Hormones sexuelles et neurologie

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Éditorial
Hormones sexuelles et neurologie
L
e neurologue praticien connaît
depuis longtemps les variations cliniques des maladies neurologiques
avec le statut hormonal sexuel. La
grossesse ralentit la migraine et la
sclérose en plaques, mais il y a un rebond
après l’accouchement ; la migraine peut
être cataméniale et changeante au cours de
la ménopause ; la maladie d’Alzheimer
pourrait être favorisée par des taux d’estrogènes abaissés.
En revanche, l’utilisation d’hormones
sexuelles en neurologie, qu’elles soient
naturelles ou non, reste d’interprétation
difficile. La contraception orale semble un
facteur de risque d’accident vasculaire
cérébral quand elle est associée à d’autres
facteurs de prédisposition ; elle peut améliorer ou aggraver la migraine ; elle n’a
pas d’effet évident sur l’évolution de la
sclérose en plaques. Le traitement substitutif de la ménopause ne protège pas de
l’accident vasculaire cérébral et protège de
façon incertaine contre la maladie
d’Alzheimer.
Ces variations d’effets cliniques expriment
la complexité des hormones sexuelles,
aussi bien sur leur mode d’action que sur
la diversité de leurs organes cibles. Au sein
du système nerveux central, les hormones
sexuelles ont montré des propriétés
immunoactives, de modulation des systèmes activateur/inhibiteur, trophiques, sur
la mort neuronale, et même des capacités
de neurotransmission. De nombreux types
* Thibault Moreau est professeur de
neurologie au CHU de Dijon, dans l’unité
de neurologie fonctionnelle. Il a été l’un
des artisans de l’étude PRIMS concernant
l’impact de la grossesse au cours de la SEP.
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 4, mai 2003
cellulaires du système nerveux central sont
porteurs de récepteurs aux hormones
sexuelles – qui sont eux-mêmes de plusieurs types – et leur interaction avec une
hormone peut entraîner des messages très
variés participant à la complexité du système. De plus, l’action des hormones
sexuelles dans le système nerveux central
change selon “l’histoire naturelle du statut
hormonal de l’individu”. Leur sécrétion,
leur répartition sont variables selon l’âge
de la patiente et l’état du cerveau : le rôle
de ces hormones est différent sur un cerveau lésé par rapport à un système nerveux
central indemne.
Le “réseau neuro-immuno-endocrinien”
joue un rôle essentiel sur le plan du développement, de l’évolution, de la protection,
voire de la réparation du système nerveux
central. L’utilisation à visée thérapeutique
des hormones sexuelles a déjà débuté, mais
elle est confrontée à la complexité de ce
réseau. Des travaux scientifiques en cours
devront répondre à ce challenge : “Donner
la bonne hormone, au bon moment, au bon
patient sans risque pour d’autres organes
cibles en particulier de la sphère gynécologique.”
Éditorial
T. Moreau*
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