Xavier Pavie
La méditation philosophique
Une initiation aux exercices spirituels
© Groupe Eyrolles, 2010
ISBN : 978-2-212-54691-0
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© Groupe Eyrolles
Introduction
La méditation philosophique,
pour quoi faire ?
« S’exercer à aimer la sagesse », c’est le titre que nous
aurions pu choisir en lieu et place de La Méditation philo-
sophique. Le terme « méditation » prend en effet sa source
dans le terme melête, qui notamment signifie « s’exercer ».
Le terme « philosophie », quant à lui, vient de philoso-
phia, « amour de la sagesse ». Ambitieux programme, que
de s’exercer à aimer la sagesse ! Et d’emblée, on mesure
les difficultés et les doutes d’une possible mise en œuvre.
Pourtant, à travers le travail philosophique, chacun
d’entre nous a cette possibilité, cette opportunité de viser
la sagesse. Tout individu doté de raison peut être « philo-
sophe » dès lors qu’il le souhaite. Si cette proposition
paraît aujourd’hui un peu désuète ou provocatrice, voire
gratuite, il faut la mettre en perspective avec la philoso-
phie antique.
Celle-ci est avant tout une manière de vivre, d’être, de se
comporter. Quelle que soit l’école à laquelle les individus
vont appartenir – stoïcienne, épicurienne, cynique, par
La méditation philosophique
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exemple –, tous vont pratiquer la philosophie dans l’ob-
jectif d’atteindre une certaine sagesse.
Cette sagesse s’acquiert notamment par la pratique des
exercices spirituels ainsi que l’a souligné Pierre Hadot1.
Les exercices spirituels sur lesquels nous nous attarde-
rons sont la mise en œuvre de pratiques, de techniques
dont le but est d’effectuer une transformation profonde
du moi. Parmi ces exercices spirituels, la méditation
recouvre une place considérable ; plus radicalement, il
n’y a pas d’exercices spirituels sans méditation.
Il est important de préciser que la méditation philoso-
phique est étrangère au sens actuel commun de la médi-
tation, avec ses accents religieux en général, bouddhistes
en particulier. L’enjeu de la méditation bouddhiste est de
penser avec intensité à un élément, une image, comme
l’eau, une vague, un nuage, etc., sans en approfondir le
sens. Cette méditation se veut source de bien-être, dans
un souci de vivre mieux, d’être en harmonie avec soi.
Si la méditation philosophique vise également un vivre
1. Dans son article « Exercices spirituels et philosophiques », paru la
première fois en 1977, puis repris dans la revue Études augustiniennes
en 1981. Il a été ensuite publié dans l’ouvrage de Pierre Hadot,
Exercices spirituels et philosophie antique, Albin Michel, 2002, p. 19-
74.
La méditation philosophique, pour quoi faire ?
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mieux, elle en diffère toutefois fortement des médita-
tions religieuses, tant sur la forme que sur le fond.
Nous verrons que la melête, c’est aussi l’exercice d’appro-
priation d’une pensée. Il s’agit de se plonger dans une
pensée, celle de la mort par exemple, de se persuader de
son existence, de croire cette pensée aussi réelle que pos-
sible. Il faudra donc la répéter sans cesse pour en toucher
le sens, pour en être véritablement habité. La melête est
donc un moment d’exercice, d’entraînement, de répéti-
tion. Méditer la mort sera ainsi se mettre soi-même dans
la situation de mourir, de n’avoir que quelques jours à
vivre. En conséquence de quoi, nous ne redouterons pas
ce moment, au contraire nous nous l’approprierons.
Cet ouvrage n’est nullement un guide des méditations
ou de la méditation. Il ne s’agira pas de parcourir les
multiples méditations existant à travers les différentes
traditions. L’enjeu est au contraire de s’arrêter spécifi-
quent sur la méditation philosophique, d’observer et de
comprendre les méditations qui ont pu être pratiquées
par les philosophes. L’objet est de chercher à se deman-
der en quoi celles-ci peuvent aujourd’hui nous être uti-
les. Pour ce faire, nous déterminerons, dans un premier
temps, le cadre dans lequel s’inscrit la méditation philo-
sophique, et ce en faisant un arrêt sur les exercices spiri-
tuels des Anciens. Ces derniers, à travers leurs
écoles,
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ont constitué dans l’Antiquité des principes à suivre pour
mieux vivre. Ces principes – notamment issus des stoï-
ciens, épicuriens, cyniques – insistent sur ce qui dépend de
nous, montrent que le bonheur est facile à atteindre, qu’il
faut se défaire des traditions, etc. Ces dogmes antiques
nous permettront de mieux comprendre ce que représente
la méditation dans le sens d’une préparation, d’une « pré-
méditation » des maux. Pour les philosophes grecs, médi-
ter a en effet pour finalité de « se préparer » tant à la mort,
aux maux qu’aux obstacles de la vie. C’est cette prémédi-
tation que nous analyserons dans un deuxième temps.
Enfin, dans un troisième temps, nous regarderons quelles
sont les formes, les techniques et les méthodes que la
méditation philosophique recouvre. Nous nous arrêterons
sur la connaissance et la conscience de soi ; comment faire
le bilan de soi et anticiper son attitude. Cette partie s’inté-
ressera également au « comment » méditer ; nous porte-
rons ainsi notre regard sur les techniques utilisées par les
philosophes, comme l’écriture, la lecture, mais aussi la
promenade méditative ou encore comment écouter et faire
silence en soi.
Avant de commencer, quelques mises en garde s’imposent.
Répétons que cet essai n’apporte pas de solution miracle
pour mieux vivre, il ne s’agit pas d’un livre de « recettes du
mieux vivre ». Après sa lecture, tout reste à faire pour
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