Nous croyons toujours ce que nous voyons, il n’y a pas d’autre réalité que celle que nous voyons.
Aussi étrange et mystérieuse soit-elle, la réalité reste la réalité, et pour en comprendre les
contours, interpréter ses signaux et vivre au plus près d’elle, nous ne pouvons nous empêcher
d’élaborer des scénarios, de créer des histoires qui donneront un sens au monde.
Les premiers hommes ont très vite interprété les manifestations du vent, du soleil, de la mer
comme des messages des Dieux adressés aux pauvres mortels. Et même si nous ne croyons plus
aux Dieux du vent, de l’enfer, ne disons-nous pas après une journée spécialement chargée en
mauvaises nouvelles : « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter ça?!?!... ».
Des histoires pour donner du sens, pour être en adéquation avec les imprévus, les malaises, les
événements incontrôlables…
Ce que nous dit Lionel Naccache c’est que nous créons de la fiction à tout moment. Le monde tel
que nous le voyons et tel que nous le comprenons, n’existe que parce que nous l’interprétons.
« J’interprète donc je suis » écrit-il.
Pour expliquer sa théorie il s’appuie sur des exemples très concrets de patients souffrant de
pathologies.
Avec Songs for my brain, il ne s’agira pas de reconstituer au théâtre une série d’expériences
spectaculaires menées sur des personnes atteintes de troubles neurologiques. Si ces histoires sont
racontées c’est parce qu’elles mettent en évidence le travail de fiction qu’effectue à tous
moments notre cerveau qui ne supporte rien moins que le trouble, le malaise et les incertitudes…
Ces histoires nous serviront donc de point de départ pour un voyage sensoriel et linguistique…
Alors,
Comment donner au spectateur la sensation que son corps ne lui appartient plus ?
Comment rendre visible par tous ce que vivent ces patients héminégligents ? Comment faire
disparaître la moitié de l’univers sur un plateau de théâtre ?
Comment faire pour que les histoires racontées sur scène puissent être interprétées de façon
différente par chaque spectateur ?
Nous voudrions que le travail de création se fasse en étroite collaboration avec Lionel Naccache.
Nous envisageons de le suivre dans ses expériences menées sur des patients. Nous servirons nous-
mêmes de sujets d’expérimentation, car l’idée de Songs for my brain est de tester sur les acteurs,
puis sur les spectateurs, ces expériences. Nous aimerions que le spectateur se retrouve aussi dans
la position du cobaye et qu’il ressente, comme les acteurs, des troubles de la cognition.