Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 112: 10/2002
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel le plus important à envisager est celui
d’un kyste anévrismal des os – hormis les kystes d’origine den-
taire, notamment le kyste radiculo-dentaire. Ce d’autant plus
dans les cas dans lesquels un nombre important de cellules
géantes a été mis en évidence, ce qui peut entraîner, le cas
échéant, une confusion des deux types de pseudokystes. En
outre, il convient de prendre en considération la possibilité d’un
granulome central à cellules géantes, de même que celle d’un
granulome réparateur à cellules géantes. Il convient toutefois de
noter qu’en cas de kyste essentiel des os, on n’observe que dans
des cas exceptionnels des dislocations ou des luxations des dents
du voisinage (JUNDT et coll. 1997). En revanche, le kyste essentiel
(ou solitaire) des os peut présenter des caractéristiques ressem-
blant à celles d’un granulome éosinophile des os (une variété de
l’histiocytose X) ou d’autres types de lésions fibro-osseuses
(DÜCKER 1992). De découverte souvent fortuite lors d’un examen
radiologique de routine, les lésions ostéolytiques des maxillaires
représentent parfois une réelle difficulté diagnostique pour le cli-
nicien. En effet, la symptomatologie discrète, le polymorphisme
radiologique des images radioclaires kystiques, pseudo-kystiques
et tumorales permettent un diagnostic différentiel assez large.
Or, la pose d’un diagnostic différentiel de certitude – notamment
par rapport à d’autres types de néoplasies – n’est pas possible en
l’absence d’une exploration chirurgicale, de préférence suivie
d’un examen histologique (JEND-ROSSMANN 1985). Toutefois, la
prise en considération de l’âge du patient est sans doute un élé-
ment utile pour le diagnostic différentiel. Force est toutefois de
constater qu’en cas de découverte d’une telle image radio-trans-
parente chez un patient dans la deuxième décennie de la vie,pré-
sentant par ailleurs des arcades dentaires saines (ou assainies), et
en l’absence de symptomatologie subjective et de sémiologie cli-
nique pertinente, le premier diagnostic présomptif à évoquer de-
vra être celui d’un kyste essentiel (ou solitaire) des os.
Modalités thérapeutiques
En général, la trépanation chirurgicale est le traitement de choix.
La simple ouverture du pseudokyste (dans le sens d’une kystoto-
mie) est suffisante, du fait que le caillot sanguin qui se forme par
la suite à l’intérieur de la cavité entraîne une ossification et par
conséquent la guérison (NEUKAM & BECKER 2000; REICHART et coll.
1999). Dans certains cas spécifiques, il est possible d’envisager de
remplir la géode kystique par un matériau le comblement appro-
prié (fig. 3 à 5) ou par du sang autologue concentré (PRECIOUS &
MCFADDEN 1984). Dans les cas de kystes essentiels des os longs
des membres, la technique de l’injection d’une solution à base de
cortisone dans la cavité a fait ses preuves: c’est en particulier chez
les patients jeunes que cette méthode a permis de constater une
réossification rapide et spontanée (JUNDT et coll. 1997). D’autres
auteurs ont rapporté des cas de rémissions spontanées de kystes
essentiels des os chez des patients âgés de moins de 20 ans; dans
ces cas, après guérison de la zone affectée l’os présentait alors un
aspect quelque peu plus dense que celui du voisinage (SAPP &
STARK 1990; POGREL 1987; COWAN 1980). En l’absence de sympto-
matologie franche et chez les patients relativement jeunes, il est
dès lors parfaitement possible, le cas échéant, d’attendre une
éventuelle guérison dans le sens d’une rémission spontanée.
Pronostic
Le pronostic des kystes essentiels des os est excellent; on peut
s’attendre à une régénération osseuse complète après ouvertu-
re chirurgicale de la lésion (FISCHER-BRANDIES & DIELERT 1985). Il
est toutefois conseillé de procéder à des contrôles de suivi, tant
radiologiques que cliniques, y compris des tests de vitalité sur
une période d’au moins cinq ans (ABBOTT 1999; FREEDMAN &
BEIGLEMAN 1985)
Kyste anévrismal des os
Définition
Le kyste anévrismal des os correspond à une lésion bénigne et
bien délimitée du tissu osseux (ostéolyse), constituée d’une géo-
de ou cavité remplie de sang dont les contours sont fibreux. Selon
la localisation et le volume du kyste, la lésion peut être située non
seulement à l’intérieur, mais également à l’extérieur de l’os. La
croissance est similaire à celle des tumeurs bénignes. Le kyste
anévrismal des os forme des lacunes caverneuses remplies de tis-
su fibreux creusé d’espaces remplis de sang, ainsi que des cellules
géantes et de l’ostéoïde (ADLER & RIEDE 1995; MITTERMAYER 1993).
Ce type de lésion est également connu dans la littérature sous les
termes d’aneurysmal bone cyst,d’anévrisme sous-périosté des os,
d’anévrisme bénin des os et de kyste hémorragique des os.
Epidémiologie
Les kystes essentiels des os sont observés dans la grande majo-
rité des cas chez des patients jeunes âgés de moins de 30 ans
(NEUKAM & BECKER 2000; REICHART et coll. 1999; ADLER & RIEDE
1995). Les hommes et les femmes sont affectés dans des pro-
portions égales (HORCH 1995; GRUSKIN & DAHLIN 1968). Les
principales localisations sont les métaphyses des os longs des
membres. Parfois, une telle lésion se rencontre sur une vertèbre
ou un os plat. Ce n’est que dans 1 à 3% des cas qu’un kyste ané-
vrismal des os survient dans la région du squelette de la face;
parmi ces derniers, la plupart sont localisés dans la région des
molaires du maxillaire inférieur (GORLIN 1970).
Pathogenèse
Ni l’étiologie ni la pathogenèse du kyste anévrismal des os ne
sont connues de façon précise (HORCH 1995). Parmi les hypo-
thèses discutées, on trouve celle d’un trouble local de la circula-
tion sanguine avec une augmentation de la pression veineuse,
entraînant un élargissement du diamètre vasculaire, ou alors
une malformation vasculaire congénitale ou acquise – similaire
à l’anévrisme proprement dit – dont résulterait une ostéolyse
subséquente (MITTERMAYER 1993). Etant donné que le sang à
l’intérieur de la cavité kystique ne forme pas de caillots, on sup-
pose que le sang peut librement circuler à travers les espaces
creusés dans le tissu fibreux remplissant la lésion.Toutefois, cet-
te microcirculation est très faible, de sorte qu’elle ne provoque
pas de phénomènes acoustiques décelables, à l’instar de ceux
que l’on peut parfois ausculter en cas d’hémangiomes intra-os-
seux (SAPP et coll. 1997). De même, lors de l’ouverture chirurgi-
cale du kyste anévrismal des os, il n’est pas possible d’aspirer du
sang artériel, contrairement au cas des hémangiomes intra-os-
seux vrais (MOTAMEDI & YAZDI 1994).
Sémiologie clinique
Contrairement au kyste essentiel des os, le kyste anévrismal des
os se manifeste par une symptomatologie franche, qui s’accom-
pagne d’une tuméfaction et de douleurs (NEUKAM & BECKER
2000; JUNDT et coll. 1997). En cas de kystes volumineux, la com-
pression des tissus adjacents peut entraîner des versions, des
dislocations ou des luxations des dents du voisinage. Leur vita-
lité reste cependant en général conservée. De même, jusqu’à
présent aucun cas de troubles de la sensibilité dans le territoire