B 34 - Place de la radiothérapie dans la prise en charge palliative

SYNTHÈSE
Médecine palliative
307
6 – Décembre 2003
Med Pal 2003; 2: 307-319
© Masson, Paris, 2003, Tous droits réservés
Place de la radiothérapie dans la prise en charge palliative
des patients cancéreux
Olivier Gallocher, Centre Henri Becquerel, Rouen.
Jean-Marc Bachaud, Departement de Radiothérapie, Institut Claudius Regaud, Toulouse.
Summary
Role of radiotherapy in palliative care of cancer patients
Radiotherapy plays an important role in palliative care of can-
cer patients. This type of radiation accounts for about 30 to
50% of all radiation delivered in a medical ward. The goal is
to improve the patient’s quality of life by providing rapid relief
of symptoms which depend on each specific localization. The
cause of the symptoms must be carefully identified (agreement
between radiological and clinical findings) in order to establish
the precise target for radiation. Radiation dose and fraction-
ation should be adapted to the patient’s general status and ex-
pected duration of life in order to limit the duration of treat-
ment and secondary effects.
Painful bone metastases (20% of palliative care radiation
protocols) can be irradiated in one or more sessions with the
same antalgesic effect but with different results for preven-
tion of fractures and cord compression. Cord compression is
a therapeutic emergency. The chances of recovering a motor
deficit after ratiotherapy depend mainly on the rate of instal-
lation and the degree of the deficit at the time of the treat-
ment. Patients with multiple brain metastases can be treated
with 20-30 Gy delivered in 5-10 fractions on the entire en-
cephalon. More aggressive and technically more complex
treatment (metastasectomy with postoperative radiation, ra-
diosurgery) can be reserved for selected patients. Radiother-
apy can also be effective for palliative care of patients with
thoracic or pelvic cancer.
Key-words:
radiotherapy, metastasis, palliation, quality of life.
Résumé
La radiothérapie joue un rôle majeur dans la prise en charge
palliative des patients cancéreux. Ce type d’irradiation repré-
sente globalement 30 à 50 % de l’activité d’un service. Le but
est d’améliorer la qualité de vie de ces patients en soulageant
rapidement les symptômes propres à chaque localisation. La
cause de la symptomatologie doit être clairement identifiée
(concordance radio-clinique) de façon à établir précisément la
cible de l’irradiation. La technique d’irradiation (dose et frac-
tionnement) doit être adaptée à l’état général du patient et à
son espérance de vie afin de limiter la durée du traitement et
les effets secondaires iatrogènes.
Les métastases osseuses douloureuses (20 % des irradiations
palliatives) peuvent être irradiées en une ou plusieurs séances
avec le même résultat antalgique mais des résultats différents
sur la prévention des fractures et des compressions médullai-
res. Les compressions médullaires sont des urgences thérapeu-
tiques. Les chances de la récupération du déficit moteur après
radiothérapie dépendent principalement de la vitesse d’instal-
lation et de l’importance du déficit au moment du traitement.
Les patients porteurs de métastases cérébrales multiples béné-
ficient d’une irradiation délivrant 20-30 Gy en 5-10 fractions
sur l’ensemble de l’encéphale. Des traitements plus agressifs et
techniquement plus complexes (métastasectomie avec irradia-
tion postopératoire, radiochirurgie) sont réservés à des patients
sélectionnés. La radiothérapie est également efficace dans la
prise en charge palliative des cancers thoraciques ou pelviens.
Mots clés :
radiothérapie, métastases, palliation, qualité de vie.
L’
irradiation joue un rôle majeur dans la prise en
charge palliative des patients présentant un cancer non
curable [1]. Globalement, les irradiations externes réali-
sées à des fins palliatives représentent 30 % à 50 % de
l’activité d’un service de radiothérapie, les métastases os-
seuses douloureuses représentant à elles seules environ
20 % de cette activité. Le but de ces traitements est de
soulager et de prévenir les symptômes, d’améliorer la
qualité de vie voire d’augmenter la survie dans certains
cas. Du fait de leurs effets potentiellement myélo-toxi-
Gallocher O. Place de la radiothérapie dans la prise en charge palliative des
patients cancéreux. Med Pal 2003; 2: 307-319.
Adresse pour la correspondance :
Olivier Gallocher, Centre Henri Becquerel, 1 rue d’Amiens, 76000 Rouen.
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cancéreux
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ques, ils doivent être pleinement intégrés dans la prise
en charge globale des patients, notamment pour ne pas
risquer de compromettre la réalisation d’une chimiothé-
rapie active. Par ailleurs, « le temps étant précieux quand
la vie est courte » [2], la durée totale de la radiothérapie
(ou étalement) doit être adaptée à l’état général du pa-
tient et au pronostic global de l’affection afin de limiter
au maximum les déplacements inutiles des patients dont
l’espérance de vie est brève. Globalement, un patient en
état désespéré ne bénéficie jamais d’une irradiation pal-
liative.
Rappel : le fractionnement de la dose
en radiothérapie
En radiothérapie, l’unité de dose est le gray (Gy), ex-
pression de la quantité d’énergie absorbée par les tissus
irradiés. En dehors des situations palliatives ou de certains
protocoles d’irradiation corporelle totale avant greffe de
moelle, les irradiations ne sont pas délivrées en dose uni-
que mais selon un fractionnement qui est classiquement
de 5 séances hebdomadaires de 1,8 à 2 Gy chacune. Ce
fractionnement de la dose majore l’effet de la radiothéra-
pie sur la tumeur tout en réduisant ses effets sur les tissus
sains.
En situation palliative, il est possible d’augmenter la
taille des fractions de façon à raccourcir la durée totale du
traitement (étalement) tout en obtenant plus rapidement
l’effet antalgique ou décompressif souhaité. Ceci est pos-
sible dans la mesure où les doses totales nécessaires sont
beaucoup plus faibles que lors des irradiations à visée cu-
rative. Ce dernier élément, associé à l’espérance de vie ré-
duite des patients, limite le risque de survenue des com-
plications tardives de la radiothérapie. Schématiquement,
on peut donc délivrer une irradiation avec un étalement
d’autant plus court que :
l’espérance de vie du patient est brève ;
le volume-cible ne contient pas de tissus sains à ris-
que de complications aiguës (intestin grêle, cerveau…) ;
la dose totale délivrée est faible ;
la taille des champs est réduite.
Métastases osseuses
Les lésions avec risque fracturaire doivent bénéficier
d’un traitement chirurgical premier. Les irradiations des
métastases osseuses représentent 20 % de l’activité d’un
service de radiothérapie. Les doses fractionnées ou les do-
ses uniques sont comparables en terme de réponse antal-
gique objective.
Radiothérapie externe
Généralités
50 % des patients porteurs d’un cancer du sein, du
poumon ou de la prostate développeront des métastases
osseuses à un moment ou à un autre de l’évolution de
leur maladie. A l’inverse, 80 % des métastases osseuses
proviennent d’un cancer du sein, du poumon ou de la
prostate. Les autres cancers plus rarement en cause sont
ceux du rein, de la thyroïde et de la vessie. Sauf exception
(cancers du rein notamment), les métastases osseuses sont
en règle multiples.
Le traitement des métastases osseuses comprend deux
volets :
le traitement général de la maladie cancéreuse (chi-
miothérapie, hormonothérapie) ou de ses conséquences
osseuses (biphosphonates) ;
le traitement local des métastases osseuses (chirur-
gie, radiothérapie).
La radiothérapie est un traitement palliatif ayant pour
but d’améliorer la qualité de vie des patients. En effet, elle
est potentiellement en mesure de faire régresser les lésions
tumorales développées dans les os et les parties molles
adjacentes et par-là même d’obtenir un effet antalgique,
de prolonger l’état ambulatoire et de réduire le risque de
fracture et de compression médullaire.
Plusieurs conditions doivent être remplies avant de dé-
buter une radiothérapie de métastases osseuses :
1. Établir que la lésion osseuse identifiée est bien une
métastase. Dans la majorité des cas, le diagnostic est évi-
dent. Cependant, il est des cas difficiles notamment lors-
que la métastase est unique et qu’elle survient plus de
2 ans après le primo-traitement de la tumeur primitive. Il
est alors indispensable de confirmer la nature métastati-
que de la lésion par une biopsie ou une ponction à
l’aiguille fine.
2. S’assurer qu’il n’y a pas d’indication d’ostéosyn-
thèse préalable à l’irradiation. La consolidation osseuse
nécessitant plusieurs mois pour être effective, il est pré-
férable de faire appel à une chirurgie première lorsque les
risques fracturaires sont élevés. Divers critères sont utili-
sés pour évaluer en pratique le risque fracturaire.
3. Intégrer la radiothérapie dans le plan thérapeutique
général de la maladie cancéreuse. La préservation du ca-
pital médullaire est différente selon qu’il s’agit d’un myé-
lome multiple pour lequel une chimiothérapie myélotoxi-
que ultérieure est envisagée ou pour un carcinome
prostatique pour lequel une hormonothérapie androgéno-
suppressive va constituer l’essentiel du traitement systé-
mique.
4. Rechercher d’autres métastases osseuses (scintigra-
phie osseuse) peu ou pas symptomatiques mais qu’il est
éventuellement souhaitable d’irradier dans le même temps
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car potentiellement fracturaires dans un délai relative-
ment bref (métastases lytiques des os longs ou du cotyle
par exemple).
Les mécanismes par lesquels la radiothérapie permet
d’obtenir un effet antalgique sont mal connus. En effet,
il n’y a pas de corrélation nette entre l’effet antalgique
obtenu d’une part et la radiosensibilité de la tumeur ou
la dose délivrée d’autre part. Lorsque l’effet antalgique est
rapide, survenant dans les premiers jours suivant l’irra-
diation, on peut invoquer une réduction ou un arrêt de la
sécrétion de médiateurs chimiques de la douleur. Les effet
antalgiques obtenus plus tardivement, dans les semaines
suivant l’irradiation, sont plutôt en faveur d’une réduction
du volume tumoral voire d’une recalcification osseuse
pour les effets très tardifs.
L’espérance de vie moyenne des patients porteurs de
métastases osseuses a été évaluée à 29,3 mois pour les
cancers prostatiques, 22,6 mois pour les cancers du sein
et 3,3 mois pour les cancers broncho-pulmonaires. Cepen-
dant, certains sous-groupes de patients ont un meilleur
pronostic. C’est notamment le cas des patients porteurs de
métastases exclusivement osseuses secondaires à un car-
cinome mammaire (45 % de survie à 5 ans avec une sur-
vie moyenne de 52 mois) ou à un carcinome prostatique
hormono-sensible (survie 43 mois). Les principaux critères
corrélés à l’espérance de vie sont les suivants :
nombre de sites métastatiques ;
durée de l’intervalle libre entre le primo-traitement
du cancer primitif et l’émergence des métastases ;
état général du patient reflété par l’évaluation de
l’indice de performance (échelle de l’OMS ou de Karnofsky
(KPS)) ;
sensibilité attendue de la maladie néoplasique à un
traitement systémique.
Résultats
Globalement, la radiothérapie des métastases osseuses
permet d’obtenir un effet antalgique dans 70 à 80 % des
cas. Cet effet antalgique est :
complet dans 30 à 60 % des cas selon les séries ;
retardé par rapport au début du traitement ; on peut
estimer que 50 % à 60 % des patients sont calmés en 2
semaines environ et 20 % en 1 mois ou plus.
durable lorsqu’il est complet (supérieur à 1 an chez
70 % des patients totalement calmés) ;
influencé par la nature de la tumeur primitive : l’effet
antalgique est plus fréquemment obtenu, plus complet et
plus durable lorsqu’il s’agit de localisations d’un myélome
multiple ou de métastases d’un cancer du sein ou de la
prostate que lorsqu’il s’agit de métastases d’un cancer
thyroïdien, bronchique ou rénal ;
non influencé par le site anatomique de la métas-
tase osseuse.
L’obtention d’un effet antalgique (surtout s’il est com-
plet et durable) après irradiation d’une première métastase
osseuse constitue un critère d’efficacité lors de l’irradia-
tion d’une autre localisation métastatique osseuse. Par
contre, l’effet antalgique est différé par rapport au début
de l’irradiation et le traitement allopathique antalgique
doit être maintenu les premières séances.
Indications : choix de la dose et du fractionnement
En 1998, l’American College of Radiology a recom-
mandé l’utilisation de 3 schémas thérapeutiques : 20 Gy
en 5 fractions, 30 Gy en 10 fractions ou 35 Gy en 14 frac-
tions [3]. Il suggère de davantage tenir compte de l’espé-
rance de vie des patients en privilégiant les traitements
courts pour les patients dont l’espérance de vie est brève.
Même Nielsen, qui défend pourtant le principe des irra-
diations en dose unique, réserve ce type de traitement aux
patients non sélectionnés [4]. Les irradiations en dose uni-
que des métastases osseuses sont indiquées lorsque l’ob-
jectif est d’obtenir un effet antalgique rapide. C’est en effet
un traitement efficace des métastases osseuses douloureu-
ses, particulièrement simple et peu contraignant pour le
patient, enfin facilement réalisable pour les services de
radiothérapie et peu coûteux. Les doses habituellement
délivrées vont de 6 à 10 Gy selon la taille des champs et
les organes à risque contenus dans le volume-cible. C‘est
le traitement de choix des métastases des os non porteurs,
des métastases peu lytiques des os porteurs et des métas-
tases osseuses survenant chez les patients ayant une es-
pérance de vie très réduite.
Les irradiations en dose fractionnée sont à privilégier
chez les patients ayant une espérance de vie relativement
longue lorsque l’objectif est d’obtenir, en plus de l’effet
antalgique, soit une décompression tumorale (infiltration
du canal médullaire, des muscles para-vertébraux, d’un
trou de conjugaison…) soit une reconstruction osseuse
(métastase lytique des os porteurs). Les irradiations réali-
sées après chirurgie de consolidation osseuse sont égale-
ment réalisées en mode fractionné. Les protocoles les plus
employés délivrent 30 Gy/10 fractions ou 20 Gy/5 frac-
tions. Les ostéoses métastatiques diffuses en échec de trai-
tement systémique constituent de bonnes indications d’ir-
radiation hémi-corporelle lorsque l’hémogramme du
patient le permet. Ces irradiations sont le plus souvent
réalisées en dose unique (6 Gy sur l’hémi-corps supérieur,
8 Gy sur l’hémi-corps inférieur).
Arcangeli [5] a publié une analyse de la relation dose-
réponse en matière de radiothérapie antalgique des mé-
tastases osseuses. Dans cette étude, les doses élevées sem-
blaient augmenter les taux de réponses mais la méthodo-
logie employée était discutable. Il s’agissait en effet d’une
étude rétrospective réalisée dans une seule institution,
avec un biais important dû au fait que les doses élevées
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ont été délivrées aux patients ayant un bon pronostic.
Ben-Josef [6] a également trouvé une relation dose-ré-
ponse au terme d’une étude compilative de 5 essais ran-
domisés publiés.
L’efficacité antalgique à court terme de la radiothéra-
pie des métastase osseuses est établie mais il persiste des
divergences sur le niveau de dose à délivrer et sur le frac-
tionnement à utiliser. Les études de phase III déjà réalisées
n’ont pas montré de supériorité d’un schéma thérapeuti-
que par rapport aux autres[7-10]. De ce fait, il existe en
pratique une grande diversité des protocoles utilisés. Les
plus courants délivrent 8 Gy en 1 fraction, 20 Gy en 5
fractions ou 30 Gy en 10 fractions, le choix dépendant
en pratique de critères variés tels que les habitudes de
l’institution, les convictions du praticien responsable, la
charge de travail des unités de traitement et les moyen
financiers du service. Les essais qui ont été publiés ont
soit concerné des patients ayant une espérance de vie
brève, de l’ordre de 3 à 4 mois, soit n’ont pas pris en
compte l’espérance de vie des patients dans les critères
d’inclusion. La plupart des études effectuées sur la radio-
thérapie des métastases osseuses ont porté sur l’effet an-
talgique obtenu pendant les 3 mois suivant le traitement.
Au total, la quasi totalité de ces essais a confirmé
qu’une fraction unique de 6 à 10 Gy offrait à court terme
un taux de réponses cliniques similaire à celui obtenu par
des irradiations fractionnées. En revanche, il ressort de ces
études que les résultats à long terme
de la radiothérapie en dose unique ne
sont pas établis puisqu’il n’y a pas de
données fiables disponibles. Les es-
sais randomisés ont également mon-
tré que les ré-irradiations étaient plus
fréquentes chez les patients primo-
traités par une dose unique, mais ils
n’ont pas étudié précisément les mo-
tifs de ces ré-irradiations. Il peut en
effet s’agir de récidives plus précoces ou plus intenses du
syndrome algique après irradiation en dose unique. Il est
également possible, comme l’a suggéré Steenland[11], que
le primo-traitement par une fraction unique ait condi-
tionné un taux plus élevé de ré-irradiations précoces et ce
de façon indépendante de l’intensité de la douleur. Les ré-
sultats publiés sont en faveur d’une réduction du nombre
de fractures pathologiques après irradiation fractionnée
par rapport aux irradiations en dose unique.
Après irradiation, il a été démontré que les cellules
tumorales étaient remplacées par du tissu fibreux se cal-
cifiant progressivement. Une métastase lytique irradiée se-
rait en mesure de se combler par ostéogenèse directe sans
phase chondrogénique préalable, alors qu’une fracture pa-
thologique nécessiterait de passer par une phase de chon-
drogenèse pour pouvoir se consolider. La chondrogenèse
serait donc sensible à la radiothérapie, à la différence de
l’ostéogenèse. Pour cette raison, la radiothérapie réduirait
la consolidation des fractures pathologiques alors qu’elle
serait sans effet sur la guérison des lésions lytiques non
fracturées. Radiologiquement il existe des signes de remi-
néralisation des métastases osseuses lytiques après radio-
thérapie dans 65 à 85 % des cas. Le bénéfice essentiel est
obtenu après radiothérapie précoce des lésions lytiques
vertébrales, pelviennes ou d’autres os supportant le poids
du corps.
Aucune réduction du nombre de compression médul-
laire n’a par contre été mise en évidence.
Irradiation hémi-corporelle
Ces irradiations ont été principalement employées dans
le traitement antalgique des localisations osseuses multi-
ples de myélome, cancer mammaire et prostatique. Ce trai-
tement est indiqué lorsque ces cancers sont en échec de
traitement systémique et que le patient conserve un hémo-
gramme satisfaisant (les éléments granuleux doivent être
supérieurs à 1 800/mm
3
et les plaquettes à 100 000/mm
3
).
Les irradiations osseuses préalables ne constituent pas une
contre-indication.
Les volumes irradiés sont en règle générale :
pour l’hémi-corps supérieur, étendu depuis l’angle
de la mâchoire jusqu’à l’ombilic : une dose unique de
6 Gy ou une irradiation fractionnée de 12-24 Gy/4-8
fractions ;
pour l’hémi-corps inférieur, étendu depuis l’ombilic
jusqu’aux genoux : une dose unique de 8 Gy ou une ir-
radiation fractionnée de 15-30 Gy/5-10 fractions.
L’hémi-corps « moyen », étendu depuis le rachis cer-
vical jusqu’au tiers supérieur des fémurs, est plus rarement
irradié car le risque d’hypoplasie médullaire est élevé.
Les résultats antalgiques publiés sont satisfaisants.
Ainsi, on obtient 77 % de réponses dont 21 % de réponses
complètes. L’effet antalgique est obtenu rapidement, en
48 heures chez 50 % des patients répondeurs et en 1 se-
maine chez 80 % d’entre eux, parfois après une brève pé-
riode d’exacerbation du syndrome algique due à l’œdème
radio-induit.
La tolérance immédiate à ces irradiations est globale-
ment très bonne. Les effets secondaires aigus sont surtout
le fait des irradiations hémi-corporelles supérieures. Elles
peuvent entraîner des nausées et vomissements, fièvre et
hypotension et conduisent fréquemment à proposer la
mise en place d’une voie veineuse (alcalinisation), une
prémédication par atropine, anti-émétique et corticoïdes,
ou encore une mise en observation médicale pendant
quelques heures avec surveillance tensionnelle.
La tolérance immédiate des irradiations hémi-corpo-
relles inférieures est excellente. Elles peuvent être réalisées
à titre ambulatoire et ne nécessitent aucune précaution
Les ré-irradiations étaient
plus fréquentes chez
les patients primo-traités
par une dose unique.
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particulière. Toutefois, quelques jours plus tard peuvent
survenir des diarrhées.
Les complications tardives sont rares. Quelques pneu-
mopathies radiques ont été rapportées. En fait, seule une
surveillance de l’hémogramme est nécessaire. L’irradiation
de l’autre hémi-corps ou une reprise de la chimiothérapie
peut être réalisée 3 à 4 semaines plus tard si l’hémo-
gramme le permet.
Radiothérapie métabolique
Bien que sortant théoriquement du cadre de cette re-
vue, l’irradiation métabolique est également un traitement
antalgique efficace des métastases osseuses. Les irradia-
tions métaboliques par Strontium® ou Quadramet® cons-
tituent une bonne alternative à la radiothérapie externe
en cas de métastases douloureuses multiples, surtout si
elles sont ostéocondensantes et que le patient est encore
en bon état général. Le chlorure de strontium 89 (Metas-
tron®, émetteur
β
pur) est indiqué pour les métastases de
cancer prostatique tandis que le Samarium 153-EDTMP
(Quadramet®, émetteur
β
et
γ
) est indiqué pour toute tu-
meur métastatique osseuse.
La radiothérapie métabolique s’avère efficace dans la
prise en charge de métastases osseuses douloureuses pros-
tatiques, avec 60 à 65 % d’effet antalgique et une réduc-
tion de prise d’antalgiques ainsi que du développement de
nouveaux sites douloureux.
La durée moyenne de réponse est de 6 mois (Sr
89
), 4,5
mois (Sm
153
).
L’effet est d’autant plus net et prolongé que l’atteinte
osseuse est modérée.
Ce traitement présente une faible toxicité hématologi-
que (lignée granuleuse et plaquettes). Il peut cependant
apparaître une discrète et transitoire aggravation des dou-
leurs (10 à 20 %).
Le délai d’apparition est variable : long pour le Métas-
tron® (jusqu’à 1 mois), plus rapide pour le Strontium®
(1 semaine).
La radiothérapie métabolique peut être renouvelée
dans un délai minimal de 12 semaines.
Compression médullaire
Les compressions médullaires sont des urgences thé-
rapeutiques et le degré de la récupération du déficit mo-
teur dépend principalement de la vitesse d’installation du
déficit et de la précocité de prise en charge thérapeutique.
Les compressions médullaires métastatiques représen-
tent une urgence thérapeutique. Les douleurs rachidiennes
précédent la symptomatologie neurologique dans plus de
90 % des cas.
Les métastases intra-médullaires sont exceptionnelles
(1 % des cas). La quasi-totalité des compressions médul-
laires métastatiques (99 %) correspond à un envahisse-
ment tumoral de l’espace épidural par 3 mécanismes :
dissémination hématogène osseuse responsable d’un
envahissement épidural de contiguïté (85 % des cas) ;
envahissement des espaces para-vertébraux, no-
tamment à partir des ganglions lymphatiques, gagnant
ensuite l’espace épidural après invasion du tissu osseux
ou par infiltration du trou de conjugaison (10 à 15 % des
cas) ;
dissémination hématogène se localisant directement
dans les vaisseaux de l’espace épidural (1 à 5 % des cas).
Les métastases osseuses atteignant beaucoup plus fré-
quemment le corps vertébral que le pédicule ou les lames,
c’est la partie antérieure de l’espace épidural qui est le
plus souvent envahie. Ces épidurites antérieures sont en
règle génrale associées à une destruction plus ou moins
étendue du corps vertébral en regard. La compression di-
recte de la moelle par le tissu tumoral s’accompagne de
perturbations hémodynamiques pouvant à tout moment
entraîner une ischémie aiguë irréversible.
L’abord chirurgical postérieur limite considérablement
les possibilités d’exérèse de ces lésions antérieures et font
courir le risque d’une aggravation neurologique peropé-
ratoire par lésion des éléments vasculaires postérieurs
alors que les vaisseaux antérieurs sont déjà déficients du
fait de la tumeur. La chirurgie est ré-
servée aux patients présentant un
doute diagnostic, une instabilité ra-
chidienne, une lésion compressive
évidente et extirpable ou une com-
pression dans un territoire déjà irra-
dié. Traditionnellement, il s’agit
d’une laminectomie postérieure per-
mettant une décompression du canal rachidien ou plus
rarement d’une stabilisation postérieure (voire une recons-
truction vertébrale postérieure). Les taux de mortalité et
de morbidité sont de 3 à 14 % et 5 à 30 % [12, 13]. Une
irradiation postopératoire est recommandée à la dose de
20-30 Gy/5-10 fractions [14].
Une étude prospective [15] portant sur 209 patients
atteints principalement de localisations d’origine mam-
maire, broncho-pulmonaire, prostatique et myélomateuse
et traités par radiothérapie externe associée à une corti-
cothérapie, a mis en valeur l’importance de la précocité
de la prise en charge sur les chances de récupération de
la marche. La récupération de la marche comme les his-
tologies favorables (sein, prostate, myélome, lymphome)
modifiaient aussi la survie (respectivement 9 mois
versus
1 mois et 10 mois
versus
1 mois).
La récupération fonctionnelle est significativement in-
fluencée par la lenteur d’apparition des signes déficitaires.
La tolérance immédiate
à ces irradiations est
globalement très bonne.
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