sous hydroxyurée, et constaté une amélioration de la
perfusion chez les 3. Compte tenu de la sévérité poten-
tielle d’une atteinte cardiaque, la constatation d’une hypo-
perfusion myocardique nous paraît donc une indication à
la mise sous hydroxyurée.
Conclusion
L’atteinte cardiaque est certainement sous-estimée
chez les patients drépanocytaires, car la cardiomégalie est
rattachée à l’anémie chronique et les douleurs thoraciques
aux crises costales. Nous avons observé chez nos patients
pédiatriques des complications graves, fatales dans un
cas. Nous nous alignons donc sur les recommandations de
la Haute Autorité de santé de pratiquer une fois par an une
échographie cardiaque à partir de l’âge de 6 ans, pour
mesurer la taille et la fonction du ventricule gauche, bien
sûr plus tôt en cas de symptômes. Un holter sera pratiqué
devant des palpitations, à la recherche de troubles du
rythme. Une tomoscintigraphie myocardique est utile en
cas de douleurs thoraciques, d’anomalies ECG ou écho-
graphiques.
Références
1. Lester LA, Sodt PC, Hutcheon N, Arcilla RA. Cardiac abnormali-
ties in children with sickle cell anemia. Chest 1990 ; 98 : 1169-74.
mt pédiatrie, vol. 11, n° 1, janvier-février 2008 53
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